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STATISTIQUE
MONUMENTALE
DU CALVADOS.
STATISTIQUE
MONUMENTALE
DU CALVADOS;
PAR M. DE CAUMONT,
CORRESPONDANT DE L'iNSTITUT,
MBBcTEUB DE i/lNSTlTL'T DES PROVINCES ET DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
d'auCHÉOLOGIEPOUR LA CONSERVATION DES MOMJMENTS.
4YRAUK Qll A OMBMI DB 1/ ACADEMIE DES fflSCWPÏÏÛMS ET BELLES-LETTRES UNE MÉDAtLLE D'OR
ET UN RAPPEL LE MÉDAILLE,
•~ <>— o-
TOME V.
ARRONDISSEMENT DE IJSIEU V
CAEN ,
Chez F, LE BLANC-NAKDEL, imprimeur-libraire, rue froide, 2.
I DEHACHE, LIBRAIRE, RUE MONTMARTRE, 48 ;
PARIS,' DIDHOM, libraire, rue St-Dominique-St-Germain, 23;
( DENTU, libraire, Palais-Royal.
1867.
2>c
te
'CH7C3
AVERTISSEMENT,
Le Ve et dernier volume de la Statistique mo-
numentale du Calvados sera exclusivement con-
sacré à l'arrondissement de Lisieux.
Les monuments qu'il renferme offrent les ca-
ractères généraux que nous avons déjà signalés
dans l'arrondissement de Pont-1'Évêque. Effec-
tivement , les matériaux sont les mêmes dans la
plus grande partie de ces deux arrondissements,
les constructeurs et les charpentiers y obéissaient
aux mêmes principes. Quelques communes seule-
ment ( cantons de St-Pierre et de Mézidon ) ,
voisines de la plaine qui fournit de belles pierres
de taille , ont élevé des édiûces qui procèdent
plus particulièrement de l'école de Caen et de
Falaise: l'église d'Ouville-la-Bien-Tournée, près
St-Pierre-sur-Dive, et celle de Stc-Marie-aux-An-
glais doivent être citées en tête de ces dernières.
Dans ce volume, comme dans le précédent,
MM. Ch. Vasseur et Pannier, qui avaient exploré
VI AVERTISSEMENT.
leur contrée depuis moi et avec plus d'attention
que je l'avais fait il y a trente ans, ont bien
voulu concourir largement à la rédaction ; et
M. le vicomte Louis de Neuville , qui avait étudié
avec un soin particulier l'histoire des familles
et des fiefs du canton de Livarot, m'a confié
des notes très-précieuses dont j'ai amplement
usé. Dans les cantons de St-Pierre-sur-Dive et
de Mézidon , M. le docteur Pépin a relevé des
inscriptions , décrit et dessiné plusieurs églises ;
il a mis avec une grande obligeance ses croquis
à ma disposition : toutefois , les figures de ce
volume ont été faites presque toutes par M. Bouet.
La vue géuérale de la cathédrale de Lisieux est de
M. E. Sagot, membre de l'Institut des provinces.
Je prie mes honorables confrères de recevoir
mes remercîments sincères pour leur bienveillant
et très-utile concours.
DE CAD M ONT.
STATISTIQUE
MONUMENTALE
DU CALVADOS.
ARRONDISSEMENT DE LISIEUX
CANTON DE LISIEUX (lre. SECTION).
L'arrondissement de Lisieux, placé dans les mêmes condi-
tions géologiques que celui de Pont-1'Évêque et soumis à la
même juridiction épiscopale , nous offrira des types à peu
près semblables à ceux que nous venons d'observer.
Il y a 22 communes dans le premier canton de Lisieux ,
savoir :
Beuvillers.
Les Vaux.
Bouttemont.
Marolles.
Cirfontaines.
Mesnil-Guillaume.
Courtonne-Ia-Meurdrac.
Moyaux.
Fauguernon.
Ouillie-du-Houlley.
Firfol.
Ouillie-le- Vicomte.
Fumichon.
Rocques.
Glos.
St. -Hippolyte-de-Canleloup
Hermival.
St.-Léger-d'Ouillie.
L'Hôtellerie.
St. -Pierre-de-Ganteloup.
Le Pin.
Villers-sur-Glos.
La ville de Lisieux appartient aux deux cantons.
2 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
OUILLIE-LE-VICOMTE (1).
Ouillie-le-Vicomte, Ouilleya , ecclesia de Mesnillo-Vice-
comitis.
Les Romains ont laissé des traces de leur passage sur le
territoire de cette paroisse. On y voit encore , sur la rive
gauche de la Touque , un camp retranché dont il est fait
mention en ces termes dans le Cours d'antiquités :
« Camp du Mont- Héler y, sur la Touque.— Le petit camp
d'Ouillie, sur le bord de la Touque, à une lieue de Lisieux ,
est construit d'après le même système que ceux de Castillon
et d'Escures , près Bayeux. C'est une pointe escarpée , en-
tourée de vallons de deux côtés et défendue , du côté des
terres , par un fossé et un retranchement assez élevé. On do-
mine de là sur toute la vallée jusqu'à Pont-1'Évêque , et l'on
ne peut douter que ce poste n'ait été établi pour surveiller
cette fertile contrée , qui devait être exposée aux incursions
des pirates. » ( Cours d'antiquités monumentales , t. II, p.
323.)
Église. — On ne peut donc pas s'étonner de trouver à
Ouillie une des églises les plus anciennes de tout l'arrondisse-
ment de Lisieux. En préciser la date est difficile : elle pré-
sente cependant des caractères que l'on retrouve aux églises
de Savenières, près Angers, de Grenoux, près Laval, de St.-
Alarlin d'Angers, que l'on regarde comme des VIIe., VIIIe.
ou IXe. siècles ; elle offre aussi de grands rapports avec celle
de Vieux-Pont-en-Auge , que l'on reporte à ces siècles re-
culés.
Cette église est située dans la vallée, sur les bords d'un
ruisseau , non loin de la rivière de Touque. Elle fut assise
(!) Notes de M. Ch. Vasseur.
CANTON DE LISIEUX , lre. SECTION. 3
sur l'ancien chemin de Pont-l'Évêque, que l'on a quelques
raisons de regarder comme étant d'origine romaine , et dont
le chemin de fer a usurpé l'emplacement dans un grand
nombre d'endroits.
Le plan fait voir sa disposition et ses proportions : la nef
mesure 51 pieds sur 28 dans œu-
vre; le chœur, y compris l'arc
triomphal, 25 pieds sur 18. Ce-
pendant , si l'on distrait de ce der-
nier l'arc triomphal et le grand
bandeau ou arc de décharge qui
l'accompagne , on trouvera que
la travée du chœur forme un' carré
presque parfait. Il est bon de faire
cette remarque , car il en est ainsi
dans toutes les églises romanes ré-
putées les plus anciennes.
Le mur du nord de la nef est
reconstruit à neuf. Il avait perdu
son aplomb par suite de la destruc-
tion des poutres de la charpente
apparente. C'est le résultat auquel
il faut toujours s'attendre en pareil
cas ; nous en trouverons bien d'au-
tres exemples. Cette destruction est fort à la mode parmi les
curés, malgré ses conséquences déplorables. Le portail, le
mur du midi et le chœur tout entier ont conservé leur appa-
reil primitif : c'est un blocage irrégulier ; cependant on re-
trouve, dans la disposition des moellons, des réminiscences
du petit appareil cubique des Humains ; quelques parties sont
disposées en arêtes de poisson; mais ce qu'il y a de bien ca-
ractéristique , ce sont les nombreuses briques longues que
l'on trouve dans tout cet appareil. Au portail et au mur la-
Il STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
léral de la nef, leur emploi n'est pas régulier; mais, au
chœur , c'est par lignes horizontales qu'elles sont disposées,
comme dans les monuments romains (Voir la page suivante).
Si l'on \eut supposer , contre l'antiquité de l'église , que ce
sont des briques arrachées à quelque ruine du voisinage ,
il faut convenir néanmoins qu'à cette époque les ouvriers
n'avaient point encore perdu les notions de construction in-
troduites par les conquérants de la Gaule et que l'on voit
continuées dans les grands monuments carlovingiens. Toutes
les ouvertures sont modernes, excepté une petite fenêtre
pratiquée dans le contrefort central du chevet, qui date de
la construction primitive. La démolition de la sacristie, qui
obstruait cette partie , a permis à M. Bouet d'en faire un
dessin qui montre aussi le système bien caractérisé de la
construction (Voir la page suivante).
Comme indice de haute antiquité, on peut faire remar-
quer aussi le peu d'inclinaison des toits. On suit encore sur
les pignons les traces de ses triangles obtus. C'est une dispo-
sition évidemment originaire du Midi, qui serait une cause
de destruction des édifices dans nos pays dont les pluies et
les neiges abondantes requièrent des toitures plus rapides.
Aussi celles-ci ont-elles été exhaussées par la suite , vers le
XVIe. siècle, je crois.
Un porche considérable , de forme irrégulière , protège
la porte d'entrée , pratiquée dans le pignon occidental au
XVIe. siècle seulement. Auparavant elle s'ouvrait à l'extré-
mité du mur du sud : on distingue encore dans la ma-
çonnerie une partie des claveaux. Le porche est encore en
partie pavé de carreaux éinaillés.
Les fonts baptismaux , cuve octogone en pierre , datent du
XVe. siècle; ils viennent d'être restaurés au moyen d'une
subvention de la Société française d'archéologie.
Deux piscines sont pratiquées dans les murs : l'une date
CANTON DE LISIEUX, 1". SLCTION.
mmmm
6 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
du XIVe. siècle, l'autre du XVIe. Les trois autels datent de
la fin du dernier siècle; ils sont fort convenables , sans avoir
rien d'artistique dans leur exécution. En signalant deux sta-
tues d'évêques, qui remontent au moyen-âge, un saint Lubin
et un saint Firmin, on en a fini avec le mobilier (1).
Une arcade romane à plein-cintre fait communiquer le
chœur avec la nef. Il serait bien intéressant de constater si
ses claveaux sont formés de briques comme celles qui entrent
dans la construction à l'extérieur ; mais l'enduit qui la re-
couvre empêche de faire cette constatation. Derrière se
trouve un second arc , plus large et plus élevé , dont on ne
s'explique pas tout d'abord la raison d'être : il est probable
qu'il servait d'appui au porte-cloche qui a dû surmonter le
gable. Le clocher , en charpente , se trouve encore présente-
ment posé sur ce point, sans doute en souvenir de cette dis-
position primitive; car il ne me paraît dater que du XVIIe.
siècle. Cette arcade contribue aussi à donner un plan carré
au chœur , qui est couvert par une voûte d'arête en maçon-
nerie. Celte voûte fait partie de la construction originaire.
C'est le seul exemple que l'on puisse citer dans l'arrondis-
sement.
L'église d'Ouillie faisait partie du doyenné ou chrétienté de
Lisieux. Le patronage en appartenait au chanoine prébende
de La Pluvière (de Pclveria). Elle est sous l'invocation de
Notre-Dame; c'est l'Assomption qui est sa fêle patronale.
Il y a une confrérie de charité , d'institution ancienne ,
dans cette paroisse ; elle possède une croix d'argent massif,
d'un travail remarquable , qui date du XVIe. siècle. Son or-
nementation accuse la Renaissance avancée. Sur le revers, on
(1) Depuis la rédaction de ces notes, M. le curé d'Ouillie a enrichi
son église d'un beau tombeau d'autel à statuettes, de la Renaissance, et
du curieux lutrin dont nous avons parlé à L'article de Coqxjainvilliers
(t. IV, p. 455).
CANTON DE LISIEUX, lre. SECTION. 7
lit un nom : R. fovqves, et la date 1500. Le nom est celui
de l'orfèvre auteur du travail. La famille Fouques était
connue à Lisieux dès cette époque , et , depuis , elle a tou-
jours exercé ce même art jusqu'à présent. Quant à la date,
elle est erronée: il faut lire 1560 ou autre combinaison ana-
logue, le style de la croix en fait foi.
Le beffroi porte deux cloches antérieures à la Révolution,
Yoici leurs inscriptions :
f BENITE EN LHONNEVR DE LA SAINTE VIERGE AVE REG1MA ANGtLORVM
BENITE PAR MAISTRE OLLIVIER IVMEL P;"v.
fâZ^T* CVRE DE LA DITE PAHROISSE ROBERT MARTINT TRESORIER 1729.
A SIMO.\>OT N. BAKET ET A. DE L\ PAIX MONT FAITE.
f 1653 MSrc ALEXANDRE DE PA1SANT CHLr SGr ET PATRON DE CE LIEV
MA FAICT FAIRE
$-=5^ FILIPB DE MIRE EGr Sr DES FORES ET FLORENSSE DE BERNARD DAME
DE BOVTEMONT MONT
S^f^ NOMMÉE
IEAN AVBKRT
MA FAICTK.
Sur la panse est un blason chargé d'un sautoir.
Cette cloche vient de l'église de Boultemont, dont le terri-
toire a été réuni à Ouillie par ordonnance du 22 septembre
1824.
Faits historiques. — La paroisse d'Ouillie paraît tirer son
surnom de Robert Le Vicomte, qui était en réalité vicomte de
Lisieux en 1178, et qui paraît être la souche de la famille Le
Vicomte de Blangy. Toujours est-il que les Le Vicomte la
possédèrent jusqu'à la fin du XVe. siècle. Eu l/i69, Jacques
de Rupierre, premier du nom, était tenant des fiefs d'Ouillcr-
le-Viconte , Courtonnc , Mardilli , etc. Il avait épousé Je-
hanne Grcnte, fille de Jehan Grentc et de Guillemetle Le
Vicomte. C'est ainsi , je pense , qu'Ouillic entra dans la
8 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
maison de Rupierre. Elle y resta pendant quatre générations,
jusqu'au commencement du XVIIe. siècle. Gabriel de Ru-
pierre étant mort en 1567, ne laissant qu'une fille, sa
femme , Marguerite de Berreau , se remaria à Julien Le Fo-
restier, qui se qualifia de seigneur de St. -Lambert et d'Ouillie.
Quelques années plus tard, la famille de Bence était en
possession de cette terre ; mais je n'ai pu trouver comment
se fit la transmission de propriété.
La terre seigneuriale d'Ouillie ne devait point être consi-
dérable , car le territoire de la paroisse était couvert de do-
maines ecclésiastiques. L'abbaye de St. -Désir, la Maison-
Dieu et les Lépreux y reçurent une donation de Raoul Le
Carpenlier en 1217. Il y avait trois prébendes du Chapitre
de Lisieux : la Pluvière, à qui appartenait le patronage, le
Val-au-Vigneur, le Pré.
Je n'ai pu retrouver avec certitude la situation d'aucun
de ces domaines , et l'on ne connaît aucun manoir ou con-
structions anciennes, si ce n'est un édifice assez singulier
construit sur le bord de l'ancien chemin d'Honfleur, entre la
ville et l'église. L'extérieur ne présente aucune ouverture
ancienne ; c'est un long mur construit en échiquier de
pierres et de briques, jusqu'à l'étage supérieur qui est en
bois. A l'intérieur, c'est-à-dire du côté du jardin , il se com-
pose, comme le fait voir le dessin ( Voir la page suivante),
de deux pavillons reliés ensemble par une, galerie ouverte.
Celte galerie comprend onze travées, soutenues par des piliers
de bois taillés en forme de colonnes ioniques. Les pa-
villons sont en moellon au rez-de-chaussée , puis en bois
avec tuiles formant dessins dans l'entrecolombage. Sur l'une
des lucarnes , comme à la pointe du grand comble , sont
des épis de terre émaillée polychromes ; l'un d'eux se com-
pose d'un vase de fruits surmonté d'une colombe ; l'autre
représente des guirlandes et des bouquets de fleurs et de
CANTON DE L1SIEUX , 1". SECTION.
10 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
fruits entremêlés de croissants. Sans attacher une trop
grande importance à la présence de ces croissants , il est
bon de remarquer cependant que celte construction paraît
dater du règne d'Henri II ou d'une époque voisine. On
ne lui connaît point de nom.
Des titres de 1595 parlent d'une chapelle de St.-Gatien
située à Ouillie. Elle existe encore , mais sa construction ne
date que de la fin du XVIIIe. siècle. Elle est placée sur la
rive gauche de la Touque , au haut des coteaux du Mesnil-
Asselin.
BOUTTEMONT (1).
Bouttemont, Botemont, Bouitemont.
L'église et le château de Bouttemont s'élevaient sur la rive
droite de la rivière de Touque , au pied du coteau sinueux
qui circonscrit la vallée. L'église a disparu; on retrouve à
peine quelques restes de son mobilier épars dans les églises
voisines. C'était d'ailleurs une construction fort peu impor-
tante, car les pouillés du diocèse ne la mentionnent que
comme chapelle ; et , si elle eut légalement le titre de pa-
roisse, ce ne fut que vers le XVIIIe. siècle. Le patronage
était laïque et appartenait au seigneur du lieu. L'église était
sous la double invocation de Notre-Dame et de saint Lubin ;
elle dépendait du doyenné de Touques : c'était , de tout ce
doyenné , la plus rapprochée de Lisieux.
Comme circonscription civile, Bouttemont n'a pas non plus
une grande antiquité. Aux XVe. et XVIe. siècles, c'était une
annexe de la paroisse de Norolles; c'est encore au XVIIIe.
siècle seulement qu'elle figure comme paroisse, dépendant
de la sergenterie de JMoyaux , élection de Lisieux. On y
comptait 1U feux. Elle a perdu de nouveau cette prérogative,
(1) Noies de M. Ch. Vasseur.
CANTON DE LISIEUX , l,e. SECTION. 11
seulement c'est Ouillic et non Norolles qui s'est accru de
son territoire. Les Rôles de l'Échiquier de Normandie nous
ont conservé les noms de Hugo de Botemont en 1180 , Wil-
lelmus de Botemont en 1195. Un sire de Boutemonl avait
suivi le duc Robert II en Terre-Sainte. Jean de Botemont est
inscrit dans le Livre rouge de Henri II, comme possédant
trois quarts de fief (Je haubert à Lisieux (Joannes de Bote-
mont , 3 part. m. in Lexov.J. Suivant le catalogue des sei-
gneurs normands , publié par Dumoulin , Jean de Boute-
mont portait de noir à trois tourteaux d'argent (sic).
Les Olim du Parlement de Paris relatent, à la date de
1258, le résultat d'une enquête relative au rapt d'une Ma-
helnie de Boutemont; mais je ne sais si celle dame était bien
de la famille qui nous occupe.
Château. — Le château subsiste encore , du moins dans
sa plus grande partie. Des fossés, qu'alimentaient autrefois
les eaux d'un petit ruisseau , forment une enceinte à peu
près carrée. Les bâtiments étaient distribués de manière à
laisser une cour intérieure. Ceux qui garnissaient le côté
voisin de la vallée ont disparu. L'entrée regarde le nord.
C'est un gros pavillon dont la base est construite en pierre de
taille; l'élage supérieur est en briques avec chaînes de pierre
( Voir la page suivante ). Un pont de maçonnerie, jeté sur le
fossé, conduit à la porte cintrée, qu'accompagne une petite
poterne fort étroile. Ce pont a remplacé un pont-levis, et
l'on voit encore dans les murs les Irois enrayures destinées
au passage des chaînes. Une fenêtre assez large , entourée
d'un encadrement de pierre mouluré , occupe le centre du
pavillon; au-dessous, une grande pierre portait un blason
totalement bûché. Le toit rapide, qui surmonte une cor-
niche à mâchicoulis, est couvert de tuiles arrondies ver-
nissées, rouges et noires ; une lucarne en pierre , ouverte en
forme d'oculus , éclaire l'intérieur du comble.
12 STATISTJOUIi MOiNUMEJNTALli DU CALVADOS.
ENTREE DU CUATEAL DE BOUTTEMONT.
CANTON DE LTSItUX, l,e. SECTION. 13
A droite cl 5 gauche s'étendent des bâtiments moins élevés,
construits simplement en blocage sans ouvertures. Les angles
sont occupés par deux tourelles cylindriques à toit conique.
La partie orientale, qui fait face au coteau, n'offre aucun
vestige d'ornementation. Elle était longée autrefois par l'an-
cien chemin de Lisieux à Honfleur. La partie supérieure est
en bois. Toutes les fenêtres ont été refaites à la moderne ,
sauf une fort petite, qui a pu conserver ses plombs disposés
en imbrications , présentant ce qu'en blason on appelle le
papelonné. Derrière, s'ajuste
un petit volet sculpté, de la
Renaissance, qui mériterait un
dessin. Toutes ces construc-
tions datent du XVIr. siècle.
Ce sont les bâtiments du
midi qui, à l'extérieur, offrent
le plus d'intérêt. Ils paraissent
plus anciens que les autres:
peut-être pourraient-ils re-
monter jusqu'au XVe. siècle.
Ils sont construits tout en
pierre de grand appareil et
font saillie sur le plan général.
Trois larges corbeaux suspen-
dent, au milieu de leur hau-
teur, des constructions sup-
plémentaires servant de ca-
binets d'aisance. Ces pièces
ont leur entrée dans la grande
salle du château. Les seules
fenêtres ouvertes dans ce
corps-de-logis regardent la vallée. Leurs appuis sont garnis
de moulures prismatiques, et comme elles sont larges et
\U STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
élevées, il est vraisemblable que des meneaux de pierre les
divisaient en croix. Il n'en reste point de traces (Voir la
page suivante).
Les constructions qui complétaient ce côté du parallélo-
gramme ont disparu , comme celles qui regardaient la vallée.
Il en reste la petite tourelle d'angle , circulaire comme les
deux premières et maintenant lout-à-fait isolée.
Les façades de la cour intérieure ont beaucoup plus souffert
de la diversité des modes introduites par la succession des
siècles. La brique y domine , et le style accuse le règne de
Louis XIV et de Louis XV. Seul, le pavillon d'entrée a
conservé intact son aspect primitif. Sa partie haute est en
bois : les principales pièces sont sculptées de larges feuillages
ou de pilastres d'ordre classique , conformément au goût de
l'époque.
On retrouve, au centre de la cour, le puits, d'un diamètre
considérable , avec son armature en fer. Sa margelle ronde
est formée d'une seule pierre creusée au centre.
Outre les anciens seigneurs du nom de Boutlemont , qui
vivaient aux XIIe. et XIIIe. siècles, j'ai trouvé deux familles
qui se sont succédé l'une a l'autre dans la possession de ce fief :
la première vivait dans le XVIe. et le XVIIe. siècle; l'autre
apparaît à la fin du XVIIIe. Philippe Paysant, sieur de Bout -
temont , fut anobli par le roi, en octobre 1522, moyennant
500* par lui payées. C'est un de ses descendants, dont le nom
figure sur la cloche qui a émigré dans le clocher d'Ouillie-
le-Vicomte. Il avait épousé damoiselle Florence de Bernard.
La Recherche de 1666 inscrit, sous l'article de la paroisse
St.-Lubin-de-Bouttemont : Jean et Alexandre de Paisant ,
sieurs de Baudrouet ; Louis de Paisant, sieur de Si. -Martin
et Lenfrand de Paisant, sieur deBoutemont, tous anciens
nobles, fils de Alexandre de Paisant , dont le nom est sur la
cloche.
CANTON DE IJSILUX , lre. SECTION.
15
16 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Suivant Chevillard, la famille de Paisant portait d'azur au
sautoir d'or.
En 1751 , dans la déclaration de son bénéfice, suivant un
registre des Archives du Calvados, le curé de St.-Lubin-de-
Bouttemont, Me. Anthoine Le Petit, reconnaît qu'il a pour
patronne Mme. Françoise-Gabrielle d'Abos , épouse de David
Guéroult, écuyer, sieur de Villers et de Bouttemont, et l'Ar-
moriai manuscrit de d'Hozier donne le nom de dame Ca-
therine Le Maire, veuve de Henri-Siméon Guéroult, sieur de
Bouttemont , qui portait d'azur au chevron d'argent chargé
de trois glands de sinople.
ROCQUES (1).
Rocques , ecclesia de Roquiis.
L'église de Rocques est située dans un vallon sauvage , au
milieu de collines boisées. Deux chapelles en transept don-
nent à son plan la forme d'une croix. Les parties les plus
anciennes remontent au XIIP. siècle; ce sont les murs en
blocage du chœur , tant au nord qu'au midi , les murs de la
nef, seulement du côté du nord , et la tour carrée qui forme
avant-corps à l'occident. Cette tour est fort massive et peu
élevée ; elle est couronnée par un clocher en ardoise qui date
du XVIe. siècle. Les autres parties, comme toutes les ouver-
tures, datent aussi de ce dernier siècle. Cependant on peut
les diviser en deux catégories : le style gothique et la Renais-
sance. A la première appartiennent les deux grandes et belles
fenêtres flamboyantes qui éclairent les pignons du transept.
Toutes les autres fenêtres sont cintrées , avec moulures en
forme de doucine , et rentrent dans la seconde période ,
la Renaissance , excepté les ouvertures du chœur que leur
(1) Notes de M. Ch. Vasseur.
CANTON DU USliîUX, lre. SKCTION, 17
forme et leur laideur font bien reconnaître pour mo-
dernes (1).
Deux porches juxta-posés d'une manière singulière, comme
le font voir le plan ci joint et le dessin , p. 18, précèdent
PLAN DF. L EGLISE DE ROQUES.
la porte d'entrée. Celte position s'explique difficilement. Le
premier, qui est le moins orné, a dû occuper primitivement
la porte du cimetière. L'autre, qui adhère à la construction,
a ses principales pièces sculptées de délicates torsades , d'im-
{i) Ces fenêtres étaient primitivement carrées, avec linteau en bois;
M. le Curé a cherché à les rendre moins laides en leur donnant une
forme arrondie. Ce travail esl tout récent.
2
18 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
" I ! Il
,• «W^P'
POr.CMES A L ÉGLISE HE r,OQl!ES.
CANTON DE LISIEUX , lre. SECTION. 19
brications avec rageurs ou engoulements aux extrémités.
Les deux pieds-droits portaient des écussons , dont un
montre encore une bande avec une crosse posée en pal der-
rière l'écu. On reconnaît par là les armoiries du cardinal Le
Veneur, qui portait d'argent à la bande d'azur chargée
de trois croisettes d'or. Le cardinal Le Veneur occupa le
siège de Lisieux entre les années 1505 et 1543. Combinant
ce blason avec l'énorme salamandre qui se détache du
poinçon au milieu du gable , on ne trouve plus que 28 ans
de latitude pour fixer la date de la construction de ce
porche. On sait que la Salamandre est l'emblème adopté
par François Ier., qui commença à régner en 1515.
L'inventaire de l'intérieur est rapidement fait : deux autels
du XVIIIe. siècle dans les chapelles ; un misérable rétable sans
intérêt , au fond du chœur : voilà l'ameublement. Ce dernier
rétable n'a été posé qu'en septembre 1854. Celui dont il
a pris la place, sans être une œuvre d'art, datait du règne
de Louis XIII. Le centre était occupé par un tableau , dont
le cadre était orné , aux angles, de légers rinceaux dorés,
dus certainement à une main habile. Au bas on lisait : ce
TABLEAU A ESTÉ FAICT FAIRE DES DESPENS DE LA CHARITÉ
de céans. 1639. Ce tableau a été relégué dans un coin
obscur. La première marche de l'autel était formée de
fragments d'une pierre tumulaire, où l'on voyait deux grands
écussons accolés sous une couronne de comte et entourés
d'une cordelière et d'un ruban rappelant le cordon de la
Jarretière. Le premier est chargé de trois croissants , posés
2 et 1 ; le second , d'une croix cantonnée de quatre étoiles
ou molettes (V. la page suivante). A qui attribuer ces ar-
moiries? On ne connaît point de résidence seigneuriale sur
le territoire de la paroisse, dont le domaine temporel, acquis
en 1267 par Févêque Foulques d'Astin , est toujours resté
depuis dans la mense épiscopale. Cette pierre , d'après l.i
'20 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
forme des écussons, (laie du XVIIe. ou du XVIIIe. siècle. Je
serais porté à croire que ce fragment vient d'une autre église.
Dans le mur sud du chœur est pratiquée une piscine ogi-
vale assez grossière, garnie d'un tore. Elle a deux cuvettes,
dont l'une est polylobée: je la crois du XIIIe. siècle.
La voûte du chœur est plâtrée ; celle du transept septen-
trional est ogivale, à lambris; le sous-faîte est garni d'une
série de rosaces.
On a conservé dans le mur méridional de la nef une pierre
sur laquelle est gravée la fondation suivante :
(Cy) DF.L'ANT r.EPOSK LE CORPS DE VKMÉfl(a/>/e et)
DISCKETTi P..RSONE Bi*. MARIN Po(///n. pbl'e)
(eu'fé) m: ciste paroisse lequel a {fondé)
CANTON DE LISIEIX , lrc. SECTION. 21
(à per)PÉTDITÉ AU TRÉSOR DE CETTE ÉGLISE 14 MESSES
C'EST ASÇAVOIR LE JOUR DE SO DÉCÈS 15 JUIN ..
(le jou)r s. marin h septembre et les 12 autres les
...NIÉS VEDIS DE CHAQUE MOIS A LA FIN DESQLS
(on) DIRA LE LIDEIU DEPFUDIS ET LES ORAISOS INCLIA
(Deus, venijE et fideliu sir sa sépulture, item
LE JOUR DE PETECOSTE LES LITANIES DE N.- DAME ET AU
RETOUR UN DEPFUDIS SUR SA SÉPULTURE AUEC LES
ORAP-OS SUSDZ EN SUITE D3 QCOY O DISTRIBUERA CIQ
SOLS AUX PAUURES QUI DIROT PATER ET AUE. ITE
LE Sr CURÉ RECOVIEDERA LAME DU FUDATEUR
AUX PRIERES DU PEUPLE TOUS LES DIMAC.HES
APRES LEAU BEMTTE. ITE LE JOUR S. OUE ON
CHAT IRA APRES LES VESPRES LA SEQUECE DU JOUR
ALA COMORS ETC. LE VEUS ET VORAISO DEPFUDIS
ET LES ORAOS CÏDZ JOUXTE LE COTRAT PASSÉ
DEIAT LES TABELLIOS ROYAUX DE LISIEUX LE
à AOUST 166/l.
PRIEZ DIEU POUR SON AME.
Ilocques possède encore une confrérie de charité qui fut
érigée en 1503. Cette Société a conservé, malgré le torrent
des révolutions, un petit trésor qui ne manque pas d'intérêt.
11 consiste en une paix d'argent massif dans le style de la Re-
naissance, en dix-huit méreaux ou jetons d'assistance , aussi
en argent ; en douze torchères ou porte-cierges en bois
sculpté datant de la fin du règne de Louis XIII, dont l'exé-
cution ne laisse rien à désirer et dont la composition est
vraiment artistique , comme le fait voir le dessin ci-joint,
qui dispense de toute description (V. la page suivante). Enfin
nous signalons aux généalogistes un registre volumineux
appartenant à la même Charité ; c'est le registre d'inscription
des confrères, entre les années 1616 et 1758. On y voit
figurer la plupart des ecclésiastiques de la ville épiscopale ,
beaucoup de curés des paroisses environnantes et une foule
de gentilshommes.
22 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Toutes ces richesses indiquent assez
l'importance qu'avait cette Charité : aussi
n'y a-t-il point à s'étonner de la voir en
possession d'un blason en bonne forme
qu'elle conserve religieusement sur les
chaperons des frères servants , où j'en
ai pris un calque (Voir la page sui-
vante ).
Dans le mobilier de sacristie il faut
citer une chasuble qui ne remonte pas,
dans son ensemble, au-delà du règne
de Louis XIV , mais dans la confection
de laquelle on a fait entrer une bande
de broderie, du moyen-âge, représentant
deux évêques dans le costume antique.
La cloche est du XVIII". siècle. En
voici l'inscription :
, Mgr JACQVES MARIE DE CAF.ITAT DE CONDORCETj
EVEQVE ET COMTE DE LISIEVX. IAV ETE BENIE
PAR Me
/jjjKS^ F. HEBERT BACHELIER EN LVNIVERSITÉ
de cean (de Caen ) cvre n. dame et de st
LEONARD DE HONFLEVR ET ANCIEN
/0£J?=>CVRE DE CE LIEV ET Me JEAN REBVT CVRE
DE ROCQVES ET Me JEAN BVNEL VICAIRE DE CE
LIEV ET NOMMÉE
0^§?^ST OVEN PAR Mr PIERRE LOVIS DE NEVVILLE
NEGOTIANT A LISIEVX ET DAMOISELLE IEANNE
RICQVIER FILLE
fâ7^> DE M' JACQVES RICQVIER MARCHAND A
LISIEVX. FRANÇOIS LAMY TRESORIER.
I DES MOVSSEAVX AGEE DE 88 ANS DF.SPVTTEE A
VV FONDRE CETTE CLOCHE. A LAVILLETTE DE
USIEVX MA FAITE EN 17G7. F, LAVILLETTE.
CANTON DE LiSIEUX , 1". SECTION. 23
' f
CHAPERON D^S FRERES SERVANTS , A ROQUES.
On a déjà vu que l'église de Rocques est sous l'invocation
de saint Ouen ; c'était au prébende de La Pluyère qu'apparte-
nait le patronage , cependant c'était le titre d'une prébende
du Chapitre.
Je ne connais point de fief sur le territoire de celte pa-
roisse, bien que quelques gentilshommes y aient fait leur ré-
sidence. On trouve, en 15^0 , Jean de Gonslimesnil , de la
maison de Goustimesnil, au pays de Caux ;
En 1616, damoiselle Marguerite Ainfray ;
En 1623, noble dame Françoise de La Vigne, dame de
FI eu ri mont ;
2U STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
En 1687, Gaspard Le Petit, sieur de Campront, et maistre
Jean Le Petit.
FAUGUERXOX (1).
Fauguernon, Faguellon, Fauguernone.
Cette église est sous l'invocation de saint Regnobert, évoque,
de Baveux. Quand on se rappelle les circonstances de la
translation des reliques de ce saint prélat , dont on a lu le
récit à l'article Morolles, quand on considère le peu de dis-
tance qui sépare les deux
centres de population , on
est tenté de considérer celle-
ci comme le lieu même où
elles furent déposées ; ce-
pendant aucune partie de
la construction actuelle ne
peut remonter à une épo-
que aussi reculée.
C'est un édifice fort ir-
régulier, ce qu'il faut at-
tribuer aux époques diffé-
rentes des constructions
qui le composent. Le portai
est précédé d'un vaste por-
che en charpente. La porte
est défigurée. Le clocher
en charpente est de la fin
du XVIe. siècle (V. p. suiv.). PLAn de l'églisk àt hugikunon.
(1) Notes de M. Ch. Vus^cur.
CANTON DE LISIEIX , lrc. SECTION.
25
26 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Les deux murs latéraux de la nef sont de date différente.
Celui du sud paraît du XIIIe. siècle, dans la partie qui subsiste
encore ; car une chapelle , posée entre chœur et nef, en a
usurpé une notable portion. On n'y voit qu'une seule fenêtre,
qui est ogivale; elle présente tous les caractères du XVIe.
siècle. Son tympan est plein ; le reste est subdivisé en deux
baies cintrées.
Le mur du nord est soutenu par quatre contreforts. Bien
qu'il ait tout son développement, on n'y voit pourtant également
qu'une fenêtre: elle est ogivale, à traccrie flamboyante avec
CANTON DE LISIEUX , lr'. SECTION. 27
un meneau : elle date donc du XVe. siècle. Le plein des murs
paraît de l'époque romane.
La chapelle est tout entière du XVIe. siècle. Elle est de
forme pentagonale , avec des contreforts sur les angles. Son
toit est en pavillon. Trois fenêtres servent à l'éclairer. Elles
étaient originairement semblables : l'une a été bouchée ; les
^llllllirill.llLlilIlIlJlUUIII'lllllllllllllllllMJMJmJ^li!!
deux autres, qui sont de forme ogivale, sont subdivisées par
un meneau.
Le chœur est en retraite sur la nef, comme on le constate
communément. Les murs sont, en totalité, romans (du XIIe.
siècle) au nord et au levant ; au sud, se trouve une conslruc-
28 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
lion d'une date plus récente ; au nord , on voit deux contre-
forts plats et les traces d'une petite fenêtre romane, aujour-
d'hui bouchée et remplacée par deux grandes baies cintrées,
qui ont le caractère du XVIIe. siècle. Le chevet, qui est droit,
a un développement considérable. Il se termine par un gable
énorme à rampants de pierre. Celte disposition vient de ce
que l'on a voulu couvrir par une seule charpente, et le chœur
primitif et la chapelle placée en bas-côté, au midi, vers le
XVe. siècle (V. le plan, p. 4i4). On voit parfaitement les
reprises , car les constructions du XVe. siècle sont en pierre
de taille , tandis que les autres se composent de moellons
non taillés, noyés dans un mortier de chaux, avec des con-
treforts plats en travertin. Deux de ces contreforts ont été
conservés dans la reconstruction du chevet. Lors de ces re-
prises , on avait ouvert dans l'axe du chœur une grande ogive
qui fut bouchée au XVIIe. siècle, mais qu'on vient de rouvrir.
Les traces d'une litre funèbre se voient encore à certains
endroits des murs.
A l'intérieur, toutes ces constructions d'époques diverses
forment un vaisseau bien il -régulier. Le chœur a été totale-
ment défiguré ; l'autel ne présente d'autre intérêt que de
venir de l'église détruite de Bouttemont.
La chapelle longue qui forme, pour ainsi dire, le bas-côté
du sud , a conservé sa jolie voûte ogivale en merrain avec
dessins au poncis. Au sous-faîte sont attachés des blasons qui
avaient été coloriés. Sur l'un on distingue parfaitement un
orle de merîettesde sable sur champ d'argent. Un autre porte
le chiffre IHS. Son autel ne date que du dernier siècle ; sur
le tableau est la date 1726 et la signature Pillemens à l'un
de ses coins. A l'autre , sont deux blasons curieux : ils in-
diquent que les donateurs furent un membre Vie la famille
Le Bas, originaire de Lisieux , et sa femme. Cette famille,
qui a rempli de hautes charges de finance dans l'élection de
CANTON DE USIËUtj 1". SECTION. 29
Lisieux, a possédé des biens à Fauguernon ; elle s'est éteinte
dans la famille de Piperey.
La chapelle pentagonale est également voûtée en merrain.
Elle n'a qu'une seule ferme apparente du côté de son ouver-
ture sur la nef. Cette forme de charpente est d'une exécution
parfaite et d'une rare élégance; l'entrait, orné de torsades et
d'imbrications avec rageurs vigoureusement sculptés à chacune
de ses extrémités, est soulagé à son milieu, au-dessous du
poinçon, par un pilier de bois octogone, parfaitement équarri,
et dont la partie supérieure est toute couverte d'imbrications
(V. la page suivante). Au-dessous, est une bande d'écussons
sculptés en relief, qui sont ceux des anciens seigneurs de
Fauguernon , à qui on doit l'érection de cette chapelle.
Un autel en pierre, dans le style du dernier siècle, occupe le
fond de la chapelle ; dans le mur oriental est une petite piscine.
En avant du chœur sont deux petits autels : sur l'un se
voit une statue de pierre dont le socle est orné d'un blason
autrefois colorié ; en dépit de l'épais badigeon blanc dont on
a jugé à propos de le couvrir, il a été possible de constater
qu'il était d'azur à trois croissants d'argent : c'est évidem-
ment celui du donateur de la statue.
l.a nef est aussi voûtée en merrain avec charpente appa-
rente. Les poutres ont été revêtues d'une décoration poly-
chrome vers la fin du XVIIe. siècle ou au XVIIIe. L'entrait
est rouge, avec des arabesques jaunes. Sur la base du poinçon
sont figurées les mêmes pièces héraldiques que sur le
poteau de la chapelle pentagonale : trois croissants d'ar-
gent, 2 et 1. Le fût, jusqu'à la voûte, est orné d'un semé
de fleurs de lis et de croissants alternant.
Dans le mur du nord se trouve une petite piscine ogi-
vale, du XVe. siècle. Une autre piscine , en accolade , se
remarque au bas de l'église. Cette disposition , que Ton
rencontre quelquefois, a besoin d'être expliquée,
f,
¥
*»»«« ''
CANTON DE LIS1EUX , lr\ SECTION. 51
Les fonls baptismaux , qui datent du XVe. siècle, sont une
cuve de pierre octogone, ornée de quelques feuilles de vigne
sculptées à la partie supérieure.
Dans la pauvreté du mobilier , il ne faut pas oublier de
signaler deux statues de Vierge, d'une bonne exécution et
d'une époque déjà ancienne.
11 y a deux ou trois ans, l'un des desservants de Fauguernon
a vendu à vil prix, à un brocanteur, des fragments d'un ré-
table à personnages, d'un grand intérêt, que l'on avait dé-
couverts dans la poussière, sous l'un des petits autels. Ces
sculptures dataient du XVIe. siècle ; l'exécution en était re-
marquable. Tous les personnages avaient été miniatures, et
leurs costumes pittoresques rappelaient les travaux du même
genre des Flandres et de l'Allemagne. Il y avait h groupes
qui représentaient, comme toujours, les scènes de la Passion.
Leur disposition permettait de comprendre qu'ils avaient été
superposés en deux étages : le premier ne comprenait pas
moins de dix personnages, divisés en trois groupes. Son sujet
était le Sauveur, accablé sous le poids de la croix. Le bloc
suivant, qui avait rempli le centre du rétable, montrait le
Christ en croix, insulté par les soldats \ cinq des personnages
étaient à cheval , deux autres à pied. La partie inférieure re-
présentait deux sujets destinés à faire contraste : d'un côté,
les disciples du Crucifié avec les saintes femmes dans la dou-
leur ; de l'autre , les soldats jouant aux dés pour gagner la
robe du Christ.
Les deux autres fragments représentaient la Descente de
la croix et l'Ensevelissement. Dans chacun figuraient sept
personnages de haut- relief.
La cloche est moderne et de nul intérêt (1).
(1) Celte nolice a été rédigée sur les notes que j'avais prises en 1855
et 1858. L'étal de cette église s'est singulièrement modifié depuis. En
32 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
La croix du cimetière date du XVIIe. siècle.
Le fut consiste en une colonne avec chapiteau corinthien.
L'if, accompagnement ordinaire des églises de ce pays,
mesure 13 pieds de circonférence à la partie moyenne du
tronc. Il est à l'angle nord-ouest du cimetière.
L'église de Fauguernon faisait partie du doyenné de Tou-
ques. Le patronage était laïque. Le curé avait la tierce -gerbe
des dîmes. Au civil, la paroisse faisait partie de l'élection de
Lisieux, sergenterie de Moyaux. On y comptait, au XVIIT.
siècle, 95 feux , c'est-à-dire environ 680 habitants. On en
compte maintenant, d'après le dernier recensement, 277 seu-
lement.
Fauguernon possède les ruines d'un château-fort, composé
de deux enceintes; la première avait des fossés peu consi-
dérables On y voit des braiments en bois , qui paraissent
dater du XVIe. siècle, et un colombier octogone.
L'enceinte principale, qui paraît avoir été à peu près
carrée , était défendue par des fossés d'une bien grande pro-
fondeur ; car leur creux est encore considérable , malgré tant
d'années d'abandon.
la revoyant avec M. Bouet, qui a fail les dessins qu'on vient de voir,
nous avons constaté que M. Blin , le desservant , qui s'est débarrassé
des bas-reliefs dont on vient de lire le détail , et qui occupe encore la
cure, ne s'était point arrêté dans la voie qu'il avait choisie. Tout est
bouleversé. On chercherait en vain maintenant les statues que nous
avons mentionnées, le curieux tableau de la famille Le Bas: tout a dis-
paru; pas une seule pièce de mobilier ne se retrouve dans l'église. Les
fonts baptismaux sont jetés au pied de la haie du presbytère : on les a
remplacés par une cuvette sans style, placée au midi, contrairement aux
prescriptions liturgiques. J'aurais peut-être dû changer la rédaction de
mes notes , mais j'ai pensé qu'en décrivant les choses telles qu'elles se
trouvaient quand j'en ai été impressionné, on pourrait reconstituer plus
facilement l'intérieur de cette malheureuse tglise.
( Note de M, CU. Vasseur. )
CANTON DE LISIEUX , l'e. SECTION. 33
Le donjon, de forme carrée, occupait à peu près la moitié
de la ligne septentrionale. Il était bàli tout entier en pierres
de petit appareil , ou plutôt en silex taillé. Deux éperons
-^v.
saillants formatent avant-corps, du côté du fossé. Des amorces
de voûte plein-cintre se remarquent encore au rez-de-
chaussée. Vers l'intérieur de l'enceinte, on voit des rainures
pour la herse ; au premier étage, Ijs angles sont encore garnis
de cblûnnetités cylindriques avec chapiteaux romans, qui
servaient, sans doute, à recevoir les retombées des voûtes des
salles hautes. Le rez-de-chaussée , qui était occupé par la
grande porte, offrait, sous ce rapport, quelque ressemblance
a\cc celui du château de la Pommorayc et celui du Plcssis-
Grimoult , figurés précédemment dans les tomes II et III de
la Statistique monumentale ; mais on y remarque des cou-
lisses ou rainures pour recevoir des herses , ce qu'on ne
trouve pas dans les deux tours précédentes.
A l'angle nord-ouest du donjon , du cùlé de la cour inté-
rieure, est accolée une tourelle circulaire renfermant un
escalier en pierre, qui n'est éclairé que par d'étroites ouver-
tures en forme de meurtrières.
3
34 STATISTIQUE MOSUMtNTALE DU CALVADOS.
A l'autre extrémité de celte ligne septentrionale, est une
tour circulaire qui a subi des retouches à diverses époques,
mais dans l'intérieur de laquelle se voit une salle voûtée en
cul-de-four. L'entrée est garnie d'un simple tore , c'est un
arc surbaissé qui peut remonter au XIIIe. siècle. Des meur-
trières , fortement ébrasées à l'intérieur, éclairent seules cette
salle obscure, au centre de laquelle s'ouvre une margelle
circulaire, unique entrée d'un caveau souterrain , voûté
d'après le système de la salle supérieure. On lui donne pom-
peusement le nom d'oubliettes; mais il sert actuellement au
fermier pour loger ses légumes pendant l'hiver.
Toutes les murailles du pourtour de l'enceinte sont ré-
duites à la hauteur d'un simple mur de clôture, de sorte qu'il
ne reste plus rien des édifices qui devaient s'y trouver adossés.
Il faudrait fouilier le sol pour en retrouver le plan et en con-
stater l'importance. On voit encore pourtant , dans la ligne
qui est parallèle au chemin, c'est-à-dire vers l'orient, une
salle basse, souterraine , voûtée en berceau , à laquelle on ac-
cédait autrefois de la cour intérieure , ou plutôt de l'un des
bâtiments, par un escalier en pierre d'une seule volée droite,
dont on retrouve en place les derniers degrés. Le reste est
envahi par les décombres. Cette salle sert de vestibule à une
cave ou souterrain, divisé, suivant l'usage constant du moyen-
âge , en une série de celluk's disposées symétriquement sur
chacun des flancs. Il y en a trois de chaque côté ; une septième
forme le fond du couloir.
Ce château a eu un passé historique. Au XIIe. siècle, il fut
pris par Geoffroy d'Anjou , après trois mois de siège et rasé.
Bien que plusieurs de ses murs accusent encore cette époque,
sans mélange de style postérieur, il est cependant impossible
de supposer qu'il n'ait point été relevé dans la suite.
D'ailleurs, il était encore en état de défense en 1449 ; les
troupes du roi Charles VII, venant de Pont-Audemer, s'en
CANTON DE LISIEUX, lrp. SECTION. 35
emparèrent, et c'est de là qu'elles vinrent, le 16 août ,
asseoir leur camp devant Lisieux. D'après diverses données
historiques , il paraîtrait que ce fut seulement sous le règne
d'Henri IV qu'il fut définiiivemenl démantelé. Suivant une
sentence du bailli de Fauguernon , datée du 7 mars 1591 ,
les pieds de la vicomte se tenaient dans ce temps à Lisieux,
par raison des troubles de guerres estant en ce pays.
La vicomte ou baronnie de Fauguernon était un des grands
fiefs du duché de Normandie. Elle se composait de huit fiefs
de haubert, dont plusieurs avaient eux-mêmes des forteresses
importantes. Elle s'étendait sur le Pin, Norolles, St.-Phil-
berl-des-Champs et autres paroisses environnantes.
Les vicomtes de Fauguernon avaient séance à l'Echiquier.
La famille que l'on trouve le plus anciennement en posses-
sion de cette terre est celle des Berlran de Bricquebec ; et
comme ils remontent par filiation suivie jusqu'au temps de
Rollon, il est probable que leur auteur l'avait obtenue dans
le partage qui suivit la conquête de la Normandie.
11 ne peut entrer dans le cadre de ce travail de donner
les noms de tous ceux des membres de celle famille qui
furent seigneurs de Fauguernon : il suffira de nommer les
principaux : Robert Ier. suivit à la Croisade le duc de Nor-
mandie ; il portait d'or au lion vert rampant, ongle et cou-
ronné d'argent avec un baston de gueules, pour brisure;
car ce n'était qu'un cadet de la branche de Bricquebec. Ceci
est exlrait du catalogue publié par Gabriel Dumoulin à la
suite de son Histoire.
Son fils, Robert II, avait pris parti pour Eustache , comte
de Boulogne, conire le duc d'Anjou: ce qui amena la de-
struction de son château en 11 37. Il fut tué lui-même l'année
suivante en défendant, sans doute, toujours la même cause. Il
avait épousé la fille u*Étiennc , comte d'Auinals, dont il eut
un fils nommé encore Robert.
56 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Celui-ci vit aussi une invasion étrangère ravager la Nor-
mandie; mais, instruit par l'expérience de son prédécesseur,
il ne chercha point à résister et put ainsi conserver ses terres
qui furent érigées en harounie par le conquérant, Philippe-
Auguste. Son alliance avec la fille aînée de Jourdain Tesson
ne fit qu'augmenter son importance. Son petit-fils, Robert V,
vicomte de Roncheville , seigneur d'Honfleur et de Fau-
guernon , fut nommé connétable de Normandie. Cette charge
était restée jusqu'alors dans la famille du Hommel. Il eut
pour femme Alix de Tancarville, fille de Monsieur Guil-
laume, .sire de Tancarville ei d'Âlissande de Meullent. Le
traité de mariage, daté de l'an 1245 , stipule une dot con-
sidérable. Alix était héritière de sa mère et devenait dame
des terres de Sahurs, Crotset et Bapaulmc , près Rouen,
Fcuguerolles, Ifs, Alemaigne , Placy , Savenay , le Mesnil-
Patry, Estreham, près Caen (1).
Les deux fils de Robert V se partagèrent ses possessions,
et c'est au second, nommé Guillaume, qu'échut Fauguernon
avec les fiefs de sa mère.
La génération suivante fut la dernière.
La terre de Fauguernon passa alors à une famille étrangère,
mais une confusion inextricable règne dans les différentes gé-
néalogies, qu'il est impossible de faire concorder. Disons
seulement que l'on trouve en même ternes qualifiés vicomtes
de Fauguernon : les Painel , les Garencières , les Fresnel et
Robert VIL Bertran , maréchal de France , était neveu du
dernier possesseur mâle de cette même famille. Ces seigneurs
vivaient au commencement du XIVe. siècle.
En 1465, Montfaut, faisant sa recherche de la noblesse en
Normandie, trouva à Fauguernon messire Jehan de Montenay,
chevalier, baron de Carencières, seigneur de Bérangeville, de
{{) V. de I a Hoque, Histoirt> de la maison d Harc >ur:.
CANTON DE LISIEUX, i*% SECTION. 37
Ntilly en Gastinoys et vicomte de Faugucrnon , qui , six ans
plus tard , en 1469 , se présentait aux montres de la noblesse
du bailliage d'Évrcux «en abillementde homme d'armes, ac-
compagnié d'un autre homme d'armes, neuf arebiers et quatre
vougiés..., tous suffisamment montez et armez. » (Monstres
de la noblesse du bailliage d'Evrcux en 1469 , publiées par
MM. Bonnin et Chassant, p. 10. )
Un acte original des Archives de l'Hospice de Lisieux , du
10 mars 1693, parle de noble et puissant seigneur Christophe
deCerisay, seigneur de Villy et baron de La Haye-du-Puits,
vicomte de Faugucrnon , conseiller et chambellan du roi et
son bailli en Cotenlin. Comment était-il devenu seigneur de
Faugucrnon? C'est ce que je n'ai pu découvrir. De sa femme,
nommée Marie de Mayneville , Christophe de Cerisay ne put
avoir qu'une fille , appelée aussi Marie , qui épousa Gaston
de firezé , quatrième fils de Jacques , comte de Maulevrier ,
maréchal et grand sénéchal de Normandie , et de Charlotte ,
bâtarde de France, fille de Charles VII et d'Agnès Sorel.
Gaston de Brezé joignit donc Faugucrnon aux fiefs nom-
breux qu'il possédait déjà.
Marie de Cerisay survécut à son époux, et elle vivait encore
en 1537, suivant un acte du 20 septembre de celte année où
l'on voit qu'elle possédait aussi le château du Pin , dont il
va bientôt être question.
Elle comparut devant les élus de Lisieux, faisant recherche
de la noblesse en 1540. Elle produisit une généalogie pour
elle et ses enfants soubz-âage , mais elle ne put la justifier,
parce que « les lettres, chartes, etc., concernant leur noblesse
étaient demeurées aux mains de défunt M . Louis de Brezé,
sénéchal et gouverneur de Normandie , frère aîné de son
mari. »
Ces enfants sous-àge étaient Louis de Brezé , devenu
grand-aumônier de France et évoque de Mcaux, puis deux
38 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
filles, Catherine et Françoise. La première épousa Nicolas de
Dreux, vidante et baron d'Esneval ; la seconde eut pour mari
Gilles Le Roy, seigneur du Chillon.
Louis de Brezé obtint en partage les terres de sa mère.
Dans un acte du 7 mai 1571, on le voit qualifié de : « Révé-
rend Père en Dieu messire Louis de Brezey , evesque de
Mcaux, abbé des abbayes de St. -Pliaron et Ygny , seigneur
et baron de la Hays-du-Puis, chastellain et visconte de Fau-
guernon , sieur du Chasteau du Pin et du Bois-Ravenot,
etc., etc. »
Ses sœurs n'eurent point part à son héritage, qui revint
nous ne savons comment, à son cousin, M. de Saint-Ger-
main Faaguernon, qui tint le parti du duc de Bouillon pen-
dant les guerres de religion (1).
Ensuite , Faugucrnon se retrouve entre les mains de Louis
de Brezé , le mari de Diane de Poitiers , ou plutôt entre les
mains de l'une de ses filles, Françoise de Brezé, qui avait
épousé Robert IV de La Marck , duc de Bouillon , comte de
La Marck, prince de Sedan, maréchal de France, gouverneur
et lieutenant-général pour le roi en Normandie. Un acte ori-
ginal des Hospices de Lisieux , en date de 1617, fait mention
de « hault et puissant seigneur messire Louis de La Mark ,
marquis de Maulny , vicomte de Faugucrnon , seigneur de
JMarigny et de Nogent-Ie-Roy, conseiller du Roy en ses Con-
seils d'Estat et privé, premier escuyer de la Royne. »
Dans la seconde moitié du XVfle. siècle, Faugucrnon était
passé aux Le Conte de Nouant de Picnecourt, qui le possé-
dèrent jusqu'à la Révolution elle possèdent encore maintenant.
Afin que l'on puisse reconnaître auxquelles des différentes
(1) C'était un des enfants de Gilles de Saint-Germain , baron d'As-
nebec , qui avait épousé la lille de Jacques de Brezé , gratid-père de
l'évéquc de Meaux.
CANTON DE LIS1ELX , lr\ SECTION. 39
familles, qui ont successivement possédé la terre de Fau-
guernon, peuvent appartenir les blasons qui ont été dessinés
ou décrits , voici les armoiries que les généalogistes attribuent
à chacune d'elles :
Bertrand. — D'or au lion de sinople armé , la m passé et
couronné d'argent.
PaincL — D'or 5 deux fasecs d'azur , accompagnées d'un
orle de 8 merlettes de gueules.
De Montcnay. — D'or aux deux fasces d'azur , accompa-
gnées d'un orle de 8 coquilles de gueules.
F remet de la Fcrtc Fresncl. — D'or à l'aigle éployée de
gueules.
De Mauny. — D'argent au croissant de gueules.
De Drezé. — D'azur à 8 croiseltes d'or posées en orle
autour d'un écusson aussi d'or, orle d'azur et l'azur rempli
d'argent.
De Bouillon. — De gueules à la fasce d'argent.
Le Conte de Nouant. — D'azur au chevron d'argent , ac-
compagné en pointe de 3 besants d'or mal ordonnés.
Moulin. — Rien ne manque pour attirer le tou liste à
Fauguernon. La sauvagerie de son site ménage à chaque pas
des surprises qui feraient les délices des peintres de paysage
et aussi des romanciers. C'est ainsi qu'en revenant de notre
excursion , à un quart d'heure de trajet environ du château
et de l'église, nous avons découvert un moulin du XII'. siècle.
C'est une chose assez rare pour figurer dans la Statistique ;
M. Bouel s'est empressé d'en faire un croquis. Mais ce
qu'il n'a pu rendre, malgré son talent , c'est l'impression
qu'il a éprouvée, comme moi , en s'avançant dans les hautes
herbes jusqu'au pied de cet édifice abandonné, perché sur
l'escarpement d'un ravin profond dont les bords, garnis d'une
foret vierge du lapins riche végétation, nous empêchaient
^o
STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALA ADOS,
VLi: DL M01L1\ Dt FAUGUERSON.
CANTON DE IJSIEfJX, l,c. SECTION. Ui
de voir le fond , où nous entendions gronder les eaux du
torrent, entravées sar.s doute par un barrage. Ce moulin
banal , accessoire indispensable de la baronnic, paraît avoir
été abandonné seulement au commencement de ce siècle.
Quelques-unes des reprises qu'il a subies accusent le règue
de Louis XV.
'HERSIIYAL (I).
lïcrmival, Ilcrmcvallis, Hcsmcval, Hermivallis.
Sans vouloir attacher trop d'importance au nom d'Her-
mival, et sans en chercher l'étymologie dans Hermès Vallis ,
le val de Mercure , on ne peut douter cependant que cette
localité n'ait existé , n'ait même en quelque importance à
l'époque romaine. Placée sur la grande voie qui allait de
Noviomagus à Breviodwum, entre la vallée et îa plaine, elle
était parfaitement située pourfaireune stal ion. Aussi les Ro-
mains y ont-ils laissé des traces de leur passage. Au commen-
cement du XVIIe. siéelc , on trouva, en faisant des terras-
sements, une statue à trois faces (pic l'on supposa être de
Jupiter, de Vénus et de Mercure. Plus tard, en janvier 1785,
on y découvrit encore des sépultures ancienp.es d'où l'on
tira une longue lame d'épée d'un pouce de large, un sabre
large de deux pouces et long de vingt-deux. Dans les premiers
jours de mars 1857, une nouvelle découverte de sépultures
fut encore due au hasard. C'est sur le penchant d'un étroit
vallon, ou plutôt d'une gorge fort resserrée, au fond de la-
quelle coule un petit ruisseau nommé le Drouet-Crocq , au
hameau de la Prinscrie, que cette trouvaille a été faite. Déjà,
l'année précédente, en voulant adoucir la pente trop abrupte
du coteau , on avait rencontré cinq squelettes , enfouis sans
(1) Noie* (le Vf. CI). Vasseur.
h2 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
ordre et sans trace de cercueils, dans des fosses creusées dans
la marne, recouverts seulement d'une légère couche de terre.
Aucun objet qui pût faire connaître l'époque de ces in-
humations ne fut découvert , si l'on en croit le propriétaire.
On trouva seulement, en continuant les terrassements, une
masse de fer informe que je suis porté à regarder comme le
fond d'un mortier.
C'est à vingt-cinq pas seulement plus loin qu'eut lieu la
dernière découverte. Celte fois, si l'on s'en rapporte aux
ouvriers , le nombre des squelettes s'élève à une douzaine ,
voire même une vingtaine. Le premier chiffre est le plus vrai-
semblable. Il n'y avait eu aucun ordre observé dans le dépôt des
cadavres : ils étaient groupés par cinq ou six, regardant in-
différemment le couchant ou le nord. Ils étaient posés ,
comme les autres, sur la roche calcaire, sous un pied de
terre tout au plus. Tous les ossements avaient disparu quand
le bruit de celte découverte nous conduisit sur les lieux.
Quelques crânes, qui avaient été oubliés, purent seuls être
examinés par le docteur Billon ; l'un d'eux lui parut appar-
tenir à un très-jeune homme ou à une femme ; les autres in-
diquaient des hommes forts et faits. On trouva avec ces corps
quelques objets qui furent acquis par M. Pannier, et qui per-
mettent de faire remonter cette inhumation à la période
franque : ce sont un scramasaxe de 18 pouces de long, avec
la rainure au centre de la lame; un fragment de style à écrire,
et enfin deux belles agrafes étamées, l'une ronde, l'autre de
forme allongée.
L'église et le château se groupent assez bien ensemble à
gauche de la route qui a emprunté , dans plusieurs de ses
parties, l'ancienne voie romaine (V. la page suivante).
L'église remonte à l'époque romane, et aucune des par lies
essentielles n'est pos'.éricurc à la fin du XI II", siècle. Son
plan ne comprend qu'un chœur et une nef, d'une longueur
BANR>3 DE US1KUX, 1". SICTION,
hZ
kh
STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
totale, en œuvre, de 70 pieds. Le chœur fait retraite sur
la nef, suivant l'usage. Le pignon occidental regarde la route.
Ses murs sont composés d'un blocage irrégulier, en partie
recrépi; il est soutenu par deux contreforts en pierre de taille
peu saillants , qui nous ont paru dater des premières années
du XIIP. siècle ; le blocage est
plus ancien. Dans le pignon avait
été primitivement pratiquée une fe-
nêtre cintrée, de grandeur moyenne
sans moulures , avec un simple
chanfrein ; elle est maintenant bou-
chée. La porte , au-dessus de la-
quelle on voyait les attaches d'un
porche en bois, était cintrée, garnie
de moulures qui indiquaient la fin
du XVIe. siècle. On l'a détruite
en 1858, et remplacée par une ou-
verture soi-disant ogivale dont nous
n'avons rien à dire ; elle a été
bâtie par i'agent-voyer du canton.
Le clocher qui surmonte ce por-
tail est une pyramide carrée en charpente , recouverte d'es^
sente.
Les murs latéraux sont irrégulièrement percés. Celui du
nord, recrépi en grande partie, est soutenu par quatre con-
treforts qui datent du XIIP. siècle, comme ceux du portail;
il a trois ouvertures, une dans chaque travée. Les deux pre-
mières sont romanes, c'est-à-dire étroites et cintrées. L'autre
a l'apparence du XVIe. siècle; au-dessous, se voient les
traces d'une petite porte cintrée , à claveaux réguliers extra-
dossés à peu près cubiques, qui nous a paru dater aussi de
l'époque romane.
Les deux fenêtres du mur méridional ne sont point pri-
GANTOIS DE Î.ISIECX , ir\ SECTION. /|5
mitives : l'une est moderne; l'autre paraît du XVI". siècle,
comme sa correspondante. La maçonnerie n'est pas moins
ancienne que celle du mur latéral du nord; elle est de même
en blocage. On y trouve, vers l'ouest, la trace de la grande
porte primitive, qui fut bouchée probablement au XVIe. siècle.
Les deux premiers contreforts sont du XVIe. siècle ; le der-
nier est bâti en travertin et appartient certainement à la
Le chœur est régulièrement partagé en deux travées ,
comme on le voit par le plan. Les contreforts paraissent du
XIIIe. siècle ; les murs , toujours en blocage , doivent être
romans; les ouvertures sont à peu près symétriques, mais
d'époques différentes. Au nord , on trouve deux fenêtres
cintrées, romanes, plus larges que celles de la nef, et une
chr.rmanle petite port?, \u midi, la porte est romane ; au-
46 STATISTIQUE MONUMENTALE Ï)U CALVADOS.
dessus s'ouvrent deux baies cintrées romanes. La dernière
fenêtre est une grande ogive à chanfreins , subdivisée par un
meneau, en deux lancettes irrégulièrement trilobées, avec
un quatre-feuiiles dans le tympan. Dans le chevet était
percée une grande fenêtre cintrée, qui s'est trouvée bouchée
par suite de l'établissement d'un haut rétable et de la sa-
cristie. Il est impossible d'en indiquer l'époque.
Les tuiles faîtières du chœur sont ornées d'une série de
boules dont les contours forment une dentelure.
Intérieur. — Il n'y a point d'arcade entre le chœur et la
nef. Les voûtes sont ogivales , en merrain , avec charpentes
apparentes. Des corbeaux de pierre existent sous les sa-
blières pour les supporter et décharger les murs. Le sous-
faîte est orné de rosaces à compartiments gothiques découpés
à jour.
Le maître-autel est composé de fragments divers. Le tom-
beau est celui de l'ancien autel ; le rétable et le tabernacle
proviennent de l'église des Vaux. Il n'y a rien à en citer que
la provenance. Deux statues en pierre , un saint évêque en
costume du moyen-âge, sans doute saint Germain , patron de
la paroisse, et un saint Antoine accompagnent cet autel.
Les deux petits autels de la nef datent du règne de
Louis XIV. Ils sont à colonnes torses avec enroulements de
ceps de vigne; au centre sont des tableaux, La frise de l'enta-
blement portait des écussons armoriés , probablement ceux
des donateurs. On les a bûches avec soin. Sur celui du nord,
cependant , paraît encore un lion rampant sur un champ
d'hermine.
Du Bosc, sieur d'Hermival portait : d'hermine au lion de
sable couronné a'or (La Chesnaye des Bois).
Deux dalles lumulaires se voient dans le pavage du chœur;
l'une d'elles est totalement effacée, elle recouvre les restes de
CANTON DE LIS1EIÎX , lr\ SECTION. kl
M. de Cassard, curé de cette paroisse, mort en 1781 ; l'autre
porte le fragment d'inscription suivant :
hic pace {jacet )
ANTON1US LAl'GEOIS
oc jus (ecclesiœ) rector
( Anno atatis) «cm 38*
(die). . . SEPTEMB.
(an dmdccxxvii) ( An. D. M. DCC. XXVII.)
BEQUIESCAT IN PACE.
La cloche date du XVIIIe. siècle ; en voici l'inscription :
f LAN 1785 1AI ETE BENIE PAR Mr IFAN BAPTISTE NICOLLE CURE d'hER-
MIVAL ET NOMMEE GABRIELLE PAR MESSIRE IEAN
Ift^T)" GABRIEL/) OOISNEL CHor SGr HAUT Il,STICIF.(r) DESPAGN(e) CHEVAL
LKCE DE LA GARDE DU ROY CHcr DE LORHRE DU ROY ET PAR NOBLE DAM(?)
Me ELISABET MARGUERITE IULIE DESCHAMPS EPOUSE DE MESSIRE
FRANÇOIS ETIENNE DOINEL ECUIER SGr ET PATRON Di.ERMIVAL
VAL HEBERT S1 LAUliANT DU BISSON ANCIEN CIIEVAU LECfi(r) DE
LA GARDE DU ROY. IEAN MANSEL TRESORIER.
IEAN CONABT
FECIT.
Le beffroi d'Hermival a encore donné asile à la cloche de
l'église des Vaux, à peu près contemporaine de la précédente;
mais nous en avons réservé l'inscription pour l'article con-
sacré à cette paroisse.
La paroisse d'Hermival dépendait du doyenné de Aloyaux,
comme au civil de la sergenterie de ce bourg, élection de
Lisieux. On y comptait, au XVIIIe. siècle, 170 feux, soit
environ 800 habitants. Elle n'en a plus que 637, malgré la
réunion des Vaux. La cure était divisée en deux portions ,
toutes deux à la nomination de seigneurs laïques. Les pouillés
du XIVe. siècle portent, pour la première portion, Jean de
Brionne, et pour la seconde, Godefroy Patri. Les pouillés
48
STATISTIOUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
postérieurs indiquent simplement, pour l'une comme pour
l'autre, le seigneur du lieu [dominas loci).
Le château, tout voisin de l'église, comme on l'a déjà dit,
est bâti sur un plan régulier. Le dessin ci-joint fait voir la
CHATEAU D IIKIUIlVAL.
partie la plus mouvementée. C'est un gros pavillon destiné à
contenir le grand escalier, et aux angles de la façade un autre
pavillon carré faisant avant-corps. Les murs sont en échiquier
plus ou moins régulier , de briques rouges et de pierre , ou,
dans certaines parties , en chaînage. Une corniche à mâchi-
coulis court sous les combles. Je crois pouvoir fixer comme
date le milieu du XVIe. siècle,
CANTON DE LISIEUX , lr\ SECTION. 49
La façade, tout en pierre de taille, a été refaite sous
Louis XV.
Quand j'en ai visité l'intérieur en 1856, quelques apparte-
ments avaient conservé des vestiges de leur décoration pri-
mitive. On voyait des traces, bien frustes, de peintures mu-
rales, dont les sujets étaient devenus impossibles à déterminer.
A deux petites fenêtres étaient des restes de vitraux peints, de
la dernière époque , représentant un vase de fleurs et un
oiseau.
Sur les deux pignons se dressent deux beaux épis de terre
émaillée, dont les motifs se retrouvent ordinairement sur les
productions de la même époque.
Deux cours d'eau latéraux longent le château en l'isolant
des terres environnantes , mais en réservant devant la façade
une vaste esplanade , maintenant transformée en jardin. Le
pont était fermé par une belle grille en fer forgé , avec tôles
emboutées, datant du règne de Louis XV.
Montfaut ne parle pas du seigneur d'Hermival dans sa
Recherche. La montre de la noblesse du bailliage d'Évreux ,
faite six ans plus tard , nous en fait présumer le motif en
inscrivant Robert Pougnant , seigneur de Hermienval, de-
mourant à Rouen.
La recherche des élus de Lisieux , de 1540 , ne fait con-
naître aucun seigneur d'Hermival. Des trois gentilshommes
qui résidaient alors dans la paroisse, l'un, Antoine d'Escaille,
est qualifié seigneur de La Motte ; les deux autres, Richard de
L'Ame et Jean Paoul , n'ont point de titres.
La Motte est une maison sans intérêt, située à quelques
centaines de pas seulement du hameau de la Prinserie.
Au XVIIe. siècle, le château d'Hermival a appartenu à la
famille du Bosch , famille de robe , qui cependant a donné
plusieurs chevaliers à l'Ordre de Malte. 11 ne faut point la
confondre avec du Bosc de Radepont : leurs armes sont tout-
à-fait différentes. 4
50 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
La Roque , dans son Histoire de la maison d'Harcourt ,
parle de Jean du Bosch , seigneur d'Hermival et de Firfol ,
qui épousa, vers 1600, Marie d'Oinville, dont sortit « noble
homme messire maislre François du Bosch, seigneur de Her-
mival, conseiller du Roy en sa Cour des Aydes, qui se
maria avec damoiselle Anne de Moges. »
J'ai trouvé dans des titres originaux, mais sans pouvoir
en établir la filiation : noble homme Hervey du Bosch , au-
quel succéda dans la possession de la terre d'Hermival
François du Bosch , chevalier , seigneur et patron d'Her-
mival, Sl.-Laurent-du-Buisson , Valhébert, les Septvoies,
etc., suivant un aveu de 1691. Il avait pour femme Françoise
de Parey , qui figure comme sa veuve dans Y Armoriai de
d'Hozier.
L'inscription de la cloche, de la fin du XVIIIe. siècle,
montre que le seigneur d'Hermival était M. Doisnel. C'est
maintenant M. de Boctey qui possède le château.
La famille de Boctey n'était point , du reste , étrangère à
Hermival : une de ses branches possédait , au commencement
du XVIIe. siècle, le fief de St.-Laurent-du-Buisson, dont
nous allons parler. Il est situé à l'extrémité de la paroisse
tendant vers Ouillie-du-Houlley. Le paysage qui l'environne
se compose de mamelons boisés entourant un vallon étroit et
sinueux, d'une sauvagerie peu commune. Il est situé sur l'une
des pentes les plus abruptes. Comme on en peut juger par le
croquis ci-joint (V. la page suivante), le manoir de St.-
Laurent est une construction assez vaste et très-mouve-
mentée , bien qu'elle ne puisse pas remonter au-delà du
XVIIe. siècle.
Au sud se trouve un petit bâtiment sans apparence , c'est
la chapelle ; elle était un bénéfice à la nomination du seigneur.
Construite en moellon, sans contreforts ni détails caracté-
ristiques, défigurée par suite de sa destination actuelle , il est
CANTON DE LISIEUX , lre. SECTION.
51
52 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
difficile de dire à quelle époque elle peut remonter. Elle est
orientée. Il est présumable qu'elle date du XVIe. siècle , à
en juger par deux étroites ouvertures qu'elle a conservées au
chevet et au midi.
La charpente est assez légère et recourbée en carène; mais
les douvettes ont disparu.
Outre ce fief et le château, il y avait encore d'autres terres
seigneuriales sur le territoire de la paroisse d'Hermival ; nous
avons déjà cité la Motte, on peut nommer, en outre, les
Septvoies. Le Valhébert , bien que assis à Cormeilles , Can-
telou, la baronnie d'Ouillie, y avaient aussi des extensions.
LES VAUX (1).
Les Vaux, ecclesia de Vallibus.
L'église des Vaux était située dans une gorge formée par
deux coteaux très-rapprochés , dans un enclos assez régulier,
de cent pas environ en carré , qui formait une enclave au
milieu de l'ancien domaine seigneurial. Elle a été rasée , et
une pépinière en occupe la place. Elle était dédiée à Notre-
Dame. Le patronage appartenait au Chapitre de Lisieux , par
donation de l'évêque Guillaume de Rupierre, de l'an 1191.
L'évèque l'avait obtenu, en 1178, de Robert, vicomte de Li-
sieux, qui fut , je pense , la souche de la maison Le Vicomte.
Au XVIII*. siècle, les Vaux faisaient partie de l'élection et
district de Lisieux On n'y comptait que 34 feux.
C'était le titre d'une des prébendes du Chapitre de Lisieux.
De l'ancien manoir il ne reste qu'un pavillon carré, autrefois
entouré de fossés pleins d'eau , auquel se trouve adossé un
bâtiment d'exploitation rurale sans importance. Ce pavillon
(i) Notes de M. Ct*. Vas^cur.
CANTON DE LISIEL'X , lr*. SECTION. 53
date du commencement du XVIP. siècle. Il est construit
en briques , avec chaînes de pierre à refends aux angles. Le
rez-de-chaussée est percé d'une porte et le premier étage
d'une seule fenêtre , du côté de la façade. Le comble est
éclairé par une lucarne en pierre avec fronton, il a pour cou-
ronnement deux épis en terre émaillée de peu d'élévation ,
mais dont les parties essentielles sont encore bien conservées.
La base est circulaire ; le centre se compose d'un vase dé-
coupé à jour; le couronnement est une colombe supportée
par une boule.
Le mur du pavillon opposé ù la façade est éclairé par deux
fenêtres, l'une au rez-de-chaussée, l'autre au premier étage.
La salle que forme ce premier étage est encore garnie de
son pavage en carreaux émaillés, dont une partie est fort bien
conservée. Les carreaux sont alternativement rouges et verts.
Le plus ancien des documents qui font mention des sei-
gneurs des Vaux, postérieurement à Robert Le Vicomte , est
daté du 28 août 1421, pendant l'occupation anglaise. Ce sont
des lettres de pardon accordées par le roi à Guillaume de
Beaussay, de la paroisse Notre-Dame-des-Vaux, prèsLisieux,
lequel estant en l'fioslel de Jean de Beaussay , escuyer, de-
meurant en la même paroisse , avait tué d'un coup de bâton,
à la suite d'une orgie , un nommé Robert Travers , dont il
avait épousé la fille ( Mémoires de la Société des Antiquaires
de Normandie, t. XXIII, p. 228 ).
Le curieux registre de la Charité de Surville fait deux fois
mention de Loys de Saint-Pierre, sieur des Vaulx, aux années
1511 et 1513 (fol. 31 v°. et 48 v°. ). Sans avoir la certitude
que ce soit bien la localité qui fait le sujet de cet article que
l'on trouve ainsi mentionnée, on est fondé à le supposer,
puisqu'il ne se trouve pas dans les environs d'autre fief
de ce nom. La famille de Saint-Pierre paraît avoir eu son
siège principal dans la paroisse deNorolles; elle portait d'azur
au chevron d'or accompagné de trois roses de même.
5k STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
En 1540, une autre famille noble résidait à Notre-Dame-
des-Vaux , la famille de Labbey. Jacques Labbey , sieur de
Beaufy, fournit ses preuves devant les élus de Lisieux, avec
ses cousins , Jean et Etienne. Beaufy est un fief situé à quel-
ques pas seulement du manoir dont on vient de lire la de-
scription , et il s'est trouvé confondu avec lui à une époque
postérieure.
Avec les documents sur lesquels j'ai pu mettre la main , il
est impossible d'établir la transmission de ces deux fiefs d'une
famille à une autre : je ne puis que mentionner les noms des
gentilshommes que j'ai trouvés les avoir possédés, avec les
dates des pièces qui les concernent.
Le registre de la Charité de Rocques qui , comme celui
de Surville, renferme les noms de nombreux gentilshommes,
nous fait connaître , à la date de 1613 , noble homme Guil-
laume Desperroys, sieur des Vaux et sa femme. Dans l' Ar-
moriai de d'Hozier, datant, comme on sait, des dernières
années de ce même XVIIe . siècle , on voit figurer Marie
Merieut, veuve de François Desperroys , écuyer , sieur des
Vaux, qui portait d'argent à trois mer telles de sable, 2 eti,
François Desperroys avait fait ses preuves de noblesse en
1666 et fut classé comme ancien noble. Il avait pour armoi-
ries : d'azur au chevron d'or accompagné de trois croix an-
crées de même y 2 et 1, au chef cousu de gueules , chargé de
trois molettes d'or. Des protocoles d'actes de 1748, 1759 ,
1764, 1767, 1772, 1778, 1779, nous ont fourni les noms et
qualités de « Thomas Bourdon , sieur de Beaufy , seigneur et
patron honoraire de la paroisse de Notre Dame-des- Vaux ,
conseiller du roi, juge gruyer de l'évesché et comté de Li-
sieux, bailly vicomtal dudit lieu et seul juge de police en
ladite ville. » On remarquera qu'il ne prend point la qualité
d'écuyer. Son fils , ainsi qu'il arrivait presque toujours , re-
poussa la magistrature pour suivre la carrière des armes :
aussi parvint-il à conquérir le titre d'écuyer, qui figure à la
CANTON DE LISIEUX , 1". SECTION. 55
suite de son nom dans l'inscription de la cloche de sa pa-
roisse. Elle trouvera mieux ici sa place que dans l'article
consacré à Hermival , quoiqu'elle soit , comme nous l'avons
dit, dans le clocher de cette paroisse :
f LAN 1784 IAY ETE BENITE PAR M. PIERRE ANTOINE FORTIN CURE DE
CETTE PAROISSE NOMMEE LOUISE IULIE PAR M. LOUIS ALEXANDRE BOURDON
ECUYER SIEUR DU POMMERET CHEVALIER DE LORDRE ROYAL MILITAIRE DE
ST LOUIS CAPITAINE DE CAVALER. ET GENDARME DE LA GARDE ORDI-
NAIRE DU ROY EN ACTIVITÉ DE SERVICE PATRON HONORAIRE DE CETTE
PAROISSE ET SEIGNEUR DE BEAUFY ET PAR NOBLE DAME MARIE IULIE
LAMBERT FONDEVILLE EPOUSE DE MESSIRE MARI LOUIS FRANÇOIS XAVIER LB
BOULENGER SEIGNEUR DE CHAUMONT PATRON HONORAIRE DE CAPELLES
ECUYER DU ROY.
LE PIN-EN-LIEUVIN (1)
Le Pin-en-Lieuvin, Ecclesia de Pytiu, de Pin.
Cette localité , traversée par la voie antique de Lisieux à
Pont-Audemer, a très-probablement une origine romaine.
Dans la campagne, à l'est de l'église , on a trouvé des tuiles à
rebords et des substructions. De plus , il existe dans un bois,
situé à une demi-lieue de l'ancienne voie romaine , un camp
carré qui doit dater aussi de cette même époque ( V. Cours
d'antiquités, t. II, p. 237 et 323).
L'église ne paraît pas remonter au-delà du XVIe. siècle :
tous ses murs sont construits en blocage formé de silex non
taillés, genre de construction dont il est impossible de pré-
ciser la date; mais la plupart des contreforts, qui sont en
pierre de taille, portent le cachet de la dernière époque ogi-
vale, ainsi que celles des fenêtres qui n'ont point été mutilées.
La tour, en avant-corps sur le pignon occidental, accuse
(1) Noies de M. Ch. Vasseur.
56 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
parfaitement aussi ce même XVIe. siècle. Elle est carrée ,
construite en grand appareil, avec deux contreforts sur chaque
TOUR DE L ÉGLISE DU PIN.
côté , mais posés sur les angles. Elle est terminée par une
sorte de dôme en ardoise , surmonté d'une lanterne qui
date probablement du XVIIIe. siècle. Beaucoup de retouches
ont été faites alors dans l'église, car on lit sur les panneaux
de la porte d'entrée , sur les fenêtres et ailleurs , les dates
1664, 1770, 1773.
L'intérieur, pas plus que l'extérieur, n'arrêtera long-temps
l'archéologue. Les voûtes sont en charpente , mais on a en-
levé les entraits de celle du chœur. Les fenêtres, règulari-
CANTON DE LISIEUX , lr'. SECTION. 57
secs pour la plupart, ont reçu des vitraux modernes des
fabriques de Paris. Une chapelle seigneuriale communique
avec le chœur par un cintre brisé , garni d'un tore qui re-
tombe sur deux colonnes engagées, à chapiteaux toscans.
Deux culs-de-lampe dans le chœur , sculptés en pierre
et d'un travail du XVIe. siècle, représentent des anges à
longues robes flottantes soutenant des écusscns. En les exami-
nant attentivement, j'ai cru reconnaître qu'ils avaient été
chargés d'un lion rampant (1). Sous le badigeon , reparaît
aussi le contour des blasons d'une litre funèbre où étaient
peints des croissants (2).
La chaire est une bonne menuiserie de la fin du règne de
Louis XIV. Les autels sont des dernières années du XVIII*.
siècle.
La cloche , qui mesure 3 pieds de diamètre inférieur ,
porte l'inscription qui suit :
f LAN 1731 IAY ÉTÉ BENITE PAR DISCRETE PERSONNE Mre IEAN PIERRE
PIGNY Ptr« CVRE DE CETTE FAROISSE DV PIN, NOMMÉE
ÛTr^^T^ MARIE PAR MESSIRE IEAN LEONOR DV FOVR CHEVALIER SEI-
CNEVR ET PATRON DV PIN DV EEAVGOVKT ET AVTRES LIEVX ET NOBLE
DAMOISELLE MARIE ANNE ACHARD DV JFAYLQ MON PARRAIN ET
MA MARRAINE. Mrc NICOLAS ROVSSEL P,re VICAIRE ET FRANÇOIS SIMON TRE-
SORIER.
L'if du cimetière mesure environ 8 pieds de circonférence
à sa partie moyenne.
Le Pin dépendait de l'élection de Lisieux, scr^cnic-rie de
Moyaux : on y comptait 203 feux (3). Pour l'administration
(1) Achard : d'azur au lion burelc d'argent et de gueules,
(2) Du Four : d'azur à trois croissants d'or et une étoile de même
en abîme (La Galissonnière).
(3) 203 feux équivalent ;i un millier d'habitants. Le dernier re-
58 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
ecclésiastique, elle était comprise dans le doyenné de Moyaux.
L'église est sous l'invocation de Notre-Dame, Le patronage
était laïque.
Au XIVe. siècle , Roland de Vassy était seigneur et patron
du Pin (1337-1338-1339). En 1463 , Montfaut n'inscrivit
dans sa Recherche qu'un seul gentilhomme demeurant au
Pin, c'était Jehan d'Anisy. Six ans plus tard, il comparut aux
montres du bailliage d'Évreux , et il est qualifié de seigneur
des fiefs Tillars, du Mouslier, de Creully, la Table et Asnières
assis au Pin. 11 était gendarme de l'ordonnance du roi.
A la même montre figurèrent Richard Le Mire, seigneur
du fief du chasiel du Pin et autres fiefs , puis Perrin des
Haies « pour la vavassourerie dudit assise au Pin. »
Dans la Recherche faite par les élus de Lisieux , en 1540 ,
on trouve Charles d'Anisy , qualifié seigneur dudit lieu du
Pin. On y voit aussi Marin Le Mire, sieur de La Pinterie.
Le chastel du Pin était alors entre les mains d'une autre
famille ; car on a vu, dans un acte de 1537, cité à l'article de
Fauguernon , que noble dame Marie de Cerisay ajoutait
à sa qualité de vicomtesse de Fauguernon, celle de « dame
du chasteau du Pin. »
Ce chastel ou chasteau du Pin est un monument archéo-
logique intéressant. Il est situé non loin de l'église. Il a été
figuré dans Y Abécédaire d1 archéologie et dans YHistoire
sommaire de l'architecture au moyen-âge.
Ce château est peu considérable , mais fort curieux ; il
offre deux enceintes entourées de fossés. La première en-
ceinte ou basse-cour présente la forme d'un demi-cercle,
dont le grand diamètre est de 120 pieds et le petit diamètre
de 76.
censément a constaté qu'il n'y en avait plus que 747. La proportion de
la diminution est constante dans toutes les communes rurales.
CANTON DE LISIEUX , ire. SECTION.
59
La seconde enceinte est ovale. Elle renferme les ruines
d'un donjon carré-long , dont les murs, épais de 8 pieds,
s'élèvent encore, d'un côté, à une hauteur de 10 à 12
pieds ; ils sont revêtus de petites pierres cubiques fort régu-
lières, comme on en voit dans les murailles romaines : ce qui
déjà nous autoriserait à assignera celte construction une date
assez reculée, quand nous ne saurions pas que le seigneur du Pin
assistait à la bataille d'Hastings. Ce donjon, l'un des plus petits
que j'aie observés, contenait seulement, au rez-de-chaussée,
deux appartements carrés de 17 pieds chacun , et il n'avait
que 52 pieds sur 34 hors
œuvre. Les fossés ont à peu
près 25 pieds de largeur, et
l'on devait communiquer ,
au moyen d'un pont , de la
première à la seconde en-
ceinte.
Il est probable que la de-
struction de celte forteresse
date de l'année 1374 ; car on
voit que vers ce temps Pierre
du Tertre , secrétaire du roi
de Navarre , ayant assemblé
des gens d'armes de la con-
PLAN DU CHATEAl DU PIN.
COUPE DU CHATEAU DU PIN.
trée , alla s'emparer du fort du Pin , défendu par Taupin
du Mesnil et le fit détruire (V. Canel , Histoire de l'arron-
dissement de Pont- Audemer, t. II, p. 370).
Charles-le-Mauvais était seigneur de Pont-Audemer, c'était
pour le Pin un voisin dangereux.
60 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
À ce premier château en a succédé un autre , qui mérite
aussi de fixer l'attention. Il a été reporté de l'autre côté de
l'église, vers le Faulq. Je crois qu'on doit l'attribuer au
règne de Louis XIV.
Le principal corps de logis, avec deux gros pavillons for-
mant ailes, est construit en briques et chaînages de pierre en
bossages. Des lignes de briques noires vernissées dessinent
dans le plein des murs des figures variées, comme losanges, etc.
On y distingue aussi, dans un encadrement de pierre blanche
faisant cartouche , si l'on peut s'exprimer ainsi , trois figures
en briques noires que l'on peut prendre pour des maillets, et
qui probablement ont une
signification héraldique. Les
combles , en ardoise , sont
mouvementés par des lu-
carnes circulaires. Les pa-
villons sont couronnés par
un bel épi en plomb re-
poussé. Les deux façades
sont identiques.
Deux petits bâtiments, à
usage de communs, for-
ment deux ailes séparées ;
mais je les crois seulement
du règne de Louis XV.
Un puits avec armatures
de fer contournées se trouve
au centre du préau. Des
avenues considérables exis-
tent encore.
Ce château n'est plus habité. L'une des salles, cependant,
a conservé sur ses murs quatre magnifiques pans de tapisserie
de haute-lice, à personnages, qui peuvent remonter au règne
de Louis XIII.
CANTON DE L1SIEUX , ^lr'. SECTION. 61
La bordure qui les entoure se compose d'une série de mé-
daillons contenant des petits sujets , répétés symétriquement
dans chacun des quatre pans de tapisserie. Des inscriptions,
tissées dans l'étoffe, indiquent la signification de ces représen-
tations ; ce sont six des merveilles du monde :
M AN* • EPHBSI*. MAVSOL^VM •
TRMPLVM. PHAROS •
PYRAMIDES «CÏPTI ■ OLYMPY • IOVIS
SIMVLACRVM.
DABYI.OXIS • MVRÎ.
Les grands sujets, qui occupent le centre, sont aussi indi-
qués par des inscriptions :
ASDRVBAL. ROMANI*
FILIAM • SVAM* PVCSANIT.S •
REGI • SYPHACI • CVU • HAMBAI.F. • IV
IX • VXOREM • XT\ • PLVMRN • TUT.
TRADIT. IMAM . UCTI.
SAGVNTINÏ • ROMANI- POS T •
CQMBYRVNT • SVAS ♦ M VIT A • PR/KUA • TRI
OPES * DVM \MPHANTES • ROM
HAMRAL • RXPVGXA AM • REDEVÎNT.
RF.T ■ VRBRWT.
Les dessus de porte sont ornés de trumeaux à personnages
peints sur toile, dans le genre de Bouclier. Ils ne sont pas
sans valeur. Enfin une belle glace, en rapport par son style
avec le reste de la décoration, surmonte la cheminée.
62 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Ce château, qui ne mérite pas l'état d'abandon dans lequel
il est laissé et le sort qui l'attend , a aussi son passé histo-
rique. Mgr. de La Feronnaye, dernier évêque de Lisieux ,
l'un des plus illustres prélats de ce siège, qui en compte tant
d'illustres, y fit momentanément sa résidence pendant la tour-
mente révolutionnaire , avant son départ définitif de son
diocèse. M. de Boismont , chanoine , archidiacre de l'église
métropolitaine de Rouen, l'habitait déjà depuis quelque temps.
M. l'abbé de Boismont, abbé commendataire de Gretain , au
diocèse de Lisieux , avait été prédicateur du roi et l'un des
Quarante de l'Académie. C'est lui qui avait fait, le 1er. juin
1781, dans la chapelle du Louvre, l'oraison funèbre de Marie-
Thérèse , archiduchesse d'Autriche, impératrice douairière ,
reine de Hongrie et de Bohême.
Tout porte à croire que ce nouveau château du Pin a été
construit par la famille Achard, qui possédait cette terre aux
XVIIe. et XVIIIe. siècles. Divers actes originaux m'ont
fourni les noms de noble seigneur messire Charles Achard,
chevalier, seigneur et patron du Pin, y résidant; de messire
Joseph Achard , prêtre; de François Achard. Les deux pre-
miers firent leurs preuves de noblesse avec un autre de leurs
frères, lors de la recherche de de Marie, en 1666. Charles
Achard figure aussi dans V Armoriai manuscrit de d'Hozier
avec Marie-Antoinette Le Petit , sa femme. Il eut probable-
ment pour fils , dans tous les cas pour successeur, noble sei-
gneur messire Marc- Au rèle- François Achard , chevalier,
seigneur et patron du Pin et autres terres et seigneuries ,
demeurant en son manoir seigneurial dudit lieu du Pin ,
suivant des actes de 1703 et 1712. Maintenant cette terre
appartient à Mme. du Prat , née de Nouant.
Il existe aussi sur cette même paroisse, tout près de l'église,
une belle habitation moderne , construite il y a quelques
années par M. du Hauvel. Elle est entourée d'un beau parc.
CANTON DE LISIEUX , lre. SECTION. 63
Ce château occupe remplacement d'un ancien fief, car on
voit encore dans les dépendances un colombier octogone du
XVIe. siècle ; mais j'ignore le nom qu'il portait.
Outre les familles qui ont déjà été nommées, les Re-
cherches mentionnent plusieurs gentilshommes qui faisaient
leur résidence au Pin, et probablement y possédaient fief. Ainsi,
en 1666, avec les Achard , se trouvent inscrits : Philippe Le
Mire, sieur des Forest, et Robert et Charles Le Bachelier,
tous qualifiés d'ancienne noblesse.
Maladrerie. — Il y avait encore au Pin une maladrerie qui
fut réunie, en 1698, avec les autres établissements de ce
genre à l'Hôpital général de Lisieux. Le protocole d'un acte
du 26 mai 1676 fournit le nom de « messire Joseph Achard,
prêtre, bachelier en théologie de la Faculté de Paris, abbé-
administrateur de la Madeleine du Pin , curé-recteur de la
paroisse de Notre-Dame dudit lieu , prothonotaire du Saint-
Siège apostolique, conseiller du Roy , aumosnier ordinaire de
Sa Majesté. ->
En dépit de celte pompeuse énumération , la Madeleine du
Pin ne fut jamais une abbaye , mais une simple léproserie
d'un mince revenu.
MOYAUX (1).
Moyaux, Moyad, Moiaz, Moaz.
Le bourg de Moyaux s'élève dans la plaine et non loin de
la voie romaine qui conduisait de Noviomagns Lexoviorum à
Juliobona. Sa population, d'après les tableaux officiels, est de
1,105 habitants. On y comptait autrefois 263 feux , environ
1,300 âmes. C'était le chef-lieu d'une sergcntcrie comprise
(1) Notes de M. Ch. Vusseur.
6/4 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
dans l'élection de Lisieux. Il y avait aussi une vicomte , mais
les audiences se tenaient le plus souvent à l'Hôtellerie.
Moyaux était également le chef-lieu d'un doyenné de l'évêché
de Lisieux , qui
ne comptait pas
moins de 35 pa-
roisses. Tous ces
titres prouvent que
ce bourg remonte
à une haute anti-
quité.
L'église est au
centre des habita-
tions. Elle est gran-
de : sa longueur ,
dans œuvre, est de
120 pieds sur 21
de largeur. Elle se
composait primiti-
vement d'un chœur
et du ne nef avec
une tour en saillie
entre l'un et l'autre,
du côté du midi. Au
XVIe. siècle, on a
modifié ce plan par
l'addition de deux-
chapelles accolées
au flanc nord , en
regard de la tour.
Les parties an-
ciennes SOnt de I»LA\ DE L'ÉGLISE DE MOYAUX.
l'époque romane. Les contreforts qui flanquent les deux
CANTON DE L1SIELX , 1". SECTION. 65
faces latérales du chœur , les ouvertures de la tour et la trace
d'une étroite fenêtre, au midi de la nef , servent , au premier
coup-d'œil , de base à cette attribution. Mais , en analysant
avec attention les diverses parties de l'église, on constate
que tous les gros murs sont romans. Ils sont composés d'un
blocage grossier , en partie recrépi ; les contreforts seuls et
les angles sont en pierre de taille.
La plupart des fenêtres ne datent que du dernier siècle ,
les ouvertures plus anciennes ont été bouchées. Ainsi, on
trouve, à l'extrémité du mur méridional de la nef, la trace de
l'ancienne porte principale dont l'archivolte cintrée tombait
sur des têtes grotesques. A la fin du XIJP. siècle , on a pra-
tiqué une autre porte dans le pignon occidental , qui est
flanqué de deux contreforts de la même époque. Cette porte,
abritée par un porche de bois , est plus ornée qu'on ne le voit
habituellement dans les environs de Lisieux. La baie est garnie
d'un tore, et l'archivolte porte sur deux colonnes à chapiteaux.
Au-dessus, dans le pignon, est une fenêtre flamboyante du
XVe. siècle.
La tour , comme on le voit par le dessin de M. Bouet , est
bien caractérisée. Elle forme un carré parfait ; chaque face
est soutenue par deux contreforts qui n'ont qu'un pied de
saillie. La base est pleine, il n'y a qu'une petite porte pra-
tiquée vers le levant. L'étage intermédiaire est ajouré d'une
petite fenêtre subtrilobée de la dernière période ogivale , ou-
verte au sud , et d'une fenêtre romane géminée du côté du
levant. L'étage du beffroi a, sur chaque face, deux arcades
romanes géminées. La pyramide est en charpente. L'ensemble
a perdu son aplomb d'une manière sensible , cependant il n'y
a rien d'inquiétant pour la conservation.
Le chevet du chœur, usurpé depuis le X\1V. siècle pour
servir de sacristie , est percé d'une grande fenêtre flam-
boyante à deux meneaux. Il a trois contreforts de même
5
66 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
vue de l'église de moyaux.
CANTON DE LISIEUX , 1". SECTION. 67
style , dont un sous la fenêtre. On ne s'explique guère cette
disposition, fréquente au XVe. siècle : évidemment ce con-
trefort, qui souvent n'a pas plus de k à 5 pieds de haut, ne
peut être d'aucune utilité.
Les deux chapelles du nord n'ont rien de particulier dans
leur construction. La plus petite est la chapelle seigneuriale
du Bois -Simon, fief assez important qui se trouve sur le ter-
ritoire de Moyaux.
Le mobilier n'offre rien de remarquable. Une piscine cintrée,
subtrilobée , avec colonnettes , qui semble appartenir à la
construction primitive, est pratiquée dans le mur méridional ;
elle se trouve maintenant dans la sacristie.
Dans le chœur, du côté opposé , est un petit bas-relief en
pierre, du XVIe. siècle, qui représente Notre-Dame-de- Pitié.
C'est, sans doute, l'indication d'une sépulture.
Le maître-autel ne date que du règne de Louis XV.
Sauf la chapelle du Bois- Simon, qui a une voûte en pierre à
nervures et pendentifs de la Renaissance (V. la page suivante),
toutes les parties de l'édifice sont voûtées en lambris. On re-
marque des ornements sur les douvettes de la nef et l'inscrip-
tion suivante :
€eU yxestU
oeuvre û>t
faite l : M : D\ XXX2\)
P : C : D. C.
Lt plus bas :
3. S. jp.
f) : € © D ïl
tonne
Vis-à-vis la chaire, est pendue une copie récente du Christ
68 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
CHAPELLE DU BOIS-SIMON DANS l'ÉCLISE DE MOYAl'Xt
CANTON DE L1SIEUX , lre. SECTION. 69
au tombeau , de Philippe de Champagne ; belle étude analo-
miquc, mais qui ne figure guère bien dans une église du
moyen-âge. Au bas du cadre on lit :
DO NE PAR L EMPEREUR.
SIR LA DEMANDE DE MADAME
LA PRÉSIDENTE THOLONG.
L'église de Moyaux est sous l'invocation de saint Germain.
L'abbé de Bernay nommait à la cure.
La confrérie de la Charité est de fondation ancienne. Un
acte original, du 8 décembre 1641, consacre une constitution
de rente foncière faite par « Pierre Delavigne , Robert et
Pierre, ses fils, au profit de la Charité et Confrarie de Moyaulx,
stipulée par maistre Jean Ermenoult , tabellion royal en la-
dite vicomte et eschevin d'icelle. » On y trouve les noms de
tous les frères servants, année présente.
Des titres de 1480 et de 1543 parlent d'une maladrerie
située sur le territoire de Moyaux ; mais, dès le XVIII*. siècle,
on ignorait sa situation.
Le territoire de la paroisse de Moyaux se trouvait divisé
en un certain nombre de fiefs. L'un d'eux avait conservé le nom
propre de Moyaux. Cassini l'indique encore sur sa Carte. Les
rôles de l'Échiquier de Normandie font mention de Philippe
de Moiaz et de Béatrix de Moiaz en 1184. En 1195 , on re-
trouve encore le même Philippe de Moaz.
Richard de Moyaux fut abbé de Bernay, entre les années
1204 et 1220.
Au XVe. siècle, le fief de Moyaux appartenait à la famille
de Bienfait»1. En 1469, Jehan de Bienfaite, le jeune, sieur du
fief de Cleppin , la Court et Moyaux , comparut aux montres
70 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
de la noblesse du bailliage d'Évreux en équipement d'homme
d'armes à iij chevaulx.
En 15/iO, lors de la recherche des élus de Lisieux , cette
famille avait disparu à son tour , et parmi les divers gentils-
hommes qui firent alors leur production , on n'en voit point
un seul qui soit qualifié de seigneur de Moyaux.
En 1667, une branche de la famille d'Osmont prenait,
dans les actes, les titres de « seigneurs de Mouyaux, Mortemer,
le Couldray. »
En 1766, des sentences de la vicomte font connaître Charles
Le Boctey, chevalier, seigneur et patron honoraire de Moyaux
et autres lieux , conseiller du roi , vicomte enquêteur et com-
missaire examinateur en la vicomte dudit Moyaux. Peut-être
faut-il voir là une faute de greffier.
Seigneurie du Bois-Simon. — Les Montres de la noblesse
du bailliage d'Évreux, en 1469 , font mention de « Jehan de
Lombelon, escuier, seigneur du fief du Bois-Simon. s
Au XVIe. siècle , cette terre était en la possession de la fa-
mille de La Masure. Maistre Robert de La Masure , le jeune ,
était seigneur dudit lieu, en 1562. (Rote des taxes de /'or-
rière-ban du bailliage d'Évreux , par M. l'abbé Lebeurier ,
p. 76. )
Jean de La Masure , sieur du Bois-Simon , fut assassiné ,
quelques années plus tard, par Pierre de la Sceaulle, seigneur
de La Motte, qui fut pour ce fait conduit prisonnier à Rouen ;
il échappa à l'échafaud , ayant obtenu le privilège de lever la
fierté de saint Romain. Il fallait qu'il fût bien fortement pro-
tégé, car il fut choisi par le Chapitre, bien que le roi Henri IV
ait pris la peine de recommander aux chanoines un sieur de
Valsemé, qui avait tué le deffunt sieur de Mailloc. Cette
lettre, datée du camp de Traversy , près la Fère , le 15 avril
1596, est publiée dans les Documents inédits. — Lettres
CANTON DE LÏSIEUX , 1". SECTION. 71
d'Henri IV , t. IV , p. 568. La famille de La Masure possé-
dait encore le Bois- Simon à la fin du XVIIe. siècle. Nicolas
de La Masure, sieur du Bois-Simon, figure dans la Recherche
de la noblesse de 1666.
Seigneurie du Chesne. — Des aveux rendus pour des
terres dépendantes de ce fief font connaître les noms sui-
vants :
« 1°. Monsieur Jean Carrey , escuyer , seigneur et chaste-
lain de Sainct-Gervais, aussy seigneur des fiefs, terres et sei-
gneuries du Chesne-Goville, du Val, etc. , conseiller du roy,
maistre ordinaire en la Chambre des Comptes de Normandie
(20 juin 1659 , 16 novembre 1666) ;
« 2°. Robert de Carrey, escuyer, seigneur de Goville, fief,
terre et seigneurie du Chesne et autres terres et seigneuries
en 1721. »
Seigneurie du Val. — Suivant une quittance de treizièmes
du 2k mai 1588 , « le seigneur du Val se nommait Françoys
Le Portier. Il descendait de Constant Le Portier , sieur du
Chesne, lequel avait pour bisaïeul Jacques Le Portier, qui avait
épousé, en lfr3/i, damoiselle Isabeau de Borel. »
Plus tard , comme on vient de le voir , la famille de Carrey
compta le Val au nombre de ses fiefs. Outre les noms que l'on
a déjà lus, des aveux mentionnent :
« 1°. Monseigneur François de Carrey , èquier , seigneur
et patron de St.-Gervais et de St.-Jean-d'Asnières, l'Aunay, le
Val, le Bosc, etc., conseiller du roy en son Parlement de Nor-
mandie ;
« 2°. Messire Alexandre-François de Carrey , chevalier ,
seigneur châtelain et patron de St.-Gervais, seigneur et
patron de St. -Léger de Glatigny, seigneur et patron honoraire
de Claville, seigneur de Goville et du Mesnil-Godcment, sei-
gneur des fiefs , terres et seigneuries de Piencourt , Baudry ,
72 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Robar et autres lieux , conseiller du roy en sa grand'chambre
du Parlement de Normandie. » Ces deux documents sont
datés de 1719 et 1735.
Seigneurie de Mortemer. — C'est encore dans des aveux
et des actes originaux que j'ai recueilli les noms des seigneurs
de Mortemer. Dès 1603, il est fait mention de « noble homme
Charles de Clercy, escuyer , seigneur des terres et sieuries de
Mortemer, les Louveretz, le Fresné, Filletot et Auremesnil. »
Ce seigneur eut des démêlés avec le baron de Fumichon ,
messire Jehan de Longchamp , chevalier de l'ordre du roy ,
gouverneur de Lisieux, en 1629, relativement à des droits de
treizièmes, réclamés par l'un et par l'autre, pour des terres
qui avaient été vendues à un sieur Anglement par Jehan
Ermenoult , escuyer, sieur de Mortemê , le 10 novembre
162^. Sur neuf pièces dont il était question, la transaction
qui régla le différend en attribue six à la sieurie de Mortemer.
Charles de Clercy était mort en 16^8, laissant des enfants
mineurs. Mortemer passa alors, ou quelques années plus tard,
dans la famille d'Osmont, qui la posséda pendant plus de
cent ans. Une pièce de procédure, qui porte la date du
21 juin 1786 , fournit le nom de « Nicolas Auvrey, écuyer ,
sieur d'Imanville , défendeur au procès, comme héritier du
feu sieur d'Osmont de Mortemer. »
Cette famille Auvrey n'était point restée jusque-là étran-
gère à Moyaux. Dès 1 5^0 , on y trouve Jean Auvrey , sieur
de Bonnechose, et Robert Auvrey, sieur du Bois-Simon, dont
le sieur d'Imanville descendait sans aucun doute.
Seigneurie de GoviUe. — Le fief de Goville ou Gauville
se trouvait également sur la paroisse de Moyaux. Comme on
l'a vu à l'occasion du Val, il appartenait , dans les dernières
années du XVIe. siècle, à François Le Portier. Il se retrouve,
au XVIIe. , dans les mains de la famille Carrey. Il n'y a donc
rien de plus à en dire que ce que l'on a déjà vu.
CANTON DE LISILUX , lrf. SECTION. 73
FUMICHON (1).
Fumichon , Fomuchon , Foumuceon , Folmucon , Foumu-
chon, Fumechon.
Élection de Lisieux , sergenterie de Moyaux; 135 feux au
XVIIIe. siècle, environ 650 habitants; on n'en compte plus
que 387.
L'église de Fumichon est ancienne , mais peu intéressante.
Elle a subi, plus ou moins récemment , des restaurations qui
équivalent à peu près à des mutilations.
Le portail, placé à l'ouest, est soutenu par deux contre-
forts plats de l'époque romane. Les murs sont en blocage,
complètement recrépis : il est donc impossible de constater la
disposition de l'appareil. La porte cintrée est étroite et basse,
sans aucune moulure. Peut-être est-elle romane. Un porche
en bois, qui date du XVIe. siècle, la protège. Sur le portail
s'élève le clocher, en charpente, recouvert d'ardoise.
En examinant le mur latéral qui fait face au sud, on con-
state avec étonnement que le chœur n'est point en retraite
sur la nef, comme on l'observe généralement. Malgré l'enduit
qui les recouvre, ces murs paraissent pourtant anciens; les
trois contreforts qui les soutiennent sont semblables à ceux
du portail , par conséquent romans. Cinq fenêtres y sont pra-
tiquées; aucune ne m'a paru avoir de caractère.
Le mur du nord ne présente aucune particularité'. Il pa-
raît du même temps que son correspondant ; il ira point de
contreforts, si ce n'est à l'extrémité orientale du chœur. Ce
contrefort, très-dégradé, était roman.
Le chevet, qui est droit, est soutenu aussi par trois con-
treforts romans.
(i) Notes de M. Ch. Vasseur.
1U STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
L'intérieur a élé modernisé , et il faut bien le dire , sans
aucun goût. On a coupé les entraits des voûtes de merrain,
au risque d'amener la ruine de toute la construction.
Le mobilier ne mérite aucune attention, excepté le maître-
autel. Il date du règne de Louis XIV. Le rétable se compose
de deux colonnes torses qui supportent un fronton cintré
coupé. Le tombeau est droit. On y voit deux blasons sem-
blables, qui malheureusement ont été peints avec ineptie.
Le peu qui reste des pièces me ferait supposer qu'ils
portaient les armoiries des Rabodanges, qui ont possédé la
baronnie de Fumichon. Un collier d'ordre les entoure.
Les fonts sont anciens , en forme de cuve ; je n'ose en
fixer le siècle.
Dans le pavage du chœur , est une plaque de marbre noir
qui recouvre la sépulture de M. N. Pilet , qui fut curé de la
paroisse pendant UQ ans, et décéda en 1858.
Cette église était sous l'invocation de saint Germain. Elle
dépendait du doyenné de Moyaux. Le seigneur du lieu pré-
sentait à la cure.
Château. — Le château de Fumichon est situé à cinq cents
pas environ au sud-ouest de l'église, toujours dans la plaine,
mais sur la lisière des bois.
Dans son état présent, composé comme il est, de construc-
tions de toutes les époques, il est difficile de déterminer quel
a été son plan primitif. Les parties les plus caractérisées, qui
me paraissent dater du règne d'Henri IV , sont la tour, assez
considérable, garnie de mâchicoulis , qui sert maintenant de
colombier ; les deux pavillons, dont l'un occupe l'extrémité de
l'aile droite et l'autre lui est parallèle ; enfin le gros pavillon
qui finit la façade à gauche, du côté des jardins légumiers.
Ces constructions sont en briques avec chaînages de pierre.
Les lucarnes en pierre mouvementent convenablement les
76 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
combles, et des tourelles rondes, à toit en lanterne , les ac-
compagnent. Le reste m'a paru moderne , ou bien est telle-
ment défiguré qu'il n'offre aucun intérêt.
La terre de Fumichon a toujours eu de l'importance, et
malgré son isolement au milieu des terres , elle fixe l'atten-
tion de beaucoup de touristes, depuis que M. Raymond Bor-
deaux en a parlé dans sa Statistique routière (1).
Après Joscelin de Fumichon, Gervais de Fumichon et
Henri de Fumichon , qui vivaient aux XIIe. et XIIIe. siècles,
la plus ancienne famille que j'aie trouvée en possession de la
terre de Fumichon est la famille de Longchamp.
En 1463 , Jean de Longchamp fit ses preuves de noblesse
à Fumichon , devant Montfaut. Six ans plus tard, aux Montres
de la noblesse du bailliage d'Évreux, «Brunetde Longchamp,
seigneur du fief de Fumichon , se présenta en habillement
de vougier monté de deulx chevaulx. »
En 15^0, Geoffroy de Longchamp était seigneur de Fu-
michon. Son fils, Guy de Longchamp de Fumichon, fut gou-
verneur de Lisieux entre les années 155ft et 1587. Dans cette
dernière année, il céda sa charge à Jean de Longchamp , son
fils. Un acte original du 28 juin 1629, fait encore mention de
ce même « messire Jehan de Longchamp, chevallier de l'ordre
du roy , conseiller en ses Conseils d'Estat et privé, gouver-
neur de la ville de Lisieux , baron de Fumichon , Baudet , La
Lande, Baratte et autres qualités et sieuries. »
Mais il était décédé en 1637 , ne laissant que deux filles,
dont l'une avait épousé le baron de Livarot d'Oraison , et
l'autre messire Louis de Rabodanges, chevalier, marquis de
Crévecœur ; et c'est ce dernier qui devint baron de Fumichon.
Il portait pour armoiries : ècarteiè au 1er. et 4e. d'or à la
(i) Statistique routière de Lisieux à la frontière de Normandie, par
M. Raymond Bordeaux ; br. in-8°., p. 9.
CANTON DE L1S1EUX , lr". SECTION. 77
croix ancrée de gueules; au 2e. et 3e. de gueules à 3 co-
quilles d'or. C'est ce blason que je crois avoir vu sur l'autel.
OUILL1E-DU-HOULLEY (1).
Ouillie-du-Houlley, Oullaya Ribaldi , S. Martinus de
Ouilleia.
L'église est assez importante. La nef date de la fin du
XVe. siècle : elle est construite avec assez de soin. La porte
s'ouvre à l'ouest. Elle est carrée, à moulures prismatiques,
avec un blason derrière lequel est passée une crosse en pal.
L'appareil du mur est un damier de silex et de pierre de
taille. Au-dessus de la porte est une niche, vide de sa statue.
Les contreforts sont sur l'angle. Les murs latéraux n'offrent
pas un intérêt égal : celui du nord est soigneusement construit
en pierre de taille; il était divisé en quatre travées par des
contreforts qui ont été enlevés , il serait difficile de dire
pour quelle raison. Un glacis court sur le plein des murs, au
niveau de l'appui des fenêtres, qui sont au nombre de quatre.
Leur forme est ogivale , avec nervures prismatiques, à l'ex-
ception de la dernière qui est cintrée et subdivisée en deux
baies géminées.
On voit aussi , de ce côté , une porte à pinacles. Au
sommet de l'accolade , est un ange embrassant un écusson
mutilé ; c'était probablement le support d'une statuette qui
manque.
Les ouvertures du midi n'offrent aucun intérêt, si ce n'est
une fenêtre carrée, entourée de moulures prismatiques, sub-
divisée en deux baies cintrées subtrilobées. Cette forme n'est
pas»commune dans le pays. Elle appartient au XVIe. siècle.
(1) Notes de M. Charles Vusseur.
78 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
On a été obligé de reconstruire les deux murs latéraux du
chœur, qui avaient perdu leur aplomb par suite de l'enlève-
ment des enlraits de la voûte. Le chevet seul est ancien ; il
est éclairé par une grande fenêtre ogivale. Le clocher est une
pyramide en charpente , placée à l'extrémité occidentale.
L'intérieur contient peu d'objets dignes d'attention. La
voûte du chœur est déshonorée par l'enlèvement de ses pièces
principales. Celle de la nef a conservé ses six fermes de char-
pente apparente. Chacun des entraits est soutenu sur des
consoles de pierre en forme de corbeaux. Une d'elles repré-
sente un ange soutenant un blason soigneusement bûché. Il
est présumable qu'il avait sur son champ les fleurs de lis de
France.
L'arc triomphal est de même époque que l'ensemble des
constructions. C'est une ogive prismatique, portée par deux
gros piliers semi-cylindriques.
Les deux petits autels qui sont dans la nef proviennent de
l'église de St. -Léger ; ils n'ont aucune valeur artistique.
Le maître-autel est récent. Le sanctuaire est pavé en car-
reaux émaillés de la fabrique d'Auneuil, près Beauvais. Leur
dessin est simple et de bon goût, et les combinaisons adoptées
sont très-satisfaisantes.
M. le Curé vient de mettre à découvert deux des blasons
de la litre funèbre.
Du Houlley : d'azur à 3 étoiles d'or, la première à 5
pointes , la deuxième à § et la troisième à 7.
Cette église est dédiée à saint Martin.
Les pouillés lui donnent pour patrons : au XIVe. siècle ,
R. de Brucourt, seigneur temporel du lieu ; au XVIe. siècle ,
l'abbé de St.-Laumer, de Blois, et au XVIIIe. siècle, l'évêque
de Blois.
Château. —Le château offre un très-grand intérêt. Il est
CANTON DE LISIEUX , lr*. SECTION.
79
80 STATISTIQUE MONUMENTALE OU CALVADOS.
CANTON DE LISIEUX , lr\ SECTION.
81
$2 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
construit sur la croupe d'un mamelon assez élevé, et sa masse
carrée, vue des coteaux voisins, est fort imposante.
Le plan que voici et les dessins de M. Bouet permettront
d'abréger la description.
PLAN DU CHATEAU D OUILLÎF.
Évidemment toutes ces constructions ne sont point d'une
seule époque. Les parties les plus anciennes , qui datent de
l'époque gothique , sont , à l'extérieur , les tours circulaires
qui occupent l'angle nord-ouest , le bâtiment qui leur sert de
courtine vers le nord , et les autres tourelles circulaires qui
défendaient l'angle nord-est , ainsi que toutes les parties
basses du mur qui les sépare; le long mur plein qui regarde
le levant, et, on peut le présumer, toutes les parties infé-
rieures du reste de l'enceinte. A l'intérieur de la cour , une
CANTON DE US1EUX , 1". SECTION. 83
seule partie est bien caractérisée , c'est la tourelle octogone
terminée par le campanille de l'horloge et les "bâtiments ad-
jacents, à droite et à gauche. On peut en juger par le dessin.
Le reste accuse, dans son ensemble , la fin du XVIe . siècle
ou le commencement du XVIIe. ; en un mot , le règne
d'Henri IV. La chapelle, qui est maintenant détruite, devait
dater aussi à peu près de cette époque.
Les matériaux employés sont la pierre de taille et même le
moellon pour les parties anciennes ; la pierre et la brique
pour les autres parties. L'étage supérieur du bâtiment, qui se
trouve entre le pavillon d'entrée et le grand escalier , est en
pans de bois.
Les constructions de l'est sont occupées par des écuries et
des communs; elles ne sont élevées que d'un rez-de-chaussée
avec greniers. Il n'y a, vers l'extérieur, d'autres ouvertures
qu'une série de meurtrières qui correspondent aux greniers.
Les appartements d'habitation sont situés dans le bâtiment
parallèle. La grande porte d'entrée est pratiquée dans un
pavillon élevé, qui fait partie de la seconde époque , dont
voici l'aspect extérieur (Voir le dessin page suivante).
L'accès consistait en deux ponts-levis jetés sur les fossés :
l'un conduisait à la grande porte, l'autre à la poterne
qui accédait dans le corps-de-garde. Il n'y a aucune autre
porte que celle de ce corps-de -garde dans le couloir qui,
de la grande porte, mène à la cour intérieure. L'escalier
qui conduit à la grande salle de l'étage supérieur, d'où l'on
devait manœuvrer les chaînes des ponts , s'ouvre immé-
diatement sur la cour. De l'autre côté est un appartement
avec une cheminée, peut-être la cuisine de la garnison.
La chapelle s'appuyait contre ce pavillon d'entrée , et son
chevet faisait saillie dans la cour (1). Elle n'était donc point
(1) Celle chapelle, sous l'invocation de saint Jean cl de saint Phi-
8/i STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Bouet <lel«
EKTRKE DU CHATEAU I) OllLLT:: DU IIOII.LEV.
CANTON DE LISIEUX , lre. SECTION. 85
orientée*; mais sa disposition contribuait encore aux moyens
de défense , en permettant de tirer des fenêtres sur le flanc
gauche des assaillants , qui , les portes rompues , se seraient
précipités, dans la cour. Le bâtiment en bois dont nous avons
parlé n'est guère , jusqu'à l'angle des grands logis , qu'une
galerie conduisant à la tribune de la chapelle. Le bas est ou-
vert et servait de remises pour les équipages de guerre ou de
lippe, était un bénéfice dont le titulaire était présenté par le baron
dWillie.
86 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
voyage. Le châtelain et sa suite assistaient aux offices dans
la tribune ; la chapelle était petite et une foule nombreuse
n'aurait pu y trouver place.
Le rez-de-chaussée du corps d'habitation ne comprenait
que deux grandes salles. La principale avait , sur le manteau
de sa vaste cheminée , une peinture fort détériorée , qui pa-
raissait représenter le Jugement de Paris. Elle est maintenant
presque indéchiffrable. On accède à l'étage supérieur par deux
escaliers principaux : le grand escalier en pierre à rampes
droites et un escalier à vis qui remplit la tourelle octogone.
Un escalier de service est contenu dans une des petites tou-
relles de l'angle , et un autre conduit au pavillon de l'angle
opposé. La disposition de ces appartements a été sensible-
ment modifiée sous le règne de Louis XIV. A gauche
du grand escalier, on trouve diverses chambres et bou-
doirs. Dans la chambre qui remplit le pavillon d'angle , on
doit remarquer les pavés émaillés qui garnissent le contre-
cœur de la cheminée. Leur dessin est fort bon, et leurs vives
couleurs flattent l'œil bien mieux que les marbres ou les
carreaux blancs qu'il est de mode d'employer aujourd'hui.
Ils proviennent des fabriques du Prédauge et de Manerbe ,
dont les fours n'ont été éteints que par la Révolution. La
plaque de fonte porte des armoiries. Deux lions servent de
support à l'écu qui est sommé d'un casque à lambrequins,
taré de face. Le champ de l'écu est parti : au 1er. , trois
étoiles ; au 2e. , une croix , avec peut-être quatre pièces aux
cantons.
Le premier ne laisse pas de doute : ce sont les armoiries
de la famille du Houlley, que nous avons déjà trouvées à
l'église.
L'appartement précédent était encore dernièrement tapissé
de cuirs gaufrés et dorés , d'un dessin remarquable , et qui
étaient loin d'avoir perdu leur éclat.
CANTON DE L1SIEUX , lre. SECTION. 87
A droite du grand escalier , on entrait dans un vaste salon
dont la décoration paraît n'avoir jamais été terminée. Ensuite
se trouvait la salle à manger ; elle était aussi très-vaste , mais
de forme irrégulière. On l'avait placée dans les deux tou-
relles circulaires de l'angle. Sa disposition était assez heu-
reuse. Ses murs étaient lambrissés, avec sujets peints sur les
panneaux. Dans un des angles se trouve encore un lavabo en
marbre.
Dans les bâtiments du retour, on ne trouvait que de petits
appartements.
Le plus ancien des seigneurs d'Ouillie dont le nom soit
conservé est Martin d'Ouillie , qui figure dans les rôles de
l'Échiquier de Normandie à la date de 1180 : Martinus de
Oilleia 10 solid. pro duello Lexov.
Depuis cette époque jusqu'à la fin du XVe. siècle, je n'ai
pu découvrir les noms d'aucun seigneur d'Ouillie. Le registre
de Philippe-Auguste n'en fait pas mention. En 1464, Philippe
Le Veneur , baron de Tillières , fit partage de la seigneurie
&'Omllé-le-Ribaut avec Philippe de Manneville et Catherine
Le Baveux, veuve de Louvel-L'Estandart.
Philippe Le Veneur avait épousé, en 1450, Marie Blosset,
fille de Guillaume Blosset , seigneur de Carrouges et de Mar-
guerite de Malestroit.
Il avait une part d'hérédité dans la terre d'Ouillie, parce que
Jean, son père, seigneur du Homme, qui fut tué à Azincourt,
en 1415 , avait épousé Jeanne Le Baveux, fille de Robert Le
Baveux, baron de Tillières et d'Agnès Paynel. C'était une hé-
ritière. Je suis porté à croire pourtant, sans en avoir de
preuve , que la terre d'Ouillie venait des Paynel , qui possé-
dèrent beaucoup de terres de ce côté.
C'est Philippe de Manneville qui resta en possession
d'Ouillie.
Monseigneur Jehan de Manneville, sans doute son fils, chc-
88 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
valier, seigneur et baron d'Ouillie et d'un fief assis à Lieuray,
nommé Tillière, n'ayant point comparu aux montres de la
noblesse du bailliage d'Évreux ordonnées par Louis XI en
1469 , ses fiefs furent « prins et mis en la main du Roy...
« sous laquelle ils seront régis et couvergnez jusques à ce qu'il
« ait fait apparoir comme et du lieu ou il s'estoit présenté. »
( Voyez les Monstres du bailliage d'Evreux , publiées par
M. Bonnin, p. Zi3. )
En 1540, René de Maintenon était seigneur et baron
d'Ouillie. Pour justifier sa noblesse devant les élus de Lisieux,
il produisit « plusieurs lettres et écritures, la première des-
quelles est une grande lettre en parchemin en forme de rôle
commençante le lundi 24 juin 1409, sous le nom de Etienne
Loresse , escuyer de l'écurie du Roy , duquel il a dit fournir
être descendu par plusieurs lettres et écritures. Et si a fourni
comme la différence du nom de Loresse à celui de Maintenon
venoit de ce que Mc. Jean Costereau thésorier de France ,
possesseur de leur chatellenie de Maintenon, qui avoit appar-
tenu aux prédécesseurs dudit baron , avoit voulu usurper
les noms et armes dudit Maintenon, à laquelle usurpation
s'étoit opposé ledit baron, jouxte ce que contient l'acte d'op-
position. )) ( Recherche des Élus de Lisieux , publiée par
M. de La Roque, p. 30-31. )
Gaston de Maintenon, baron d'Ouillie-la-Ribaude, épousa,
en 1551 , Marguerite de Nollent, la dernière des quatre filles
de Florent de Nollent, seigneur de St.-Contest, et de Louise
de Chançaux Le Breton. (Lachesnaye des Bois, t. XI, art.
Nollent.)
Dès le commencement du XVIIe. siècle , la baronnie
d'Ouillie est dans les mains de la famille de Longchamp, issue
de la paroisse de St. -Léger, dont plusieurs membres furent
gouverneurs de la ville de Lisieux au XVIe.- siècle.
Dansla transaction déjà citée, faiteavec le receveur de Charles
CANTON DE LISIEUX , lre. SECTION. 89
de Clercy , écuyer, sieur de Mortemer et des Louverets , re-
lativement à des droits de treizièmes à prélever sur des terres
situées à Moyaux , messire Jehan de Longchamp prend les
qualifications suivantes : « chevallier de l'ordre du Roy ,
conseiller en ses Conseils d'Estat et privé , gouverneur de la
ville de Lisieulx , baron et chastellain d'Ouillie , seigneur de
Fumichon, Baudet, La Lande , Baratte et autres qualités et
sieuries. » Il avait épousé noble dame Jehanne Dumoulin ,
qui mourut vers \6\U; car, le 27 août de cette année, ses
biens furent partagés par François Lambert d'Herbigny, d'une
part ; Nicolas, Jean et Louis de Bigars, d'une autre part, et
enfin par Abraham de Combault , héritiers chacun pour un
tiers. (Titres originaux aux archives de l'Hospice de Lisieux.)
Jehan de Longchamp ne laissa point d'héritiers mâles , et
sa fortune fut partagée entre Louis de Rabodanges et César
d'Oraison , qui avaient épousé ses deux filles. La femme du
marquis de Rabodanges eut Fumichon; celle du sieur d'Oraison,
Ouillie. C'est ce qui résulte de protocoles d'actes où l'on voit
figurer : « haut et puissant seigneur messire Louis de Rabo-
denge, chevallier, marquis de Crévecœur et baron de Fu-
michon (27 septembre 1650); messire César d'Oraison,
chevallier, marquis de Livarot, baron et chastellain d'Ouillie,
seigneur du Mesnil-Godemen et plusieurs autres terres,
soubz- lieutenant des gendarmes bourguignons, gouverneur,
pour le service de Sa Majesté, de la ville de Lisieux (1637-
1672-1683). »
César d'Oraison fit sa résidence ordinaire au château
d'Ouillie. Il y produisit dans la recherche de la noblesse de
1666. On y lit :
(( Ouillie. — Cezar d'Oraison, chastelain de Livarot, antien
noble. »
Il laissa postérité. Néanmoins la baronnie d'Ouillie ne tarda
pas à passer , par acquêt , à la famille du Houlley , qui lui a
90 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
laissé son nom. Messire Alexandre- François-Pierre du Houlley,
chevalier, seigneur, baron, châtelain et haut -justicier du
Houlley, seigneur, baron et patron de Fumichon, Firfol, La
Lande, Baudet, Barole, Thillières et autres lieux, mourut entre
1785 et 1787 , laissant pour seule héritière sa sœur , noble
dame Anne-Renée-Cécile du Houlley , épouse de messire
Daniel de Loynes , chevalier , seigneur de Mazères et autres
lieux, chevalier de l'ordre royal et militaire de St. -Louis, de-
meurant ordinairement à Orléans.
M. de Mazères possédait encore ces terres au moment de
la Révolution.
M. Baguenault, qui a épousé Mme. Adélaïde-Zoé de Loynes du
Houlley, nièce de M. de Mazères, vient d'aliéner la terre et le
château.
La baronnie d'Ouillie , qui se composait de quatre fiefs de
haubert et avait une haute-justice, s'étendait sur les paroisses
de Moyaux, d'Hermival et autres environnantes. Au moment
de la Révolution , elle valait , en rentes et redevances féo-
dales et en fermages de terres non fieffées, environ 80,000 fr.
de rente.
Le Houlley faisait partie du doyenné et de la sergenterie
de Moyaux. On y comptait 45 feux , environ 225 habitants.
Comme on y a réuni la paroisse de St. -Léger, dont nous par-
lerons tout à l'heure , et qui comptait 63 feux ou 315 habi-
tants, on devrait, en totalisant, trouver une population de
540 âmes. Les états officiels n'en accusent que 436. Là ,
comme presque partout, la diminution est sensible.
SAINT-LÉGER-D'OUILLIE (1).
St.-Léger-d'Ouillie , S. Leodcgarius, S, L. de Ouilleia,
S. Léger du Houlley.
(1) Noies de M. Ch. Vasscur.
CANTON DE LISJEUX , \\ SECTION. 91
Comme on vient de le voir , le territoire de St. -Léger est
réuni à Ouillie-du-Houlley. L'église a été détruite , mais le
cimetière est conservé.
C'était l'abbé de St.-Laumer de Blois qui présentait à la
cure. Il y avait un prieuré régulier dépendant de cette
abbaye.
St.-Laumer étant devenu évêché en 1697 , l'évêque de
Blois a remplacé l'abbé dans tous ses droits.
Je n'ai pu trouver que le nom d'un seul prieur de St.-
Léger, Léonor du Merle , quatrième fils de Jean du Merle et
d'Esther de Chaumont, cbef de la branche d'Auval. Il vivait
à la fin du XVIIe. siècle.
FIRFOL (1).
Firfol, Fier fol, Frafolium.
Dans son état actuel, l'église de Firfol ne présente aucun
vie de l'église de firfol.
intérêt. Tout le mur méridional a été refait à la fin du XVIe. siècle
ou a l'époque moderne. Les murs du chœur ont été recon-
i) Noirs fie at. eh. Vasieur.
92 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS,
struits récemment ; lors de"ce
travail, on a mutilé les deux
contreforts plats qui remon-
taient à la construction pri-
mitive. Le nord a conservé ,
dans son intégrité , ses ca-
ractères d'antiquité. Absence
de contreforts et de fenêtres
à la nef ; deux contreforts
plats et une fenêtre étroite ,
cintrée , romane , au choeur.
L'appareil est Yopus spicatum,
bien caractérisé. La porte
principale s'ouvre à l'extré-
mité de la nef, au midi.
Vis-à-vis , dans le mur du
nord, était pratiquée une pe-
tite porte romane, maintenant
bouchée ; c'est probablement
la porte du prêtre. Le presbytère est encore situé de ce côté ;
le cimetière ne s'étend que du côté du midi.
Les voûtes sont en merrain, mais on les a recouvertes d'une
couche de plâtre.
Près du maître-autel , qui date du dernier siècle , est pra-
tiquée une piscine ogivale subtrilobée , qui date du XIIIe.
siècle.
Il y avait autrefois un arc triomphal, il a disparu ; les murs
de la nef et du chœur sont sur la même ligne.
Il faut remarquer, dans le mobilier, une petite statuette
placée sur le mur latéral du chœur , du côté de l'évangile.
Elle porte sa date :
S. IEHAN BAPTISTE DOE
PAR GUILLE LOIR FILZ THOAS
1603.
CANTON DE LISIEUX , lre. SECTION. 93
Son exécution esl loin d'être artistique.
Le parement du maître-autel , à double face, est peint sur
toile et d'une exécution remarquable. Au centre est le Saint-
Esprit , sous la forme d'une colombe , planant au milieu de
bouquets de fleurs d'un beau coloris et d'un bon dessin.
Celui du petit autel du nord n'est pas moins riche. Le fond
est toujours formé par des rinceaux et des fleurs ; le sujet
central est l'Agneau debout sur le livre aux sept sceaux.
Les fonts baptismaux se composent d'une cuve circulaire sans
pédicule, ornée seulement de deux moulures. Je ne puis
préciser l'époque à laquelle ils remontent, mais je les crois
fort anciens. M. le curé m'a dit être dans l'intention de les
remplacer par une mesquine cuvette de marbre , parce qu'ils
empêchent le développement des processions.
La cloche est de 1783. Elle ne porte d'autre inscription
que le nom du trésorier en charge.
L'église de Firfol est sous l'invocation de Notre-Dame. Le
patronage appartenait à l'abbaye de Cormeilles. Elle était com-
prise dans le doyenné de Moyaux.
Prieuré. — Il y avait, sur le territoire de Firfol, un prieuré
régulier , dont le patronage appartenait , comme celui de
l'église paroissiale, à l'abbaye de Cormeilles.
La chapelle existe encore. C'est un petit édifice construit avec
soin, qui date de la fin du XIIIe. siècle ou des premières années
du XIVe. Voici les dessins que M. Boueten a faits (V. p. suiv.).
Le chevet est droit et ajouré d'une grande fenêtre à me-
neaux qui occupe tout le pignon. Les murs latéraux sont di-
visés en deux travées par un contrefort; deux autres contre-
forts soutiennent les angles. Le midi est percé de deux
fenêtres ogivales de médiocre dimension , partagées autrefois
par un meneau qui portait sans doute une tracerie rayon-
nante. Sa corniche est accompagnée d'une série de trèfles
gravés en creux dans la pierre. Au nord, il n'y a d'ouvertures
M
STATISTIQUE MONUMENTALE DV CALVADOS.
CAINTOiN l)L USIEUX, lr\ SECTION. 1)5
primitives que vers l'orient , ce sont deux étroites lancettes.
Des bâtiments ont dû s'appuyer de ce côté à la chapelle , qui
est élevée sur une cave et correspondait ainsi à leur premier
étage. Les portes sont peu caractérisées et doivent dater de
diverses époques.
ENTRÉE DE LA CHAPELLE DU PRIEURE.
La grande porte d'entrée s'ouvre sur le chrniin . à l'occi-
96 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
dent. Elle est à arc surbaissé et paraît avoir été retravaillée
vers la fin du XVIe. siècle. Le porche en maçonnerie qui la
protège date du XVe. siècle ; il était recouvert par une voûte
ogivale en charpente fort soignée et dont les moulures se ren-
contrent assez rarement.
Au-dessus, dans le pignon, s'ouvre une fenêtre semblable à
celles qui éclairent le mur méridional. L'appareil des murs
se compose de moellons ; on n'a employé la pierre de taille
que pour les angles, les contreforts, la corniche et l'entou-
rage des baies. La pierre est rare dans le pays , et il est fort
instructif d'étudier la manière intelligente dont le constructeur
a su l'économiser, tout en donnant à son œuvre un air d'am-
pleur qu'on atteindrait difficilement , même avec les res-
sources dont les architectes disposent de nos jours. Les colon-
neltes sont grêles , les chapi-
teaux peu fouillés, les bases un
peu plates; mais il faut une ana-
lyse complète pour constater
ces défectuosités, que le pre-
mier coup-d'œiln'aperç >itpas.
Les gros murs me paraissent
dater de deux époques : une
partie du blocage , surtout au
nord et à l'orient, peut remon-
ter jusqu'au commencement
du XIIIe. siècle , comme les
deux étroites lancettes dont il i
déjà été parlé ; le reste est de
cent ans plus jeune et appar-
tient, comme les autres fenê-
tres, à l'architecture rayon-
nante.
Le plan indique la longueur
et la largeur de la cinpelle ;
CANTON DE MSUUJX, ir». SECTION. \)1
les murs latéraux ont, sous comble, 22 pieds environ ; on
compte 38 pieds au haut du triangle du chevet.
Cette chapelle sert maintenant de bâtiment d'exploitation
rurale. La voûte est ogivale , en merrain , avec entraits et
poinçons visibles. Des trèfles en noir décorent les dou-
vettes.
Les fourrages qui y sont habituellement entassés empê-
chent un examen approfondi de toutes les parois ; il doit y
avoir une piscine.
M. le curé de Firfol a eu l'obligeance de nous communi-
quer les noms des prieurs de St. -Christophe qu'il a
trouvés , en dépouillant les registres de sa paroisse. Ces re-
gistres remontent jusqu'à 1600; mais c'est seulement un
siècle plus tard que l'on trouve le premier prieur , et la
liste est loin d'être complète :
1708. Richard de Guirard; il portait, suivant d'Hozier :
losange d'argent et de gueules.
1718. Frère Philippe-Antoine de Trousseauville, de l'ordre
des Frères mineurs, couvent de Bernay. Il remplissait , celte
année-là, les fonctions de desservant provisoire de la pa-
roisse.
Manoir. — De l'autre côté du chemin est l'enclos du
manoir de St. -Christophe. Malgré son nom, qui pourrait
le faire regarder comme une dépendance du prieuré dont
nous venons de nous occuper, c'était un fief laïque. Il
appartient à cette classe de constructions en bois , d'un in-
térêt tout particulier , qu'on ne rencontre que dans les en-
virons de Lisieux. Sa construction date de la transition entre
le style gothique et la Renaissance. Le plan et les deux dessins
de M. Bouet font voir sa disposition et son aspect d'en-
semble.
7
1)8
STATISTIQUE MONUMENTALE l>U CALVADOS.
PLAN DES APPARTEMENTS Dl
PREMIER ÉTAGE.
111
PLAN DU MANOIR DE FIRFOL.
Du côté de la façade, les moulures des sablières, les profils
des poteaux corniers el des poteaux d'huisserie sont gothiques.
Il n'y a aucune sculpture. Tout l'effet est produit par les en-
corbellements et la tourelle carrée de l'escalier, qui présente
son pignon parallèlement à la façade.
Le bout de la maison, qui forme galerie ouverte au rez-de-
chaussée, el la face du côté du jardin ont reçu une très-riche
décoration.
Les trois poteaux qui servent de colonnes à la galerie et
portent les étages supérieurs sont sculptés, sur chaque face ,
d'ornements de la Renaissance, tous variés, mais dont un
CANTON DE LÉSIEÛX', lr\ SECTION.
99
100
STATISTIQUE MOM MENTALE 1)1 CALVADOS.
CANTON DE LISIEUX , 1™. SECTION. 10 1
spécimen fera suffisamment counaître les motifs ( V. la page
suivante).
Au milieu de ces trophées sont des médaillons circulaires ,
renfermant un buste d'homme et un buste de femme. Il est
à croire qu'il ne faut considérer ces figures, que l'on rencontre
dans presque toutes les constructions de la Renaissance , que
comme pure décoration. Souvent on raconte que ce sont les
portraits du maître et de la maîtresse du logis. Sur la face
externe du poteau central est un sujet en haut-relief. Malgré
son état de dégradation , du aux intempérances du temps
aussi bien qu'aux accidents inséparables d'une existence de
trois siècles, on reconnaît parfaitement saint Christophe, por-
tant sur l'épaule son fardeau divin.
L'angle du poteau cornier porte aussi une statuette. C'est
une femme couronnée, ayant une épée à la main, un monstre
sous les pieds. A ces emblèmes, on reconnaît sainte Margue-
rite. Les sablières ont de jolis rinceaux de la Renaissance.
A l'étage supérieur, s'ouvre une jolie fenêtre à croix déli-
catement ciselée. Sur le trumeau central est représenté saint
Michel, terrassant le diable. Il y avait, sur la façade, deux
statuettes qui ont été. bûchées ; nous avons pu découvrir ,
pour toute sculpture une feuille de chêne derrière un volet.
Est-ce un rébus? Faut-il y voir une allusion au nom du
constructeur ou à celui du propriétaire ?
La face du jardin a conservé intacte toute sa décoration.
Elle est concentrée sur la partie méridionale ; la salle qui fait
saillie est en pierre et sans ornements. Elle doit être de
même date que le reste.
Au midi , nous trouvons les sablières avec rageurs bien
conservées , les fenêtres de même style que celle que nous
avons déjà décrite, plus un double rang de statuettes.
Au rez-de-chaussée, sainte Barbe, saint Pierre , saint Jean
l'Évangéliste avec son calice surmonté d'un dragon ; enfin,
102 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
SCULPTURE DE UA RENAISSANCE, AU MANOIR Bï FIRFOl,
CANTON DE LISIEUX , \T*. SECTION. 103
une femme agenouillée devant un homme le bras levé , le vê-
tement court , comme on représente a cette époque le bour-
reau. Nous ne pouvons deviner ce sujet.
A l'étage supérieur, en suivant le même ordre, on reconnaît
un évêque bénissant ; la Trinité , telle qu'on la figurait ordi-
nairement, savoir : le Père-Éternel , assis, soutenant la croix
de ses deux mains et une colombe planant au-dessus de la tête
du Christ; enfin, une femme agenouillée tenant une corbeille.
A divers endroits, on reconnaît la trace de blasons qui au-
raient pu nous faire deviner le nom de l'ordonnateur de
cette œuvre artistique; mais ils ont été bûches avec un soin
désolant.
A l'intérieur, on voit encore de vastes cheminées dont les
CHEMINEE 1)1 HANOIB DK FIItl-'OL.
manteaux de pierre sont portés par des cotomiéUcs. Voici un
î{)tl STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
croquis de celle de la cuisine. Dans une des chambres, il s'en
trouve une autre non moins curieuse.
CHBMINÉB DL Ï.IANOiR DE FJRFOL.
Des portes à panneaux plissés , des peintures sur les pou-
trelles d'une chambre, des volets à médaillons , des sommiers
sculptés de torsades et d'entrelacs , sont les seuls motifs de
décoration intérieure qui subsistent encore.
Les bâtiments accessoires n'offrent aucun intérêt, si ce n'est
le puits de grande dimension , avec le petit édicule qui le re-
couvre et le colombier en bois octogone , sur une base circu-
laire. Il était décoré de sculptures ; mais elles sont recouvertes
d'un enduit épais.
En U63. Monti'aut trouva noble , à Firfol , Philippe de
CANTON DE L1SIEUX , lrr. SECTION. 105
Bellemare , qui a donné son nom à une terre située plus loin
dans la plaine. Vers 1540, François du Bosch était seigneur
d'Hermival et de Firfol. Après lui, Jean du Bosch, qui avait
épousé, vers 1608, Marie d'Oinville, porta les mêmes titres.
Jacques du Houlley , conseiller du roi , ancien lieutenant-
général civil et criminel de la vicomte d'Orhec, était seigneur
de Firfol en 1660 et 1667. D'autres membres de la famille
du Houlley ont porté le même titre.
La population de Firfol est de 228 habitants. Au XVI1P.
siècle, il y avait 75 feux , soit plus de 350 habitants. Celte
paroisse était comprise dans la sergenterie de Moyaux.
COUKTONNE-LA-MEURDRAC (l).
Courtonne-la-Meurdrac , Corthonna la Murdrac , Cor-
lonna la Meurdrac.
Courtonne a toujours été une localité importante, qui ne
comptait pas moins de 227 feux au XVIIIe. siècle, c'est-à-
dire environ 1,000 à 1,200 habitants. On en compte en-
core 709.
Cependant l'église n'est pas construite dans de grandes
proportions. La nef n'a que 48 pieds sur 25 dans œuvre. Le
chœur n'était primitivement qu'un carré parfait de 19 pieds
de côté : on y a ajouté , au XVIe. siècle , un pan coupé ,
maintenant transformé en sacristie. La plus grande partie de
la construction est romane, et on peut la faire remonter au-
delà du XIIe. siècle. Elle se compose d'un blocage affectant
parfois la feuille de fougère , mais se rapprochant générale-
ment de la disposition du petit appareil romain ; le pignon
occidental surtout montre bien ce caractère.
Comme il arrive presque partout , les ouvertures ont été
(1; Notes de M. Ch. Vasseur,
106 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
refaites à la fin du XVe. siècle. On a conservé cependant, dans
leur intégrité, deux des étroites fenêtres primitives, peut-être
les seules destinées à éclairer la nef dans l'origine. Elles sont
vitrées au ras du mur et placées fort haut au-dessus du sol.
Les quatre autres ouvertures, symétriquement percées, sont
ogivales. Les deux premières, vers la porte, ont un meneau ;
les deux autres n'en ont point, mais leur largeur porte à
croire qu'elles en ont possédé deux ou même trois.
La porte s'ouvre à l'ouest ; elle date du XVe. siècle. Un
meneau de pierre la sépare en deux baies carrées , d'égale
proportion , garnies de moulures prismatiques. Les vantaux
sont à panneaux plissés. Elle est protégée par un porche en
bois de la même époque, sur l'un des poteaux duquel , vers
le midi , se trouve le nom , en lettres gothiques , du char-
pentier qui l'a construit , avec une hachette grossièrement
sculptée.
Le chœur fait retraite sur la nef. Le mur latéral du nord
est roman. Celui du midi a été reconstruit ou reparementé
lors de l'adjonction du chevet ; il est, comme lui, en échiquier
de pierre de taille et de moellons couverts d'un enduit rouge
pour simuler la brique. Les fenêtres et la porte sont sans ca-
ractère.
On remarquera l'absence complète de contreforts. Le clo-
cher est assis sur le portail. Il est revêtu d'essente et orné de
quatre lucarnes subtrilobées occupant les angles.
La voûte du chœur est en lambris cl le sous-faîte garni de
pendentifs exécutés au tour. La ferme appareille qui la sou-
tient n'offre rien de particulier. L'arc triomphal est ogival ,
avec moulures prismatiques qui retombent sur deux colonnes
semi-cylindriques. Son style accuse le XVIe. siècle; mais
tout porte à croire que ce n'est qu'un rajeunissement de
l'arc roman primitif.
CANTON DE L1SIEUX , lre. SECTION. 107
La voûte de la nef est aussi en merrain avec entraits et
poinçons. Les sablières qui font corniche au haut des murs
latéraux ont une saillie considérable. Elles sont sculptées
d'entrelacs, de rosaces, de chevrons brisés, d'imbrications,
selon Je style en vogue sous le règne de François Ier. Mais on
les a bariolées en bleu et en blanc (sans cloute pour imiter le
marbre) d'une manière indescriptible.
Les trois autels sont d'un travail remarquable et ont une
date certaine.
Celui du chœur montre, au-dessus du tombeau carré
à parement de toile peinte, un riche rétable composé de
quatre colonnes torses , dont le tiers inférieur et le tiers su-
périeur sont garnis de ceps de vigne où se jouent des oiseaux,
des limaçons et des lézards. L'un de ces oiseaux tient dans
ses serres un reptile. Des couronnes fleurdelisées servent de
point d'arrêt à cette décoration. Les chapiteaux sont d'ordre
corinthien.
Tout est doré, de cette dorure inimitable ternie par les ans,
sauf les animaux teintés au naturel et les grappes de raisin.
Les piédestaux sont garnis de cartouches. Au milieu , le ta-
bleau est entouré d'un beau cadre cintré. C'est une copie de
la Descente de croix de Rubens. A droite et à gauche, dans
les deux autres entrecolonncments, sont des niches garnies de
leurs statues du même temps : saint Ouen et saint Maur.
Le couronnement, au-dessus de l'entablement, est un
fronton brisé en volutes sur lesquelles sont assis deux anges.
Au centre est une niche en attique avec fronton semi-circu-
laire , porté sur deux caryatides à tète d'ange. La statue qui
occupe cette niche représente le Sauveur du monde.
Le tabernacle est de forme semi-hexagonale ; des faisceaux
de colonnettes cantonnent ses angles. Dans les cinq niches ,
sont de jolies statuettes : la Vierge-Mère et les quatre évan-
gélislcs. Vi\ dome doré avec lanterne, à balustres sert de cou-
108 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
ronnement. De chaque côté sont agenouillés des anges ado-
rateurs.
Les deux petits autels sont semblables entr'eux et doivent
sortir de la même main que le maître-autel.
Les tombeaux carrés ont des parements d'étoffe et ils ne
possèdent point de tabernacles. Deux colonnes torses portent
un entablement circulaire , à fronton brisé , ménageant une
niche en attique. Dans rentrecolonnement sont les statues
des saints auxquels ils sont dédiés. Celui du sud est dédié à
la Vierge ; dans l'attique est une statuette de saint Joseph
avec l'Enfant-Jésus.
Les colonnes sont évidées à jour, comme au beau rétable
des Parcs-Fontaines.
Sur l'autel du nord est une statue de saint Jean.
Les colonnes sont restées pleines , et au lieu d'attique ,
l'amortissement se compose simplement d'une belle urne en-
tourée de draperies pendantes. Sur les bases des piédestaux
court l'inscription suivante , partagée entre les deux autels :
Nord : 1652. chabitas et — toesavrvs
Midi : iEWFi — carvwt.
L'exécution de ces deux autels est certainement aussi re-
marquable que celle du maître-autel, et la composition n'en
laisse rien à désirer. Que ne reproduit-on de tels modèles, au
lieu de ce faux gothique , vraie caricature de l'ancien, et qui
ferait rire de pitié nos ancêtres !
Le pied du lutrin est carré , composé de quatre panneaux
flamboyants. Les angles sont formés par quatre petits contre-
forts. Le travail est grossier, mais il date du XVe. siècle.
Un lustre en cristal de roche taillé , style Louis XV , est
pendu dans le chœur. Au coin de l'autel est déposé un dra-
peau de soie, de la Confrérie de St. -Michel. M. Bouet en a
CANTON DE LISIEUX , 1". SECTION. 109
fait un croquis. Ces étendards de confrérie deviennent rares :
aussi est-il bon d'en indiquer les couleurs et les dimensions.
Celui-ci mesure six pieds et demi sur chaque côté. Les ha-
chures héraldiques ont été employées pour remplacer les
couleurs. La bande du pourtour est large de 6 pouces et
demi; celles qui forment la croix sont de 13 pouces. Un
petit effilé d'argent fait l'entourage.
La Confrérie de Charité possède une croix richement tra-
vaillée, dans le stvle Louis XV.
110 sTATisnoLii Monumentale dû câltàdo's.
La cloche n'a pour inscription que celte date :
l'an 1707.
Et plus bas, sur la panse, le nom du fondeur :
JEAN AVBERT
DE L1SIEVX
MA FAICTE.
Elle mesure 3 pieds de diamètre.
Dans l'angle sud-ouest du cimetière est un petit braiment ,
qui sert de chambre de la Charité et paraît dater de la fin du
XVIe. siècle ; nous en donnons une esquisse.
L'église de Courlonne est sous l'invocation de saint Ouen.
Bien que cette paroisse fût le chef-lieu d'une baronnie appar-
tenant aux évêques de Lisieux , le patronage était laïque , si
l'on s'en rapporte aux pouillés du diocèse , et ce droit était
exercé par le seigneur de Gouvis , fief situé dans ses limites.
Ce seigneur prélevait même un trait de dîme , d'après des
documents du XVIe. siècle. Cependant , comme correctif, je
CANTON DE LISIEUX , l,r. SECTION. 111
dois citer un acte des archives du Calvados , daté du 19 jan-
vier 1479 (v. s. ) , par lequel « Jacques de Rupierre, sieur
de Ségrie et de Courlhonne en partie , et en cette qualité
patron alternatif avec l'évêque de Lisieux , permet la per-
mutation faite par son co-patroo, du curé actuellement nommé
avec Guillaume de Rupierre, son frère. »
Cette église dépendait du doyenné de Moyaux.
Le surnom de Courtonne lui>ienl d'une famille Murdrac
ou Meurdrac, qui figura dans l'histoire de Normandie dès les
temps les plus anciens. En 1080, Robert Meurdrac sous-
crivait à une charte de Guillaume en faveur de St.-Évroult.
Un écuyer, du nom de Murdrac, suivit la fortune du conné-
table du Guesclin ; mais il résidait probablement dans la
Basse-Normandie, où cette famille paraît avoir eu son prin-
cipal établissement. Une branche possédait, en 1409, la terre
de Canapville au diocèse de Lisieux. Ce ne peut être qu'à une
époque bien reculée qu'elle posséda Courtonne , que nous
voyons toujours dans le domaine des évêques de Lisieux. A
la fin du XIVe. siècle , Guillaume d'Estouteville y faisait con-
struire un château-fort, où il mourut, en 1413.
Cinq ans plus tard, le 6 mars 1418 (n. s.), ce château
tombait au pouvoir des Anglais envahisseurs. La capitulation
nous apprend qu'il était défendu par Jehan de Bienfaile, che-
valier , qui fut contraint de se rendre à merci , laissant aux
vainqueurs « tout artillerie du chaste! etdongeon est assauoir
lances, arcs, arbaleslres, flèches, virions et toutz autres abil-
lements pour arbalestriers, pouldres, canons et autres abille-
menls pour la guerre » ; mais les dames et damoiselles qui se
trouvaient enfermées avec lui dans le château eurent, à ce
prix, leur pleine et entière liberté. On peut lire le texte entier
de cette capitulation à la suite des Rôles de V Echiquier de
Normandie, publiés par M. Léchaudé-d'Anisy, p. 269.
Thomas Bazin lit rentrer le château de Coin tonne, en
U'2 STATISTIQUE MONUMt.NTALE DU CALVADOS.
même temps que la ville de Lisieux , sous l'autorité du roi de
France. Il fut définitivement démantelé en 1590. Les habi-
tants de Marolles étaient tenus d'y faire le guet , ainsi que
ceux de beaucoup d'autres villages environnants. L'origine
de ce service remontait à l'an 1382.
Il ne reste plus de cette importante forteresse que des
ruines à peu près insignifiantes. Néanmoins , son état actuel
est le même où il fut trouvé en 1784, lors des procès-verbaux
qui furent dressés au moment de l'intronisation de Mgr. de
La Ferronnays.
Il était situé à l'orient de l'église. 11 avait une double cir-
convallation que l'on peut encore suivre, bien que les fossés
aient été en grande partie comblés. La première enceinte ne
contient aucun vestige apparent de construction ; l'autre, qui
était la principale et qui mesure deux cent cinquante pieds
environ sur cent cinquante, est occupée par divers bâtiments,
relativement modernes, servant à l'exploitation rurale.
La seule partie conservée des anciennes constructions est
la façade du nord. On y voit une longue courtine s'appuyant,
d'un côté, sur les restes d'une tour ronde qui flanquait l'angle
nord-ouest ; de l'autre côté , sur les deux tours qui accom-
pagnaient l'entrée et dont la dernière ferme ce côté du pa-
rallélogramme. Cette courtine a environ k pieds d'épaisseur.
On y voit deux meurtrières qui ont pu servir à pointer des
canons. Les tours avaient environ 15 pieds de diamètre hors
d'oeuvre, avec une épaisseur de murs semblable à la courtine ;
elles n'avaient donc que 7 pieds de vide. Ces tours sont tout-
a-fait ruinées, on n'y trouve plus d'ouvertures. Elles devaient
être couronnées, comme la courtine, par des hourdsde bois;
car on voit encore, de place en place, les corbeaux de pierre
qui servaient d'appui à ces sortes de défense. Un large bâti-
ment, tout en pierre de taille, qui doit être ancien, est adossé
à la courtine dans toute son étendue.
CANTON DE EISIEUX , lre. SECTION. 113
Je n'ai point vu , dans les matériaux employés , dans les
parties qui ont conservé le plus de caractère , d'indices qui
puissent engager à fixer la date de ces constructions au-delà
du XVe. siècle. Les fossés, dans cet endroit, ont gardé
environ 20 pieds de largeur à la partie supérieure. Ces restes
ne peuvent donner aucune idée de la force stratégique du
château, qui, au dire de Thomas Bazin, aurait pu arrêter
pendant un long temps toute l'armée victorieuse du roi
Charles VII.
La petite rivière qui coule tout près, au milieu de la vallée,
servait sans doute à remplir les fossés.
Outre le domaine des évêques de Lisieux , Courtonne pos-
sédait un certain nombre de fiefs. Le château de Courtonne,
appartenant maintenant à M. le comte de Neuville , est situé
sur le bord de la plaine, à une assez grande dislance de
l'église ; je le crois du dernier siècle.
Guillaume de Rupierre, sixième fils de Raoul II, seigneur
de Rupierre, est le premier de cette famille que l'on trouve
en possession de la terre de Courtonne. Il se qualifiait sei-
gneur des Astelles, Bauqucncey, Mardiily, la Motte, Belautel,
la Fresnaye, Sotteville , Ségrie, la Lande -St. -Simon , Cour-
tonnc-Ia-Meurdrac et St. -Georges de Roilley. Une partie de
ces seigneuries lui venaient de Jeanne de Ségrie, sa femme,
l'une des deux filles, héritières de Pierre de Ségrie. Son fils,
nommé Guillaume comme lui, lui succéda dans ses seigneuries.
En 1463, il fournit ses preuves à Montfaut, sur la paroisse
de Courtonne, ce qui fait supposer qu'il y habitait. Six ans
plus tard, en 1469, il comparut aux Montres de la noblesse
du bailliage d'Évreux ; mais comme il se présentait à l'acquit
des religieux de St.-Évroult, il fournil, pour ses propres fiefs,
trois archers montez et armez suffisamment. Il était mort en
ViT'i , laissant de sa femme, Jeanne d'Angerville , dame de
S
11/» STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
CANTON DE LISIEUX , 1". SECTION. 11")
Lieuray, neuf enfants, dont six garçons qui firent partage de
ses biens. Courtonne échut au second, nommé Jean, qui avait
embrassé l'état ecclésiastique.
Après lui , on retrouve en possession de cette terre , Jean
de Rupierre, son arrière-petit-neveu, fils d'Antoine, seigneur
de Ségrie , qui mourut sans postérité. Sa sœur étant venue
au partage de ses biens avec un autre frère, obtint pour sa
part Courtonne , que son fils , Richard Dubois , seigneur de
Belautel, vendit, en 1609, à Adrien du HoulIey,écuyer, con-
seiller du roi, lieutenant particulier ancien civil et criminel
au bailliage d'Orbec. En 1627, Adrien du Houlley se quali-
fiait, dans ses sentences, de sieur du Clos, Gouvis, les Kssarts
et le Parc. La plupart de ces fiefs sont situés à Courtonne.
Le Clos-Houlley est, je crois, le château qui nous occupe.
C'est là que messire Adrien du Houlley établit sa résidence,
d'après un acte authentique de 1630. Après deux générations,
à la fin du XVIIe. siècle , la descendance du seigneur de
Courtonne s'éteignit par deux filles, l'une desquelles, nommée
Cécile-Adrienne, porta Courtonne à messire Nicolas Rioult ,
écuyer, dont M. de Neuville est le représentant,
Gouvis est aussi assis à Courtonne, à un demi-quart de
lieue environ au nord-ouest de l'église , sur le coteau, en vue
du chemin de fer et de la route de Lisieux. C'est un château
de la fin du dernier siècle , entouré d'assez belles plantations.
Nous avons vu que le seigneur de Gouvis possédait le pa-
tronage et un trait de dîme, ce qui donne de l'importance à
ce fief. Au XIVe. siècle, il appartenait à la famille de La
Planche (de Planqua)] au XVIIe., il fut acquis par la famille
du Houlley.
C'est maintenant la propriété de M. de Graveron.
116
STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
SAINT-HIPPOLYTE DE CANTDLOUP (1).
St.-Hippolyte de Canteloup, Sanctus Ypolùus de Can-
lalupi.
L'église de St.-Hippolyte de Can-
teloup, bâtie dans un étroit vallon , au
pied d'un coteau boisé , n'offre plus
aujourd'hui que des ruines.
L'appareil grossier en feuilles de fou-
gère, que présentent les parties les plus
anciennes de celte église , nous porte
à faire remonter l'époque de sa con-
struction au XIe. siècle ou aux premières
années du XIIe. Les fenêtres ont été
repercées à la fin du XVe. siècle.
ÉGLISE SAINT UIPPOLYTE DE CANTELOUP.
Le mur septentrional de la nef a été reconstruit en silew
(1) Notes de M. Pannier.
CANTON DE LISIEUX, tr\ SECTION. 117
On remarque de ce côté, à l'intérieur de la nef, une
fenêtre à plein-cintre qui a perdu son caractère primitif et
qui probablement était romane. Le mur méridional , re-
construit en grand appareil, est soutenu par quatre contre-
forts saillants , dont l'un a été refait en briques plates au
XVIIIe. siècle. Il est percé de trois fenêtres flamboyantes ,
autrefois divisées par un meneau , lesquelles s'appuient sur
un cordon qui relie les contreforts.
A l'extrémité occidentale de la nef s'élevait un clocher en
charpente , recouvert en essente.
Le portail , jadis soutenu par deux contreforts saillants ,
dont un seul a été conservé , n'offre plus aujourd'hui qu'un
pan de mur tapissé de lierre.
Quatre fenêtres flamboyantes , partagées en deux baies par
un meneau prismatique , éclairaient le chœur dont les murs ,
repris en silex , ne sont soutenus par aucun contrefort. Une
petite porte ogivale, dont les bords sont taillés en chanfrein ,
s'ouvrait au midi. Le chœur se termine à l'orient par un mur
droit, reconstruit en grand appareil.
L'arc triomphal , encore debout , pourrait bien remonter
à la fin du XIIe. siècle. Le gable qui le surmonte , en partie
reconstruit, offre un grossier blocage qui affecte la disposition
en arêtes de poisson.
Les murs latéraux du chœur , revêtus d'un ancien enduit ,
étaient couverts de peintures simulant un appareil régulier.
Les joints étaient indiqués par des lignes rouges. Au milieu de
chaque appareil était peint, en lettres rouges, le monogramme
du Christ. Ce monogramme , ainsi répété sur chaque pierre ,
était d'un effet agréable à l'œil.
Largeur des lettres 32 centimètres.
Hauteur 17 —
Hauteur de la lettre II, y compris la
croix 28 —
118 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
On voit, du côté de l'épître , une piscine ogivale trilobée,
dont le lobe supérieur très-aigu accuse la fin du XVe. siècle
ou le commencement du XVIe.
La largeur de la nef est de 18 pieds et sa longueur de 28.
Le chœur a 16 pieds de largeur sur 1h de longueur.
Ces dimensions sont prises à l'extérieur.
L'église de St.-Hippolyte de Canteloup avait pour patron ,
au XIVe. siècle, Jean de Maillot; aux XVIe. et XVIIIe.
siècles , le seigneur de la localité.
Il y avait, dans cette église, une chapelle de 20 livres de
revenu , laquelle était à la nomination du plus proche parent
du fondateur.
Une partie de l'ancienne commune de St.-Hippolyte de
Canteloup a été réunie à l'Hôtellerie , et l'autre à Marolles.
SAINT-PIERUE DE CANTELOUP.
St. -Pierre de Canteloup, Sanctus Petrus de Cantalupi.
Cette église a été entièrement démolie.
Le beau rétable à colonnes torses, dans le style Louis XIV,
qui surmontait le maître-autel, décore aujourd'hui le chœur
de la petite église de Beuvillers , située près de Lisieux. Ce
rétable avait été acheté , pour cette dernière église , en
1847 (1). Le cadre qui entoure le tableau est travaillé à jour
et délicatement sculpté.
St. -Pierre de Canteloup avait été érigé en succursale;
mais les habitants n'ayant pas fait les réparations nécessaires
pour consolider l'église et le presbytère , la succursale fut
supprimée.
L'église de St. -Pierre avait pour patron, au XIVe. siècle ,
(1) Depuis la rédaction de cet article, l'église de Beuvillers a été
démolie. Le rélable ci-dessus a été vendu par morceaux à un bro-
canteur.
CANTON DE LIS1EUX , l'e. SECTION. 119
G. de Fumichon. Au XVIe. siècle , elle était placée sous le
patronage de l'abbé de St.-Laumer de Blois. Au XVIIIe.
siècle, le seigneur de Fumichon nommait à la cure.
Il y avait aussi dans cette église une chapelle, de 16 livres
de revenu, à la nomination des plus proches parents des fon-
dateurs.
St. -Pierre et St.-Hippolyle de Canteloup faisaient l'un et
l'autre partie de l'élection de Lisieux , et dépendaient de la
sergenterie de Moyaux. Chacune de ces paroisses comptait
26 feux.
La commune de St. -Pierre a été réunie à celle de Marolles.
Les églises de St. -Pierre et de St. -Hippolyte étaient.tellement
voisines qu'il ne fallait pas cinq minutes pour aller de l'une
à l'autre. Aussi existe-t-il une légende à ce sujet; la voici :
« Une certaine dame, nommée Mme. de La Bercerie, se
« rendait à l'église de St. -Hippolyte, qui était très-voisine de
« son château , mais en était séparée par le petit ruisseau qui
« coule au fond de la vallée. Or , en passant sur la planche
« qui servait de pont, elle tomba et plongea dans l'eau en
« chandelle, dit la tradition. Cette dame prit une telle
« horreur de l'eau après ce bain forcé que, pour n'être plus
« exposée à glisser sur la malencontreuse planche, elle fit
« bâtir une autre église en-deçà du ruisseau, près de sa
« demeure. »
Il faut convenir que le moyen n'était pas le plus éco-
nomique et qu'un pont solide eût coûté meilleur marché.
Antiquités romaines. — Ce ne sont pas les églises qui
méritent le plus d'attention à Canteloup , c'est remplacement
très-marqué d'une grande construction romaine, dont on peut
reconnaître encore le périmètre et même les fondations entre
les 'deux églises. L'ancien curé de Marolles, après m'avoir
signalé cel emplacement, m'écrivait en 1834: « Les tuiles
120 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
« à rebords abondent sur ce point ; on y a trouvé des
« médailles romaines en bronze. Les habitants, qui y ont
« extrait des pierres pour la construction de leurs maisons ,
« disent que les murs de fondation avaient 10 pieds
« d'épaisseur. »
Je me suis transporté à St.-HippoIyte pour déterminer
l'étendue de cette villa gallo-romaine, et le plan que voici
l'indiquera (Voir la page suivante).
J'ai constaté que le sol renferme encore des murs romains,
quoiqu'on en ait beaucoup détruit pour faciliter les labours
profonds ; la terre est toujours couverte de tuiles à rebords
et de ciment romain , ramené à la surface par la charrue.
J'y ai trouvé aussi des fragments de poterie antique (1).
M. le Curé de Marolles croyait que l'habitation de la dame
qui avait tant de peur de l'eau se trouvait au milieu des
ruines romaines, si même les murs antiques n'en faisaient
pas partie; mais la tradition seule le portait à le penser,
car depuis long-temps l'emplacement était livré à la culture
et personne n'a vu ce château.
La voie romaine de Lisieux à Brionne ( Breviodurum)
passait tout près et au nord de la grande route impériale ,
à 1 kilomètre de la villa romaine. L'ancien curé de Marolles
s'exprimait ainsi dans sa correspondance de 1834 : « Ce
« chemin est appelé Chemin ferré dans les anciens titres ;
« le sentier qui le remplace s'appelle encore le Vieux-
« Chemin ; il est parfaitement droit et forme une ligne
« parallèle à la grande route moderne. Le vieux chemin ,
« qui était, dit-on, assez large, aura été accordé comme
« indemnité aux propriétaires des terrains sur lesquels la
« route actuelle a été ouverte. »
(1) M. le Curé de Marolles y a découvert un débris assez considé-
rable d'un vase de poterie rouge orné de festons et de gladiateurs.
CANTON DE LLSIEUX , lr*. SECTION.
121
M. le Curé de Marolles, qui était un excellent observateur
et qui avait suivi assez loin les vestiges de la voie romaine, a
recueilli une légende que je vais reproduire, car elle a quelque
importance au point dé vue archéologique.
122 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Ayant remarqué que la voie antique paraissait avoir été
interrompue dans quelques parties , M. le Curé interrogea
les paysans qui lui dirent :
« Il y avait autrefois une grande dame qui faisait faire
« cette route; mais un jour elle vit sur la chaussée une pie
« qui était morte : alors, frappée de tristesse et pensant à
« l'instabilité des choses humaines et à la courte durée de
« la vie , elle fit cesser les travaux. Voilà pourquoi la route
« offre des interruptions. »
Ce qui fait l'intérêt de ce naïf récit , c'est qu'on trouve
la même tradition dans des localités fort éloignées , et qu'elle
s'applique entre autres à des voies romaines de la Bretagne.
Cette tradition est encore consignée dans un poème du
XIIIe. siècle, publié il y a quelques années par l'Association
bretonne.
L'HOTELLERIE (1).
L'Hôtellerie, Hospitalaria, Sanclus JSicolaus de Hospùa-
laria.
Le village de l'Hôtellerie, situé à la limite orientale du dé-
partement du Calvados, est traversé dans toute sa longueur ,
qui est d'un kilomètre , par la route impériale de Paris à
Cherbourg.
Cette commune , enclavée dans les paroisses voisines ,
forme une véritable lisière.
L'église, bâtie sur le bord même de la route, appartient à
la dernière période ogivale.
La nef, soutenue par des contreforts saillants, reconstruits
en briques dans la seconde moitié du XVIIIe. siècle , est
éclairée au midi par deux fenêtres ogivales , flamboyantes , à
(t) Noies par M. Arlliêmc Pannier, de la Société français»] d'archéo-
logie.
CANTON DE L151EUX , 1". SECTION. 123
deux baies trilobées, séparées par un meneau prismatique, et
par une fenêtre de même di-
mension que les précédentes,
offrant les mêmes moulures,
mais qui a perdu sa tracerie
et son meneau.
Deux fenêtres seulement
éclairent la nef du côté sep-
tentrional. L'une de ces. fenê-
tres a perdu sa tracerie.
Une corniche en pierre ,
formée d'un quart de rond ,
supporte la charpente du toit.
Le chœur, faiblement en
retraite sur la nef, se termine
par un chevet à trois pans ,
avec contreforts sur les angles.
L'un des pans coupés est
percé d'une jolie fenêtre flam-
boyante , semblable à celles
qui éclairent la nef. A travers
le léger crépi qui recouvre le
mur oriental, on aperçoit les traces de l'ancienne fenêtre qui
éclairait autrefois le sanctuaire. Les autres ouvertures, de
forme ogivale, qui laissent pénétrer le jour à l'intérieur , sont
modernes. Elles occupent la place des anciennes fenêtres.
Contre le mur méridional du chœur est appliquée une
ancienne sacristie en bois. Ce mur présente , dans sa partie
supérieure (à gauche de la sacristie), plusieurs assises de
pierre calcaire, dont la structure poreuse ressemble beaucoup
à celle du tuf ou travertin qu'on rencontre dans un grand
nombre de constructions des XIIe. cl XIIIe. siècles. Les
autres pierres qui entrent dans la construction du mur
124 STATISTIQUE MONUML.YrALE DU CALVADOS.
(pierres de taille et silex) sont moins anciennes. Tous ces
matériaux , de nature différente , ont-ils été employés simul-
tanément ou à des époques diverses ? INe pourrait-on pas
faire remonter l'appareil primitif au XIIIe. siècle , ce qui
serait , du reste , conforme à la tradition locale , qui attribue
la fondation de l'église à la reine Blanche , mère de saint
Louis ? C'est une question à étudier.
La façade occidentale , qui se développe sur le chemin
communal, offre une porte entourée d'une ogive en accolade,
dont les nervures prismatiques sont séparées par des gorges
étroites et profondes. Cette porte, d'une forme peu gracieuse
et d'une exécution peu soiguée , est flanquée de deux petits
contreforts prismatiques.
La pierre qui forme le seuil est une ancienne dalle funé-
raire , dont l'inscription est effacée.
Au-dessus du gable s'élève un clocher en charpente , ter-
miné par une pyramide en ardoise, autrefois couvert en
essente. La cloche, qui porte la date de 1838, a été fondue
par Mahuet (1).
La voûte de la nef, dont M. Bouet a fait un dessin , est
construite en merrain, avec entraits et poinçons. Cette voûte,
qui attire les regards par sa forme gracieuse et sa riche
décoration polychrome, est dans le style de la Renaissance (V.
la page suivante ).
Les peintures dont elle est couverte, quoique altérées par
le temps , sont encore apparentes. Les nervures ou couvre-
joints présentent deux couleurs différentes : le milieu est
bleu-azur et les bords rouges et vice versa. Deux rangs de
trèfles, exécutés au poncis et formant festons, décorent les
(1) L'intéressante cloche du beffroi de Dreux, qui datait du règne
de Charles IX (1559), a été refondue, en 1846, par le même fondeur.
Sur sa zone centrale est représentée la curieuse procession des Flaro-
bards.
CANTON DE L1SIEUX , lre. SECTION. 125
douves. Une petite bande noire ou fdet sépare les trèfles des
couvre-joints. Le sous-faîte , formé d'une nervure longitudi-
nale peinte en bleu et bordée de rouge , est décorée de pen-
dentifs faits au tour. Les uns, garnis de consoles, ressemblent
à une lyre renversée ; les autres pendentifs , décorés de go-
drons, ressemblent à des stalactites. Les couleurs de ces pen-
dentifs sont les mêmes que celles des couvre-joints qui leur
correspondent. Ainsi, lorsque la partie centrale du couvre-
joint est rouge , le pendentif est également rouge avec une
bordure blanche à son point d'attache et vice versa. Des
écussons peints, dont on aperçoit les traces, étaient placés
entre les pendentifs. Près de la poutre crucigère, on remarque
un chapeau de cardinal qui surmontait un écusson, probable-
ment celui du cardinal d'Annebault. Le milieu du sous-faîte
présente un rageur qui tire la langue, lequel servait à sus-
SOIS-FAITB DR LA VOUTE EN BOIS DR LA NEK HE L'hÔTFLLBW..
pendre un lustre ou une couronne de lumière,
\'H) STATISTIQUE MONUMENTALE DtJ CALVADOS.
Les sablières, couvertes d'imbrications et décorées de feuil-
lages et d'entrelacs, sont également terminées par des rageurs.
De curieux mascarons, ou têtes grimaçantes, se montrent à
l'extrémité des blochets ou sabots.
Les poinçons qui supportent le sous-faîte offrent , à leur
point de jonction avec les entraits , des têtes grotesques.
D'énormes rageurs, ou engoulements, terminent la poutre
crucigère qui marque la séparation du chœur et de la nef.
Cette poutre, sculptée sur toutes ses faces, est décorée de
feuillages.
La voûte du chœur, plus ancienne que celle de la nef, a
été badigeonnée. Le sous-faîte est décoré de rosaces et de
croix fleuronnées. A l'une de ses extrémités, au-dessus du
maître-autel, on aperçoit l'écusson du cardinal Leveneur,
ancien évêque et comte de Lisieux.
Nous avons décrit avec soin cette belle voûte, l'une des plus
remarquables que nous connaissions , et indiqué exactement
les couleurs dont elle était jadis couverte; ce genre de pein-
CANTON DE l.ISIÈUX , 1". SECTION. 127
ture décorative, d'un si gracieux effet, tendant à disparaître
de jour en jour par Faction destructive du temps.
SOUS-FAITE DE LA VOUTE Dl CHOEUR.
On remarque , à l'entrée du chœur , deux bâtons de con-
frérie. L'un d'eux supporte une petite niche ou chasse, formée
par quatre colonnettes cannelées, ioniques, décorées, dans
leur tiers inférieur, de feuilles de vigne. L'entablement, sur-
monté de petits vases faits au tour , supporte un fronton cir-
culaire , au milieu duquel est représenté un cœur soutenu
par deux palmes. Les colonnettes se terminent inférieurement
par des pendentifs, également faits au tour. Au centre est
placée la statuette de saint Roch , patron de la Charité. Ce
bâton de confrérie paraît dater du règne de Louis XIV.
L'autre bâton, dans le style Louis XV, est surmonté d'une
niche formée par quatre colonnettes d'ordre composite. Celle
niche renferme une statuette de Vierge, sculptée par un me-
nuisier de village.
Le maître-autel offre quelques fragments d'un ancien ré-
128 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
table Louis XIII. Le tabernacle est décoré de colonnes ac-
couplées qui reposent sur le même stylobate. Il est surmonté
de deux anges adorateurs.
A la voûte du chœur est suspendue une jolie lampe en
cuivre repoussé, dans le style Louis XIV.
Les deux petits autels placés à l'extrémité de la nef datent
de la fin du règne de Louis XIV, ou des premières années du
règne de Louis XV. L'entablement , supporté par deux co-
lonnes cannelées et rudentées, d'ordre composite, est surmonté
de vases à flamme garnis de godrons et terminé par un gra-
cieux couronnement portant un vase rempli de fruits. Au
à
milieu on lit le monogramme du Christ I rM V
Dans le mur méridional de la nef est pratiquée une petite
piscine, surmontée d'une ogive en accolade.
Du même côté est placée une ancienne statue de sainte
Barbe.
Les fonts baptismaux datent du XVIIe. siècle. La cuve, de
forme elliptique , est ornée de godrons et supportée par un
pédicule octogone. Ces fonts proviennent de l'ancienne église
de Canteloup.
On voit, dans un jardin situé à peu de distance de l'Hôtel-
lerie, les anciens fonts baptismaux de cette paroisse. Ces fonts,
sauvés de la destruction par M. Laillier , ancien maire de
l'Hôtellerie et ancien membre de l'Association normande, re-
montent au XVIe. siècle. Ils représentent une jolie vasque
aplatie et godronnée dans la partie inférieure, laquelle est sup-
portée par un gracieux pédicule. L'écusson gravé sur la cuve
est celui du cardinal Jacques d'Annebault, qui occupa le siège
épiscopal de Lisieux de 15&3 à 1560. Il porte : de gueules à
ta croix de vair. Cet écusson est aujourd'hui presque en-
tièrement fruste ( V. la page suivante ).
CANTON DE LISIEUX , l'\ SECT10Î*.
1 29
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éÊS iliitawlillllliiiiiiiiiiiiiiiiii
ANCIEN FO.\T DE L'HÔTELLERIE.
Le cimetière est placé au midi de l'église.
La croix, dont le fût est brisé, est dans le style de la Re-
naissance. La base de la colonne, de forme octogone, est cou-
verte sur chacune de ses faces de bas-reliefs que le temps a
mutilés. Cette base fort curieuse , dont M. Bouet a fait un
dessin, offre alternativement de petits anges et des emblèmes
ou ornements ressemblant à des fleurons. Sur l'un des angles
est appuyé un pupitre en pierre , formé d'une console cou-
verte de feuillages présentant un faible relief. La volute infé-
rieure qui retenait le livre a été brisée (1).
(t) Les croix hosannières, erux osunère ( Snpplémenl f.e Carponticr
0
<\'M) STATISTKH'E M<>\ l'Yll'A l'AU' MJ CALVADOS.
PIED DE LA CROU DE L HÔTELLERIE.
CANTON DE LIS1EIÎX , lre. SECTION. 131
L'église de l'Hôtellerie est placée sous le vocable de saint
Nicolas. La fête du Saint tombe le 6 décembre. Ce jour-là a
été établie, pour la vente des bestiaux, une foire qui attire un
grand nombre de cultivateurs des environs. Cette foire se
tient dans un champ qui portait autrefois le nom de Priorie
de St.-Hippolyte.
Le patronage de la paroisse appartenait à l'évêque de Li-
sieux.
Il existait autrefois, sur le territoire de cette paroisse, une
maladrerie ou léproserie , dont la chapelle , qui était un bé-
néfice à la nomination de l'évêque, valait ZiO livres au titulaire.
Avant la Révolution , l'Hôtellerie faisait partie de l'élection
de Lisieux et de la sergenterie de Moyaux. Sous le rapport
ecclésiastique , cette paroisse dépendait du doyenné de
iMoyaux.
On comptait, à l'Hôtellerie, au XVIIe. siècle, 32 feux. La
population actuelle s'élève à 488 habitants. Sa distance du
chef-lieu d'arrondissement est de 12 kilomètres.
Une loi du 21 juin 18^1 a réuni à l'Hôtellerie une partie
des deux anciennes paroisses de St. -Pierre et de St. -Ilippolyte-
de-Caoteloup.
A l'angle de la roule impériale et du chemin communal ,
sur le bord duquel s'aligne la façade occidentale de l'église ,
s'élève une maison en bois, avec étage en encorbellement, qui
date de la fin du XVe. siècle ou du commencement du XVP.
La façade principale, qui se développe sur la grande route,
au Glossaire de Ducange), assez communes eu Bretagne et en Vendée,
sont très-rares en Normandie. Elles sont ainsi nommées parce que les
pupitres garnis de bénitiers, qui les accompagnent, servaient pour les
stations de la procession des Rameaux, pendant lesquelles on chante
VHosannah. La dépouille mortelle des fondateurs esl ordinairement
planV au pied dp CM p( fils momiiiifuits
132 STATISTIQUE MONUMENTALE 1>L* CALVADOS.
offre, au rez-de-chaussée, une petite fenêtre surmontée d'une
ogive en accolade. Sur le poteau d'huis-
serie , est sculpté un écusson que
masque un volet. Nous avons lu sur cet
écusson les mots suivants, en caractères
gothiques :
t)it>e le Hoj)
Sur la même façade sont sculptés
deux autres écussons. L'un de ces écus-
sons représente un arbre.
Une haute cheminée en brique, dans
laquelle est incrustée une croix en
pierre , surmonte le toit.
L'Hôtellerie doit probablement son
origine à une de ces maisons hospi-
talières, si répandues au moyen-âge,
dans lesquelles les malades de la contrée étaient reçus et soi-
gnés , et où les voyageurs pauvres et infirmes étaient sûrs
de rencontrer une généreuse hospitalité.
Les rôles de l'Échiquier, conservés aux archives de la Tour
de Londres, font mention, en 1195, d'un nommé Guillaume,
clerc de l'Hôtellerie (clericus de Hospùalaria).
D'après la tradition locale, la reine Blanche, mère de saint
Louis, s'étant rendue en Normandie , pendant la minorité de
son fils, pour apaiser les troubles qui avaient éclaté dans cette
province, fut prise tout à coup des douleurs de l'enfantement
et transportée dans une hôtellerie qui se trouvait sur sa route,
où elle accoucha d'un fils qui mourut au berceau. En sou-
venir de sa délivrance , elle fit élever , près de cette maison ,
une chapelle qui prit le nom de l'Hôtellerie. Telle serait ,
dit-on, l'origine de ce ulla^e.
Avant la Révolution, une messe basse se célébrait deux fois
CANTON DE LISIEUX, lre. SECTION. 133
la semaine, à 5 heures du matin, dans l'église de l'Hôtellerie,
pour les marchands de bœufs qui se rendaient au marché de
Poissy. Voici l'esquisse d'un hangar qui existe encore et
qui servait à attacher les bœuft
MAROLLKS (1).
Marottes, ccclesia de Maeroliis, de Marotlis, de Maie-
rôles.
L'église de Marottes s'élève dans une plaine, sur la gauche
et à peu de distance de la route impériale de Paris à Cher-
bourg.
Cette église, dont les vastes proportions attestent l'ancienne
importance, était primitivement romane.
Les murs latéraux, couverts d'un crépi ancien qui se dé-
tache à plusieurs endroits, montrent un grossier blocage noyé
dans un mortier très-épais. L'appareil roman en feuilles de
fougère, peu caractérisé au nord, est parfaitement marqué du
côté méridional. On remarque, de ce côté, une petite fenêtre
l Notes de M. Pannier.
134 STATISTIQUE MONUMENTALE 1)1 CALVADOS.
CANTON DE LISIEUX , lrt. SECTION. 135
à plein-cintre, en forme de meurtrière (aujourd'hui bouchée),
laquelle ne peut laisser aucun doute sur l'époque de la con-
struction de cette église, qui remonte au XIe. siècle.
La première travée de la nef, du côté du midi, a été re-
construite en grand appareil au XVIe. siècle. De nombreuses
reprises en silex ont eu lieu à la même époque , au nord et
au midi.
La nef est éclairée par cinq fenêtres ogivales sans meneau
(deux au nord et trois au midi ), dont les moulures accusent
la dernière période ogivale.
Quatre fenêtres ogivales flamboyantes , partagées en deux
baies par un meneau prismatique , éclairent le chœur. L'une
de ces fenêtres est moderne ; les trois autres sont anciennes
et proviennent de l'église de Uirfontaine, dont la ruine pitto-
resque s'apercevait à quelque distance de la voie ferrée de
Paris à Cherbourg , alors en construction. D'après le conseil
éclairé d'un archéologue (M. le docteur Billon) , ces fenêtres
furent sauvées de la destruction et transportées avec beaucoup
de soin à Marolles. M. l'abbé Férel , ancien desservant de
cette paroisse , à la mémoire duquel nous rendons un sincère
hommage, les fit restaurer par un ouvrier habile et incruster
dans les murs latéraux à la place des anciennes ouvertures, qui
étaient sans caractère. La tracerie des fenêtres, formée de
jolies moulures, offre une variété d'ornements agréables à
l'œil. Le lobe supérieur des unes affecte la forme d'un cœur ;
le tympan des autres est percé d'un quatre-feuillc à pétales
lancéolées. Une jolie piscine ogivale , trilobée , a été décou-
verte du côté de l'épîtrc.
Le chœur, en retraite sur la nef, se termine par un chevet
droit, contre lequel est appliquée une sacristie à pans coupés,
awr chaînages en pierre sur les angles*
Une belle tour quadrangulaire, dont la large base était des-
tinée à recevoir une haute pyramide, s'élève à l'angle nord-
136 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
ouest du portail occidental , lequel est percé d'une porte à
linteau, entourée de moulures prismatiques.
KOUSE DE MAROLLES,
Cette tour, soutenue extérieurement par de puissants con-
treforts, s'appuie, à l'intérieur de l'église, sur deux énormes
colonnes monocylindriques , dont les chapiteaux , d'une exé-
cution barbare, présentent des figures grotesques, assez sem-
blables à celles que l'on remarque sur certains chapiteaux
romans. L'une de ces colonnes est surmontée de deux espèces
de contreforts qui s'emboîtent l'un dans l'autre ; disposition
qui nous a paru intéressante à signaler.
M. Boucl a fait un dessin de ces deux colonnes, qui datent
CANTON DE LISIEUX . 1". SECTION. 1 37
IV) KIUV.IB )>'. L-ÉGMSB DE M AHOILKS.
138 STATISTIQUE MONUMENT AIE DU CALVADOS.
du même temps que la tour, dont la construction remonte
aux premières années du XVIe. siècle.
L'étage supérieur renferme deux cloches dont nous avons
relevé les inscriptions. La plus petite provient de l'ancienne
église de Cirfontaine.
Cloche de Marottes.
Diamètre, 1 mèlre.
L'AN 4782 IAY ÉTÉ BENITE PAR MAITRE LOMS PATERNE M \ LC ANGE (,l RÉ
DB CETTE PAROISSE ET NOMMÉE MARIE LOUIS:: PAR MESSIRE ESPRIT AU-
GUSTIN DE PIPEREY CHEVALIER SEIGNEUR ET PATRON HONORAIRE ALTER-
NATIF RE SAINT MARTIN DE MAROLLR SEIGNEUR ET PATRON DE SAINT
H1POLITE DE CANTELOUP ET AUTRES LIEUX El PAR NOBLE DAME MARIE
LOUISE ROSE DUBOSGH EPOIZE DE MESSII1E NICOLAS ETIENNE DE BOCTEY
CUEVAL1ER SEIGNEUR ET PATRON HONORAIRE ALTERNATIF DU DIT MAROLLE
ET AUTRES LIEUX.
Cloche de Cirfontaine.
DinmMrv, 62 cent.
M,ve ROBERT GAILLARD P,re C\RÉ 1600.
f IRAN DY CELIER Er Sr DE LA HAVLTE ROCQVES E NOBLE DAME AîiRIANE
DE BEAVDRY FEMME DE FRANÇOIS DV HOVLEY Er S1' ET PATRON DE CO\ R-
THONNE ET NOSTRE DAME CIRFONTA;*,E.
Sur la cloche est représentée une croix formée d'arabes-
ques , dont les croisillons sont terminés par des fleurs de lis.
A gauche de la cro'x est placé le monogramme du Christ
IHS (Jésus); à droite, se détachent les lettres MA (Maria).
Au-dessous on lit :
g. colleville TESORiH (trésorier).
Du côté opposé, quatre fleurs de lis disposées en croix.
La porte qui donne entrée dans la nef était autrefois pré-
cédée d'un porche en bois, dont on aperçoit 1rs traces sur le
mur. Elle est surmontée d'un écusson peint, presque entière-
ment effacé, qui probablement faisait partie d'une litre fu-
CANTON Dtt LISItUX , llc. SECTION. 1«5U
nèbre. Au-dessus, s'ouvre une fenêtre ogivale de la dernière
époque.
L'arc triomphal, qui sépare le chœur de la nef, date de la
lin du XVIe. siècle ou du commencement du XVe. Cet arc ,
dont M. Bouet a fait un dessin, offre de curieuses moulures.
L'archivolte principale, formée d'un gros tore que séparent
deux gorges profondes, s'appuie sur des chapiteaux d'une
exécution peu soignée, autour desquels s'enroulent des ceps
de vigne. Dans l'angle formé par la colonne et les pieds-
droits, est placée une petite colonnette.
La voûte de la nef et celle du chœur sont en merrain.
UO STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Cette église possède deux magnifiques autels avec rétable,
dont nous allons donner la description.
Le rétable du maître-autel, à fronton coupé, dans le style
Louis XIV, est décoré de deux colonnes torses, d'ordre com-
posite, autour desquelles s'enroulent des ceps de vigne char-
gés de grappes de raisin que becquettent des oiseaux. Le
tableau placé dans l'entrecolonnement représente Notre-Dame -
du-Rosaire. Des anges, tenant des palmes, sont assis sur les
consoles qui surmontent l'entablement. Le couronnement du
rétable, surmonté d'un fronton triangulaire, estflanqué de deux
pilastres décorés, dans la partie supérieure, d'une tête d'ange
soutenue par une console d'où pendent des fruits. Au milieu,
est peint un Saint-Esprit, sous la forme d'une colombe.
Deux niches, terminées par un fronton trapézoïde que sur-
monte un gracieux couronnement formé de légers rinceaux ,
accompagnent le rétable. L'une de ces niches , placée du
côté de l'évangile, renferme un groupe représentant la Sainte-
Trinité ; l'autre niche contient la statue de saint Martin, pre-
mier patron de l'église.
Au-dessus des portes qui donnent entrée dans la sacristie
CANTON DE MSIEUX , lr% SECTION. \h\
sont placés deux petits tableaux peints sur bois, qui ne sont
pas sans intérêt. L'un de ces tableaux représente Marthe ,
exemple de la vie active , préparant le dîner de son divin
Maître , tandis que sa sœur Marie-Madeleine, symbole de la
vie contemplative , reste tranquille , écoutant les paroles de
Jésus-Christ.
Nous signalerons encore deux médaillons, dont l'un repré-
sente saint Paul. Le personnage religieux peint sur l'autre
médaillon tient un livre à la main.
Le tombeau du maître-autel est carré et décoré de jolies
caryatides. La face principale offrait autrefois un beau pare-
ment en étoffe.
L'autel placé au bas de la nef, sous la tour, provient de
l'ancienne église de Girfontaine, démolie en 1846, M. l'abbé
Féret, ancien desservant de Marolles, attachait un grand prix
à cet autel, l'un des plus gracieux spécimens que nous ait lé-
gués le XVIIe. siècle. Les quatre colonnes torses , garnies de
feuilles de vigne, qui décorent le rétable supportent un riche
entablement. De jolis vases , ornés de trois têtes d'ange re-
liées par une guirlande de fleurs , dans le genre des épis
émaillés qui couronnaient le faîte de nos manoirs normands ,
surmontent les colonnes. La forme du tabernacle est celle
d'un élégant pavillon à colonnes torses , surmonté d'une gra-
cieuse coupole couverte d'imbrications. Les rinceaux qui dé-
corent les gradins de l'autel se terminent par des têtes
d'aigle.
Ce beau rétable, qui fait l'admiration de tous les connais-
seurs, accompagnait le maître-autel de l'église de Girfontaine (1 ) .
A l'extrémité de la nef s'élèvent deux petits autels, dans le
(1) Nous venons d'apprendre que ce retable, qui a coûté une somme
énorme, si l'on en juge par la délicatesse du travail , a été vendu
400 fr. u. un brocanteur.
ïkl STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
slyle Louis XV. Celui de gauche est décoré de la statue de
saint Santin, évêque. Cette statue, qui est ancienne, est mi-
niaturée.
La croix du cimetière, malgré son exécution un peu bar-
bare, n'est pas dépourvue d'intérêt. Elle offre, sur l'une de
ses faces, au point d'intersection des croisillons, une cou-
ronne en fer forgé. Le chapiteau qui termine le fût est dé-
coré de feuillages. Cette croix, qui est dans un état déplorable,
date du siècle dernier.
Près de la croix, est placé le tombeau de VI. l'abbé Féret,
ancien desservant de cette paroisse. Sur la pierre qui recouvre
sa dépouille mortelle, est gravée l'inscription suivante :
M. NICOLAS ROLLAND
FERET , PRÊTRE ,
ANCIEN PROFESSEUR
DE DOGME AU
COLLÈGE DE PONT-A-
MOUSSON (mEURTHF.)
né a argences le
23 août 1798
INSTALLÉ LE 20
juin 1837
desservant de
cette paroisse
OU IL EST DÉCÉDÉ
LE 22 JUIN 1860.
Sous un tertre de gazon, que surmonte une modeste croix,
repose une centenaire. Nous avons lu l'inscription suivante ,
remarquable par son laconisme :
MARIE-FRANÇOISE VKSQUE, NÉE AU MBSNIL-CUILLAUME LE 6 DÉCEMBRE 47A0,
DÉCÉDÉE A MAROLUIS LE k JANVIER 1841.
Marolles dépendait, pour le culte, du doyenné de Moyaux,
et, pour le civil, de la sergenterie dudit lieu.
Au XVIIIe. siècle , on comptait , dans cette paroisse ,
CANTON DE LISIEUX, lr*. SECTION. 1AS
209 feux (1,000 à 1,100 habitants). D'après le dernier re-
censement de la population, le nombre d'habitants est aujour-
d'hui réduit à 789.
Le patronage appartenait aux Mathurins de Lisieux. Sui-
vant un acte des assises de Bernay , de l'an 1190, retrouvé
par M. Charles Yasseur dans les archives de l'Hospice de
Lisieux qu'il a compulsées avec soin, « Jehan Péril reconnut
à Richard d'Argences la jouissance du fief de Maroiles avec
le patronage et deux gerbes de dîme. Peu de temps après,
Jourdain du Hommet , évêque de Lisieux , acquit ce patro-
nage et en lit don aux pauvres de la Maison- Dieu ou plutôt
aux religieux Mathurins , auxquels il venait de confier la di-
rection de cette maison. En 1218, Robert de Piencourt, ayant
manifesté l'intention de troubler les religieux dans la posses-
sion de leur droit, fut désintéressé par ces derniers, qui
s'obligèrent à lui payer une rente de quatre setiers de blé à
prendre sur leur grange de Maroiles. En 1733 , Roger d'Ar-
gences qui, sans doute, avait succédé à Richard comme sei-
gneur du fief de Maroiles, donna aux religieux une charte
de confirmation pour le patronage. Une autre charte de 1239
confirma également le droit, qui leur avait été concédé, de
prélever la tierce-gerbe sur toute la paroisse. Depuis cette
époque jusqu'à la Révolution , les religieux ont exercé leurs
droits sans entraves.
11 existait , sur le territoire de Maroiles, une chapelle dé-
diée à saint Marc. Au XVIIIe. siècle, cette chapelle était
réunie au bénéfice-cure de l'Hôtellerie. C'était probablement,
dit M. Vasseur , une ancienne maladrerie , dont les biens
furent donnés à l'hôpital de Lisieux en 1695. L'édifice existait
encore au XVIIIe. siècle. Une déclaration des administrateurs
des pauvres de Lisieux, du 20 avril 1721, fait mention d'une
pièce de terre en herbe sur laquelle est ta chapelle St.-Marc,
bornée au septentrion par le arand chemin ferré, etc.
\Uk STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Le Val-Richer possédait aussi des biens sur le territoire de
cette paroisse.
Château. — L'ancien château de Marolles, situé à quelque
distance de l'église, paraît dater de la fin du XVIe. siècle. 11 est
construit en bois avec briques inclinées entre les colombages.
La corniche qui supporte le toit est décorée de nom-
breuses caryatides dont la partie supérieure offre le buste d'un
homme, et la partie inférieure une queue de poisson. Sur un
cartouche , placé à l'angle sud-est de la corniche , on lit la
date 16^6 qui semble indiquer l'époque de la restauration
d'une partie du château. Le toit brisé offre de grandes fe-
nêtres en forme de mansardes (On sait que ce genre d'ou-
vertures n'a été inventé que sous le règne de Louis XIV ).
Les extrémités du faîte sont couronnées de beaux épis en terre
cuite émaillée. Un magnifique escalier conduit à l'étage supé-
rieur du château.
Ce château est aussi nommé le Mont-Hérault, Il a appartenu
à la famille de Piperey. Jacques de Piperey, contrôleur des
monnaies à Rouen, en 1598, est le premier qui se qualifie de
seigneur de Marolles. Parmi ses descendants, on compte plu-
sieurs magistrats. François de Piperey, sieur de Marolles, était
vicomte de Moyaux en 1666. Jean-Pierre de Piperey, sieur
de Marolles, St. -Germain et Piencourt, fut également vicomte-
enquesteur et commissaire-examinateur de la vicomte de
Moyaux, puis conseiller au Parlement. On remarque, à l'in-
térieur du château, deux écussons accolés.
La terre de Marolles a été aliénée, vers 1856, par M. Amédée
de Piperey. Dans une cour dépendant du château , s'élève
une chapelle en bois, surmontée d'un petit clocher octogone
couronné par un toit conique , autrefois couvert en essenle.
Les murs de cette chapelle, qui date du même temps que le
château , étaient revêtus d'essente. Le mur septentrional a
CANTON DE LISIEUX , i,e. SECTION. 145
conservé ce genre de décoration. La voûte en merrain est
peinte en bleu et semée d'étoiles. Les couvre-joints, peints en
rouge, sont bordés d'un filet or. On remarque le pavage
émaillédu sanctuaire, qui est ancien et parfaitement conservé.
Une seconde partie du fief de Marolles échut à la famille
de Boetey. Dans les Archives de la ville de Lisieux, M. Vas-
seur a trouvé le nom de Gabriel Le Boetey, « escuyer, sieur
de Marolles et du Boulley (16 juin 1577). » La famille de
Boetey posséda ce fief jusqu'à la Révolution. Messieurs de
Boetey ayant émigré, leurs biens furent vendus par la nation.
Sous la Restauration, ils rentrèrent en possession de leur
terre , qui appartient aujourd'hui au dernier descendant de
cette famille.
Le château de Marolles-Boctey a été rebâti il y a quelques
années. Le moulin féodal seul est ancien.
Dans une cour qui borde le chemin de Marolles à Cirfon-
taine , s'élève une ancienne maison dont la construction re-
monte au XVK siècle. Cette maison mesure 50 pieds de
longueur sur 20 de profondeur.
Le rez-de-chaussée , construit en grand appareil , est sur-
monté d'un étage en charpente formant encorbellement. Cet
étage , décoré de nombreuses et belles moulures, est éclairé
par des fenêtres cruciformes.
MKFOMAIXR 1).
Cirfontaine, Siro fonte , Cirofonte , Cirfontaine.
Une ordonnance royale du 22 septembre 1824 a réuni a
la commune de Marolles l'ancienne paroisse de Cirfontaine.
L'église, bâtie au fond d'un vallon, offre une charmante
ruine. C'était, dit M. le docteur Billon, qui a visité l'édifice
eu 18M3, et d'après lequel nous avons rédigé en partie la
(1) Notes de M. Pannier. 10
U6 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
notice suivante, Tune des églises rurales les plus riches et les
mieux décorées de l'ancien diocèse de Lisieux.
La nef, œuvre d'un architecte de
talent, date de la fin du XVe. siècle.
Les murs, construits en grand appareil,
sont soutenus par des contreforts sail-
lants dont plusieurs attirent les regards
par leur forme insolite. Un magnifique
slylobale , composé d'une large doucine
et d'un chanfrein , suit les ondulations
du terrain. La corniche, qui supportait
le toit , est également formée d'une
doucine.
On remarque , au midi , deux belles
fenêtres à deux baies trilobées , dont le V
tympan offre une jolie tracerie flamboyante. Il n'existe au
nord qu'une seule ouverture , semblable aux précédentes.
Dans l'ébrasement de cette fenêtre , on apercevait autrefois
une curieuse peinture représentant Notre Seigneur au Jardin
des Oliviers.
Trois contreforts saillants , dont deux sont placés sur les
angles, soutiennent le mur occidental que surmonte un
fronton triangulaire. Une fenêtre ogivale , entourée de mou-
lures en gorge, s'ouvre dans le fronton, un peu à droite.
Un clocher en charpente , recouvert en essenle et sur-
monté d'une pyramide très -élancée , s'élevait au-dessus de la
première travée de la nef.
La porte , placée au midi , près du mur occidental , est à
plein-cintre et entourée de moulures prismatiques. Un porche
en bois, dont on aperçoit encore les traces sur le mur, pré-
cédait l'entrée de l'église.
Le choeur , fortement en retraite sur la nef, est roman
et doit remonter au XIe. siècle. Les murs en ruine pré-
sentent l'appareil grossier en feuilles de fougère.
CANTON DE L1SIEUX , t*\ SECTION. 147
Il se termine à l'orient par un chevet droit soutenu par
deux contreforts dont l'un , garni d'un double chaperon ,
date du XVIe. siècle ; l'autre a été reconstruit en brique. Une
haute fenêtre ogivale , partagée en deux baies par un meneau
vertical qui se bifurque dans la partie supérieure , éclairait
autrefois le sanctuaire. Les moulures rudimentaires de cette
fenêtre , dont les angles sont taillés en biseau , accusent le
XIIIe. siècle. On remarque au midi les vestiges d'une fenêtre
dont les moulures étaient toriques.
A l'intérieur, l'église était entièrement peinte à fresque.
La nef présente encore de nombreux vestiges de ce genre
de peinture.
A l'extrémité de la nef, du côté de l'épître , est placé un
autel en pierre qui date du XVIe. siècle. Le mur formant
retable est couvert de peintures assez bien conservées , re-
présentant le couronnement de la Vierge : la mère du Sauveur,
entourée d'une auréole formée de rayons flamboyants, a les
mains jointes et élevées vers le ciel. Deux auges , les ailes
déployées, tiennent au-dessus de sa tête une couronne ducale.
De chaque côté de l'autel on lisait, il y a quelques années,
celte inscription, que le temps a presque entièrement effacée :
AYE MARIA DOMINI
MEI MATER ALMA
COELICA PLENA GRACIA.
Deux petites crédences , l'une ogivale , trilobée , l'autre
surmontée d'une ogive en accolade, sont pratiquées dans les
murs latéraux.
Le mur occidental était peint à fresque. On aperçoit encore
trois ovales formés de rinceaux , au centre desquels on lit ,
A
en lettres rouges fy| J^ et J^î ^ . Près du
mur , à gauche , était placé un escalier qui conduisait a une
tribune réservée au seigneur de la localité.
148 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Un bel arc triomphal, supporté, par deux colonnes dont la
base est formée d'un hexagone , sépare le chœur de la nef.
L'extrados est couvert de peintures simulant des imbrications.
Près de la petite porte qui donne entrée dans le chœur est
placé un bénitier, en forme de coquille, portant le millésime
1753.
Le maître-autel offrait, au XVIe. siècle, un beau rétable
en pierre qui a été découvert , il y a quelques années , en
creusant le sol de l'église.
Ce retable, dont la Société des Antiquaires de Normandie
a fait l'acquisition , se compose de plusieurs groupes exécutés
en haut-relief , représentant diverses scènes de la vie de la
Sainte- Vierge et de l'enfance de Jésus , telles que l'Annon-
ciation ; la Visitation ; la crèche et l'adoration des bergers ;
la visite des rois Mages ; la Présentation de Notre Seigneur
au temple; le massacre des Innocents ; la fuite en Egypte.
Un autre groupe représente la légende des moissonneurs
coupant le blé sur le passage de Jésus-Christ.
Tous ces groupes, autrefois miniatures , sont traités avec
celte délicatesse et celte naïveté charmante qui caractérisent
les œuvres de la Renaissance.
Cet autel fui remplacé, sous le règne de Louis XIV , par
le grand rétable que nous avons décrit à l'article JMarolles.
Les deux petits autels furent décorés, dans le même temps,
de rétables en bois à colonnes cannelées et rudenlées.
La nef a environ 35 pieds de long (mesure ancienne) dans
œuvre sur 21 de large. La longueur du chœur est de 18
pieds et sa largeur de 10 pieds (1).
Dans le cimetière s'élève un très-bel if, qui a 1 mètre de
diamètre dans sa partie moyenne.
L'ancienne paroisse de Cirfontaine offrait un territoire très-
(lj Depuis la rédaction de celle notice, l'église de Cirfontaine a été
entièrement démolie.
CANTON Dh L1SIEUX, M SECTION **«
restreint. Au XVIIIe. siècle, elle ne comptait que 18 feux.
Sous le rapport spirituel , elle dépendait du doyenné de
Moyaux ; pour le civil , de la sergenterie du même lieu.
Cette paroisse remonte à une haute antiquité. On trouve
dans les rôles de TÉchiquier, à la date de 1195 , le nom de
Willelmus de Siro fonte.
A la fin du dernier siècle , la famille de Tournebu possé-
dait , dit-on , la terre de Cirfontaine. Ses armoiries étaient :
d'argent à la bande d'azur.
Au commencement du même siècle , cette terre était dans
les mains de la famille de La Sauvagère. Guillaume de La
Sauvagère , sieur de Cirfontaine, fut anobli en 1612 et main-
tenu en 1666. V Armoriai de d'Hozier , rédigé dans les
dernières années du XVIP. siècle, fait mention de Pierre de
La Sauvagère, sieur de Cirfontaine, et de Charlotte du
Faguet, sa femme. Ils eurent un fils , nommé Marc-Antoine,
qui prenait, en 1711 , le titre de sieur de Saint-Laurent, et
demeurait dans la paroisse de St.-Julien-de-Mailloc.
Jean des Perrois , qui vivait en 15^1 , prenait le titre de
seigneur de Cirfontaine. Nous ignorons comment cette terre
est entrée dans ses mains, et comment elle en est sortie.
La Haute- Rocque. — Outre le manoir, chef-lieu de la
paroisse, M. Charles Vasseur ne cite qu'un seul fief sur le ter-
ritoire de Cirfontaine, celui de la llaute-Rocque. Cet ancien
nef est situé un peu au-dessous de l'église , à l'entrée d'un
vallon qui aboutit à Courtonnel.
« Jean Le Tellier , sieur de la Haute-llocque , paroisse de
« Cirfontaine , élection de Lisieux , l'un des douze associés
c, du Canada, fut anobli par lettres de décembre 1629, vé-
« riliées en 1638. Il eut un fils, appelé aussi Jean Le Tellier,
« sieur de la Haute-Uocque , qui fut maintenu le V\ février
-, 1668, avec Pierre Le Tellier, son fils. Xhevillard leur
150 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
« donne pour armoiries : De gueules à trois navettes à tisser
« d'argent posées en pal, 2 et \. »
Celte famille s'est éteinte à l'époque de la Révolution ,
dans une fille qui avait épousé M. de Boctey-Marolles.
C'est également à la fin du XVIIIe. siècle que la terre de
la Haule-Rocque vint en la possession de M. Charles du
Bois, qui appartenait à une très-ancienne famille de Nor-
mandie, dont on peut suivre la filiation depuis l'année 1066.
M. du Bois est mort sans postérité. Il a été inhumé dans le
cimetière de Marolles.
VIIXERS-SUR-GLOS (I).
Villers-sur-Glos, ecclesia de Villaribus , de Villula,
La paroisse de Villers ayant été supprimée lors du Concordat,
et son territoire réuni à Glos, l'église a été démolie il y a une
vingtaine d'années.
La cloche, instrument précieux, et les deux petits autels,
sont maintenant dans l'église de Glos. On y avait également
transporté le maître-autel ; mais comme il n'y avait point
d'endroit propice pour le placer, il a été dépiécé : on en voit
dans le clocher les morceaux disloqués. C'était un autel à
pilastres avec trois tableaux , dont deux en forme d'ellipse.
Le tabernacle était surmonté d'une exposition, consistant en un
dôme quadrangulaire porté sur quatre colonnes corinthiennes.
L'église de Villers devait dater des derniers temps de
l'époque ogivale. Le chœur faisait retraite sur la nef, selon
l'usage. Le clocher s'élevait à l'ouest : il consistait en un
beffroi carré , couvert d'une pyramide quadrangulaire. Au
midi était le portail , protégé par un porche en bois. Les
voûtes étaient en merrain , avec charpentes apparentes.
Celle du chœur était peinte en bleu-azur avec un semé
(i) Notes de M, Ch. Vasseur.
CANTON DE LISIEUX, lre. SECTION. 151
d'étoiles d'argent. Les fenêtres avaient des vitraux. M. le
docteur Billon en possède un médaillon. Il occupait l'oculus
d'une fenêtre géminée de la Renaissance. Les fonts étaient
ornés d'arcatures gothiques.
Cette paroisse était sous l'invocation de la Vierge. Les pa-
trons étaient, au XIVe. siècle., heredesde Moia; au XVIIIe.,
l'évêque de Lisieux.
Le fief principal de cette paroisse devait être la Motte,
puisqu'il avait le droit de patronage. Il est situé tout près de
l'ancien enclos de l'église, qui formait enclave dans ses terres.
Il se trouve assis sur le bord d'un petit ruisseau qui emplissait
autrefois ses fossés , et c'est sans doute à cette situation qu'il
doit son nom. Il ne consiste, du reste, actuellement qu'en
une maison de bois peu considérable, pouvant dater du règne
de Louis XIV. Je ne crois pas qu'il ait jamais existé de ma-
noir féodal appelé proprement Villers , et je pense que ceux
des gentilshommes que l'on trouve avoir pris cette qualification
étaient seigneurs de la Motte. Je cite donc ici, comme inté-
ressant la Motte, « un mandement du 17 octobre U75 du
lieutenant du bailli d'Évreux à l'évêque de Lisieux , qui or-
donne de conférer la cure de Notre-Dame-des-Prés, située
à Villers, à celui que présente Estienne Flambart , seigneur
dudit Villers. » ( Archives du Calvados. )
On trouve ensuite ce fief dans les mains de la famille de
Boctey. Je crois que l'on peut regarder celte famille comme
originaire de Lisieux, puisque plusieurs de ses membres y
remplirent des charges d'édilité dans les dernières années du
XVe. siècle. En 15^0, « Guillaume Bottey , damoiselle Guil-
lemelte Berlhelot , sa mère, et damoiselle Gillette Bottey,
leur cousine, firent leurs preuves devant les élus de Lisieux»;
ils demeuraient à Villers. Noble homme Gilles Le Boctey ,
sieur de la Motte , figure dans un acte original du 30 avril
1561. Un acte de 163^ parle des héritiers du sieur do
Boctey , écuyer , sieur de la Motte.
152 STATISTIQUE MOMVJENTALh DU CALVADOS.
D'après l'inscription de la cloche, François Lebrun était
sieur de la Motte en 1668. Il avait des alliances avec la fa-
mille de Mailloc.
D'autres fiefs se trouvaient sur le territoire de Notre-Dame
de Villers , bien que sa superficie ne soit pas considérable :
tels étaient Grosmesnil , conligu à la Motte ; le Boulley et
Blancheporte, enfin la Quaise qui offre un grand intérêt.
En 1540, Grosmesnil était dans les mains de Marc de
Gouvis, gentilhomme de très-ancienne lignée. A la fin du
XVIe. siècle, il était passé à la famille de Boctey. On trouve ,
en 1606 et 1614, noble et vénérable maître Michel Le Boctey,
piètre , seigneur temporel du Grosmesnil , prieur de Mer-
villy, etc., puis curé de Notre-Dame-de-Villers.
Ce sont encore les de Boctey qui possédaient le Boulley.
Les registres de l'hôtel -de-ville de Lisieux ont conservé le
nom de « maistre Gabriel Le Boctey, escuier , sieur de Ma-
rolles et du Boulley, procureur du roi en l'élection de Lisieux
(1552-1577). Maistre Michel Le Boctey, sieur du Gros-
mesnil , avait pour frère Louis Le Boctey , escuier, sieur du
Boulley, qui avait épousé, le 3 juillet 1597, Catherine de
Franqueville , fille du sieur de Collandon , dont la postérité
a possédé le même fief pendant plusieurs générations (1). »
Le Boulley est, je pense, la propriété de M. Aug. Asselin,
receveur des finances, membre de l'Association normande. Il
est situé entre deux coteaux boisés, dan> une situation char-
mante. La maison, assez importante, a deux ailes qui datent
du règne de Louis XIV , avec toit à la Mansard. Le centre
parait beaucoup plus ancien , mais il a été modernisé à un
tel point qu'il est impossible d'en reconnaître la date. Il a
pourtant conservé son toit élevé et une grande cheminée en
(1) Il résulte d'actes authentiques que cette terre du Boulley était
dans les mains de la famille de Boctey ; mais elle possédait en même
temps le fief du Boulley, beaucoup plus important, situé à St.-
Germain-de-Livet.
OflBTOfl DE LlStEUX, lre. SECTION. 153
briques ornées d'arcatûres simulées avec dessins dans les
fonds , système qui remonte au XVIe. siècle.
Le colombier carré , construit en briques , est surmonté
d'un épi en terre jaune vernissée , qui représente un pigeon.
La famille de Boctey était encore en possession d'un autre
fief assis sur le territoire de la même paroisse , mais à un
quart de lieue au moins vers le midi , de l'autre côté de la
vallée ; il se nommait la Houssaye.
Noble homme Me. Adrien Le Boctey, sieur de la Houssaye,
vivait en 1570 et 1587, suivant des documents originaux que
j'ai eus entre les mains. J'ignore le nom de son fils. Un acte
du 6 juillet 1641, fait mention de son petit-fils, Anthoine Le
Boctey, écuyer, aussi seigneur de la Houssaye. Il fournit ses
preuves de noblesse en 1666 à Notre-Dame-de-Villers, avec-
Gilles Le Boctey, sieur de Glatigny.
Je n'ai trouvé qu'un seul acte où il soit question de la
Blancheporte et de son propriétaire, M". Pierre Toustain. Cet
acte, daté du 1er. février 1634, relate une vente de trois pièces
de terre situées à Glos, dépendantes de la sieurie deCirfontaine.
Le fief le plus intéressant pour l'archéologue , bien qu'il
n'ait pas été hiérarchiquement le plus important, c'est cer-
tainement la Quaise ou la Quèze.
Malgré les nombreuses mutilations que cette maison a
subies , elle n'en reste pas moins un rare spécimen des con-
structions domestiques du commencement du XVIe. siècle.
Klle est en bois : toutes ses poutres principales sont couvertes
de sculptures dans le style du règne de François Ier. Les sa-
blières qui séparent les étages sont sculptées, à leurs extré-
mités, d'un nerveux rageur qui engloutit les moulures. Toutes
les autres pièces, verticales ou horizontales, sont couvertes de
culs-de-lampe, de rosaces, de losanges, d'enroulements et
autres motifs analogues. Une jolie porte en accolade avec pi-
nacles, blasons, feuillages, s'ouvre dans la façade; malheu-
reusement elle a souffert.
15/l STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Les entrecolombages sont remplis par des briques vernissées
rouges et vertes , formant des dessins, tant par la variété de
leur couleur que par leur disposition.
La face qui regarde le jardin n'est guère moins ornée. La
base , jusqu'au premier étage , est en échiquier de pierres et
de briques. Sur une poutre centrale est sculpté un blason
chargé d'une croix vairée et surmonté d'un chapeau de car-
dinal avec les houppes. C'est celui du cardinal Jacques d'An-
nebault, évêque de Lisieux, de 15&3 à 1560; on peut s'en
servir comme de date pour la maison.
L'intérieur n'avait pas été moins soigné que l'extérieur. La
principale chambre est pourvue d'une vaste cheminée dont
le manteau , orné de moulures , est porté par deux colonnes
engagées. Les sommiers des plafonds sont sculptés d'entrelacs
et de rosaces.
Cette maison était autrefois couverte d'un grand toit de
pavillon avec double épi. Des tuiles vernies de différentes
couleurs formaient, sur ce grand comble des dessins ingé-
nieux. En 1 868 , l'amour de l'égalité a fait stupidement ra-
valer ces fiers pignons au niveau des combles mesquins de
l'époque moderne. Cependant, sans nul doute par économie,
on a replacé sur le toit une partie des tuiles vernies , rouges,
vertes et jaunes.
Les fenêtres étaient carrées et étroites, sans ornements, si
l'on en juge par celles que l'on voit encore, quoique bouchées,
dans certains endroits. Les autres ont été élargies, il y a en-
viron vingt ans.
Le colombier a été détruit en même temps que le comble ,
comme un vil instrument de la féodalité. Il était rond, de
dimension fort ordinaire et sans architecture.
Je n'ai pu me renseigner sur les possesseurs de ce fief. Je
sais seulement qu'en 1540 Silvain de Fa tou ville , sieur de la
Ouaise, produisit ses titres devant les élus de Lisieux.
CANTON DE LISIEUX , 1". SECTION. 155
Par l'acte de 1634 , déjà cité, on connaît que Michel Cos-
tard, président en l'élection de Lisieux, était sieur de la
Quèze. Un autre titre des Archives des hospices, de 1667,
m'a fourni le nom de « Me. Pierre Costard, escuyer, sieur de
la Quaize, conseiller du Roy , trésorier de France au bureau
des finances de la généralité d'Alençon. » Je ne sais depuis
quand ni comment cette famille était en possession de cette
terre.
La paroisse de Villers dépendait de l'élection de Lisieux,
sergenterie de Moyaux , et comptait UO feux.
MESNIL-GUILLAUME (1).
Mesnil-Guillaume , Mesnitlus Guillelmi.
L'église du Mesnil-Guillaume n'est point orientée selon
l'usage : son chevet est à peu près en regard du nord-est.
Elle est cependant fort ancienne; on distingue parfaitement
dans les murs l'appareil en feuilles de fougère , entremêlé
de ces longues briques que l'on a déjà vues à Fierville, à
Ouillie-le-Vicomte ; elles sont disposées , comme dans cette
dernière église, par chaînes horizontales, ou bien elles
s'inclinent pour former Xopus spicatum, ou encore elles rem-
placent la pierre de taille, si rare dans la contrée, en garnis-
sant les angles de la nef.
On remarque , sur le plan , qu'il y a absence complète de
contreforts dans l'édifice.
On ne retrouve aucune ouverture de l'époque primitive :
toutes ont été repercées à la fin du XVe. siècle , et la plupart
ont subi des mutilations postérieurement. Il n'en reste plus
que deux qui aient un caractère archilectoiiique : ce sont les
deux grandes fenêtres à meneau du côté de l'évangile :
elles sont identiques.
1) Notes de M. Ch. Vasseur.
156 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
La nef, qui avait primitivement U5 pieds de long, a été
prolongée d'une travée vers 1852 ou 1853. Cette adjonction,
dirigée, je crois, par un agent-voyer, n'a rien d'architectural.
En 1856 , on a transporté le clocher sur cette partie. Il se
trouvait autrefois assis sur l'arc triomphal, ainsi qu'on le con-
state dans les plus anciennes églises. Cette pérégrination lui a
été fatale. Il datait du XVe. siècle ; sa charpente était revêtue
d'essente, et la base était muuie d'un double évent ou abat-
sons composé d'une série de petites ouvertures trilobées.
L'ardoise vulgaire a remplacé l'essente , et les trilobés des
é vents ont disparu.
Le chœur fait retraite sur la nef, il est petit; son chevet
primitif a complètement disparu par suite de l'érection d'une
CANTON DE LISIUUX , lr\ SECTION. 157
sacristie à pans coupés qui fait le prolongement des murs la-
téraux. Celte sacristie est antérieure à la Révolution.
Le mobilier est de nulle valeur artistique. On peut citer
cependant une statue de saint Hildevert, évêque , qui date du
moyen-âge. Les autels sont encore enveloppés de leurs pare-
ments de vieille soie.
La voûte en carène de la nef a vu disparaître ses poutres
apparentes depuis la première visite que j'avais faite en 1853 ;
on a toutefois respecté sa forme, qui offre un profd harmo-
nieux et bien accentué. Ses sablières sont appuyées partie sur
les murs , partie sur de fort singuliers corbeaux en pierre.
Quelle raison a pu engager à surmonter ces consoles, si bien
moulurées , par la pierre brute qui se trouve immédiate-
ment sous la poutre ?
La voûte du chœur est recouverte d'une épaisse couche de
plâtre.
L'arc triomphal est ogival, garni de moulures prismatiques
qui viennent reposer sur deux colonnes semi-cylindriques.
Ces caractères indiquent assez le XVe. siècle.
Dans le tympan d'une des deux fenêtres dont nous avons
parlé, se trouve ce blason :
Le pavage a conservé quelques restes bien frustes de car-
reaux émaillés.
158 STATISTIQUE MONUMENTALE l)V CALVADOS.
L'église est sous l'invocation de Notre-Dame. Elle dépen-
dait du doyenné d'Orbec et de la sergenterie de Moyaux. Le
patronage était laïque et appartenait au seigneur du lieu.
La paroisse comptait 76 feux (380 habitants); elle en pos-
sède actuellement k \U\
Le château est important et remarquable. Le dessin de
M. Rouet fait voir la régularité de son ordonnance et son
VUE DU CHATEAU DE MESML-ÛUlLLAUfoÉ*
caractère archi tectonique. 11 est situé à une distance assez
grande de l'église , du côté de la ville. Il est impossible d'en
donner une meilleure description que les lignes que lui a
consacrées M. Raymond Bordeaux dans son Excursion ar-
chéologique dans la vallée d'Orbec en 1850 :
CANTON DE LISIEUX , 4re. SECTION. 159
u Mesnil-Guillaume, dit-il, est un château formé de quatre
corps de logis , avec une cour carrée au milieu comme beau-
coup d'autres habitations seigneuriales de l'époque d'Henri IV
et de Louis XIII. L'architecture, mélangée de briques et de
pierres , produit un effet harmonieux. En entrant dans l'in-
térieur de la cour , la façade du corps de logis de gauche est
bâtie en bois et d'un style plus ancien. Les colombages ver-
ticaux sont chargés d'ornements dans le goût de ceux des
maisons des XV\ et XVIe. siècles qu'on remarque à Li-
sieux (1).
« Chemin faisant, dans les corridors, j'apercevais,
mélangés aux vulgaires pavés de nos jours, quelques carreaux
faïences qui avaient assurément servi autrefois à composer de
brillantes rosaces dans les chambres de ce château. Mais, véri-
fication faite, c'étaient les mêmes types que nous avions déjà
rencontrés à Beuvillers et à Mailloc, et cela me parut une
preuve que ces pavés avaient été décorés dans les fabriques
de poteries, si nombreuses aux environs de Lisieux.
« La seigneurie du Mesnil-Guillaume appartenait, au
XVIe. siècle, à une famille d'origine kxovienne, illustrée par
de grandes alliances et par la construction de monuments
(1) Cette partie est tien certainement un reste d'un château anté-
rieur. Elle comprend sept travées de pilastres d'ordre classique, déter-
minées par des pièces de bois d'un équanissage beaucoup plus consi-
dérable, sculptées de ces larges feuillages à la mode sous le règne de
François 1er. Mais, quand on a refait le rez-de-chaussée qui est en
briques et les autres corps de logis, on s'est etforcé de moderniser cette
bâtisse surannée. Les fenêtres ont été élargies et surélevées et on les a
entourées de moulures qui accusent le règne de Louis XIII. La grande
filière godronnée qui séparait les deux ordres de pilastres a dû suivre les
contours des nouvelles baies, ce qui la fuit onduler comme un créne-
lage. Enfin, on a mis sous la corniche de gros modifions en bois, dû-
ment recouverts de plâtre*
160 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
importants. Nicolas Le Vallois , seigneur d'EscoviHe , qui a
fait bâtir à Caen ce magnifique hôtel du XVIe. siècle, aujour-
d'hui la Bourse et le Tribunal de commerce , et qui possé-
dait le château de Fontaine-Éloupefour près Caen , était en
même temps seigneur du Mesnil-Guillaume. La famille Le
Vallois jouait, à Caen, un très-grand rôle au XVIe. siècle, et
à Bayeux au XVIIe. Un mémoire manuscrit qui existe à la
Bibliothèque de Caen , et dont l'auteur anonyme passe mali-
gnement en revue l'extraction de toutes les familles caennaises
qu'on regardait alors comme nouvelles , indique celle-ci
comme issue d'un simple artisan de Lisieux , enrichi dans le
commerce. — Quoique les assertions de ce mémoire ne pa-
raissent devoir être acceptées qu'avec beaucoup de réserve ,
les monuments viennent cependant coiîfirmer ce fait , passé
sous silence par les généalogistes, que les Le Vallois sont
réellement originaires de Lisieux. Mais ils avaient tort de
cacher cette origine , honorable pour le commerce lexovien ,
car leur famille devait être déjà fort distinguée dans cette
ville à la fin du XVe. siècle. Nous avons , en effet , retrouvé
leur écusson sculpté aux clefs de voûte de la nef de l'église
St. -Jacques, élevée vers 1520.
« Quoi qu'il en soit, j'ai cherché en vain dans le manoir de
Mesnil-Guillaume l'écusson des Le Vallois. A l'intérieur de
la cour, sur cette façade de charpente qui est d'un siècle
environ plus ancienne que le reste des constructions, il y a,
à la vérité, des armoiries; mais ce ne sont point celles de
cette famille. Pourtant , tout fait croire que c'est à elle que
le Mesnil-Guillaume doit la construction de ce château , d'un
si bon effet dans la vallée. »
J'ajouterai à ces détails la description des magnifiques épis
en terre émaillée qui terminaient autrefois les tourelles et les
pignons des combles. On vient d'en retrouver les nombreuses
pièces dans un coin de grenier ; M. R. Bordeaux n'avait donc
CANTON DE LJSIEUX , \r*. SECTION. 161
pu les voir. La plupart avaient au moins 5 pieds d'élévation;
leur exécution , leur émail peuvent les faire regarder comme
des plus remarquables. On y retrouve les têtes à coquilles ,
les pentes de fruits et de fleurs, et ces grandes branches de
lis de jardin gracieusement recourbées dont se composent les
plus belles pièces connues de ce genre. Un dessin peut seul
faire deviner leur importance et leur mérite. Il y avait aussi
quelques pièces de fabrication plus grossière, avec une simple
couverte de couleur verte. On les avait arrachées des toits
pour satisfaire au niveau égalitaire républicain, et aussi à
cause des fleurs de lis, symbole aristocratique.
A la fin du XVe. siècle , la terre du Mesnil-Guillaume ap-
partenait à Guillaume de Trousseauville, chevalier, qui était
également seigneur de Giverville et de Morainville, en Lieuvin.
Ensuite, comme on l'a vu plus haut, on en trouve en pos-
session la famille Le Valois. Nicolas Le Valois, qui avait
épousé, en 1536, Marie du Val, veuve de Nicolas de Grandrue,
étant mort en 1561 à l'âge de kl ans, de la façon que raconte
De Bras, ses biens furent partagés entre ses quatre fils qui
firent tous branche. Le troisième, nommé Jean, fut seigneur
du Mesnil-Guillaume et de Coq. Sa postérité ne s'éteignit
qu'au commencement du XVIIe. siècle , dans la personne de
noble damoiselle Marie Le Valois, veuve de feu Charles Le
Goys, vivant écuyer, sieur du Parc et de Manneville, dame
du fief noble, terre et sieurie du Mesnil-Guillaume, qui vi-
vait encore en 1613 et 1617, suivant des aveux et actes ori-
ginaux où je l'ai trouvée mentionnée.
En 1709 , suivant d'autres actes , la terre était passée à la
famille de Mailloc ; car on trouve « messire François de
Mailloc, chevalier, seigneur d'Estouteville, Mesnil-Guillaume
et autres terres et seigneuries , demeurant ordinairement en
son chasteau du Mesnil-Guillaume. »
Le Chapitre de Lisieux possédait, sur le territoire de cette
11
162 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
paroisse, une terre noble, nommée le Fief-aux-Hues, que j'ai
trouvée mentionnée dans un acte original de 1557,
GLOS(0.
Glos, Glocium, dans une charte de 1284.
Le village de Glos , situé à 5 kilomètres de Lisieux , au
midi, est coquettement posé sur une éminence au pied de
laquelle passe en tranchée le chemin de fer de Paris à Cher-
bourg. Celte éminence, presque entièrement formée de sable,
sépare la riante vallée de I'Orbiquet du vallon sauvage et
pittoresque de Courtonne-la-JVlenrdrac.
L'église, qui occupe le point culminant du coteau, est une
des plus anciennes et des plus intéressantes des environs de
Lisieux. Sa construction paraît remonter aux premières
années du XIe. siècle.
Les murs latéraux, beaucoup plus élevés que ne le sont
ordinairement ceux des églises rurales qui datent de la même
époque, offrent un ancien blocage , recouvert d'un crépi qui
se détache à plusieurs endroits et laisse voir l'appareil gros-
sier en feuilles de fougère.
Deux contreforts seulement , l'un au nord et l'autre au
midi , soutiennent la nef dont les murs sont d'une grande
épaisseur. La faible saillie de ces contreforts qui atteignent
presque le toit ; la largeur considérable des joints qui relient
les pierres ; le relief que présentent ces joints, dont les bords
sont taillés en biseau ou chanfrein ; enfin , l'arrangement des
pierres, posées en délit et formant des espèces de chaînages
( cette disposition est surtout visible à l'angle sud-est et à
l'angle nord-est de la nef), sont autant d'indices d'une haute
antiquité. Nous ferons observer que la nature des pierres em-
(1) Noies de M. Pitnnier.
CANTON DE LISIEUX , tr<\ SECTION. 163
ployées dans la construction des contreforts est différente :
les unes sont en calcaire oolithique , d'un grain très-fin ; les
autres en calcaire très-poreux, ayant une grande ressemblance
avec le tuf ou travertin, qui était généralement en usage pen-
dant la période romane.
Les murs latéraux du chœur, fortement en retraite sur ceux
de la nef et également recrépis , n'étaient soutenus primitive-
ment par aucun contrefort. Les contreforts saillants, à double
glacis , que l'on voit à l'extrémité orientale de ces deux
murs, près du chevet , ont été élevés à la fin du XVe. siècle
ou au XVIe. La partie supérieure de ces contreforts a été
refaite en briques plates dans le courant du XVIIIe. siècle.
Le mur droit qui termine le chœur, à l'orient, est soutenu
par deux contreforts saillants , en pierre , à double glacis.
Contre ce mur , entièrement recrépi et sur lequel on n'aper-
çoit aucune trace de fenêtres, est appliquée une sacristie en
briques qui date du siècle dernier.
Des fenêtres à plein-cintre et à claveaux extradossés, sem-
blables à celles qui s'ouvraient dans la partie supérieure des
murs latéraux du chœur et dont on aperçoit encore quelques
vestiges, éclairaient primitivement l'église.
Cet édifice a été repercé à la fin du XIIe. siècle , ou dans
les premières années du XIIIe., ainsi que l'atteste l'étroite
fenêtre en forme de lancette qui éclaire le chœur du côté
septentrional. Une lancette semblable s'ouvrait dans le mur
méridional. Ces deux fenêtres sont en partie inscrites dans
les anciennes ouvertures, qui étaient romanes et placées un
peu plus haut. Deux fenêtres ogivales un peu plus larges , du
même temps, laissent pénétrer le jour à l'intérieur de la nef,
l'une au nord et l'autre au midi.
Le chœur est éclairé au midi par deux fenêtres : l'une
sans caractère , l'autre à ogive aiguë , très-large. Cette der-
nière fenêtre était aul refois partagée en deux baies par un
16& STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
meneau. La moulure torique, garnie d'un listel, qui l'encadre
accuse le XIVe. siècle.
Les deux larges ouvertures en brique pratiquées dans le
mur méridional de la nef sont cintrées , dans la partie supé-
rieure. Au-dessus on lit la date 1780, qui indique une répa-
ration faite à cette époque. L'une de ces fenêtres offre
l'inscription suivante :
M . FONT
T • CH
AUGE EN
LAN
1780.
A droite de l'une de ces ouvertures est une petite fenêtre
ogivale, entourée d'une scotie.
On remarque près du mur occidental les vestiges d'une
porte à plein -cintre , romane , dont les claveaux extradossés
sont formés de pierres calcaires très-dures. C'était la princi-
pale entrée de l'église.
Une petite porte cintrée, sans caractère, est pratiquée dans
le mur méridional du chœur.
Le mur occidental de la nef, autrefois soutenu par trois
contreforts plats, a été reconstruit en brique, sans aucun
goût. Quatre ignobles et massifs contreforts, également en
brique et inclinés comme les étais d'une maison qui menace
ruine, supportent ce mur. La porte, cintrée dans le haut ,
est surmontée d'un oculus.
A l'extrémité occidentale de la nef s'élève un clocher oc-
togone en charpente , surmonté d'une pyramide élancée. Le
larmier , correspondant à chaque face , est percé de plusieurs
ouïes ou évents d'une forme peu commune. Ce clocher
renferme deux petites cloches.
La plus grosse, fondue en 1842, a été bénite par M. Jean-
Jacques Farolet, doyen de St. -Pierre de Lisieux.
CANTON DE LISIEUX , lre. SECTION. 165
UT* \4
166 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
La plus petite , qui provient de l'ancienne église de Vil-
lers, porte l'inscription suivante :
f 1668. Me. FRANÇOIS PECQEVLT PBIIE CVRÉ DE CE LIEV MA BÉN1STE ET
NOMMÉE MARIE. Me. Mc. SEBASTIAN DESJARDINS ET FRANÇOIS LE BRVN SF*
DE LA MOTTE Tr .
IEUAN AVBERT MA FAICTE.
La voûte de la nef est construite en merrain, avec entrait»
et poinçons.
L'arc triomphal, d'une grande élévation, est roman.
L'intérieur de l'église offre un riche mobilier.
Contre les murs latéraux du chœur sont appliquées de
belles boiseries , formant lambris , qui datent du règne de
Louis XIV. Ce lambris, qui sert de haut dossier aux stalles,
est formé de panneaux encadrés de moulures fortement élégies
avec angles rentrants et concaves. Les ressauts correspon-
dant aux pilastres sont soutenus par des têtes d'anges ( Voir
la page suivante ).
Les boiseries les plus rapprochées de l'autel offrent de ri-
ches encadrements, en feuilles de chêne, et une élégante frise
artislement sculptée.
Des pilastres, offrant des pentes de fleurs et de fruits , sé-
parent les panneaux.
M. Bouet a fait un dessin de ces boiseries, qui proviennent
de l'ancienne abbaye de Cormeilles.
Les stalles, au nombre de dix (cinq de chaque côté),
datent probablement du même temps. La forme des accou-
doirs est assez curieuse et peu commune.
Le lutrin est une œuvre très-remarquable. Il est composé de
trois parties. Le pied est triangulaire. La tige , formée d'un
vase très-gracieux couvert de jolis rinceaux, supporte un
globe sur lequel repose un aigle luttant contre un serpent,
CANTON DE LIS1L UX , lre. StCTION.
167
amop.is dans l'église de clos.
168 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
emblème du mal. Ce lutrin , qui est en bois de chêne doré à
l'eau, est dans le style Louis
XV. Il provient aussi de l'ab-
baye de Cormeilles.
Le rétable du maître-autel,
type Louis XV, est formé de
pilastres qui supportent un
entablement circulaire. Le ta-
bleau est également cintré
dans la partie supérieure. Une
gloire, de grande dimension ,
forme le couronnement du
rétable. Les urnes corres-
pondant aux pilastres sont
ornées d'anses, en forme de
consoles , qui remplacent les
draperies si communes sous
le règne précédent. Le tom-
beau et le tabernacle sont en
forme de doucine.
A l'extrémité de la nef, s'élèvent deux petits autels avec
rétable. Le tombeau de l'un de ces autels , dans le style
Louis XIV, provient de l'abbaye de Cormeilles. Il est carré et
décoré, à ses extrémités, de jolies pentes de fleurs et de fruits.
Le devant du tombeau était autrefois revêtu d'un parement
en étoffe.
Le rétable, dans le style Louis XV, provient de l'ancienne
église de Villers, près Glos. Deux pilastres ioniques, cannelés,
supportent l'entablement. La statue qui décore le rétable est
ancienne et miniaturée.
Nous avons remarqué au bas de la nef un ancien et curieux
bénitier, en cuivre ou en métal de cloche, sur lequel on lit
l'inscription suivante, extraite de la Genèse :
f VOX DOMINI SVPER AQVAS DEVS.
CANTON DE L1SIEUX , lre. SECTION. 169
Ce bénitier , qui servait autrefois pour l'aspersion de l'eau
bénite, paraît dater du XVIe. siècle.
A l'entrée du chœur étaient autrefois placées deux belles
statues en pierre, représentant des évangélistes. Ces statues ,
qui provenaient aussi de l'abbaye de Cormeilles, ont été
brisées pendant la Révolution.
M. l'abbé Hays , desservant de cette paroisse , a fait placer
dans la nef un très-beau chemin de croix , qui offre une série
de tableaux dessinés et gravés par Pétrark , et coloriés avec
soin d'après Fuhrich , célèbre peintre allemand , et l'un des
représentants de l'École de Dusseldorf , dont la gravure re-
produit et cherche à populariser les chefs-d'œuvre.
Dans le clocher est relégué un joli tabernacle, dans le style
Louis XIII, décoré de nombreuses colonnettes faites au tour.
Les petits vases placés dans les niches sont également l'œuvre
d'un tourneur de l'époque , qui probablement habitait la loca-
lité. La face principale du tabernacle est garnie de quatre co-
lonnettes, d'ordre composite, formant ressaut. Lesbalustres
qui décorent la galerie placée à la base de la coupole sont en
forme de fuseau. Ce précieux tabernacle provient de l'ancienne
église de Villers.
Nous avons vu aussi dans le clocher une jolie lampe en
bois , d'une forme très-gracieuse. Cette lampe , qui est dans
le style Louis XV, est décorée de têtes d'anges et d'entrelacs.
Elle provient de l'ancienne abbaye de Cormeilles. Ce genre
de lampes est aujourd'hui fort rare.
L'église de Glos a pour patron saint Laurent.
On a découvert dernièrement , dans le cimetière, un frag-
ment considérable d'un ancien cercueil en pierre calcaire.
Il a été trouvé à 1 mètre environ de profondeur.
A l'extrémité méridionale du cimetière, s'élevait une cha-
pelle dédiée à saint Laurent. Cette chapelle a été transformée
en une maison, à usage d'auberge, qui porte pour enseigne :
AU GRAND SAINT LAURENT.
170 STATISTIQUE MOMjMLISTALE DU CALVADOS.
Château de Coq. — A 1 kilomètre environ du village de
Glos, au pied d'un coteau qui domine la rive gauche del'Or-
biquet , s'élevait un ancien manoir auquel , dans le pays , on
donne le nom de château. D'après la tradition locale , ce châ-
teau aurait été détruit par les Anglais dans le milieu du
XVe. siècle, après la bataille de Formigny , qui les expulsa
définitivement du sol normand. On voyait encore, il y a une
vingtaine d'années, quelques vestiges des murs de fondation.
La maison en pierre qui s'élève à mi-côte a été, dit-on, bâtie
avec les pierres provenant des débris de cet ancien château
dont les communs s'étendaient au nord jusqu'au chemin.
La découverte de nombreuses monnaies françaises ( 800
environ) qui a eu lieu, en 1859, dans la cour de la Folletière,
qui domine, au nord-est, le village de Glos , atteste les luttes
sanglantes dont cette partie de la Normandie a été autrefois
le théâtre. Le plus grand nombre de ces pièces , qui sont en
cuivre et en alliage et de différents modules , remonte aux
règnes de Philippe de Valois , de Jean II, dit le Bon , et de
Charles V. Quelques-unes, de grand module, sont de Louis Ier.
ou de Louis II, comte de Flandre, qui prit parti pour Edouard
III , roi d'Angleterre.
Dans une cour voisine, appartenant au même propriétaire,
se trouve une ancienne carrière de marne, divisée en plu-
sieurs galeries dans lesquelles on a découvert une douzaine
de boulets en pierre. La partie supérieure de cette cour forme
un plateau, assez régulier, qui commande plusieurs vallons
aboutissant à la vallée de l'Orbiquet. C'était un point straté-
gique assez important.
Glos possédait autrefois un château-fort dont il ne reste
plus aucun vestige. Cassini n'a pas marqué sur sa belle carte
de France, dressée de llhk à 1793 , l'emplacement de ce
château : d'où il faut conclure qu'il n'existait plus à cette
époque. On aperçoit à peu de distance , au sud de l'église,
CANTON DE LISIEUX , lre. SECTION. 171
sur le bord de la rivière , une motte féodale près de laquelle
s'élevait, dit-on, le château.
En 1066, un seigneur de Glos-sur-Lisieux, prit part à la
conquête de l'Angleterre. En 1220, Robert de Glos , fils de
Philippe donna à la Maison-Dieu de Lisieux plusieurs rede-
vances qui lui étaient faites à Glos.
C'est au XIIIe. siècle que l'évêque de Lisieux paraît être
entré en possession de la terre de Glos. Il existe au Trésor
des chartes une obligation de l'évêque et du chapitre de Li-
sieux pour plusieurs acres de terre et divers droits aux pa-
roisses de Glos, Cordebugle et autres, qui leur avaient été
données à ferme par le roi.
Glos et Courtonne formaient une des sept baronnies qui
composaient le comté de Lisieux et par conséquent relevaient
de la juridiction de l'évêque. Les autres baronnies étaient
Nonant , près Baveux ; ïhiber ville , Gacé , Canapville , près
Vimouliers ; Bonneville-la-Louvet, Touques.
Carrières de Glos. — La voie romaine de Lisieux à Cham-
brais traversait Je territoire de Glos. C'est sur le bord de
cette ancienne voie que se trouvent les célèbres carrières de
Glos, dont les coquillages fossiles ont été décrits avec soin
par MM. Goubert et Zittel , dans leur Dictionnaire de Con-
chyliologie.
Le sable de Glos appartient au corallien supérieur. « Il
« correspond par la stratigraphie et par plusieurs de ses fos-
« siles aux grès à Triyonia Bronni, avec alternance de sables
<« de la falaise d'Hennequeville. »
Les espèces que contiennent ces sables sont peu nom-
breuses , mais quelques-unes sont fort riches en individus.
La partie supérieure des bancs qui bordent le chemin est
blanchie par de nombreux débris de coquilles pourries, par
suite d'infiltrations postérieures à leur dépôt.
172 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Aqueduc romain. — Sur le penchant d'un coteau escarpé
qui domine à gauche la route d'Orbec, au-dessus d'une car-
rière de sable située en-deçà du pont, M. le docteur Billon
a découvert, en 1868, un aqueduc romain, parfaitement
conservé , qui prenait les eaux à une source voisine et les
portait à l'ancienne cité gallo-romaine des Lexovii (Novio-
magus Lexoviorum). Ce tronçon d'aqueduc, construit en
béton comme tous les travaux de ce genre que nous ont laissés
les Romains , a été examiné, l'année suivante, par un grand
nombre de membres de la Société française d'archéologie ,
réunis à Lisieux lors de l'Exposition régionale. Un croquis
très-exact de cet aqueduc , dessiné par M. Bordeaux , a été
publié dans Y annuaire de l'Association normande pour 1852*
Bruyères de Glos. — Les bruyères de Glos, bien connues
des botanistes, occupent un plateau très-élevé , situé à l'ouest
du village. M. Durand-Duquesnay , dans son Catalogue rai-
sonné des plantes vasculaires de l'arrondissement de Lisieux
( Bulletin des travaux de la Société d'Émulation , année
1846), donne la liste des plantes rares qui croissent sur ces
bruyères , particulièrement dans les parties tourbeuses. De
larges voies traversent aujourd'hui ce plateau , qui domine la
rive gauche de l'Orbiquet.
Manoir. — Au milieu des prairies s'élève un ancien ma-
noir , appelé la Vallée, qui a appartenu à la famille de Fran-
queville. Ce manoir, situé à peu de distance de l'église , près
de la rivière, est une construction en bois du XVIe. siècle.
Une des salles offre un joli pavage émaillé , dans un bon état
de conservation.
Le colombier est de forme circulaire.
De l'autre côté de la rivière , à l'angle d'un chemin qui se
dirige vers l'église de Beuvillers , s'élève une construction en
CANTON DE LISIEUX , 1". SECTION. 173
bois d'une certaine importance. L'étage supérieur est bâti en
encorbellement. Une tourelle carrée renferme l'escalier A
l'intérieur, on remarque une vaste cheminée et une ancienne
porte à panneaux plissés. Cette construction, qui date de la fin
du XVe. siècle, a dû appartenir à une communauté religieuse.
BEUVILLERS (1).
Beuvillers, Beuvillare, Bouvillare , Beuvilliers.
Sur le penchant d'un coteau qui encadre , au couchant, la
riante vallée de l'Orbiquet , s'élevait d'une manière pitto-
resque la petite église de Beuvillers , dont la construction ,
très-ancienne , remontait à la période romane. Cette église a
été démolie en 1863.
Le chœur et la nef étaient placés sur la même ligne.
Les murs latéraux de la nef, que recouvrait un crépi
ancien, étaient construits en blocage et dépourvus de contre-
forts. Le mur septentrional offrait une fenêtre carrée , du
XVIe. siècle , et une fenêtre sans caractère.
La principale entrée était au nord. La porte, à plein-
cintre , entourée d'un tore du XVIe. siècle , était précédée
d'un porche en bois, d'une certaine importance, qui fut
fermé et transformé en chapelle des fonts vers 1840.
Une petite statue en pierre , représentant sainte Cécile ,
était posée sur un cul-de-lampe , au-dessus de la porte , à
l'extérieur de l'édifice.
On apercevait, à gauche de cette porte, les vestiges d'une
arcade à plein-cintre (probablement romane) qui donnait
anciennement accès dans la nef.
Il n'y avait jamais eu d'ouverture à l'occident. La porte
qui donnait accès dans la nef était moderne : elle avait été
ouverte en 1840.
Vers l'une des extrémités du mur méridional on apercevait
(1) Notes de M. Pannier,
174 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
une très-petite ouverture à plein-cintre, romane, presque aussi
large que haute, dont les bords étaient simplement taillés en
chanfrein ou biseau. Elle était fermée par une vitre épaisse ,
appelée œil-de-bœuf.
Le chœur , ainsi que nous l'avons dit , ne faisait point
retraite sur la nef. Le mur septentrional , construit en blo-
cage , paraissait dater du XIIIe. siècle. L'un des contreforts,
engagé en partie dans le mur de la sacristie , avait été élevé
à la même époque. Un autre contrefort , placé à l'extrémité
occidentale, datait, comme ceux du chevet, du XVe. siècle.
Une ouverture en forme de lancette était pratiquée dans ce
mur. Cette fenêtre , qui était ébrasée à l'intérieur , mesurait
90 centimètres de hauteur sur 20 de largeur. Le mur méri-
dional avait été reconstruit entièrement au XVe. siècle. Près
de l'angle s'élevait un contrefort. Les deux fenêtres qui éclai-
raient le chœur de ce côté affectaient la forme ogivale ; elles
étaient, du reste, dépourvues de tout caractère architectural.
Des contreforts du XVe. siècle soutenaient , comme nous
l'avons dit, le chevet qui était droit,
Un petit clocher en charpente s'élevait au-dessus du gable
occidental. La croix en fer qui couronnait la pyramide
paraissait ancienne. Les croisillons se terminaient par des
fleurs de lis. Ce clocher contenait une cloche qui offre l'in-
scription suivante :
f j'AY ÉTÉ BÉNIE PAR Me. CHARLES-JACQUES BOUSSELIN CURÉ DE BEUVIL-
LEBS ET NOMMÉE MARIE Se-CÉCILE PAR Mr. PIERRE BRUNOT EMMANUEL
ESTIÈVRE MARQUIS DE TRÉMAUV1LLE ET MADAME MARIE CLAUDE DE GRIEU,
SON ÉPOUSC, DEMEURANTS A PARIS EN LEUR HÔTEL PLACE DU PALAIS BOURBON
N°. 85 A PARIS, ANCIENS SEIGNEURS DE BEUVILLERS. M". JEAN BAPTISTE LE
CERF, MAIRE, ALEXANDRE LIQUAIRE SURNOMMÉ DU LONGPRÉ, ADJOINT, JEAN
FRANÇOIS PETIT ET De ROSE FOCET, SON ÉPOUSE, JEAN BAPTISTE NICOLAS
GUERBETTE TOUS PROPRIÉTAIRES ET MAMBRE DU CONSEIL MUNICIPAL.
LA VILLETTE DE LISIEUX m'a FAITE 1816.
La charpente de la voûte, en forme de berceau, paraissait
CANTON DE LISIEUX , lre. SECTION. 175
ancienne. Afin d'éviter la poussée sur le sommet des murs,
on l'avait établie sur blochets ou sabots, les chevrons portant
ferme. Cette voûte, sans entraits, était lambrissée en douves
de sapin.
A l'intérieur comme à l'extérieur de l'édifice, les murs
avaient conservé leur litre funèbre couverte d'écussons. Ces
blasons, relevés avec soin par M. Charles Vasseur , étaient
ceux de la famille de Franqueville.
Le maître-autel , qui était l'un des plus riches de l'an-
cien diocèse de Lisieux, attirait les regards des connais-
seurs.
Le rétable provenait de l'ancienne église de St.-Pierre-de-
Canteloup. Il avait été acheté en 1847 pour l'église de Beu-
villers. Ce magnifique rétable, décoré de deux colonnes torses
autour desquelles s'enroulaient des ceps de vigne chargés de
grappes de raisin , datait du règne de Louis XIV. Le cadre
qui entourait le tableau était travaillé à jour et délicatement
sculpté.
Le tabernacle, œuvre de patience et de goût, avait appar-
tenu à l'abbaye de St. -Désir de Lisieux. Il avait été donné
à l'ancienne église de St. -Désir ( démolie pendant la Révo-
lution), par Marie de Raveton de Chauvigny , abbesse du
monastère des Bénédictines (1599-1634).
Ce tabernacle, de forme hexagone, offrait deux étages. Le
premier étage était décoré de cinq niches, séparées par de
légères colonnettes accouplées, détachées du pavillon et pla-
cées sur les angles. Les statuettes renfermées dans ces niches
étaient : le Sauveur du monde, saint Pierre, saint Paul, saint
Benoît et sainte Scholastique. Le second étage, formant cou-
ronnement , présentait un dôme imbriqué, surmonté d'un
lanternon à jour, sur le sommet duquel était posée une sta-
tuette représentant le Christ tenant une croix de Résurrec-
tion. Ce genre d'amortissement est assez rare. Les taberna-
176 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
des de cette époque se terminent ordinairement par une croix
faite au tour, appelée avellane.
Les deux gradins étaient couverts d'arabesques en relief,
interrompues par un blason placé au-dessous du tabernacle.
Cet écusson était celui de l'abbesse qui avait fait exécuter ce
beau travail.
Le tabernacle que nous venons de décrire avait pour com-
plément une jolie garniture de candélabres en bois tourné,
avec torchères.
Nous aurions vu avec plaisir ce tabernacle replacé dans
la nouvelle église , dont il aurait été le plus bel ornement.
. Le tombeau , de forme carrée , était garni autrefois d'un
parement en étoffe.
De chaque côté du maître-autel étaient placées deux an-
ciennes statues. L'une, en pierre , représentant sainte Cécile,
paraissait dater du XVe. siècle ; l'autre , en bois , de sainte
Radégonde , artistement sculptée , datait du règne de
Louis XIII.
Cinq pierres tombales se voyaient dans le chœur. Une
seule avait conservé , en partie , son inscription gothique :
. . . GDsmont eit son muant seigneur î>e iïlaltcorne , $eufuiller ,
Jtlillouct-le~i3as et Sainct-dÊermain be JUaroles qui ùkèùa le X§2
^'octobre mil cinq cens ££3
Les squelettes de ce seigneurel de sa femme étaient re-
présentés et gravés au trait sur la pierre. Dans les angles
supérieurs étaient placés leurs blasons : d'Osmont ; de gueules
au vol d'hermines.
Au milieu du chœur apparaissait une pierre tumulaire ,
dont la face principale était tournée contre terre. La grande
épaisseur de cette pierre , qui était en schiste noir imitant
le marbre , nous porte à croire qu'elle était ornée de l'effigie
CANTON DE LIS1EUX, lre. SECTION. 177
en haut-relief du personnage qu'elle recouvrait, et qu'elle
aura été retournée.
Le chœur était fermé par deux petits autels sans rétable.
Celui de droite (côté de l'épître) était surmonté d'une
ancienne statue en pierre, dorée et miniaturée, représentant
sainte Anne.
L'autel placé du côté de l'évangile était couronné d'une
statue, également miniaturée, représentant la Sainte-Vierge.
Ces deux statues , que nous avons remarquées au milieu des
décombres , lorsqu'on a démoli la vieille église , nous ont
paru d'une bonne exécution.
Ces deux petits autels , placés de chaque côté de l'arc
triomphal, n'avaient qu'un gradin, sur lequel étaient posées
les statues dont nous venons de parler. Sur le milieu d'un
de ces gradins, ornés de petits tableaux en forme de médaillon,
on lisait :
CB SACRAIRE A ESTÉ DONNÉ PAR
MATSTRE NICOLLAS SCOT PBRE CVRÉ
DE CHA(m)PSERIS ET RACLETTE
MALAIS SA MÈRE. 1640.
A côté de l'un de ces autels était placé un petit chandelier
en cuivre , de 20 centimètres environ de hauteur , qui offre
une grande ressemblance avec un chandelier de même métal,
gallo-romain , découvert , il y a quelques années , à Lisieux ,
dans les fondations d'une maison appartenant à la commu-
nauté de la Providence. Près de ce dernier chandelier , dont
l'origine ne saurait être contestée, on a trouvé plusieurs
fragments de briques romaines. Le chandelier de Beuvillers
ne paraît pas remonter au-delà du XIIe. siècle.
Entre ces deux autels s'élevait , comme nous l'avons dit ,
l'arc triomphal , qui était en bois peint.
Cet arc , qui datait du même temps que les autels , était
12
178 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
surmonté de l'effigie du Christ, qu'accompagnaient les sta-
tues de saint Jean et de la Sainte- Vierge. Deux urnes,
de même style , répondaient aux piliers sur lesquels il
reposait.
Tout cet ensemble , plein d'harmonie , qui rappelait la dis-
position des anciens jubés, était très-religieux et d'un effet
saisissant.
Sous le porche, qui avait été converti, comme nous l'avons
dit, en chapelle, on remarquait les fonts de l'ancienne église
de St.-Hippolyte-du-Bout-des-Prés, qui a été démolie en
1832 ou 1833.
On voyait aussi dans la même chapelle deux statues en
bois (saint Jean et la Sainte- Vierge ) qui provenaient de la
chapelle du château de St.-Hippolyte.
La nouvelle église, placée un peu plus bas que l'ancienne,
ne présente aucun intérêt à l'archéologue.
L'église de Beuvillers était placée sous l'invocation de
sainte Cécile.
Le patronage appartenait au Chapitre de la cathédrale.
Beuvillers faisait partie de l'élection de Lisieux et comptait
quarante feux.
Château. — Il ne reste plus de l'ancien manoir féodal de
Beuvillers, qui s'élevait au fond de la vallée, qu'une poterne
flanquée de deux tourelles, d'un effet très-pittoresque.
Cette délicieuse tête de pont, dont M. Bouet, membre de
la Société française d'archéologie, a fait un charmant dessin,
est accompagnée d'un pan de mur en brique percé de meur-
trières.
« Le rez-de-chaussée, dit M. Raymond Bordeaux (1),
(1) Compte-rendu d'une excursion faite dans la vallée d'Orbec en
1850.
CANTON DE L1SIEUX, lre. SECTION. 179
« auquel nous empruntons les lignes suivantes , est bâti en
« damier de pierres et de briques alternativement rouges et
« vertes; le premier étage est en bois, recouvert d'essen tes
<• disposées en dessins variés. Un escalier à vis, contenu
« dans l'une des tourelles , mène dans une chambre haute
« placée au-dessus de la porte , où existe , à peu près com-
« plet, un superbe pavage en carreaux de terre cuite, dont
(( l'émail jaune et vert est d'une rare fraîcheur encore. Des
« fleurons de la Renaissance décorent chacun de ces pavés ,
« tous semblables de dessins, mais tantôt bruns avec des
« fleurons verts, tantôt rouges avec des fleurons jaunes. Ces
« pavés sont disposés quatre par quatre pour composer des
« rosaces , et les rosaces alternent de manière que le plan-
« cher de la chambre présente un échiquier rouge et vert ,
« couleurs qui se remarquent aussi dans l'appareil de lt
« maçonnerie.
« Ce beau pavage , ajoute M. Bordeaux , dans ce langage
180 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
« pittoresque et coloré qui donne un si grand charme au
« récit , est couvert de décombres et la chambre est ouverte
« à tous venants. Le grand toit du pavillon s'effondre triste-
« ment; les flèches coniques des tourelles laissent déjà entre-
« voir leurs chevrons noircis par la pluie. »
Nous ajouterons, pour compléter le tableau, que la
lucarne qui surmonte le toit de la poterne était couronnée
d'un bel épi vernissé en terre du Pré-d'Auge. Les jolis pavés
émaillés décrits par M. Bordeaux provenaient de la même
fabrique, dont nous parlerons à l'article Pré-d'Auge.
Le fief de Beuvillers relevait du comté de Lisieux.
On trouve dans les Rôles de l'Échiquier de Normandie :
Wido de Boviler, en 1180 ; Robert de Busviler, en 1195;
Robert Cardon de Bueviler , même année.
Nous ignorons les noms de ceux qui possédèrent ce fief
aux XIIIe., XIVe. et XVe. siècles.
Au XVIe. siècle , le fief de Beuvillers appartenait à la
famille d'Osmont.
« Le premier qu'on trouve en possession de ce fief , dit
« M. Charles Vasseur, est Robert d'Osmont, seigneur de
« Beuvilliers en partie et de Creully , qui épousa Alix de
<« Bures. Il transmit cette terre à ses descendants , qui la
« conservèrent pendant plus de cent ans. Le dernier qui la
« posséda est Guillaume d'Osmont , chevalier , seigneur
« d'Aubry-le-Pantou et du Mesnil-Froger, qui l'échangea,
« suivant contrat du 2 février 1640, avec Jean Le Michault,
« lequel obtint, cinq ans plus tard, des lettres de noblesse et
« le titre d'écuyer. Il avait épousé, en 1615, Marguerite
« Parfait , fille d'un greffier en chef de l'élection de Paris.
« De cette union naquirent dix-huit enfants , ainsi que le
« constate une généalogie manuscrite. L'aîné des garçons ,
« Guillaume, né le 18 février 1621, fut seigneur de Beuvil-
« lers, le Val-Durand et Douville. Malgré sa nombreuse
CANTON DE LISIEUX , Ie. SECTION. 181
« parenté, il n'eut pour héritière que Françoise Le Michaut,
« sa sœur, née le 27 septembre 1630, laquelle avait épousé,
(• en 1653, Jacques de Franqueville, écuyer, sieur de La
« Vallée , fief situé à Glos. »
La famille de Franqueville a possédé la terre de Beu-
villers jusqu'à la fin du XVIIIe. siècle. Claude-Jean-Baptiste
de Franqueville n'ayant eu qu'une fille, nommée Marie-
Françoise-Julie, cette terre passa, avec la baronnie de Mo-
rainville, le Mesnil-sur-Blangy , Livet et La Couyère, dans
les mains de M. Joseph Laurens de Grieu , chevalier de
l'ordre royal et militaire de St. -Louis, dont la fille, Mine.
Marie-Claude de Grieu, épouse de M. de Frémauville, est
mentionnée sur la cloche dont nous avons donné l'inscription.
A une certaine époque, le fief de Beuvillers avait été divisé.
On voit, dans un acte de vente du 28 mars 1589, figurer le
nom de noble homme Nicolas Filleul, sieur du hauli Bœuf-
viller , demeurant en la paroisse du dit Bœufviller.
Outre le Val-Durand et Douville , fiefs déjà mentionnés,
qui étaient situés sur Beuvillers , M. Vasseur cite encore la
Pinquelière ou Pigneterie. Ce fief était situé au fond d'un
petit vallon qui aboutit à la vallée de la Touques, en face le
manoir de St.-Hippolyte.
En 1666, Guillaume Labbé était seigneur de la Pinque-
lière. Il fut qualifié ancien noble par les Commissaires.
Au fond du vallon que domine l'église s'élève une filature
de fil et un établissement de lissage à la mécanique qui
occupent un grand nombre d'ouvriers et animent celte riche
et pittoresque vallée.
182 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
CANTON DE LISIEUX (2e. SECTION).
LISIEUX (t).
Noviomagus Lexoviorum , Lixovium , Lixuvium, Licso-
vinum, Lisovium, Lisieux.
La ville de Lisieux , dont nous nous proposons de décrire
les principaux monuments , est bâtie au confluent de la
Touques et de l'Orbiquet , dans une charmante vallée en-
cadrée à l'orient et au couchant par de riantes collines.
Époque gauloise, — L'origine de cette ville remonte à une
haute antiquité. Lisieux doit, comme on le sait, son nom à
une puissante peuplade gauloise dont parle plusieurs fois
Jules-César dans ses Commentaires. Comme toutes les cités
de la Gaule, elle avait son sénat et son chef ou magistrat su-
prême, nommé vergobret. Parmi le petit nombre de monnaies
en bronze que nous a léguées ce peuple, quelques-unes,
frappées au type de Cisiambos Cattos vercobreto, sont fort
rares. L'une de ces dernières pièces, remarquable par sa
belle conservation, fait partie de la collection de M. de
Saulcy, sénateur. Elle a été trouvée dans la commune de
Gouy, près Pont-de- l'Arche, en 1837. Elle porte, d'un côté :
simissos publicos lixovio autour d'une roue formée de
grenetis. Au revers se montre un aigle éployé avec la lé-
gende : cisiambos cattos vercobbeto. Deux autres pièces
semblables, de même métal et de même module, ont été
trouvées en 18A2 , l'une à Vieux , près de Caen, l'autre aux
(1) Notes par M. Pan nier.
CANTON DE LISIEUX, 2e. SECTION. 183
environs de St. -Pierre-sur-Dive (probablement à Jort). Les
autres pièces ont été découvertes à Berthouville (Eure), il y
a une trentaine d'années, et dans les dernières fouilles faites
dans cette localité , au mois de septembre 1861 , sous la di-
rection de M. Le Métayer- Masselin , membre de la Société
française d'archéologie. Aucune médaille au type de Ci-
siambos Cattos, ou de tout autre chef lexovien, n'a été trouvée
à Lisieux ni sur le plaleau qui domine cette ville au nord-
ouest. La seule pièce découverte, à notre connaissance, aux
environs de cette ville , entre Hermival et Fauguernon , est
un quart de statère d'or de l'époque que M. Lambert , de
Bayeux, désigne sous le nom de gallo-grecque. Cette pièce
anépigraphe , dit le savant numismate auquel elle a été sou-
mise, offre sur le droit la tête d'Apollon-Bélénus ; sur le re-
vers , le bige dirigé par un aurige tenant de la main droite le
stimulus ou fouet, et de la gauche un symbole en forme de
bonnet hémisphérique ; à l'exergue , un méandre. Cette belle
pièce , qui remonte à une époque bien antérieure à la con-
quête des Gaules , a dû être frappée , ajoute M. Lambert ,
vers l'an 200 avant Jésus-Christ.
Toutes ces découvertes, qui intéressent à un haut degré
l'histoire de Lisieux, trouvent ici naturellement leur place.
On ne peut déterminer d'une manière certaine la position
qu'occupait l'ancienne capitale des Lexovii (Noviomagus
Lexoviorum). Le conquérant des Gaules, dans ses Commen-
taires , s'est borné à mentionner l'existence d'une ville im-
portante qu'il place au nombre des cités armoriques, c'est-à-
dire maritimes. Il nous apprend seulement que cette ville
était ceinte de murs et gouvernée par un sénat (1). La phrase
de Strabon , l'un des géographes les plus célèbres de l'an-
tiquité , n'est pas plus explicite.
(1) Les Lexovii, comme les Éburovices, égorgèrent leurs sénateurs,
184 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Tout le pays entre la Dive et la Risle, habité par les
Lexovii, fut soumis, l'an 56 avant Jésus-Christ, par un
des lieutenants de Jules-César. Quatre ans après , la Gaule
entière se souleva contre les Romains et tenta un effort
suprême, afin de reconquérir son indépendance. La capitale
des Lexovii s'unit aux cités voisines et fournit à Vercingé-
torix un contingent de trois mille hommes. La prise d'Alise
mit fin à cette lutte nationale.
Époque gallo-romaine. — Lors de la division de la Gaule
en quatre provinces , sous le règne d'Auguste , le territoire
occupé par les Lexovii fut compris dans la province Lyon-
naise. L'an 12 avant Jésus-Christ, Noviomagus fit partie des
soixante cités qui élevèrent en commun le fameux autel de
Lyon en l'honneur de Rome et de l'empereur Auguste.
Sous Dioclétien, la province Lyonnaise ayant été divisée en
deux parties, Noviomagus fut compris dans la seconde
Lyonnaise, dont Rouen (Rothomagus) devint la métropole.
Vers le IVe. siècle après Jésus-Christ , Lisieux , comme les
autres villes de la Gaule, perdit son ancien nom. Dans la
Notice des provinces de l'Empire, rédigée sous le règne
d'Honorius, elle est appelée Civitas Lexoviorum.
On ne peut assigner une date précise à la destruction de
cette ancienne cité. Il est probable qu'elle fut entièrement
détruite vers la fin du IVe. siècle, lors de la dernière invasion
des Saxons , en 383. Les médailles les moins anciennes qui
ont été recueillies portent l'effigie de l'empereur Gratien (1).
qui avaient refusé de seconder le mouvement national, et fermèrent les
portes de leur ville : senatu suo interfecto, portas clauserunt.
(i) La cité des Lexovii n'est pas indiquée dans la fameuse Table to-
pographique de l'Empire romain, connue sous le nom de Carte de Peu-
tinger.
CANTON DE LISiEUX , 2e, SECTION. 185
Roules stratégiques. — Sous la domination romaine , Li-
sieux était une ville considérable. Plusieurs chaussées ou
routes stratégiques partaient de son enceinte et rayonnaient
dans toutes les directions. L'une de ces routes se dirigeait
sur Lillebonne (Juliobona) , dont les belles ruines romaines
attestent l'ancienne importance , et traversait Brionne ( Bre-
viodurum). Une autre chaussée , moins large et secondaire ,
conduisait à la même ville par Hermival ( Hermis-Valtum)
et Pont-Audemer. Une troisième route stratégique , dont
parle l'Itinéraire d'Antonin, se dirigeait sur Condate (Condé-
sur-Ilon ).
Camp romain du Casteltier. — Un vaste camp, nommé
le Casteltier, dont il reste encore quelques retranchements
bien accusés , occupait un large plateau , situé à 3 kilomètres
au sud-ouest de la ville actuelle. Ce camp, dont un plan
exact a été publié (1), domine plusieurs vallons. Il était des-
tiné , soit à surveiller la ville nouvellement conquise et à
tenir en respect les habitants, toujours prêts à se soulever,
ou bien à servir de refuge pendant l'hiver aux légions ro-
maines (2). L'enceinte de ce camp porte encore le nom de
CasieUicr , et une ferme voisine est désignée sur la Carte de
Cassini sous la dénomination de Porte-du-Castcllier.
Danville plaçait à Lisieux même le JSoviomagus Lexoviomm.
Les nombreuses antiquités romaines découvertes , depuis
plusieurs années, sur différents points de la ville (briques et
tuiles à rebords, marbres, fragments de colonnes , poteries
et statuettes en terre cuite, médailles, etc.) nous portent à
admettre , en la modifiant , l'opinion émise par le célèbre
(1) Cours d'antiquités monumentales, t. II, p. 322.
(2) • Caesar exercilum reduxit et in Aulercis Lexoviisque, re-
liquis item civitalibus quie proxime bellum fecerant in hibernis coJlo-
cavit. » (Lib. III.)
1 80 STATISTIQUE MON L Ai ENTA \M DU CALVADOS.
géographe. La cité romaine, dont M. Hubert, ingénieur des
ponls-et-chaussées, a découvert, en 1770, d'importants vestiges
à 2 kilomètres au nord-ouest de Lisieux , s'étendait jusque
dans la vallée et sur le versant oriental, La ville du moyen-âge
est assise sur des ruines romaines. La découverte d'un vaste
cimetière gallo-romain (1) , au nord de la ville, sur le bord
d'une ancienne chaussée ou voie romaine qui a transmis son
nom à une rue voisine, donne un grand poids à notre asser-
tion. Ce cimetière, placé dans la vallée, s'étendait jusque sur
le versant du coteau qui domine à l'orient le Grand-Jardin (2).
Une large tranchée pratiquée en 1861 , pour l'ouverture
d'une rue, a mis à découvert un cippe gallo-romain bien
conservé ( Voir la page 187 ), ainsi que de nombreux vases,
dont trois , ornés de rinceaux , ont conservé en partie
leur couverte métallique (Voir les pages 188, 189 et 190) ;
des agrafes ou fibules , etc. , etc. (3).
Le cadre restreint de la Statistique ne nous permet pas
d'entrer dans de longs détails sur les importantes découvertes
qui eurent lieu en 1770. On pourra consulter le Mémoire de
M. Mongez, membre de l'Institut, publié dans Y Histoire de
l'Académie des Inscriptions et Belles- Leur es, t. V, p. 73 ,
et V Histoire de Lisieux par M. Louis Dubois ( Ier. volume ,
pages 58 et suivantes ). Un plan accompagne le texte. Nous
dirons seulement que les fouilles ont mis à découvert les ves-
(1) Les urnes funéraires provenant des fouilles faites, en 1846, dans
le Grand-Jardin, sous la direction de M. Fauque, préposé en chef de
l'Octroi, sont déposées au musée de la Société des Antiquaires de Nor-
mandie.
(2) On peut consulter, sur cette découverte, une notice publiée
dans le Bulletin monumental , t. VIII, p. 201 et suivantes. Cette
notice est accompagnée de nombreux dessins.
(3) Les principaux objets provenant de cette découverte sont déposés
au musée de la Société française d'archéologie.
4^
^
P^,
188 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
CH.DIETRiCH
CANTON DE LIST EUX , T. SECTION.
189
190 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
CANTON DE I.1SÎEUX, T. SECTION. 191
tiges d'un vaste édifice qui , d'après les marbres précieux
dont il était orné , devait être consacré au culte ou à la rési-
dence des magistrats. Cet édifice était situé au centre d'une
grande place à laquelle aboutissaient plusieurs rues, de 10 à
1 5 mètres de largeur.
La ferme des Tour eues t près de laquelle les fouilles dont
nous venons de parler ont été faites , a pris son nom , d'après
Danville, d'un pilier qui était encore debout en 1770 (1). Ce
pilier avait U mètres de hauteur et 3 mètres de largeur sur
chaque face; il était construit en caillou et revêtu en brique.
M, Hubert a découvert les fondations d'un autre pilier, placé
à U mètres du premier.
Le champ Fenèbre ou funèbre , que nous ne faisons que
mentionner, a un nom très-significatif.
En 1818, M. Louis Dubois a découvert, en-deçà des
ruines mentionnées ci-dessus , un théâtre romain dont la
forme est parfaitement accusée. On voit encore la place
qu'occupaient les gradins, aujourd'hui couverts de gazon,
l'emplacement de la scène et l'entrée principale, qui était si-
tuée au nord-ouest. Il existe encore, au nord-est, au fond
d'un ravin , plusieurs parts de murs construits en petit appa-
reil régulier, avec chaînes horizontales de larges briques
( Voir la page suivante ).
Une jolie petite main , en marbre blanc , tenant un frag-
ment d'arc, a été trouvée, en 1822, dans le Champ-Loquet.
Cette main faisait probablement partie d'une ancienne statue
de Diane ou d'Apollon. M. Louis Dubois a recueilli , dans le
même champ, un morceau de marbre blanc de Carrare très-
(1) Selon M. Louis Dubois, ce nom de Toureties viendrait d'anciens
débris de tours ou de fortifications qui auraient survécu à la destruc-
tion du Neomagus. Nous ne pouvons admettre cette dernière élymo-
logie. Il n'est pas probable qu'une enceinte aussi considérable que
celle de Noviomagus fût protégée par des murs.
192 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
CANTON DE LISILUX , 2e. SECTION. 193
bien doré, détaché dune draperie de statue. C'est, du reste,
dans le Champ-Loquet que les découvertes les plus intéres-
santes ont été faites. Outre les médailles en or, en ar-
gent et en bronze , appartenant au Haut-Empire , que le sol
recelait , on a trouvé un grand nombre de morceaux de
marbres précieux , du porphyre , de l'ophite , provenant de
l'Egypte ou de la Grèce, des fragments de corniche en grès
rose micacé, etc. , etc.
La roule du Prédauge traverse l'emplacement de l'an-
cienne cité des Lexovii , découvert par l'ingénieur Hubert.
En ouvrant celte nouvelle voie de communication , on a mis
à découvert plusieurs aires d'habitations en ciment et des
fragments de colonnes qui ont été dessinés par i\J. Bouet,
membre de la Société française d'archéologie (1); on a aussi
trouvé plusieurs médailles romaines, entr'aulres un grand-
bronze de Posthume.
Parmi les découvertes les plus récentes , nous citerons une
belle statuette en bronze, malheureusement mutilée, repré-
sentant Atlas portant le ciel sur ses épaules. Cette statuette ,
dont la tête, parfaitement conservée, rappelle le type des em-
pereurs romains, mesure 46 centimètres de hauteur. Elle a
été trouvée en creusant un fossé destiné à amener les eaux
d'un canal de décharge, qui joint les deux rivières d'Orbec
et de Touques , dans un réservoir placé près de la pompe à
feu d'un de ces nombreux établissements industriels qui
s'élèvent au midi de la ville moderne.
Les nombreux fragments de poterie rouge , couverts de
dessins variés , que l'on a retirés de la rivière à l'ouest de la
ville, atteslenl le degré de perfection qu'avait atteint l'arl cé-
ramique chez les Gallo-Romains. Plusieurs fragments en
terre samienne, qui composait la poterie de luxe d'alors,
(1) Voir le BuUelin monumental.
13
194 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
portent la marque de quelques potiers, entr'aulres celle de
cosaxtis, que nous ne trouvons sur aucune des listes pu-
bliées jusqu'à ce jour. Sur la panse d'un de ces vases , on lit
le nom lisovii(ensis) , qui indique une industrie locale (1).
Le potier qui a façonné ce vase, d'une grande richesse de
dessin, était probablement natif de Noviomagus , ou bien il
avait dans cette cité son principal établissement.
Nous avons cru devoir rappeler toutes ces découvertes ,
qui attestent l'importance de l'ancien Lisieux , qui occupait ,
comme on sait, un rang distingué parmi les cités de la Gaule.
Époque franque. — L'histoire locale est à peu près muette
sur cette époque. Les seuls monuments qui nous restent sont
les monnaies. Il existe deux exemplaires seulement d'une
pièce en or appartenant à l'époque mérovingienne, laquelle
porte pour légende : lixvvios, et au revers : dvtta moneta.
Cette pièce , dont le profil est à demi barbare, fait partie de
la collection de M. le vicomte Damecourt. L'autre exem-
plaire figure dans le catalogue des monnaies françaises de la
collection Rousseau , publié en 1861.
Sous le règne de Charles-le-Chauve (840-877) le nombre
des ateliers monétaires s'élevait à cent vingt environ. Les de-
niers d'argent frappés à Lisieux portent : lixovivs ci (vis).
La collection Rousseau offrait un très-beau denier d'ar-
gent , également au type de Charles-le-Chauve , avec la lé-
gende : LICSOVINI CIVIT.
Jusqu'au temps des incursions des Normands (IXe. siècle),
(d) Il existe au Prédauge, près de Lisieux, depuis un temps immé-
morial, une fabrique de poterie, aujourd'hui bien dégénérée, dont les
produits, très-recherchés aux XVIe. et XVIIe. siècles, rivalisaient, par
l'éclat du coloris et la composition gracieuse, avec les magnifiques
faïences de Bernard Palissy.
CANTON DE MSI EUX , T. SECTION. 195
les événements qui se sont accomplis dans notre contrée pré-
sentent peu d'intérêt. Les faits postérieurs à la conquête de
cette partie de la Neustrie qui, depuis, porta le nom de Nor-
mandie , étant du domaine de l'histoire proprement dite et
ne pouvant, par conséquent, entrer dans la Statistique mo-
numentale, nous les passerons sous silence.
FORTIFICATIONS.
Tout porte à croire que, pour résister aux invasions bar-
bares, les habitants gallo-romains de Lisieux s'étaient bâti un
castrum dans quelque partie de leur vaste cité. Mais, moins
heureuse que Rouen, Évreux, Le Mans et tant d'autres loca-
lités de la Gaule , dont on peut suivre encore et reconstituer
les anciennes enceintes , notre ville n'a pas conservé un seul
vestige propre à servir de point de départ pour une telle
étude. Il paraît logique, cependant, de chercher cette pre-
mière fortification dans les quartiers anciens de la ville ac-
tuelle, et j'ai essayé de le démontrer par un mémoire publié,
en 1860, dans le Bulletin monumental.
Peu à peu cette première enceinte s'est dilatée , enclavant
à chaque siècle des terrains nouveaux, et, au moyen-âge, Li-
sieux était une place de guerre d'une certaine importance.
Peut-être sa force consistait- elle plutôt dans son assiette, au
confluent de deux cours d'eau, que dans les travaux d'art,
dont on ne retrouve aucun reste.
L'évêque Herbert, qui occupa le siège épiscopal de Lisieux
de 1026 à 1050 , avait fait abattre une partie des murailles
pour construire la cathédrale. Environ soixante ans après ,
Jean Ier. fit faire une nouvelle enceinte. Elle était nécessaire,
car, le 29 septembre 1136, Geoffroy d'Anjou assiégeait notre
ville. Orderic Vital a raconté en détail cet événement, dont le
résultat fut l'incendie de la ville, qui , toutefois, ne put être
196 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
prise (1). Ce fut seulement en 11 41 qu'elle fit sa soumission
au duc d'Anjou.
L'histoire reste muette pendant près d'un siècle.
Philippe-Auguste , roi de France , entra à Lisieux sans
coup-férir en 1203. Après un nouveau calme de cent ans ,
les invasions anglaises firent retentir le clairon dans la paci-
fique cité épiscopale. Caen pris, en 1346, le roi Edouard oc-
cupa la ville de Lisieux , abandonnée par tous ses habitants;
mais il ne la conserva pas. Dix ans après, la guerre prenant
une nouvelle intensité, Guillaume Guittard, alors évêque, se
mit sur la défensive et fit la plus grande diligence pour clore
la ville, restée probablement démantelée depuis la retraite du
roi d'Angleterre. Celte fois le duc de Lancastre commandait
les troupes ennemies. Il tomba sur Lisieux le 28 juin 1356 ,
et la garnison ne put tenir. Le lendemain , le général anglais
partait pour dégager Pont-Audemer, place appartenant au
roi de Navarre , allié , comme on sait , des ennemis de la
France.
Le cardinal Adhémar Robert obtint de Charles V une sub-
vention pour réparer les fortifications de sa ville épiscopale.
Ces lettres-patentes, datées du 6 décembre 1374, font partie
de la collection Gaignières.
Personne n'ignore combien fut désastreux le règne de
Charles VI. Lisieux eut sa part de tribulations, et, en 1392,
son évoque était forcé de fuir devant les fureurs de la guerre.
En 1407, il fut permis aux habitants d'avoir une garde
dans la ville pendant qu'on en réparait les murs.
Ces travaux aux fortifications n'empêchèrent pas la place
de tomber au pouvoir d'Henri V en 1417. Les Anglais la
conservèrent jusqu'au 17 août 1449, jour auquel les géné-
(1) V. l'édition de MM. Le Prévost et Léopold Delîsle. Paris, 4855.
T. V, p. 09 et 70.
CANTON DE LISIEUX, 2e. SECTION. 197
raux de Charles VII y firent leur entrée, à la suite d'une capi-
tulation ménagée par Thomas Basin. « Lisieux n'avait encore
pour défense que de chétives murailles, sans boulevards,
presque sans fossés (1). »
La Ligue du bien public amena encore une fois des ar-
mées devant Lisieux. C'étaient celles de Louis XI, qui, après
avoir concédé à son frère le duché de Normandie , courait
derrière lui le reprendre. Il intervint encore une capitula-
tion, signée le 8 octobre 1665.
Pendant les guerres de Religion, Lisieux fut dans une agi-
tation perpétuelle, penchant tantôt pour la Ligue, tantôt
pour les Huguenots, suivant qu'elle avait pour gouverneur le
maréchal de Fervaques ou le sieur de Fumichon. Durant ce
siècle , des travaux continuels furent entrepris aux fortifica-
tions ; il faudrait un volume pour en donner le détail. Ce-
pendant Henri IV, qui se préparait à en faire vigoureusement
le siège, resta fort étonné de voir les habitants venir lui de-
mander une capitulation trois jours après son arrivée (janvier
1590). Et pourtant, si Ton en croit une de ses lettres, il
n'avait fait s tirer le canon que par moquerie. » C'était la
plus forte place tombée en son pouvoir, écrivait-il à la com-
tesse de Grammont , du camp même de Lisieux (2).
Depuis lors notre ville n'eut plus besoin de déployer son
appareil militaire. Néanmoins elle a conservé ses fortifications
jusqu'au commencement de ce siècle.
Les murs étaient flanqués de dix-sept tours , sans compter
quatre portes : la porte de Paris et la porte d'Orbec, démo-
lies en 1808; la porte de la Chaussée, dont la destruction
date de 1797 ; enfin la porte de Caen, détruite en 1798.
(1) Jules Quichcrat, Uist. du régne de Chartes VU, par Thomas
Basin, t. Ier., p. xix.
(2) Berger de Xivrey, Lettres d'Henri IV, l. III, p. 122.
198 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Les remparts ont été généralement rasés ou réduits à la
hauteur d'un mur de clôture et reparementés. Cinq tours
existent encore : quatre sont construites en moellon et en
pierre de marne, avec ouvertures carrées et meurtrières;
elles n'ont ni créneaux ni mâchicoulis ; des hourds de hois
devaient leur servir de couronnement. Elles datent du XVIe.
siècle, et leur caractère architectonique n'offre rien de parti-
culier. La cinquième est un édifice vraiment remarquable :
sa construction est due à l'habile maître-maçon qui nous a
laissé St. -Jacques. Commencée en H91 , les voûtes en fu-
rent faites en 1510; mais les assauts qu'elle a subis depuis
ont forcé de rétablir le parement extérieur à une époque plus
voisine de nous , ainsi que le constate l'inscription suivante,
placée sous la corniche :
L'AN • 4587 • LE • 8 • DE CESTE • TOUR • A • ESTE •
COMMENCÉE • A • REFAIRE . ET • ENSUIVIE • A • LA • DILIGENCE»
DE . HONESTES . HOM . IACQUES • MAUDUICT • Sr • DE • LA • ROZIERE •
LOUIS • LE • MARQUANT • JEHAN • DE • PAGNY • ET • NICOLAS*
PIERRE • COSEILLERS . RORERT • ERMENOULT • ET • NICOLAS • LEFERURE •
MESNAGERS •
1587 •
L'intérieur, qui fait partie de l'œuvre première, est divisé
en deux étages voûtés ( Voir la page suivante ) , avec an s
ogives , formerels et clefs or-
nées de blasons. L'un de ces
blasons porte la bande chargée
de trois sautoirs du cardinal
Le Veneur , qui occupa le
siège épiscopal de Lisieux de
1505 à 15^3. Le dessin ci-
joint de M. Bouet peut, mieux
qu'une description , donner
une idée de l'ordonnance de
CANTON PE L1S1EUX, 2e. SECTION.
199
200 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
cette belle tour , autrefois l'ornement du boulevard, par
malheur actuellement cachée en partie par une usine.
MONUMENTS RELIGIEUX.
Cathédrale. — On ne peut préciser l'époque de la fon-
dation de l'évêché de Lisieux , qui probablement était aussi
ancien que les autres évêchés normands. Selon le P. Longueval
et les savants auteurs du Gallia christiana , l'établissement
de cet évêché remonterait au IIIe. ou au IVe. siècle (1). L'an
314, saint Lithare, qualifié évoque de Lisieux, assistait au
concile d'Arles.
Selon d'autres historiens, l'évêché de Lisieux daterait seu
lement du VIe. siècle. L'an 511 , Litharède, évêque de
Lisieux , prenait part au premier concile d'Orléans. D'après
le rituel de 1661 , le premier prélat qui figure dans un acte
public est Theuodobald ou Thibaud , qui , en 538 , assista au
troisième concile d'Orléans.
Les nombreuses invasions de barbares , qui eurent lieu
entre les années 314 et 511 , expliquent la lacune qui existe
entre ces deux dates.
L'histoire de l'évêché de Lisieux, qui n'entre pas, comme on
sait, dans le plan de cet ouvrage, se lie d'une manière intime
avec les événements politiques qui se sont accomplis durant
la longue période qui s'est écoulée jusqu'à la Révolution.
Après la constitution du duché de Normandie, en 912,
Rollon investit l'évêque de Lisieux de l'autorité temporelle,
avec le titre de comte , transmissible à ses successeurs :
a C'est l'époque, » dit l'auteur d'une notice sur Lisieux, pu-
(1) Lexoviensis enim religio ïlbotomagensi antiquitate cur cederel?
Mirum videri non débet quod episcopis per CCC aut C(XC annos
vacua sil sedes.
GASTON DE USIEUX, 2e. SECTION. 201 .
bliée dans Y Histoire des villes de France , par M. Aristide
Guilbert(L V, p. 574), « où se place naturellement cette
invasion du spirituel sur le temporel. » D'autres historiens
pensent que ce titre, qui, du reste, est fort ancien , fut dé-
cerné à Herbert par Guillaume-le-Conquérant.
C'est ici que nous placerons une ancienne et curieuse
cérémonie lout-à-fait locale, qui avait lieu chaque année, le
11 juin, et qui fut supprimée à l'époque de la Révolution. La
veille et le jour de la fête saint Ursin , l'évêque de Lisieux
abandonnait à deux chanoines de la cathédrale sa juridiction
temporelle. Ces deux chanoines, élus par le Chapitre et re-
vêtus d'un surplis avec bouquets de fleurs en bandoulière ,
allaient à cheval , précédés de vingt-cinq hommes bardés de
fer et armés de toutes pièces , prendre possession des portes
de la ville. Pendant ces deux jours, la justice criminelle et
civile , la concession des bénéfices, etc. , leur appartenaient ,
à la condition qu'ils donneraient à chacun de leurs con-
frères un pain et deux pots de vin.
On a découvert, il y a quelques années, dans les greniers
de l'Hôtel-de- Ville, avec deux canons en fer forgé , les plus
anciens et les plus curieux de France (aujourd'hui placés
au musée de Rouen ) , de nombreux débris d'armures parmi
lesquels on remarquait des casques couverts de gracieux
rinceaux de la Renaissance.
La première église élevée, ainsi que nous l'avons dit plus
haut, à la fin du IIIe. siècle ou dans les premières années du
IVe., fut, dit-on, dédiée à la Sainte- Vierge.
Herbert, qui occupa le siège épiscopal de Lisieux depuis
l'an 1022 jusqu'à l'année 1049 , jeta les fondements d'une
vaste cathédrale (1), qui fut terminée par Hugues d'Eu, son
(i) Ecclesiam Sancti Pétri Lexoviensis cœpi' ardificarc, sed non poluit
consumraare (G allia christ., t. XI , p. 766 ).
'202 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
successeur, et consacrée sous le titre de saint Pierre, prince des
Apôtres (1). Cette antique basilique, dont il reste encore
quelques vestiges qui attestent son importance , fut détruite
en 1136 par un incendie qui consuma la ville entière.
La cathédrale actuelle , que nous nous proposons de dé-
crire, fut construite en grande partie par les soins d'Arnoult,
qui occupa le siège épiscopal pendant quarante et un ans
(1141-1182) (2). Elle fut agrandie et terminée par Jourdain
du Hommet , évêque de Lisieux, qui mourut en 1218 (3).
En 1226 , sous Tépiscopat de Guillaume du Pont-de-
l'Arche, un incendie faillit détruire la cathédrale ou du moins
compromettre sa solidité. La charpente des combles fut
seule atteinte par les flammes, lesquelles épargnèrent l'édifice
qui était très-solidement construit. Guillaume du Pont-de-
l'Arche entreprit de grands travaux pour réparer ce dé-
sastre (4). Les deux chapelles latérales de l'abside sont l'œuvre
de cet évêque , ainsi que l'atteste la différence de style
entre cette partie du chœur et le reste de l'édifice. La cha-
pelle absidale , qui termine le collatéral sud , était , dans
l'origine, dédiée à saint Ursin, l'apôtre des Gaules, qui
devint le second patron du diocèse. Dans les fouilles que né-
cessitèrent ces travaux j on découvrit, en 1233, derrière le
maître-autel , les ossements de ce saint avec ceux de saint
Patrice et de saint Bertivin. Sur une petite tablette, en marbre
rouge de Vieux , était gravée une inscription L'auteur des
Vies des sain' s patrons du diocèse de Lisieux, l'abbé Le-
prevost, nous apprend qu'on renferma ces ossements dans une
belle châsse en argent qui fut placée, au haut du chœur, sur
quatre colonnes en bois doré.
(\) Gatlia christ., p. 768.
(2) Orderic Vital , t. IV.
(3) Gallia christ,, kt. XI, p. 782.
(A) ld,, p. 782.
CANTON Dli LIS1EUX , 2e. SECTION. 205
Ce fut probablement Guillaume du Pou t-de -l'Arche qui
fit élever les deux tours qui surmontent le portail occidental.
La tour méridionale , à l'exception de la base qui est an-
cienne, fut rebâtie en 1579, ainsi que l'atteste une inscrip-
tion.
En 1233, sept ans après l'incendie dont nous avons parlé,
l'édifice était entièrement construit. Les additions posté-
rieures ne faisant pas partie du plan primitif, nous les pas-
sons pour le moment sous silence.
L'église St. -Pierre, classée en 1860 au nombre des monu-
ments historiques, d'après les plans et dessins de l'architecte
Piel (1) , et grâce à la puissante intervention de M. Guizot,
alors ministre de l'intérieur, est un des édifices les plus re-
marquables et les plus complets que nous ait légués l'époque
de transition (XIIe. siècle, deuxième moitié). L'ogive, encore
vague et indécise , se montre dans les arcatures du triforium
de la nef, du transept et des deux premières travées du
chœur , et dans les fenêtres du clérestory ; les colonnes ,
sveltes et élancées , se terminent par des chapiteaux garnis
de larges feuilles recourbées en volutes , dont l'ampleur rap-
pelle le style roman.
Le nom de l'architecte qui a élevé ce magnifique édifice
n'est pas connu. La similitude de caractères qui existe entre
certaines parties de l'église St. -Pierre et les cathédrales de
Sens et de Cantorbéry (Angleterre), construites vers le même
temps par Guillaume de Sens , nous portent à attribuer à cet
(i) Louis-Alexandre Piel, né à Lisieux en 1807 , mort au couvent
de Bosco (Piémont ) en 1838, est un des premiers architectes qni sa-
luèrent avec joie la renaissance de l'art catholique et prirent une pmt
active au mouvement archéologique qui s'opéra en faveur du style
ogival. Il venait de concourir d'une manière brillante pour la con-
struction de l'église Sl.-Nicolas de Nantes lorsqu'il s'engagea sous la
bannière du P. Lucordaire, dont il devint un des plus fervents disciples.
20& STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
habile architecte une large part dans la construction de notre
cathédrale.
Comme toutes les grandes basiliques qui couvrent encore
la surface de la France , l'église St. -Pierre de Lisieux pré-
sente la forme d'une croix latine. Elle se compose, à l'inté-
rieur , d'une longue nef avec bas-côtés accompagnés de cha-
pelles, d'un vaste transept dont chaque bras est flanqué, à
l'orient, d'un collatéral ; enfin, d'un chœur avec déambula-
toire, autour duquel rayonnent plusieurs chapelles.
La longueur totale du vaisseau , dans œuvre , depuis la
porte occidentale jusqu'à l'extrémité de la chapelle de la
Vierge, est de 110 mètres; l'élévation des voûtes princi-
pales est de 20 mètres (la hauteur primitive de la nef, sous
clef de voûte, était de 20 mètres 50 centimètres); celle
de la lanterne qui surmonte Y inter transept est de 30 mètres ;
la voûte des bas-côtés s'élève à 9 mètres au-dessus du niveau
du sol.
La largeur totale de l'édifice, d'un mur à l'autre, non
compris les chapelles , est de 27 mètres 67 centimètres.
La nef principale , du centre d'une colonne à l'autre , me-
sure 7 mètres.
La longueur du transept est de 38 mètres 78 centimètres ,
et sa largeur de 8 mètres 83 centimètres.
Nef. — La nef, composée de huit travées, est construite d'un
seul jet. C'est , selon nous, le type le plus pur et le plus gra-
cieux de cette architecture nouvelle qui marque d'une manière
sensible la transition du plein-cintre à l'ogive, du style
roman au style gothique. Elle présente à la fois ce double
caractère de force et de légèreté , de simplicité et d'élégance
qui distingue les œuvres de cette époque. Elle se fait
surtout remarquer par l'harmonie des proportions , la pureté
des lignes architecturales et l'unité de style.
CANTON DE MSI EUX , 2". SECTION. 205
Des arcades en tiers-point , portées sur des colonnes mo-
nocylindriques , séparent la nef des bas-côtés. La plupart
des chapiteaux sur lesquels s'appuient ces arcades sont d'une
grande simplicité ; ils sont décorés de larges feuilles, légère-
ment recourbées à leur extrémité supérieure. Ces chapi-
teaux , qui paraissent seulement épannelés , étaient probable-
ment destinés à recevoir une décoration plus soignée. Plusieurs
sont garnis de crossettes végétales ; quelques-uns présentent
une riche et élégante corbeille qui rappelle le chapiteau co-
rinthien. Le tailloir, décoré de moulures très-simples, est à
pans coupés. Le fût de la colonne, en calcaire coquillier d'un
grain très-gros, ressemblant au tuf ou travertin, est formé de
nombreuses et larges assises. La base , en calcaire plus dur
provenant de la même carrière, mais d'un lit différent, offre
deux tores séparés par une gorge profonde. Une large patte
ou agrafe, appliquée sur le tore inférieur, qui est aplati, relie
la base au socle ou piédestal, presque entièrement enfoui par
suite de l'exhaussement du sol de la nef, qui a été élevé en
1687 au niveau de celui du chœur, sous l'épiscopatdeLéonor
de Matignon (1).
Du tailloir s'élancent trois légères colon net tes , divisées, à
différentes hauteurs, par des anneaux. Ces colonnettes reçoi-
vent l'arc doubleau et les arceaux d'une voûte d'arête re-
construite en partie au XVIe. siècle, ainsi que l'attestent les
quatre clefs de voûte les plus rapprochées de la tribune, dont
le style accuse la Renaissance.
Le triforium qui surmonte les arcades de la nef est formé
d'arcatures géminées, entourées d'une seule archivolte qui re-
pose, de chaque côté, sur une colonnette dont le chapiteau,
(1) L'élévation du sol de la nef nécessita l'enlèvement et amena la
destruction d'un grand nombre de tombeaux en pierre et en bronze
( ancien manuscrit attribué à un cbanoine de la calbédrale et rédigé
mire les années 1676 et 1 7 J 7 ).
206 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
largement développé, est décoré de feuillages et de crossettes
végétales. Plusieurs chapiteaux présentent une riche corbeille
composée de feuillages variés , d'une grande finesse d'exé-
cution , parmi lesquels on distingue des feuilles de chêne.
Cette galerie, fermée aujourd'hui par une faible cloison qu'il
serait facile d'enlever, servait à éclairer la tribune qui règne
au-dessus des bas-côtés, laquelle n'a jamais été voûtée et
laissait entrevoir la charpente du toit. La colonnelte cen-
trale, engagée dans la maçonnerie provisoire, est flanquée
de petites colonnettes.
Un célèbre archéologue anglais, M. John Parker, d'Oxford,
qui a visité notre cathédrale , il y a quelques années , a été
frappé de l'analogie que présente cette galerie avec le tri-
forium de l'arrière-chœur de la cathédrale de Cantorbéry ,
également formé d'arcatures géminées (1). La seule différence,
c'est qu'à Cantorbéry l'archivolte est double et repose de
chaque côté sur deux colonnettes , tandis qu'à St. -Pierre de
Lisieux il est simple. A St. -Pierre, la partie supérieure du
tympan, ainsi que l'a remarqué M. Bouet, était à jour comme
à Cantorbéry.
Des extrémités du cordon qui sépare les arcades de la nef
du triforium , partent de légères colonnettes annelées , qui
reçoivent l'arc formeret. Cet arc sert d'encadrement à la
galerie ainsi qu'à l'étage supérieur.
Le clèrestory offre des fenêtres à une seule baie très-peu
ébrasées. L'archivolte qui entoure ces fenêtres , dont l'ogive
est peu accusée, porte sur des colonnettes annelées. La même
décoration se remarque à l'extérieur de l'édifice. Toutes ces
(1) A considérable part of Ihe calhedral of Lisieux, in Normandy,
is of very similar character to Sens and Canterbury , and quite as
much advanced in style, with pointed arches and transitional moul-
dîngs (An Introduction to the study of gothic architecture, by John
Henry Parker).
CANTON DE LISIEUX , 2e. SECTION. 207
fenêtres étaient anciennement garnies de belles verrières qui
ont été détruites en 1688, sous l'épiscopat de Léonor de
Matignon , et remplacées par du verre blanc , afin de rendre
la nef plus claire. Ce fut vers la même époque , époque
néfaste pour notre cathédrale , comme nous le verrons plus
tard en parlant du chœur, que le sol de la nef fut exhaussé
et mis au niveau de l'aire du transept.
Les murs de la nef sont soutenus extérieurement par des
arcs-boutants dont l'extrémité supérieure porte sur des co-
lonnes engagées dans la maçonnerie. Les chapiteaux qui ter-
minent le fût sont décorés , comme ceux des colonnes de la
nef, de larges feuilles recourbées en' volutes. L'extrémité
inférieure de l'arc s'appuie sur de gracieux contreforts , sur-
montés de pinacles qui ont été refaits dans le style des an-
ciens.
Une corniche , décorée de curieux modillons , dont la
plupart représentent des têtes grotesques , supporte le toit.
La charpente de la nef, refaite en partie , est formée de
chevrons portant fermes. Celle des collatéraux est moderne
et , par conséquent , sans intérêt.
Les bas-côtés dépourvus , dans l'origine , de chapelles ,
étaient éclairés par des fenêtres à une seule baie , semblables
aux deux ouvertures , aujourd'hui bouchées , qu'on aperçoit
à l'entrée du bas-côté septentrional , près de la tribune.
Les murs latéraux de l'ancienne église collégiale de Mortain ,
percés de fenêtres sans meneau, dont les archivoltes reposent
sur de légères colonnettes, donnent une idée exacte de la
physionomie primitive que présentaient les bas-côtés de la
nef de notre antique cathédrale.
Les chapelles qui bordent les collatéraux , à l'exception
de deux qui sont modernes et sans caractère , ont été élevées
dans les premières années du XIVe. siècle. Toutes les fe-
nêtres qui éclairent le bas-côté septentrional ont conservé
208 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
leur forme primitive. Elles sont divisées en quatre baies ogi-
vales , trilobées , par des meneaux garnis de minces colon-
nettes. Trois seulement ont conservé leur tracerie rayonnante.
Le tympan , décoré de rosaces et de quatre-feuilles , offre de
nombreux fragments de vitraux. Les autres fenêtres ont subi
de fréquentes retouches dans les siècles postérieurs.
Les fenêtres placées au midi (à l'exception d'une seule,
qui a perdu ses meneaux et sa tracerie) ont été élargies
dans la seconde moitié du XVe. siècle ; leurs meneaux sont
prismatiques. Le tympan , formé de compartiments flam-
boyants, présente encore de beaux fragments de vitraux.
Toutes les chapelles de ce côté ont conservé leur décoration
primitive. De jolies piscines ogivales trilobées , à double cu-
vette, dont les archivoltes retombent sur des colonnettes
terminées par des chapiteaux feuillages , sont pratiquées dans
le mur méridional. Le mur oriental est décoré d'une
arcade sous laquelle était placé l'autel primitif. Sous l'une
de ces arcades , on a placé un autel en argent repoussé au
marteau , dans le style roman fleuri du XIIe. siècle , lequel
a été exécuté à Paris d'après les dessins de M. Danjoy ,
ancien architecte de notre cathédrale , que la mort a enlevé
prématurément aux beaux-arts (1).
Toutes les arcades du côté nord , contre lesquelles sont
appliqués les autels , sont modernes ; elles ont été agrandies
lorsqu'on a placé les tableaux qui décorent les chapelles.
Les deux dernières chapelles du collatéral sud, placées
près du transept , occupent l'emplacement de l'ancienne salle
(1) M. Danjoy, né à Avenzac (Gers) en 1806, avait éïé élève de
l'École des Beaux-Arts. Attaché à la Commission des monuments histo-
riques depuis 4 840 , il fut chargé de la restauration des cathédrales de
Lisieux, de Meaux, de Bordeaux et de Coutances, dont il s'acquitta
avec lalent.
CANTON DE LISIEUX , 2«. SECTION. 209
capitulaire , laquelle s'étendait dans le jardin contigu à
l'église et datait, comme la nef, de la seconde moitié du
XIIe. siècle. Au centre s'élevait une colonne sur laquelle ve-
naient se réunir, comme les branches d'un éventail, les
arceaux d'une voûte d'arête. La porte, décorée de belles
moulures toriques, s'ouvrait du côté du transept.
A droite de cette porte se montre un magnifique bas-
relief dans le style gothique fleuri. Ce bas-relief offre une
ogive trilobée, flanquée de deux contreforts et surmontée
d'une accolade dont les rampants sont décorés de feuilles de
chou frisé. Une élégante tracerie formant couronnement relie
les contreforts. Le groupe mutilé placé sous l'ogive repré-
sente la Sainte-Vierge tenant dans ses bras l'enfant Jésus. A
ses pieds est prosterné un personnage qui implore son inter-
cession. A gauche, on aperçoit un saint attaché à un arbre
(saint Sébastien). Dans le lobe supérieur est sculpté un
ange qui tient devant lui un peiit enfant, image de l'âme du
défunt. Une inscription obituaire , gravée sur une plaque de
marbre, était placée au-dessous de ce bas-relief.
Les faisceaux de colonnettes annelées qui correspondent
aux colonnes de la nef reçoivent, comme ces dernières , la
retombée de la voûte des bas-côtés. Le fût de ces colon-
nettes , détaché du mur, se relie à ce dernier par des an-
neaux.
Au bas de la nef s'élève un porche en pierre qui supporte
la tribune où était placé le grand orgue, (le porche intérieur
date , dans son ensemble, de la fin du XIIe. siècle. L'arcade
principale, entourée de trois archivoltes, s'appuie sur des
colonnettes annelées dont le fût se détache du mur. La cor-
beille des chapiteaux est composée de feuillages d'une exé-
cution remarquable. Sur l'un de ces chapiteaux , qui a été
dessiné par M. Sauvageot, se détachent en haut-reiief des
(êtes très-petites , artistement sculptées. L'abaque qui ter-
210 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
mine les colonnes est décoré de gracieux rinceaux, dont l'exé-
cution fine et délicate révèle le ciseau habile et le faire des
artistes du XIIe. siècle ( 2e. moitié ). Le cordon supérieur
qui encadre les archivoltes se termine inférieurement par
deux têtes couronnées, représentant un roi et une reine.
Les minces colonnettes placées en retraite complètent l'or-
nementation de ce porche , qui fait l'admiration de tous les
archéologues. On remarque surtout la savante disposition
des colonnes , lesquelles sont groupées avec beaucoup d'art.
Les deux arcades latérales qui mettent le rez-de-chaussée
de chaque tour en communication avec ce porche sont d'une
grande simplicité et très-élancées. Elles s'appuient , d'un
côté , sur un pilier carré dont la partie supérieure , dans le
style du XIIIe. siècle , est décorée de larges feuilles galbées
qui remplacent le chapiteau ; de l'autre , sur un pilier qui
faisait partie de la construction primitive (XIe. siècle). La
partie supérieure de ce pilier, sur lequel repose la tour, offre
des moulures très-simples.
M. Parker a remarqué que ce dernier pilier présente de
larges joints remplis d'un mortier siliceux très-dur. C'est un
précieux vestige de l'antique basilique bâtie par Herbert.
Sur l'une des pierres , à droite en entrant par la porte du
milieu , l'on voit encore la croix de consécration de cet édi-
fice , dont la dédicace eut lieu en l'année 1055.
La voûte du porche , soutenue par des arceaux toriques , a
été reconstruite au XVIe. siècle , après la chute de la tour
méridionale (probablement dans le style de l'ancienne). A
leur point de jonction sont sculptées les armoiries du Cha-
pitre de la cathédrale : deux clefs en sautoir, cantonnées de
quatre étoiles.
La large fenêtre ogivale qui éclaire la tribune date, comme
le portail, du XIIIe. siècle. Elle est partagée en trois baies
par des meneaux garnis de colonnettes, lesquels se bifurquent
CANTON DE LISIEUX,2e. SECTION. 211
dans la partie supérieure. Ces baies , d'une forme peu gra-
cieuse, offrent de jolies grisailles modernes qui tempèrent
l'éclat trop vif de la lumière.
L'ancien pavage de la nef, qu'on a retrouvé en plaçant
la chaire , était en terre cuite.
Transept. —Le transept, construit dans de vastes et gra-
cieuses proportions, date, comme la nef, de la seconde moitié
du XIIe. siècle. Il est accompagné à l'orient, ainsi que nous
l'avons dit, de bas-côtés, formant chapelles, disposition qui
se rencontre dans quelques grandes églises de France et
d'Angleterre (ancienne église abbatiale de Conques ; église
de Longues; cathédrale de Salisbury). Nous ferons observer
que la construction de celte dernière église est postérieure
à celle du transept de St. -Pierre.
Dans la partie inférieure du mur septentrional du transept,
dont la base, construite en blocage, paraît remonter au XIe.
siècle, s'ouvrent deux larges arcades à plein-cintre, du XIP.
siècle, qui abritaient des tombeaux.
Le bas-relief qui décore le fond de l'arcade placée à gauche
du spectateur offre deux statues mutilées. L'un des person-
nages, revêtu d'une tunique, tient de la main droite une
palme (1). Le devant du tombeau est décoré de médaillons
ornés de figures en haut-relief, affreusement mutilées. Ces
médaillons, entourés d'une riche bordure, rappellent, à s'y
méprendre , la statuaire antique. Le célèbre dessinateur et
graveur anglais, Cotmann, les a reproduits avec exactitude.
Sur le tympan de l'autre arcade sont sculptés deux anges ,
humblement prosternés, tenant les extrémités d'un voile ou
linceul sur lequel était posée l'âme du défunt, qu'on repré-
sentait ordinairement, au moyen -âge, sous l'image d'un petit
(\) Os personnages ont été dessinés p;ir Willcmin.
212 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
enfant sans sexe. Les longues tuniques qui enveloppent les
anges forment de nombreux plis. Dans la partie inférieure
du tympan sont représentés assis six anges , placés en regard
l'un de l'autre. Leur tête est ceinte d'une couronne. Les
uns tiennent des palmes , les autres des phylactères.
La statue couchée , placée sous une de ces arcades, faisait
partie d'un autre tombeau ; cette statue a été découverte en
18&7 dans la cour de la mairie et replacée dans la cathédrale
par les soins de M. le docteur Billon, membre de l'Institut
des provinces. Elle représente un évêque et paraît dater du
XIe. ou XIIe. siècle. M. Billon en a donné une description
dans le Bulletin monumental.
Au-dessus de ces deux arcades s'ouvrent deux belles
fenêtres accolées , dont les archivoltes , au nombre de trois ,
reposent sur des colonnettes annelées de différentes gros-
seurs. Le cordon supérieur, décoré de violettes, se termine
inférieurement par de petites têtes. Les chapiteaux garnis de
feuillages sont très-soignés. A l'extérieur , ces fenêtres affec-
tent une décoration plus sévère : elles offrent deux archi-
voltes au lieu de trois.
Entre ces ouvertures et l'étage supérieur existe une galerie
étroite, éclairée par des arcalures percées, pour la plupart,
de baies carrées. Les trois arcatures qui occupent la partie
centrale de la galerie sont entourées d'un tore qui repose sur
de grosses colonnettes, flanquées de colonnettes plus petites.
La voûte en berceau qui surmonte cette galerie est formée
d'un blocage très-ancien , qui paraît dater du XIe. siècle.
Une galerie semblable , pratiquée dans le mur occidental et
dans le mur méridional , met chacun des bras du transept
en communication avec le triforium de la nef. Le tailloir qui
termine les chapiteaux , formé de fines moulures , se profile
avec grâce sur le mur et relie entr'elles toutes ces arcalures.
L'étage supérieur offre trois fenêtres , très-élancées (celle
CANTON DE LISIEUX , 2\ SECTION. 213
du milieu plus haute que les deux autres). Les archivoltes ,
au nombre de trois , qui les encadrent reposent sur des co-
lonnettes annelées. La décoration de ces fenêtres est la
même que celle de l'étage inférieur. A l'extérieur , elles
affectent une grande simplicité. Le bord de chaque baie est
taillé en chanfrein.
Le mur occidental du même croisillon est composé égale-
ment de deux étages de fenêtres. Ces cinq fenêtres , remar-
quables par leurs gracieuses proportions , affectent entr'elles
la même forme. Elles sont garnies, à l'intérieur comme à
l'extérieur du monument, de deux archivoltes qui reposent
sur des colonnettes annelées.
Des fenêtres semblables sont percées dans le mur occi-
dental du croisillon sud, dans la partie supérieure seulement.
Les bas-côtés , qui accompagnent à l'orient le transept ,
forment chacun deux travées , semblables à celles de la nef.
Les colonnes monocylindriques qui séparent ces travées offrent
de vigoureux chapiteaux, décorés de larges feuilles recourbées
en volutes.
Trois fenêtres, deux à l'orient et une seule au nord, éclai-
rent le bas-côté parallèle au croisillon septentrional. L'une
de ces ouvertures est masquée par le rétable de l'autel dédié
à Notre-Dame-du-Rosaire. Ce rétable était autrefois décoré
d'une ancienne statue en pierre, provenant de l'ancien cou-
vent des Jacobins. Le mur oriental contre lequel s'appuie
cet autel offre , à l'extérieur , une corniche très-ancienne et
fort curieuse formée d'arcatures géminées, terminées par des
têtes grotesques et des animaux parmi lesquels on distingue
un singe tenant sa tête entre ses deux pattes de devant.
Le bas-côté qui fait face au croisillon méridional était
éclairé par trois fenêtres semblables aux précédentes. Deux
de ces ouvertures ont été bouchées lorsqu'on a élevé la sa-
cristie. La fenêtre du sud , percée au XIVe. siècle, a été
2U STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
divisée, au XVIe. , par un meneau qui se bifurque dans la
partie supérieure. Au-dessous de cette fenêtre est placé un
tombeau du XIIIe. siècle, formé de deux arcatures ogivales
dont les archivoltes reposent sur des colonnettes terminées
par un abaque circulaire. Trois jolis médaillons , sculptés en
haut-relief, décorent les angles supérieurs formés par la
jonction des arcatures. Le médaillon du milieu représente
le buste d'un moine. Les deux autres sont formés de ro-
saces artistement découpées. Ce tombeau offre une voûte en
arête dont les arceaux retombent sur des colonnettes qui ta-
pissent le mur.
Dans la première travée, transformée en chapelle, est placé
un autel moderne en chêne , dans le style de l'église , qui a
valu à M. Léonard , sculpteur à Lisieux , une médaille en ar-
gent, lors du concours régional qui a eu lieu dans cette ville,
en 18^9.
Le transept est éclairé, au midi, par trois fenêtres moins
élancées que celles du nord. Les archivoltes portent , de
chaque côté, sur des colonnettes. Au-dessous de ces fe-
nêtres existe une série d'arcatures géminées.
La voûte, en arête , du transept est construite en blocage
et formée d'arceaux toriques. La charpente du toit est an-
cienne et parfaitement conservée; elle est composée de che-
vrons portant ferme et date du XIIIe. siècle.
Façade méridionale. — Le portail méridional, qui fait face
à la rue du Paradis , est un précieux spécimen de l'architec-
ture de transition (seconde moitié du XIIe. siècle).
Ce portail, d'une grande élévation, est percé aurez-de-
chaussée d'une belle porte entourée de trois archivoltes,
formées de moulures toriques, qui reposent de chaque côté
sur trois colonnes détachées du mur et sur trois colonnettes
placées en retraite, dont les chapiteaux sont garnis de deux
CAKTOiN DK LlSlliUX , 2r. SECTION. 215
rangs de crossettes végétales. La base , composée de deux
tores séparés par une gorge, est reliée au piédestal par une
agrafe.
Au-dessus de la porte règne un double rang d'arcaturcs
superposées.
Le rang inférieur est formé d'arcaturcs géminées, dont les
archivoltes reposent sur de légères colonnettes. Le cordon
qui entoure chaque archivolte est décoré de ces espèces de
fleurs auxquelles les Anglais ont donné le nom de tooih or-
nament , et terminé à ses extrémités par de petites têtes.
Le rang supérieur est composé d'arcatures beaucoup plus
petites, dont l'archivolte unique, décorée de rinceaux, porte
sur un pilastre accompagné de deux colonnettes terminées
par des chapiteaux feuillages.
Le cordon décoré de palmeltes qui sépare ces arcatures de
l'étage éclairé est entièrement neuf.
Au-dessus s'ouvrent trois belles fenêtres à ogive obtuse;
celle du milieu plus élancée que les deux autres. Les trois
archivoltes qui entourent ces fenêtres s'appuient sur de lé-
gères colonnettes, dont l'intervalle est rempli par le tooih
ornament que les architectes anglais , au XIIIe. siècle , ont
emprunté à l'architecture française. Le cordon extérieur,
décoré de rinceaux , se termine inférieurement par de petites
têtes grimaçantes.
Le grand arc de décharge qui surmonte ces fenêtres et
relie les contreforts date du XVIe. siècle.
La galerie supérieure, placée à la base du gable, est formée
de cinq arcatures dont les archivoltes reposent, de chaque
côté, sur un faisceau de colonnettes terminé par des chapi-
teaux feuillages, dans le style du XVe. siècle. Une balus-
trade à jour , formée de quatre-feuilles , protège cette galerie
qui a été reconstruite. On voit encore les amorces de la
galerie primitive qui était placée en retraite.
216 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Les deux clochetons octogones qui surmontent le portail
datent, sauf quelques retouches postérieures, de la seconde
moitié du XIIe. siècle. La base est décorée, sur chacune de
ses faces, d'arcatures trilobées. La pyramide est revêtue
d'imbrications. Sur l'arête qui sépare les pans est appliqué
un tore.
La pyramide qui couronne le clocheton occidental offre
des pans concaves, à angles rentrants. Nous ferons observer
que ces deux clochetons , dont la partie supérieure a été
reconstruite , ne sont pas placés dans le même axe. Les deux
clochetons qui terminent le gable septentrional présentent
la même forme. La base de ces clochetons , d'un aspect très-
sévère , est décorée de longues arcatures dépourvues de co-
lon nettes.
Deux larges éperons en pierre s'élèvent jusqu'à la hauteur
de la galerie dont nous avons parlé. Ces énormes contreforts
ont été construits pour consolider le portail qui menaçait
ruine. Sur la face principale de l'un de ces contreforts se
détache un cadran solaire de l'époque gothique.
Au point d'intersection des quatre bras du transept s'élève
une large tour quadrangulaire, que surmonte un toit à quatre
pans en charpente couvert en ardoise. Celte tour , ou lan-
terne, qui date du XIIIe. siècle , est percée sur chacune de
ses faces de deux fenêtres avec doubie archivolte. De petites
arcatures ogivales géminées , dont quelques-unes , percées
de baies carrées trilobées , éclairent à l'intérieur une étroite
galerie , décorent la partie inférieure de la lanterne. L'an-
cienne pyramide en charpente couverte en plomb , qui for-
mait le couronnement de la tour, aura été détruite par un
incendie (1).
(1) Des réparations ont été faites à Pextérieur de cette tour par
Thomas Bazin, évêque de Lisieux, en 1452.
CANTON DE LISIEUX , 2e. SECTION. 217
Nous ferons observer que cette disposition des tours
centrales , dont la partie supérieure reçoit le jour par de
nombreuses fenêtres, est propre à la Normandie. Les tours
normandes ont servi de modèles à quelques églises d'An-
gleterre. La tour centrale de la cathédrale d'Ély nous en offre
un exemple.
A l'extrémité du croisillon méridional du transept s'élevait
une élégante tribune en chêne , dans le style Louis XIII. Le
plafond , divisé en nombreux compartiments , reliés entr'eux
par des lignes habilement combinées , offrait un gracieux
tracé géométrique. Ce plafond était décoré de caissons garnis
de têtes d'anges , de cartels , de rosaces et de curieux pen-
dentifs sculptés à jour et couverts de peintures en décor ;
le tout encadré par de légers rinceaux et par de capricieux
enroulements dans le style du temps. L'un de ces panneaux
représente sainte Cécile jouant de l'orgue. Un autre offre
l'effigie du roi David qui pince de la harpe.
Deux belles colonnes corinthiennes cannelées , dont la
partie supérieure est décorée de cartouches et le tiers in-
férieur de feuilles de lierre , supportaient ce magnifique
plafond.
La frise de l'entablement était formée de panneaux entourés
de rinceaux et d'arabesques , parmi lesquels on distinguait
des Renommées. Des pilastres , ornés de têtes de fantaisie et
de trophées de musique, séparaient ces panneaux.
La destruction de cette tribune , qui faisait l'admiration
de tous les étrangers , est très-regrettable. M. Raymond
Bordeaux, dans une réunion de savants à Paris , a sévère-
ment blâmé cet acte de vandalisme (1). Nous faisons des
vœux ardents pour que cette tribune soit rétablie.
Dans l'angle sud-ouest du transept existe un escalier qui
(1) Voir le Bulletin monumental.
218 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
conduisait à la bibliothèque, placée sur la salle capitulaire
dont nous avons parlé.
Au-dessus du linteau de la porte, on lit l'inscription sui-
vante en lettres d'or, gravée sur une plaque de marbre :
BIBLIOTHÈQUE
CURAVIMUS VOLENTIBUS LEGERE
2 MACH. 2.
Les six grands tableaux appliqués contre les murs latéraux
du transept étaient autrefois placés dans le chœur. Ils avaient
été commandés par un chanoine, pour orner le chœur de la
cathédrale. Ces tableaux sont l'œuvre d'un artiste rouennais,
qui jouissait à cette époque d'une grande réputation que le
temps n'a fait que confirmer. Au bas de l'une de ces toiles, on
lit : Lemonnier 1776.
Ces tableaux représentent, dans l'ordre suivant, les princi-
pales scènes de la vie de saint Pierre et de saint Paul.
Croisillon méridional, à droite en entrant :
1°. Prédication de saint Paul ;
2°. Saint Pierre guérissant les paralytiques.
En face :
3°. Conversion de saint Paul.
Croisillon septentrional, à droite :
1°. Saint Pierre ressuscitant ïhabite ; .
2G. Saint Pierre ès-liens.
En face :
3°. Saint Paul prêchant devant l'Aréopage.
Tous ces tableaux se recommandent par la grandeur de la
composition, l'heureux agencement des groupes, l'expression
des figures, une bonne entente de la couleur et de la perspec-
tive. Le dessin est pur et correct et tous les détails rendus
avec une grande exactitude. L'architecture et les draperies
sont parfaitement traitées et révèlent une touche large et vi-
C/liNTON DE LISIEUX, 2e. SECTION. 219
goureuse. Les deux toiles représentant , l'une , saint Pierre
guérissant les paralytiques, l'autre, la résurrection de Tha-
bite, attirent surtout les regards.
Chœur. — Quinze colonnes entourent le chœur et le sépa-
rent du déambulatoire.
Le chœur proprement dit , composé de quatre travées , se
termine à l'orient par une abside circulaire qui décrit une
courbe très-gracieuse. Ce magnifique rond-point offre , du
bas de la nef, une perspective charmante que l'œil ne se
lasse pas de contempler.
Les deux premières travées, semblables à celles de la nef,
appartiennent à la construction primitive et datent , comme
celte dernière, de la seconde moitié du XIIe. siècle.
Des faisceaux de colonnettes divisées par plusieurs anneaux
supportent la voûte en arête des deux premières travées,
dont les compartiments sont formés d'un grossier blocage re-
couvert d'un crépi.
La fenêtre percée dans le mur septentrional , correspon-
dant à la deuxième travée du chœur , est garnie de deux ar-
chivoltes reposant sur des colonnettes annelées (1).
Une fenêtre semblable, aujourd'hui bouchée, s'ouvrait dans
le mur opposé. La porte ogivale à moulures prismatiques
placée au-dessous de cette fenêtre donnait accès dans une
sacristie gothique, qui a été démolie au commencement de
ce siècle.
Le chœur , dans l'origine , était composé seulement de
deux travées. La courbe de l'abside commençait à la deuxième
colonne , ainsi que semble l'attester l'inclinaison d'un des
(1) Une pelile porte, aujourd'hui bouchée, s'ouvrait dans ce mur et
donnait accès dans le cimetière des officiers douze livres, ainsi nommés
parce qu'ils recevaient une gratification annuelle de 12 livres.
220 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
chapiteaux. Une piscine placée à droite , entre la première et
la seconde colonne, indique la position qu'occupait l'autel
primitif. Cette piscine, masquée par un des bancs du bas-côté
méridional, recevait l'eau provenant des ablutions.
Les deux dernières travées du chœur , ainsi que l'ab-
side, construites en pierre des Loges, ont été élevées,
comme nous l'avons dit plus haut, dans la première moitié
du XIIIe. siècle. Les colonnes qui supportent les deux
arcades qui précèdent le sanctuaire offrent le même dia-
mètre que les précédentes. L'un des chapiteaux présente
une élégante corbeille composée de larges feuilles, profondé-
ment découpées , ressemblant aux feuilles de berce ( Hera-
cleum spondylium), si communes dans nos prairies. Les
feuilles qui décorent un autre chapiteau , au lieu de se re-
courber en volute , se relèvent et retombent avec grâce sur
le tailloir.
Le triforium est formé d'arcatures géminées, semblables à
celles qui décorent les deux premières travées du chœur;
l'ogive seulement est plus accentuée. Le tympan est percé
d'un trèfle.
Nous ferons observer que les colonnettes qui partent du
tailloir des colonnes, et vont recevoir la retombée de la voûte,
ne sont plus annelées.
La partie des collatéraux qui correspond aux deux der-
nières travées que nous venons de décrire offre un double
mur percé de fenêtres accolées, dont l'archivolte repose, de
chaque côté , sur des colonnettes sans anneaux, détachées du
mur. Un simple tore entoure la baie. L'une de ces ouver-
tures , placée au midi, offre de curieux fragments de vitraux,
du XVIe. siècle , représentant des camées. La partie supé-
rieure du mur est décorée d'une belle rosace polylobée ar-
tistement fouillée. Le faisceau de colonnettes qui sépare les
fenêtres reçoit l'arc formeret et les arceaux de la voûte
CANTON DE LÏSIEUX , 2e. SECTION, 221
d'arête dc9 bas-côtés. Les chapiteaux , décorés de crossettes
végétales, se terminent par un abaque circulaire.
Une série d'arcatures décore la partie inférieure des
murs. L'archivolte , formée d'un tore , repose sur des co-
lonnettes dont les chapiteaux , ornés de crossettes et de
feuillages variés, se terminent également par un abaque cir-
culaire. Parmi ces feuillages on distingue le trèfle d'eau (Me-
nyanthes trifoiiata) , des feuilles d'arum , de nénuphar. Le
fût des colonnettes a été maladroitement coupé lorsqu'on a
appliqué les bancs contre les murs. La porte à cintre sur-
baissé qui donne accès dans la sacristie a été percée au XIVe.
siècle. Les colonnettes à chapiteaux feuillages qui accompa-
gnent cette porte sont moins anciennes que celles qui reçoi-
vent les arcatures. Le cordon supérieur , décoré de grappes
de raisin, est terminé, à l'une de ses extrémités par un lion,
et à l'autre par un animal chimérique. Dans l'un des angles
du mur, on aperçoit une tête grotesque qui servait de support
à l'une des archivoltes de cette porte , qui occupe la place
d'une ancienne arcature.
Abside. — Les sept arcades ogivales qui dessinent le rond-
point, l'un des plus remarquables du XIIIe. siècle , reposent
sur des colonnes accouplées dont les chapiteaux , décorés
de crossettes , se terminent par un tailloir à pans coupés.
L'intrados est décoré de nombreux tores, séparés par une
gorge étroite et profonde. Des grilles en fer forgé , dont on
voit encore les scellements dans les colonnes, fermaient au-
trefois le sanctuaire.
La galerie pratiquée dans le double mur qui surmonte les
arcades captive les regards par sa légèreté. Les arcatures
géminées qui forment cette galerie reposent sur des colon-
nettes, dont les chapiteaux sont garnis de deux rangs de cros-
settes végétales. Le tympan est percé d'un quatre-feuillcs.
222 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Les fenêtres du clérestory , d'une forme gracieuse , pa-
raissent , d'après l'opinion d'un savant autiquaire , avoir été
tracées au moyen de la cycloïde. Les trois principales fenêtres
sont garnies de vitraux modernes, exécutés à Paris dans les
ateliers de M. Lusson. Ces verrières représentent le Sauveur
du monde, saint Pierre et saint Paul.
Du tailloir qui termine les colonnes du rond-point s'élance
une légère colonnette qui s'arrête à la naissance des fenêtres
et va recevoir l'un des nombreux arceaux d'une jolie voûte
d'arête construite en petit appareil taillé régulièrement. Tous
cesarceaux convergent vers la clef d'un puissant arc-doubleau,
qui paraît avoir été refaite au XVIe. siècle. Sur cette clef se
détachent en relief les armoiries du Chapitre.
Les deux murs qui s'élèvent entre les chapelles absidales
sont percés de fenêtres accolées, autrefois garnies de riches
verrières, qui formaient autour du sanctuaire une briUante
couronne, composée de rubis, de topazes et d'émeraudes re-
présentanl la Jérusalem céleste. L'une de ces fenêtres, placée
à gauche de la chapelle de la Vierge, est décorée d'un beau
médaillon du XIIIe. siècle. Les grisailles que l'on aperçoit
au-dessus dessinent de curieux rinceaux dans le style du
XIIe. siècle. C'est le plus ancien fragment de vitrail que
possède la cathédrale. A ce seul titre, il mériterait d'être con-
servé avec soin.
Le dais qui décore la partie supérieure de la fenêtre la plus
rapprochée de la chapelle de la Vierge date seulement du
XVe. siècle, ainsi que l'atteste l'écusson de Pierre Cauchon,
peint sur cette vitre, lequel porte d'azur à une fasce d'ar-
gent, accompagnée de 3 coquilles d'or.
^ Les chapelles latérales de l'abside, de forme circulaire, da-
tent du XIIIe. siècle.
Ces deux jolies chapelles, dont la construction est attribuée,
ainsi que nous l'avons vu, à Guillaume du Pont-dc-l'Arche,
CANTON DE LISIEUX , 2e. SECTION. 223
évêque de Lisieux , sont éclairées par trois fenêtres ogivales
pratiquées dans l'épaisseur du double mur. Les deux ar-
chivoltes qui les entourent s'appuient , de chaque côté , sur
de légères colonnettes. Une simple moulure torique encadre
la baie.
On remarque, à gauche de l'autel , une petite armoire ou
sacrarium, à deux compartiments , laquelle était fermée par
une porte en fer. Du côté opposé existe une piscine qui af-
fecte la même forme.
Le rétable de la chapelle située à l'extrémité du collatéral
sud est décoré d'un magnifique tableau , peint à l'huile , re-
présentant le martyre de saint Sébastien. On admire la pose
du corps et un effet de raccourci des plus heureux dans l'un
des bras. La tête est fort belle. Ce tableau qui a, dit-on, une
grande valeur, ornait, avant la Révolution, une des salles de
l'ancien palais épiscopal (1).
La fenêtre du fond de cette chapelle , en grande partie
masquée par le rétable , présente de beaux fragments de vi-
traux. Le médaillon supérieur représente la Sainte-Vierge.
Celui du milieu offre l'effigie d'un évêque (probablement saint
Ursin , auquel était anciennement dédiée cette chapelle). Les
armatures des fenêtres datent du même temps que la cha-
pelle. Il y avait dans cette chapelle , avant la Révolution ,
un ancien tableau représentant la translation des reliques de
saint Ursin. Cette toile, dont M. Charles Vasseur donnera
la description , est aujourd'hui placée dans une chapelle de
l'église St. -Jacques.
De chaque côté du chœur et près du sanctuaire s'élèvent,
à l'extérieur , deux petites tours quadrangulaires , terminées
(1) Dans un ancien inventaire, dressé en 4 760 après la mort de
M. Ignace de Brancas , ce tableau est estimé 5,000 livres, somme
considérable pour l'époque.
224 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
par un toit en pierre couvert d'imbrications. Elles renferment
un escalier qui conduit aux galeries supérieures dont nous
avons parlé Cette disposition de tours qui accompagnent
l'abside est, selon M. Violet-le-Duc, tout-à-fait propre aux
cathédrales normandes.
Les arcs-boutants cintrés qui soutiennent le chevet ont
été refaits au XVIe. siècle.
Chapelle de la Vierge. — La chapelle de la Vierge, placée
derrière le chœur, attire les regards par ses vastes pro-
portions et par son élégante architecture. Elle a été élevée ,
comme on sait, dans la première moitié du XVe. siècle , par
Pierre Cauchon , évêque de Lisieux et ancien évêque de
Beauvais, en expiation de la sentence inique qu'il avait pro-
noncée contre l'infortunée Jeanne-d' Arc, la libératrice de la
France.
Cette chapelle marque le passage du XIVe. au XVe. siècle.
Les moulures qui entourent les fenêtres et dessinent le tym-
pan, qui déjà affecte la forme flamboyante, sont composées
de tores et garnies d'un listel. Les meneaux qui partagent
les baies sont ornés de colonnettes. La forme prismatique
apparaît seulement dans la seconde moitié du XVe. siècle.
Le plan de la cathédrale , dressé avec soin par M. Charles
Vasseur , membre de la Société française d'archéologie ,
donne les dimensions de cette chapelle , qui mesure dans
œuvre 17 mètres 20 cent, de longueur sur 6 mètres 88 cent,
de large. Elle se termine, à l'orient, par trois pans coupés
et est éclairée par neuf grandes fenêtres flamboyantes, par-
tagées en quatre baies par un meneau central et quatre me-
neaux secondaires. Le tympan offre une élégante tracerie
dont les compartiments variés sont décorés de nombreux
fragments de vitraux qui paraissent dater seulement du XVIe.
siècle. Les trois fenêtres du fond sont garnies de vitraux
CANTON DE L1SJELX, 2e. SECTION. 225
modernes , exécutés par M. Lusson. Ces tableaux transpa-
rents , remarquables par la netteté et la perfection du dessin,
l'éclat du coloris et la délicatesse des nuances , ressemblent
plus, selon nous, à des chromolithographies ou à ces brillantes
miniatures qui décorent les vieux manuscrits , qu'aux ver-
rières que nous a léguées le moyen-âge, dont les tons chauds
et vigoureux et les teintes harmonieuses excitent encore
aujourd'hui l'admiration des artistes. L'une de ces verrières,
celle de gauche, a figuré à l'Exposition universelle de 1855.
Les sujets qu'elles représentent sont relatifs à la vie glorieuse
et douloureuse de la mère du Sauveur.
Les faisceaux de colonnettes appliqués contre le trumeau
des fenêtres reçoivent les arceaux d'une voûte d'arête ,
formée de fines moulures. La clef de voûte qui surmonte le
sanctuaire offre l'écusson de Pierre Cauchon , fondateur de
celle chapelle. L'écusson placé en-deçà du sanctuaire repré-
sente les armoiries du Chapitre. L'un des faisceaux de co-
lonnettes est interrompu par une niche qui abritait ancien-
nement une statue de la Sainte- Vierge, à laquelle cette
chapelle est dédiée.
L'autel en pierre qui décore le sanctuaire a été exécuté
d'après les dessins de M. Bouet. C'est une des compositions
les plus savantes et les plus gracieuses de cet artiste , aussi
distingué que modeste, dont loutes les œuvres portent l'em-
preinte du talent et du bon goût.
Cet autel, dont nous avons donné en 1852 une description
complète qui nous dispense de le décrire , représente les
mystères joyeux et douloureux de la Sainte-Vierge (1).
Les belles boiseries, dans le style Louis XV, qui sont ap-
pliquées contre les murs latéraux fermaient autrefois les
(1) Voir les journaux de Lfcieax, <!« 8*7 novembre et h décembre
4 852.
15
226 STATISTIQUE MONtJMf NT AL« DU CALVADOS.
trois travées du chœur les plus rapprochées du transept.
Elles servaient à la fois de haut-dossier aux stalles hautes, oc-
cupées par les chanoines , et de support aux grands tableaux
dont nous avons parlé.
Ces boiseries masquent une série d'arcatures reposant sur
des colonnettes à chapiteaux feuillages , entre lesquelles sont
placés des bas-reliefs. La plupart de ces bas-reliefs , dont la
forme se rapproche de celui que nous avons décrit plus haut,
répondent aux pierres tombales qui recouvrent le sol de la
chapelle.
Les deux groupes placés près du sanctuaire (côté de l'évan-
gile) représentent le crucifiement et l'ensevelissement de
Notre-Seigneur. M. Billon pense, avec raison , que ces bas-
reliefs, qui sont plus anciens que les autres et paraissent dater
du XIVe. siècle, faisaient partie de l'ancien jubé en pierre qui
s'élevait à l'entrée du chœur et fut détruit, en 1689, par les
ordres de Léonor II de Matignon. Ce magnifique jubé, qui
était construit en pierre des Loges, avait coûté 6,000 livres,
somme énorme pour l'époque. Les sujets variés qu'il offrait
avaient trait a la vie de Notre-Seigneur et à sa Passion glo-
rieuse (1). Il fut remplacé par un jubé en bois, dans le goût
du temps, qui probablement était loin de le valoir. Ce jubé,
exécuté à Caen par un sieur Bramu, « maître sculpteur •> ,
avait coûté 1,800 livres (2).
La construction du nouveau jubé, qui s'avançait dans le
chœur, entraîna la démolition de la magnifique chaire épisco-
pale, « qui était en pierre de Vernon et d'un très- beau tra-
vail (3). » Cette chaire avait été donnée par M. le cardinal
(1) Manuscrit rédigé enlre les années 1676 et 4717. Ce manuscrit
est attribué à un chanoine.
(2i Manuscrit.
L») M.
CANTON ttE MSII-l X, 2*. SECTION. 227
Leveneur , évêque de Lisieux. Elle avait coûté aussi 6,000
livres.
L'année 1689, comme les deux précédentes, fut véritable-
ment désastreuse pour notre cathédrale. Les changements
imposés par la mode, sous le règne de Louis XIV, firent
commettre de nombreux actes de vandalisme qu'on ne saurait
trop déplorer ; car ils nous ont privés de véritables chefs-
d'œuvre qui seraient aujourd'hui le plus bel ornement de
cette église. Les tombeaux ne furent même pas épargnés.
Les trois tombeaux qui ont été détruits étaient placés près
du maître-autel.
On a retrouvé, il y a quelques années, un fragment en
marbre de Carrare, détaché du tombeau de Mgr. d'Estoute-
ville, qui a occupé le siège épiscopal de Lisieux depuis 1382
jusqu'en 1M5.
Ce précieux fragment, qui peut donner une idée de la ri-
chesse de ce tombeau dont le faire révèle le ciseau d'un des
artistes italiens les plus en renom à celte époque, a été dessiné
par M. Rouet. L'écusson du cardinal, tenu par un ange, est
renfermé dans un délicieux quatre-feuilles à pétales lancéo-
lés, formé de jolies moulures toriques. Il occupait la partie
centrale d'une des faces du tombeau, qui était sculpté à jour
et surmonté d'une statue en marbre. Les deux autres tom-
beaux étaient ceux de Mgr. Fouques-d' Astin , évêque de
Lisieux (1250-1267) et de ]\Igr. Guy d'Harcourt (1303-
1 336). Le premier était en bronze ; le second, couvert d'une
grande table de marbre noir, n'offrait aucune effigie. Ce
tombeau, dont nous avons retrouvé un fragment , offrait sur
chaque face une série d'arcatures reposant sur des colon-
nettes dont les bases ont été conservées.
La pierre tombale (pie l'on voit à l'entrée du sanctuaire,
en face le maître-autel, consacre la mémoire de l'évêque qui
a fait tous ces changements <i dépouillé notre cathédrale de
228 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
ce qu'elle avait de plus précieux. Kilo offre l'inscription sui-
vante, que nous reproduisons en entier :
D. O. M.
HIC
QUIESCIT
BEATAM EXPECTANS RESURRECTIONBM
LEONORIUS DE MATIGNON
LEXOVIENSIS EPISCOPUS NOMINE SECUKDUS
ANT1QUAM AVORUM GLORIAM
PROPRIA V1RTUTE ILLUSTRAVIT
PKtfXESSORUM LAUDEM
FIDE , PIETATE, CHARITATE , VIGIMNT1A
UNUS OMNIUM COMPLEXUS EST.
GREGI PASTOR BONUS
NOVITATUM OSOR,
DOCTOR ECCLESI.E ET DISCIPLLUS,
CLERO MAGNUM EXEMPLUM
PALPER UM AMORE, DIVITIARUM USU.
QUjF.RIS PRflSSULIS EXIMII MONUMENTUM.
URRS TOTA MONUMENTUM EST,
ERECTIS PASSIM ET DOTATIS
SEMINARIIS , NOSOCOMIIS PTOCHOTROPHIIS.
PAU PERES HjEREDES RELIQUIT,
NE QUOS VIVENS ALUERAT MORIENS DESERERET
QUANTUM DILEXERIT DECOREM DOMUS DEI ,
HOC TEMPI-UM, H^EC ARA, TESTANTUR.
OBI1T
ANNO M DCCXIIII DIE XIV JULII
V.TATIS ANNO LXXIIII EPISCOPATUS XXXVII.
VIRTUTES IMITARE.
REQUIESCIT IN PACE.
Derrière e maître-autel étaient placées, dans de riches
châsses gothiques , les reliques de la cathédrale qui furent
profanées , en 1562 , par les Calvinistes.
Le 5 juillet 1731, JMgr. Henri-Ignace de Brancas fit placer
ces reliques dans deux nouvelles châsses, de chaque côté du
CANTON DE LlSti-LX , 2e. SECTION. 2*29
grand et magnifique autel élevé aux frais de son prédécesseur,
Léonor II de Matignon. Ces reliquaires , exposés à la véné-
ration des fidèles, étaient portés par deux anges (1).
La chaire en bois de chêne sculpté, qu'on voyait encore il
y a quelques années dans la nef, a également disparu.
Cette chaire avait une certaine valeur artistique et offrait un
véritable intérêt historique. La tribune, qui seule avait été
conservée, avait plus d'une fois retenti des accents mâles et
de la parole éloquente de plusieurs évêques et d'un grand
nombre de prédicateurs distingués. Le souvenir de Bossuet,
le plus grand orateur chrétien des temps modernes, qui
s'attache à celte chaire , aurait dû la sauver de la de-
struction.
Trois parties tout-à-fait distinctes composaient la tribune
que nous allons décrire en quelques mots: 1°. un soubasse-
ment, orné de moulures ; 42°. un étage intermédiaire à claire-
voie, garni de balustres d'une forme curieuse, dont les angles
étaient décorés d'anges caryatides enveloppés de draperies ,
d'une exécution remarquable; 3°. la tribune.
Les panneaux qui composaient les quatre faces de la tri-
bune étaient ornés d'encadrements à angles rent: nts, garnis
de jolies moulures tarabiscotées. Aux extrémitéb t. • chaque
panneau, dont la surface unie était probablement des,; née à
recevoir des peintures en camaïeu, se détachait une colonne
corinthienne de fantaisie, dont le tiers inférieur était couvert
de feuilles de vigne. Il eût été facile de compléter celte belle
chaire et de l'orner d'une manière convenable. La chaire de
Prêtreville, près de Lisieux, et celle de Préaux, près d'Orbec,
datent de la même époque. La première a conservé son cou-
ronnement.
De tout ce riche mobilier il ne reste plus aujourd'hui que
(*) Manuscrit
TM) STATISTIQUE MOMMILMAU: DU CALVADOS.
les stalles du chœur, qui datent des premières années du
XIVe. siècle.
Ces stalles, les plus curieuses et les plus riches que nous
ait léguées cette période de l'architecture gothique, étaient
au nombre de soixante-douze ( trente-six de chaque côté), et
disposées sur deux rangs. Elles ont été dessinées par MM. Dar-
cel et Sauvageot.
Les personnages qui décorent les poupées sont placés, deux
par deux, sous des arcatures géminées, trilobées, dont le
tympan est décoré d'un quatre-feuilles. Parmi ces person-
nages , dont les figures sont affreusement mutilées, on dis-
tingue plusieurs apôtres ( saint Pierre , saint Paul , saint
André); deux diacres (saint Etienne et saint Laurent), re-
vêtus de leur dalmatique à larges manches ; un évêque bé-
nissant (probablement saint Ursin) ; deux anges terrassant un
dragon, image de la lutte du bien contre le mal ( l'archange
saint Michel et l'ange Gabriel (1) ) ; une femme voilée, tenant
un livre à fermoir ; enfin , deux personnages tenant à leur
main une escarcelle et paraissant faire l'aumône à un men-
diant dont la jambe en écharpe est soutenue par une béquille.
Les draperies qui les enveloppent sont admirablement traitées
et d'une grande finesse d'exécution. Les angles supérieurs de
chaque poupée sont décorés de têtes de lion, d'aigle, etc., ar-
tistement sculptées.
Une seule de ces poupées a conservé son couronnement
primitif, formé de larges volutes garnies de feuilles de vigne
parfaitement découpées. Le couronnement des autres stalles
a été refait au XVIe. siècle. Les feuilles de vigne qui décorent
(1) On lit, dans la Charité de Tlnberville, que l'archange saint Michel
vint au secours de l'ange sainl Gabriel qui avait reçu la mission de
combattre le démon, lequel s'opposait au retour des Israélites à Jéru-
salem.
CANTON DE LJS1ELX, 2e. SECTION. 231
les volutes et l'intervalle qui les sépare sont d'une exécution
plus molle et moins soignée.
La plupart des miséricordes sont décorées de têtes d'ani-
maux.
Les accoudoirs des parcloses sont formés de crossettes et
garnis de colonnettes à pans coupés, qui supportent les mu-
seaux (sellarum brachia ). Les moulures, formées de tores
garnis d'un listel, caractérisent la transition du XIIIe. siècle
au XIVe. Ces stalles , d'une haute valeur archéologique ,
mériteraient une description complète.
Façade occidentale. — La façade principale, précédée d'un
large perron, s'élève à l'angle nord-ouest d'une vaste place
entourée d'arbres.
Cette façade , d'un style sévère qui n'exclut pas une cer-
taine élégance et une certaine richesse dans les détails, date,
dans son ensemble, du XIIIe. siècle. Elle est en grande partie
l'œuvre de Jourdain du Hommet, évêque de Lisieux, auquel
on doit, ainsi que nous venons de le voir, la construction des
deux dernières travées du chœur et celle de l'abside. Une
partie des ravalements de cette façade a été faite sous les suc-
cesseurs de cet évêque.
Quatre contreforts , terminés par un fronton ©rué d'une
rosace et décorés dans leur partie inférieure de trois arca-
lures ogivales , formant niches , placées , l'une sur la face
principale , les deux autres en retour d equerre , dessinent
les grandes divisions du portail. Ces niches sont couronnées
de dais qui probablement abritaient les statues des douze
apôtres.
Trois portes correspondant, celle du milieu à la nef prin-
cipale, les deux autres aux bas-côtés, s'ouvrent dans la partie
inférieure de la façade , laquelle est surmontée de deux tours
d'inégale hauteur.
232 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Le porlail proprement dit, complètement défiguré, datait,
comme la nef, du XIIe. siècle (deuxième moitié). L'ancienne
porte, dont il ne reste plus que de faibles vestiges , était à
claire-voie , comme les portes latérales auxquelles elle a dû
servir de modèie. Il n'y a jamais eu de statues dans les
ébrasures du grand portail, ainsi que l'atteste un ancien devis
des travaux, portant la date du 26 février 178^ : « Nous
« avons remarqué qu'il manque au grand portail huit co-
« lonnes de pierre avec leurs bases, dont quatre de 7 pouces
& de diamètre sur 8 pieds de haut , non compris les cha-
« piteaux. Les qualre autres de lx pouces de diamètre. »
La porte était partagée en deux baies par un trumeau sym-
bolique contre lequel était appuyée une statue , de grandeur
naturelle , représentant le Sauveur du monde. Les voussures
étaient garnies de feuillages, empruntés probablement à la
flore locale. Un bas-relief décorait le tympan, qui était
trilobé et placé plus bas que le tympan actuel.
La base des colonnes et le piédestal ont seuls été con-
servés et peuvent donner une idée de la riche décoration de
celte partie de la façade, qui constituait le portail propre-
ment dit. La base est composée de deux tores séparés par
une scotie. Une agrafe , appliquée sur le tore inférieur qui
est aplati, rattache cette base au piédestal.
Les piédestaux des colonnes, formant ressaut, sont décorés,
sur la face principale et sur le côté qui est libre, d'une ar-
cature trilobée. L'ornement placé sous cette arcature , com-
posé de trois feuilles dont les extrémités sont recourbées en
volutes, affecte la forme de la fleur de lis. La partie inférieure
du piédestal, faisant saillie , est ornée de cannelures. De gra-
cieux rinceaux ou enroulements formés de feuilles de vigne
et de raisins, offrant une grande ressemblance avec ceux
qui recouvrent le tailloir des colonnes du porche intérieur,
décorent la partie supérieure du piédestal. Nous ferons re-
CANTON DE LISIEUX , 2e. SECTION. 233
marquer que l'ornementation de cette porte présente une
grande analogie avec celle du portail occidental de la cathé-
drale de Sens.
On aperçoit distinctement , dans les ébrasures de la porte,
les soudures qui rattachent l'ancien portail du XIIe. siècle à
la façade actuelle que nous allons décrire.
L'étage supérieur , d'une grande richesse d'ornementa-
tion , est percé d'une grande fenêtre ogivale dont les ar-
chivoltes , au nombre de trois , reposent de chaque côté
sur de légères colonneltes. L'intervalle qui sépare ces co-
lonnettes est orné de feuilles de vigne. La voussure du milieu
est sculptée à jour. Une série de quatre- feuilles , gravés en
creux , entoure l'extrados de cette fenêtre. Deux meneaux ,
qui se bifurquent dans la partie supérieure, la partagent
en trois baies d'une forme peu gracieuse. Ces meneaux ,
entièrement sculptés à jour , sont décorés de larges feuilles ,
artistement découpées, qui ressemblent aux feuilles de berce.
Des rosaces, sculptées en creux dans les tympans, complètent
l'ornementation de celte riche fenêtre qui a été complètement
restaurée il y a quelques années.
La galerie (Gloria, laus) (1) placée à la base du gable ou
fronton contraste par sa simplicité avec la fenêtre précédente.
Lne série d'arcatures ogivales, dont les archivoltes reposent
sur des colonneltes , décore le fond de cette galerie qui relie
les deux tours. La balustrade à jour qui protège celte galerie
est formée d'arcatures trilobées.
Deux gargouilles, représentant des animaux chimériques,
placées vers les extrémités, semblent se détacher de cette ga-
lerie et déverser l'eau sur le parvis. Sous le ventre de ces
animaux , on aperçoit deux têtes humaines qui produisent
un effet bizarre.
(1) La cérémonie du Gloria, laus a été rétablie dans noire cathédrale
en 1856.
T6k STATISTIQUE MOlNUMUXTALE DU CALVADOS.
Un ange dans le style du portail, jouant de l'oliphant et
annonçant le Jugement dernier , forme l'amortissement du
fronton.
Toute cette partie de la façade a été restaurée et presque
entièrement refaite à neuf. Elle offre , par conséquent , à
l'exception des piédestaux des colonnes du portail , un mé-
diocre intérêt.
La porte méridionale , d'une architecture élégante , a été
dessinée par M. Bouet et publiée.
Cette porte, également à claire-voie, est entourée de trois
archivoltes qui s'appuient , de chaque côté , sur des colon-
nettes sveltes et élancées , détachées du mur. La voussure
du milieu , parfaitement évidée , offre deux rangs de larges
feuilles opposées dont les extrémités, légèrement recourbées
en volutes, viennent se joindre. Le cordon qui entoure l'ex-
trados et retombe sur le pied-droit du mur , offre une série
de quatre-feuilles gravés en creux.
Trois colonnettes, placées en retraite contre le mur,
alternent avec les colonnes. Les archivoltes , formées d'un
gros tore et d'un tore plus petit , séparés par une gorge pro-
fonde, s'entrecroisent en dessinant des ogives et retombent
sur des chapiteaux garnis de crosseltes végétales. La partie
du mur comprise enlre ces arcatures et les chapiteaux qui
terminent les colonnes principales est semée de nombreux
quatre-feuilles. Celte espèce de tapisserie, d'un effet agréable
à l'œil, se continue au-dessus de la baie qui donne accès sous
le porche intérieur, placé en avant du collatéral.
Un bas-relief, dont il ne reste plus qu'un faible vestige ,
décorait le tympan , qui est trilobé.
Deux grandes rosaces , accompagnées de rosaces plus pe-
tites , de quatre-feuilles et de trèfles , garnissent la partie
supérieure du mur formant le couronnement de cette porte ,
CAiMON DR LISIEUX . 2*. SFCTION. 235
l'un des plus gracieux spécimens de l'architecture du XIIIe.
siècle (1).
La porte septentrionale , qui présente le même système de
décoration , a été restaurée ou plutôt reconstruite il y a
quelques aimées. L'ornementation de cette porte , qui est
amsi à claire-voie, diffère peu de la précédente. La large
voussure qui occupe la partie centrale de l'ogive est sculptée
à jour et dicorée de feuilles de vigne et de grappes de raisin.
Les arcatures qui tapissent le mur , plus élancées que les
précédentes, s'appuient sur des colonnettes , dont les cha-
piteaux sont ornés de crossettes végétales et de feuillages.
Les bases des colonnes principales, détachées du mur, sont
ornées de larges feuilles aplaties et disposées en diagonale,
de manière à ménager des espaces triangulaires, concaves ,
pour l'écoulement des eaux. Cette disposition ingénieuse se
remarque aussi au portail de l'ancienne abbaye d'Ardennes,
près Caen.
Le rez-de-chaussée des deux tours , formant porche à
l'intérieur , en avant des collatéraux , présentait une jolie
voûte d'arête dont les arceaux, presque entièrement détruits,
sont formés de tores , garnis d'un listel , lesquels retombent
sur des faisceaux de colonnelles extrêmement légères, placés
dans les angles. Les chapiteaux garnis de feuillages qui
terminent ces colonneltes ont leur abaque circulaire. Les
deux colonnes placées dans un d'-s angles, à gauche de l'ar-
cade qui précède le collatéral sud , sont plus anciennes et
datent du même temps que la nef. Ces colonnes , dont les
chapiteaux sont ornés de feuilles galbées , servent d'appui à
deux colonnettes a chapiteaux feuillages qui reçoivent la
(1) Une galerie voûtée en arêle, pratiquée dans le mur méridional
de la tour, donnait accès aux ofliciers subalternes que leur service
matinal appelait à la cathédrale. La porte extérieure de cette galerie
présente une certaine élégance.
336 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
retombée de la voûte et datent , comme celle-ci , du XIIIe.
siècle.
Les deux arcades, très-élancées , qui communiquent avec
les bas-côtés de la nef datent du XIII". siècle. Les pieds-
droits sur lesquels elles s'appuient sont décorés, dans la
partie supérieure, de feuillages délicatement fouillés.
L'étage intermédiaire de chaque tour offre , sur toutes ses
faces , de longues arcatures ogivales géminées , dont les
archivoltes, formées d'un simple tore, portent sur de minces
colonnettes. Une rosace sculptée en relief décore le tympan.
Le clocher septentrional, dont la base carrée forme un
plan incliné couvert d'imbrications, offre sur chaque face deux
fenêtres ogivales géminées, très-élancées, dont les archivoltes
reposent sur des colonnettes. Chacune de ces fenêtres est
divisée en deux longues baies par un meneau.
Un toit en charpente à quatre pans, couvert en tuiles,
surmonte le clocher qui probablement était destiné à rece-
voir une pyramide en pierre.
Le clocher du midi, composé de trois étages, a été élevé
vers la fin du XVIe. siècle , ainsi que l'atteste la date
gravée sur la face principale de la tour. Ce clocher, qui porte
tous les caractères du style de la Renaissance à son déclin,
présente de loin une masse sévère et imposante, qui rappelle
l'ampleur des tours romanes. Il est percé à chaque étage de
deux fenêtres à plein-cintre , géminées , d'une exécution
grossière , dont l'archivolte unique repose , de chaque côté,
sur une colonnette. Ces fenêtres sont subdivisées en deux
baies ogivales , formées par l'intersection des cercles. Des
arcatures aveugles , mal dessinées décorent les angles de
chaque mur.
Une galerie, à laquelle on a donné le nom d'Armoiries,
est placée à la base de la pyramide. Cette galerie est pro-
tégée par une balustrade crénelée, en pierre, en partie pleine
CANTON DE LISIEUX , 2e. SECTION. 237
et en partie à jour , à laquelle on suspendait, dans les fêtes
civiles et religieuses, des drapeaux et des oriflammes couverts
d'écussons.
La flèche en pierre, de forme octogone, qui couronne le
clocher date seulement du XVIIe. siècle. Chacune des quatre
faces, qui correspondent aux angles de la tour, est garnie
d'un clocheton d'une forme peu gracieuse et d'un style un
peu lourd. Les pans de la pyramide, couverts d'imbrications,
sont séparés par des arêtes garnies de crochets.
Ce clocher renfermait, avant la Révolution, une belle son-
nerie composée de huit cloches. La plus grosse de ces cloches,
qui avait échappé à la tourmente révolutionnaire, fut refon-
due en 1818, aux frais de la Fabrique et fit partie d'une nou-
velle combinaison campanaire. Cette ancienne cloche, qui por-
tait les deux dates de 1205 et 1690, offrait l'inscription sui-
vante , en caractères gothiques , relevée avec soin par
M. d'Ingremont , ancien secrétaire de la Mairie , qui a fait
de nombreuses et utiles recherches sur l'histoire locale, con-
signées en grande partie dans des notices pleines d'intérêt
pour notre ville :
-j- 3tnno • Xîm • mn,° • bucftM0 • quitu • (&v\bo • (&marbù\\ • bat .
cuîus • ôonus • ara ■ vtbvmbat .
etus • sytrnmeit •
puce • qutescat .
3tmm.
Jtucta • tut • bt • bonis • ytc • recor&acars • <0>u'tllt • Irx .
quonî» • çsults • bigmssum • anno • Bnt • mo° • quûï>rtngrnmo •
nonagfsimo • ttit10 • junti.
Deux bourdons, qui s'harmonisaient avec les huit cloches,
étaient placés dans la tour septentrionale.
M. Billon, dans une savante notice sur les cloches et sur
238 STATISTIQUE MOMJMENTALb M CALVADOS.
l'épigraphie campanaire insérée dans le Bulletin monumen-
tal, donne quelques détails intéressants sur celte importante
sonnerie qui faisait l'admiration de tous les connaisseurs.
La sonnerie actuelle, composée de cinq cloches formant
une quinte puissante et harmonieuse, a été fondue au Mans
dans les ateliers de M. Ernest Bollée.
Nous terminerons celte notice par rémunération des objets
les plus précieux qui composaient le trésor de la cathédrale.
Nous signalerons : 1° la vaste châsse en argent massif
qui contenait les reliques de saint Ursin , de saint Bertivin,
de saint Cande et de saint Patrice. « C'est , » dit Guillaume
d'Estouteville, évêque de Lisieux, qui en a fait la description
(14 avril 1399) , « une châsse d'environ six pieds de long,
a de deux pieds de large et de deux pieds de haut, sans y
« comprendre la couverture en forme de toit, qui est aussi
« à peu près de deux pieds; elle est couverte d'argent de
« tous cotez, dorée sur la couverture ei enrichie d'ailleurs
« de pierres précieuses et de différentes figures ou images,
« sçavoir est à un bout du côté droit, de l'image de N. S. ,
« représenté assis donnant d'une main la bénédiction et tenant
<( un livre de la main gauche; à l'autre bout, de l'image de
o notre B. Patron S. Pierre, aussi représenté assis et tenant
a des clefs et un livre; au milieu du côté de l'autel, de l'image
« de la S. Vierge portant son Fils sur son sein , et au milieu
« de l'autre côté, de l'image de notre Pasteur S. TJrsin en
a habits pontifaux. etc. (1). »
2°. Un riche dais, donné par Mgr. de Cheylus, évêque de
Baveux , ancien haut-doyen de la cathédrale de Lisieux ,
nommé vicaire-général du diocèse après la mort de Mgr.
Ignace de Brancas (1760). Ce dais avait coulé 20,000 livres.
3°. Un magnifique ornement en or, brodé en bosse sur
(I Vies des saints Patrons du diocèse de. Lisieux.
EàtfrôN Dii [ÎSIHïX, 2e. SECTIOÏS. 239
fond de velours rouge, donné par les Matignon et appelé le
Gros-Matignon à cause de sa richesse et de son poids, qui
était énorme.
Parmi les objets précieux qui composaient le trésor de la
cathédrale , pillé par les huguenots en 1 562 , nous signale-
rons :
1°. Une statue de la Sainte- Vierge en argent doré ;
2°. Un tabernacle ou custode , également en argent doré
et en forme de pyramide, qui surmontait le maître- autel et
où l'on exposait la sainte Hostie ;
3°. Deux croix en argent doré, dont l'une, fort pesante ,
était enrichie de pierres précieuses ;
4°. La mitre « du chef du grand sainct Ursin, d'argent
« doré , fort enrichye de rubis , diamans , et aultres pierres
« précieuses, estimé à 200 écus » ;
5°. Un grand calice en argent doré ;
6°. Une crosse <■ de grande estoffe , d'argent doré , en-
« richye de pierres précieuses , estimée à 1,500 livres , non
« compris la mître de drap d'or, enrichye de rubis, diamans,
« perles et aultres pierres de bonne valeur servant à l'évesque
« lorsqu'il disait la grand'messe ' ;
7°. Deux livres contenant « les épistres et évangiles ,
« reliez d'ais , couverts de lames d'argent doré , enrichys de
« pierres, appelez Majestez (1). »
Palais épiscopal. — L'ancien palais épiscopal , aujourd'hui
affecté à divers services, s'élève au nord -ouest de la cathé-
drale. Il occupe remplacement de l'ancien château féodal des
évêques de Lisieux dont il ne reste plus que de faibles vestiges.
(1) Extrait du Procez verbal des vols et pilleries commis dans
l'esglise cathédrale Sainct Pierre de Lisieux par les huguenots en
1562.
240 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Le palais épiscopal a partagé les mêmes vicissitudes que la
cathédrale.
Jean I", qui occupa le siège épiscopal de Lisieux entre les
années 1107 et 1141, est le premier de nos évêques qui,
d'après le Gallia chrisliana, agrandit et embellit l'antique
demeure habitée par ses prédécesseurs (1).
En 1136, notre ville fut entièrement détruite par un incen-
die. Les principaux édifices, construits avec plus de soin et
avec des matériaux plus solides que les maisons occupées par
les bourgeois, ne purent résister à la violence de l'élément
destructeur. La cathédrale et le palais épiscopal devinrent la
proie des flammes.
L'évêque Arnoult, qui succéda à Jean Hardouin en 1141,
s'occupa avec un zèle digne des plus grands éloges à relever
de ses ruines la cathédrale et le palais épiscopal, ainsi que
l'atteste une lettre qu'il écrivit en 1143 au pape Célestin II
pour le complimenter sur son élection. Dans celte lettre, il
exprime au prélat le vif regret qu'il éprouve de ne pouvoir
se rendre en personne à Rome, parce qu'il cherchait à s'affer-
mir dans les bonnes grâces du nouveau prince (Henri II, roi
d'Angleterre), et qu'il était très-occupé à rétablir les ruines
de son église et de sa maison (2).
Le palais que fît élever Arnoult était d'une grande magni-
ficence, ainsi qu'on peut le voir par les lignes suivantes,
extraites de l'ouvrage d'un auteur contemporain, Robert de
Thorigny, abbé du Mont-St-Michel : « Arnulphus, lexoviensis
(1) Hic (ut habenl Chronica Normanniae, p. 979) multum episco-
palem sedem aediticiis et ornameutis accrevit.
(2) Quod in asserendà sibi recenti novi principis gratia, resarciendis
ecclesiae et domus sua? ruinis occupatus perse non poluit, perepis-
tolam Celestinura II post Innocentera electum summum Pontificera
convenit. ( Gallia christiana, t. XI, p. 775.)
CANTON DE LISIEUX , 2e SECTION. 2M
episcopus, cum per annos eamdem ecclesiam rexisset, in aedi-
ficando ecclesiam et pulcherrimas domos laborasset, renun-
tiavil episcopatui » (1).
En 1226, sous l'épiscopat de Guillaume du Pont-de-l' Arche,
un incendie considérable faillit réduire en cendres la cathé-
drale. Le palais épiscopal fut heureusement épargné.
Dans les siècles suivants, le palais de nos évêques subit
quelques modifications. De nouvelles constructions vinrent
se joindre aux bâtiments primitifs.
Au XIVe siècle, le palais épiscopal formait une vaste
enceinte. « Ses murs épais, ses tours garnies de mâchicoulis,
« ses fossés profonds donnaient à cette demeure l'aspect d'un
« château féodal. » Les habitants de Lisieux étant restés
redevables d'une certaine somme pour la rançon du roi Jean,
fait prisonnier par les Anglais après la bu taille de Poitiers
(18 septembre 1356), le Dauphin, qui devint roi sous le nom
de Charles V, leur fit une remise annuelle de deux deniers sur
douze. Cette remise avait pour but, dit iVl. Guilmeth, d'ai-
der l'évêque et les habitants de Lisieux à réparer les forti-
fications du château féodal et d'accélérer la construction des
murailles (2).
Enfin , au XVIIe siècle , le vieux palais construit par
Arnoult fut démoli. Sur son emplacement s'éleva un nou-
veau palais, dont la façade principale, construite en brique et
pierre, dans le style Louis XIII , fait l'ornement de la plus
belle de nos places publiques.
En 1680, Mgr Léonor de Matignon fit « démolir le vieil
a bâtiment qui prenait directement au bout du grand qui
« fait face sur la cour du palais et allait rendre sur la muraille.
« Il ne consistait qu'en écuries, bûchers et greniers à foin,
(d) G'allia christiana, t. XI, p. 778.
/2) Histoire de Lisieux, p. 131 , en note.
16
2^2 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
« et c'esl en ce lieu que mon dit soigneur a fait faire le beau
« bâtiment que l'on voit à présent, et qui fait face sur la
« prairie ; le côté devers la chapelle était bâti à l'antique ,
a mais il l'a fait mettre à la mode comme on le voit aujour-
« d'hui » (1).
Le bâtiment qui s'élevait sur la terrasse et faisait face au
jardin a été démoli au commencement de ce siècle, vers 1808.
L'autre partie, qui subsiste encore, a èiè mise à la mode, ainsi
que nous l'apprend le manuscrit ci-dessus, La façade actuelle
semble, en effet, greffée sur l'ancien édifice construit par
Arnoult. Le mur oriental qui fait face à la cour, sur l'un des
côtés de laquelle s'élevait l'antique chapelle St-Paul, démolie
en 1835, offre les vestiges de deux fenêtres ogivales dont la
forme accuse la fin du XIIe siècle.
En 1681, Mgr l'évêque de Lisieux « a fait acquest de tous
« les jardins appartenant à divers particuliers et à M. le
« doyen, pour augmenter le jardin de son palais » (2).
Ce fut à cette époque que fut détruit le rempart, qui arrêtait
les rayons du soleil et empêchait l'air de pénétrer dans les
cours du vieux palais, qui était très-sombre. Le rempart fut
transformé en une magnifique terrasse destinée à relier les
nouvelles constructions avec les jardins dont le dessin fut,
dit-on, confié au célèbre Le Nôtre.
A Lisieux, comme dans les plus anciennes villes de France,
le palais épiscopal était assis sur des ruines gallo romaines et
placé près des fortifications, auxquelles il empruntait sa prin-
cipale force. Vers la fin du VIe siècle , les évêques étaient
« les chefs naturels des villes qu'ils administraient ; ils repré-
« sentaient le peuple auprès des barbares; ils étaient ses
« magistrats au dedans, ses protecteurs au dehors» (3).
(1) Manuscrit déjà cité.
(2) Même manuscrit.
'v3) Guizot. Histoire de la civilisation en France, VIII* leçon.
CANTON DE LISIEUX , 2e SECTION. 2^3
Nous avons vu que les évêques de Lisieux portaient le titre
de comtes , et que ce titre remontait à une époque très-
ancienne.
Le long bâtiment qui encadre au couchant la cour prin-
cipale du palais a été élevé seulement dans la première moi-
tié du XVIIIe siècle, sous le règne de Louis XV. Nous lisons,
dans un mémoire imprimé en 1763, que les écuries de
l'évêché furent incendiées par le feu du ciel le 1k août 1723 et
reconstruites en 1726.
Description du palaù. — Les divers bâtiments que nous
allons décrire occupent les trois côtés d'une vaste cour
carrée, aujourd'hui divisée en deux parties à peu près égales
par un mur en brique qui ne permet pas d'en saisir toute
l'étendue.
L'édifice le plus ancien, bâti, comme nous l'avons dit, sous
le règne de Louis XIII, par les soins de Philippe Cospéan,
ou Cospeau, évoque de Lisieux (1), offre tous les caractères
archilectoniques des constructions civiles élevées dans la pre-
mière moitié du XVIIe siècle. Il est construit en briques et
pierres formant bossages et couronné de belles lucarnes en
pierre, les unes véritables, les autres simulées, terminées alter-
nativement par un fronton circulaire et triangulaire se déta-
chant sur le toit.
La façade principale, d'une architecture élégante et sévère,
mesure 120 pieds de longueur; sa largeur est de 21 pieds 9
pouces. La hauteur, jusqu'à la corniche, est de 29 pieds. Elle
estdhisée en deux parties égales et symétriques par un pavillon
élégant, percé au rez-de-chaussée d'une porte à deux vantaux
(1) Une notice biographique sur cet évoque, qui est né à Mons
(Belgique), a été publiée, il ) a quelques années, duns V Iconographie
montohe. Elle est accompagnée d'un portrait aullienlique de l'illustre
prélat .
2kk STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS,
qui donne accès dans la cour principale du palais. Cette porte,
qui mesure 7 pieds et demi de haut sur 5 pieds de large, a
conservé sa décoration primitive: « les vantaux sont composés
« de deux panneaux d'assemblage avec bossage en croix par
« derrière et guichet ouvrant dans un des vantaux. » Le
tympan à jour est garni de barreaux de bois faits au tour,
d'une forme curieuse. Deux pilastres doriques accompagnent
celte porte. L'étage supérieur, décoré de deux pilastres
d'ordre ionique, offre une haute fenêtre à arc surbaissé,
accompagnée de deux niches cintrées que surmonte un vase
à fleurs autour duquel s'enroule une draperie. Une grande
lucarne cintrée, en pierre, coupe la frise, décorée de gracieux
rinceaux, et fait saillie sur le toit qui est très-incliné.
Le bâtiment dont nous faisons la description présente, de
chaque côté du pavillon, un rez-de-chaussée très-élevé qui
était éclairé à gauche seulement, dans la partie supérieure, par
des fenêtres carrées laissant pénétrer le jour dans une galerie
qui occupait primitivement toute la largeur de l'édifice et
servait de promenoir à l'évêque. Les fenêtres que l'on voit du
côté du parvis sont simulées.
L'étage supérieur était éclairé par douze fenêtres, y com-
pris celle du pavillon central. Ces fenêtres, dont les vantaux en
bois étaient cruciformes, sont plus hautes que larges et d'une
forme gracieuse.
La corniche, supportée par de belles consoles , est inter-
rompue, ainsi que nous l'avons dit, par des lucarnes en pierre.
Un comble en charpente à double égout, dont le faîte était
garni de plomb, couronne l'édifice.
La façade opposée, d'un aspect plus sévère, se développe
sur la cour principale du palais.
De chaque côté de la porte règne une galerie qui occupait
dans l'origine, ainsi que nous l'avons dit, toute la largeur du
bâtiment. Cette galerie est décorée d'arcades cintrées, d'ordre
CANTON DE LISIEUX , 2e SECTION. 2ft5
toscan, reposant sur des piliers de forme circulaire, ornés
de pilastres garnis de bossages.
La galerie placée à droite de la porte d'entrée était sur-
montée d'une grande pièce qui contenait la bibliothèque de
l'évêque. Celte bibliothèque formait une longue galerie,
éclairée par treize fenêtres ou croisées « ouvrantes à deux
vantaux avec imposte vitré », six du côté de la place et sept
sur la cour d'honneur. Des armoires grillées, contenant les
livres, étaient appliquées contre les trumeaux. Le plancher
supérieur était apparent ; il était soutenu par neuf poutres
saillantes, ou sommiers, et garni de nombreuses poutrelles ou
solives. Le plancher inférieur était recouvert de petits car-
reaux ou pavés en terre cuite émaillée.
Le long bâtiment (aujourd'hui à usage de prison) qui
s'élève à l'ouest, en retour d'équerre, se termine à Tune de
ses extrémités, du côté de la place, par un pavillon en pierre,
couronné d'un fronton, lequel est bâti sur l'emplacement d'un
pavillon plus ancien qui complétait de ce côté la façade que
nous venons de décrire. Au-dessous du cadran solaire appliqué
contre le mur on lit l'inscription suivante :
SOL AUDET
DICERE FALSUM.
Ce bâtiment, qui mesure 138 pieds de long sur 20 pieds de
large, servait de communs.
La façade principale, qui regarde la cour, est construite
en brique et pierre, dans le style du XVIIIe siècle. Les
fenêtres sont à cintre surbaissé. La façade opposée, construite
en grand appareil, se développait sur l'ancienne rue Cardin-
Martin qui formait un impasse. On voit encore la trace de
quelques-unes des fenêtres supérieures qui éclairaient cette
façade. Un comble en mansarde, couvert en ardoise, avec
croupe à chaque extrémité, termine ce bâtiment.
246 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
L'édifice qui s'élève à droite de la cour principale du
palais a élé construit, comme nous l'avons dit, par Léonor
II de Matignon en 1680, ainsi que l'atteste un manuscrit du
temps que nous avons consulté, et non en 1697, comme l'a
écrit M. Guilmeth dans son Histoire de Lisieux (1).
La façade principale, bâtie en brique et pierre, dans le
goût de l'époque , est greffée sur l'ancien palais du XIIe
siècle dont les gros murs ont été conservés, ainsi que l'attes-
tent les ogives en forme de lancettes, incrustées dans le mur
oriental, que j'ai signalées au commencement de celte notice.
Cette façade se compose : 1°. d'un rez-de-chaussée très-
élevé qui a été modernisé ; une partie de ce rez-de-chaussée
formait le soubassement de l'ancien corps-de -logis de l'évêque,
dont la façade regardait le jardin ; 2°. d'un étage au-dessus
éclairé par de hautes fenêtres carrées; 3°. enfin, par un der-
nier étage, très-bas, placé sous les combles, formant une
espèce d'attique, percé de fenêtres en brique à cintre sur-
baissé. Ces fenêtres remplacent probablement de grandes
lucarnes en maçonnerie qui devaient faire saillie sur le toit.
Les trumeaux qui séparent les fenêtres de l'étage prin-
cipal sont décorés de grands panneaux en pierre, à angles
rentrants, terminés par un cintre à chacune de leurs extré-
mités. D'autres panneaux plus petits, séparés par des têtes
de lion exécutées en haut-relief, ornent la partie du mur
comprise entre le premier étage et l'étage supérieur.
Un escalier monumental en pierre, d'une seule volée et
d'une grande hardiesse d'exécution, conduit au premier étage,
formé de plusieurs belles pièces, dont nous parlerons bientôt.
La rampe en fer forgé et embouti, œuvre remarquable de la
serrurerie du XVIIe siècle, offre, dans la partie supérieure, les
lettres L et M entrelacées,
(1) Histoire de Lisieux, p. 164.
GANTOIS DE LIS1EUX , 2K SECTION. 2a 7
Cet escalier, autrefois placé dans l'angle formé par les deux
corps de bâtiments qui constituaient le logis de l'évêque, mesure
30 pieds de large sur 32 pieds de long. Il est éclairé, du côté de la
petite cour , par deux grandes fenêtres cintrées , géminées ,
qui se divisent chacune en deux baies, également à. plein-
cintre , surmontées d'un large tympan d'une forme peu com-
mune.
Une grande lanterne octogone, couverte en tuile, surmon-
tait l'escalier. Cette lanterne, qui a été démolie en 1808 et
remplacée par un simple plafond, était construite en colombage
et percée de « seize croisées, cintrées dans la partie supé-
« Heure, ayant chacune six pieds de haut sur deux pieds de
« large. Elle offrait, en outre, huit grandes ouvertures carrées
« de U pieds de large sur 6 de hauteur ». Le plafond, en forme
de dôme, était peint à fresque. Les parois offraient quatre
tableaux allégoriques , représentant les quatre saisons de
l'année. Ces peintures largement exécutées, produisaient,
dit-on , un grand effet. La couverture de la lanterne mesurait
38 toises superficielles (228 pieds).
L'escalier que nous venons de décrire conduisait seulement
au premier étage du bâtiment qui donnait sur la cour ; le
palier supérieur, de niveau avec la terrasse, fore lit le rez-
de-chaussée de la façade qui regardait le jardin.
Salle du Synode. — L'ancienne salle d'assemblée ou du
Synode (aujourd'hui la salle d'audience du tribunal civil),
placée au haut de l'escalier à gauche, est éclairée, du côté de la
cour principale , par quatre grandes croisées avec imposte
et par une fenêtre semblable donnant sur la basse-cour.
Cette vaste salle, dans laquelle on accède par une porte
à deux vantaux donnant sur l'escalier, mesure kk pieds de
long sur 20 pieds de large. Elle était parquetée et « plafon-
née en impériale ». Le mur qui fait face aux fenêtres était
revêtu d'un lambris en chêne, à hauteur d'appui, et couvert
248 STATISTIQUE MONUMENTALE F)U CALVADOS.
d'une belle tapisserie représentant les chasses de François Ier.
Le trumeau des fenêtres était garni de cuir gaufré et doré.
Un grand portrait équestre de Louis XIV occupait le fond de
la salle, dont la décoration sévère était parfaitement appropriée
à sa destination.
La voûte en charpente delà grande salle du Synode était en
contre-bas du plancher supérieur d'environ un pied au-dessous
des sommiers. Le plancher du grenier, placé au-dessus de
cette voûte , est supporté par six sommiers. Sur quatre de
ces sommiers sont assemblées les fermes de la charpente.
Entre la salle du Synode et l'ancienne chambre dorée,
placée à l'extrémité du bâtiment près de la cathédrale, était
la chambre rouge (aujourd'hui chambre du Conseil).
Cette chambre , jadis éclairée par deux fenêtres du côté de
la cour principale (l'une de ces fenêtres a été bouchée) ,
était ornée d'un grand tableau peint à l'huile, représentant
Jupiter allaité par la chèvre Amalthée. Les murs étaient
revêtus de tapisseries de haute-lice. La principale tapisserie
représentait l'histoire de Troie ; l'autre tapisserie, la suite des
chasses de François Ier.
Chambre dorée. — L'ancienne chambre dorée (aujour-
d'hui appelée salle dorée) rivalisait, parla richesse de sa déco-
ration et le luxe de son ameublement, avec les appartements
les plus somptueux des palais de nos rois. Cette chambre
était réservée aux princes et aux personnages de distinction
qui descendaient à l'évêché (1). Quatre grandes portes à deux
vantaux, avec chambranle doré, donnaient accès dans cette
pièce, éclairée par deux croisées, l'une sur la grande cour,
l'autre sur la basse-cour. Deux de ces portes sont aujourd'hui
condamnées.
(1) Le 18 mai 1151 , Henri II, roi d'Angleterre, épousa, à Lisieux»
Éléonore de Guyenne, que Loui&-!e- Jeune avait répudiée.
CANTON DE LISIEUX*, 2e SECTION. 2M)
Le plafond à caissons est couvert de peintures polychromes
et en camaïeu, exécutées par les meilleurs artistes de l'époque.
Au centre est un grand médaillon quadrilobé, entouré d'une
guirlande de feuilles de chêne. Des anges, tenant dans leurs
mains les divers attributs de l'épiscopat, occupent le fond du
tableau. L'un de ces anges supporte l'écusson de Léonor II
de Matignon.
De chaque côté de ce tableau se développe un grand pan-
neau qui renferme un médaillon en grisaille, de forme ovale,
représentant un groupe de personnages de l'antiquité. Au
bas de ces panneaux sont nonchalamment étendues deux
espèces de sirènes, la poitrine entièrement découverte. La
partie inférieure représente le corps d'une panthère.
Deux grands panneaux carrés, à angles rentrants, décorent
chacune des extrémités du plafond. Ces quatre panneaux
offrent chacun un médaillon circulaire, exécuté en grisaille ,
lequel forme , avec les deux médaillons précédents , une
série de petits tableaux représentant des sacrifices. Les per-
sonnages qui composent les groupes sont vêtus de longues
robes ou tuniques, qui rappellent la peinture antique. De
curieux mascarons, munis d'une large collerette, se relient à
ces médaillons.
L'intervalle qui sépare ces panneaux est rempli par des
ornements en forme de cuirs et décoré de têtes de lion en haut-
relief, dans la gueule desquelles est passe un anneau qui servait
à suspendre un lustre ou une couronne de lumière.
Les autres panneaux qui décorent le plafond sont couverts
de rinceaux et de feuillages entrelacés, exécutés en camaïeu,
les uns sur fond rouge, les autres sur fond d'azur.
Un tableau représentant, dit-on, la découverte du feu
décore le manteau de la cheminée. Ce tableau remplace une
toile plus ancienne sur laquelle était peint un obélisque. Sur
les côtés de la cheminée sont représentés deux magnifiques
250 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
vases à fleurs, d'une grande richesse de dessin et d'une forme
très-gracieuse.
Un lit en damas vert galonné d'or, surmonté « d'une impé-
riale » portée sur des colonnes tournées, était placé en face
la cheminée. On voyait encore dernièrement, dans la partie
supérieure du mur contre lequel il était adossé, les anneaux
qui servaient à retenir les pentes ou rideaux.
Les murs, revêtus d'un lambris peint et doré à hauteur
d'appui, étaient couverts de belles tapisseries. L'une de ces
tapisseries représentait la première partie de l'histoire de
Troie; l'autre, la suite des chasses de François Ier. Des têtes
de lion en grisaille, se détachant sur un fond rouge, déco-
rent la frise couverte de légers rinceaux. Deux petits anges,
tenant les lettres entrelacées L. M., ornent Ja partie de la frise
qui surmontait le lit.
Les portes sont entourées d'une magnifique guirlande de
feuilles de chêne. Les vantaux offrent des compartiments, à
angles rentrants, couverts de peintures à fond d'or simulant
des imbrications. Différents sujets empruntés à l'histoire de
l'Ancien-Testament ( le fils de ïobie, conduit par l'archange
Raphaël; le faux prophète Balaam; les Hébreux dans le
désert recueillant la manne) décorent les-dessus de porte.
Les deux fenêtres ou croisées qui éclairent cette salle sont
revêtues de volets, dont les panneaux sont couverts de feuil-
lages, largement exécutés, faits pour produire de l'effet au
dehors.
Cette magnifique salle, qui mesure 26 pieds 3 pouces de
longueur sur 28 pieds 7 pouces de large, vient d'être res-
taurée aux frais du département. Des cuirs gaufrés et dorés,
remplacent les anciennes tapisseries de haute-lice. Les carya-
tides qui supportent le manteau de la cheminée sont mo-
dernes. On aperçoit encore au fond de cette cheminée l'an-
cienne plaque armoriée.
CA.\TO> i>fc LlSiLUX, 2e SECTION. 251
Le grand corps-de-logis qui formait retour sur la terrasse,
et faisait face au parterre ou jardin principal, a été démoli,
comme nous l'avons dit, en 1808. Il mesurait 24 toises de
longueur (144 pieds) sur 30 pieds de haut, à partir de la ter-
rasse jusqu'à la corniche de l'entablement qui se raccordait
avec celle du bâtiment dont la façade regarde la grande cour.
Cet édifice, qui était construit en brique et pierre, était
composé de trois étages, y compris le rez-de-chaussée ou
soubassement qui était de niveau avec celui du bâtiment que
je viens de décrire. Le rez-de-chaussée renfermait la cuisine,
de forme irrégulière, la cave et le cellier. L'étage au-dessus
formait le rez-de-chaussée du côté de la terrasse.
La façade principale, qui regardait le parterre, était éclairée
à chaque étage par douze croisées ou ouvertures, non compris
celles du pavillon central.
Au centre du bâtiment s'élevait en avant-corps un grand
pavillon, précédé d'un perron qui avait 34 pieds de long sur
15 de large. Ce pavillon était couronné d'un fronton orné de
statues en terre cuite provenant de la fabrique du Prédauge,
qui jouissait au XVIP siècle d'une grande célébrité. Il était
surmonté d'un comble en charpente « en impériale», au-
dessus duquel apparaissait le grand dôme qui surmontait
l'escalier.
Ce rez-de-chaussée offrait plusieurs belles pièces, enlr'au-
tres une grande salle à manger, placée au milieu de la façade
et dont l'entrée principale était sur le palier du grand escalier.
Cette salle, pavée en grands carreaux de pierre de Caen et
en petits carreaux de marbre rouge, contenait 29 pieds de
long sur 24 de large. Elle était éclairée par deux grandes
fenêtres cintrées et deux petites fenêtres carrées. Une porte
vitrée donnait sur le jardin.
A droite de la salle à manger se développait une grande
pièce, éclairée par six croisées, du côté de la terrasse.
252 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Un grand salon de réception, appelé le cabinet d'assemblée,
était placé à l'extrémité occidentale de la façade. Il était
éclairé par s quatre grandes croisées à glace, » dont deux
s'ouvraient sur la grande cour et les deux autres sur la ter-
rasse. Cette pièce, meublée avec un certain luxe, était par-
quetée et entourée d'un lambris en chêne à hauteur d'appui,
orné de pilastres dans les angles. La corniche était dorée. Le
plafond était orné d'un cul-de-lampe ou pendentif auquel
était suspendu un lustre. Contre les murs étaient appliqués
de nombreux tableaux, offrant pour la plupart des sujets
religieux, parmi lesquels on remarquait un saint Sébastien,
estimé dans un inventaire 5,000 livres, somme énorme pour
le temps. Ce tableau, qui fait l'admiration des connaisseurs,
est aujourd'hui placé dans l'église St-Pierre.
A l'extrémité opposée était un grand cabinet, appelé le
cabinet des colonnes. Deux colonnes isolées, placées dans le
fond, décoraient celte pièce, k côté était la chambre à coucher
de l'évêque.
L'étage au-dessus de l'entre-sol était composé de cinq
grandes chambres, séparées par un large vestibule qui était
placé sur la salle à manger. Ce vestibule était éclairé par trois
grandes croisées donnant sur le jardin et par quatre oculus,
ou œils-de-bœuf, percés dans la voûte en forme de dôme. Il
était pavé en grands carreaux de terre cuite.
Cet étage était surmonté de mansardes.
Une grande pièce placée au-dessus du cabinet d'assemblée
servait de garde -meubles. Celte pièce, qui était éclairée par
deux lucarnes sur le jardin et deux autres sur la cour, conte-
nait 27 pieds de long sur 20 de large.
La galerie qui surmontait le vestibule communiquait
avec un autre garde- meubles, de 18 pieds de large sur 20
pieds de long, lequel était éclairé du côté du jardin par deux
lucarnes semblables aux précédentes.
CANTON T)E L1SIEUX , 2e SECTION. 253
Quatre chambres, dont la plus grande mesurait 20 pieds
de long sur 9 pieds 6 pouces de large, occupaient l'espace
compris entre ces deux pièces.
Ce bâtiment était couvert en ardoise du côté du jardin. Le
dôme qui surmontait le pavillon central, faisant saillie sur la
terrasse, était aussi revêtu d'ardoises simulant des écailles
de poisson. Les mansardes et « le brè.zit •> au-dessus, du côté
opposé au jardin, étaient couverts en tuiles (1).
L'édifice actuel, bâti sur l'emplacement de cette somp-
tueuse demeure, renferme le musée (2) et la bibliothèque. Le
rez-de-chaussée, élevé en 1808, est affecté aux différents ser-
vices du Tribunal de commerce.
Jardins. — Les jardins de l'évêché, dessinés, dit-on, par
Le Nôtre, étaient magnifiques.
Ces jardins, ornés de bassins, de fontaines et de statues, se
divisaient en trois parties distinctes: le Parterre; le jardin
supérieur ou Jardin des cascades, et le jardin inférieur appelé
la Couronne.
Le Parterre, ou jardin principal, se développait devant la
façade du palais. Il était précédé d'une double terrasse, avec
glacis en gazon, coupée au milieu par deux grands escaliers
en pierre, composés chacun de huit marches. Ces deux esca-
liers, qui reliaient la terrasse principale au parterre, étaient
(1) Il existe un ancien dessin, à l'aquarelle ou a la gouache, de la
façade du principal corps-de-logi* et d'une partie des jardins, par
M. Fontaine, architecte.
(2) Ce musée, créé en 1837, possède plusieurs bonnes toiles, en-
tr'autres un magnifique tableau d'Hippolyte Flandrin, représentant
Jésus-Christ bénissant, les petits enfants; Tubie ensevelissant les morts,
par Dubufe; Jean Le Hinnuyer , évoque de Lisieux, sauvant les pro-
testants du massacre de la St- Barthélémy, par Gosse; deux anciennes
toiles, par Bon Boullongne , etc.; le modèle en plâtre du lion de
Barye , etc.
25U STATISTIQUE MONUMENTALE OU CALVADOS.
décorés de statues eu plomb ei de lions. Les statues, posées
sur un piédestal en pierre, représentaient des sirènes.
Vers l'extrémité du parterre s'étendait un bassin, de forme
quadrangulaire, d'où jaillissaient trois jets d'eau qui entrete-
naient la fraîcheur au sein de cette délicieuse promenade.
Cette pièce contenait 16 toises de largeur (96 pieds) sur 23
toises 2 pieds de long (\k0 pieds). « Elle était revêtue, dans
« son pourtour, de murs avec tablette en pierre par dessus ».
( Inventaire déjà cité. )
Sur les côtés du jardin se développaient deux belles pelouses,
décorées de quatre statues en pierre placées sur un piédestal.
Deux grandes allées de tilleuls s'alignaient sur les côtés dn
parterre, fermé au nord par un grand mur en terrasse qui
faisait partie des fortifications de la ville. La partie centrale
de ce mur faisait saillie sur le chemin de ronde , au-delà
duquel s'étendait la riche et plantureuse vallée de Touques.
Le jardin supérieur ou des cascades, formé de nombreuses
terrasses et de parterres bordés de charmilles, s'étendait au
nord et à l'est jusqu'aux anciens murs de la ville. Il était
fermé au midi, du côté de la cathédrale, par un mur en ter-
rasse qui s'étendait jusqu'au mur de clôture du doyenné.
A l'extrémité d'une des terrasses s'élevait un pavillon octo-
gone, appelé le Belvédère. Ce pavillon, construit en pierre,
était surmonté d'un dôme en impériale, revêtu d'ardoises. Il
était éclairé par six croisées « ouvrantes à coulisses et voûté
en calotte». Le mur qui soutenait la terrasse était bâti sur
remplacement d'une ancienne tour, qui faisait partie des
fortifications de la ville.
L'escalier en pierre par lequel on accédait au belvédère
était séparé en deux parties par un palier de repos On comptait
seize marches pour la première hauleur et six marches pour
la seconde hauteur , avant d'atteindre la terrasse supérieure.
La cascade principale était garnie « de quatre jets d'eau,
CANTON DE L1S1EUX, 2e SECTION. 255
« une gerbe et cinq masques avec deux chutes supérieures,
« supportées par deux massifs de maçonnerie avec pierre de
« taille formant bastion, colonnes et avant-corps, garnies de
« nappes de plomb ».
La première contenait 18 pieds et demi de long sur 10
pieds de large, y compris l'emplacement de la seconde chute
qui offrait 9 pieds de long sur 4 pieds de large.
a Au bas était un bassin formant miroir, de 2U pieds de
« long sur 15 pieds et demi de saillie dans le milieu, au-
k devant de la cascade ». Ce bassin était revêtu de pierres de
taille.
La première cascade avait 5 pieds k pouces de haut; la
seconde, h pieds 9 pouces. Une coquille en plomb, placée dans
la grande cour d'entrée du palais, recevait les eaux de décharge
de cette cascade.
Le mur de clôture, formant terrasse, qui s'élevait à l'extré-
mité du bâtiment servant de communs , du côté de l'ancien
impasse « Cardin- Martin, » était construit en caillou et
moellon.
L'escalier placé près de ce mur permettait de descendre
dans le jardin inférieur, nommé la Couronne. Cet escalier
était composé de 30 marches en pierre avec un palier de repos
au milieu, sur lequel était établie une charpente qui soute-
nait une porte à claire-voie garnie de barreaux de bois tour-
nés. Cette porte, qui fermait le jardin, était surmontée d'un
toit couvert en tuiles
La grande pièce d'eau qui ornait le jardin de la Couronne
contenait 31 toises (186 pieds) de long sur 26 toises (156
pieds ) de large à une extrémité, et 6 toises (36 pieds) à
l'autre bout. De cette pièce jaillissaient neuf jets d'eau.
Les murs qui entouraient ce jardin étaient garnis d'espa-
liers. L'un de ces murs, construit en moellon et silex avec
parement en brique, faisait partie de l'enceinte de la ville.
256 STATISTIQUE iMONUMENTALE DU CALVADOS.
Le mur de clôture', du côté de l'ancienne place de la porte
de la Chaussée, était construit en brique. Dans ce mur était
pratiquée une porte à deux vantaux.
Le jardin actuel, qui occupe l'emplacement de l'ancien
parterre, a été livré au public en 1837.
Ce magnifique jardin, dessiné à la française, présente deux
vastes pelouses entourées de plates-bandes symétriques et sé-
parées par un bassin circulaire muni d'un jet d'eau. Sur les
côtés s'alignent plusieurs allées de marronniers.
Au midi se développe une belle terrasse au centre de
laquelle s'élève le nouveau musée, que domine la mas»e sévère
et imposante de la cathédrale.
Officialité. — Le bâtiment de l'Officialité s'élevait sur la
grande place, en face la cathédrale.
Ce bâtiment, construit partie en maçonnerie, recevant un
colombage, était couronné d'un comble en charpente cou-
vert en tuile. H contenait 7 toises 4 pieds de long (46 pieds)
sur 18 pieds de large dans œuvre.
Le petit bâtiment qui était placé en retour servait de cha-
pelle.
Le Doyenné. — Le beau bâtiment, dans le style fleuri de
la seconde moitié du XVIIIe siècle, qui était habité par
le haut-doyen de la cathédrale, dominait, ainsi que nous
l'avons dit plus haut , l'ancien jardin supérieur ou des Cas-
cades.
Cet édifice, qui est encore debout, était entouré d'un beau
jardin dessiné à la française. Il sera décrit dans la partie de
la Statistique consacrée à l'architecture civile et domestique.
Chapelle de l'ancien palais cpiscopal (1). — Cette chapelle,
(i) La description de cette chapelle est de M. le docteur Billon.
CANTON DE LISIEUX , 2e. SECTION. 257
dédiée à saint Paul, s'élevait au nord de la cathédrale et vers
l'extrémité orientale du grand édifice construit par Matignon II
en 1080, sur la terrasse qui dominait les magnifiques jardins.
Klle avait l'orientation liturgique, si favorable à la perspec-
tive des édifices gothiques. Des divers points du vaste jardin
et de la riche vallée de Touques , on apercevait la blanche
silhouette de son abside se dessiner sur la façade rembrunie
du transept de la cathédrale.
Elle eut pour fondateur Guillaume d'Asnières, qui gouverna
l'églisede Lisieux depuis 1285 jusqu'à 1298 (1). C'était l'épo-
que la plus brillante de l'incomparable architecture du XIIIe.
siècle. L'élégance et la grâce produite par la pureté des lignes
se mariaient à une riche ornementation architecturale. Nous
en avons eu la preuve dans un chapiteau dont nous avons
fait un dessin et que nous avons sauvé de la destruction.
Nous avons eu le bonheur de contempler bien des fois ce
charmant sanctuaire, à une époque où les reflets de son glo-
rieux passé resplendissaient encore d'un vif éclat. L'aveugle
cl stupide vandalisme, qui l'a si inutilement renversé, s'exer-
çait à l'aurore de cette grande réaction réparatrice qui a con-
servé à la France tant de monuments précieux. Notre pays
doit être fier d'avoir été le berceau de cette croisade intelli-
gente contre l'ignorance et la barbarie des derniers siècles, dont
MM. de Caumont et A. Piel ont été les plus ardents promo-
teurs.
Cet édifice présentait en plan un long parallélogramme, ter-
miné à l'orient par trois pans. Sa longueur dans œuvre était
de H toises (06 pieds) ; sa largeur, de 20 pieds 0 pouces.
Cette largeur était à peu près le tiers de la longueur totale, et
(1) Struxit capellam S. Pauli in aedibua episcopalibus, quorum in
principali \iiro effigies pjus et slemma deninguntnr [Gàtlia c/im-
17
258 STATISTIQUE MONUMENTALE OU CALVADOS.
trois fois cette largeur devaient donner la hauteur de l'édifice
sous clef de voûte.
Comme la plupart des palais épiscopaux élevés dans les villes
romaines, celle chapelle était bâtie sur d'anciennes fortifica-
tions. Elle se composait de deux étages. L'étage inférieur,
haut d'environ 5 mètres, servait à la fin du dernier siècle de
magasin. Cet étage était séparé de la chapelle supérieure par
un plancher en charpente formé de neuf travées et soutenu
par des sommiers reposant, vers le milieu, sur des poteaux en
CANTON DE LfSIElX , *>p. SECTION. 259
bois surmontés de potences destinés à augmenter leur solidité.
Le plancher était, à l'intérieur de la chapelle, recouvert d'un
grand parquet d'assemblage. Cette espèce de rez-de-chaussée
s'ouvrait sur une cour sombre et humide.
On accédait à la chapelle par un vestibule qui s'ouvrait
sur le grand palier de l'escalier d'honneur. Ce vestibule
était pratiqué dans un bâtiment long d'environ 50 pieds,
lequel était situé entre la cage de l'escalier et la chapelle. Il
était éclairé par quatre fenêtres qui regardaient la cathédrale.
De là , on montait dans la chapelle par neuf marches en
pierre.
Les murs latéraux étaient chacun percés primitivement de
sept fenêtres. Le chevet offrait trois ouvertures. Du côté
septentrional, quatre fenêtres avaient été bouchées par la
grande construction dont nous avons parlé, trois seulement re-
cevaientla lumière Ces fenêtres, très-élancées, étaient partagées
par un meneau. Le tympan était décoré de trèfles et de qualre-
feuilles. Les archivoltes, à l'intérieur et à l'extérieur, étaient
entourées de nombreux tores reposant sur des colonnettes
dont les chapiteaux étaient habilement fouilles. Ces chapiteaux
étaient composés de deux rangs de feuillages dont la tige
devenait cordiforme. La largeur de ces fenêtres était de U
pieds. Nous en avons trouvé la preuve dans un ancien devis.
Des vitraux de couleur décoraient les fenêtres, sur lesquelles
était représentée l'effigie du donateur, ainsi que son blason.
Les murs, très-épais, étaient construits en blocage avec pare-
ment de pierre de taille. Ils étaient privés de contreforts, ce
qui s'explique par l'absence de voûte en pierre ; quelques
contreforts réparés avec de la brique épaulaient seulement le
rez-de-chaussée. Cette chapelle, primitivement couverte en
tuiles, fut revêtue d'ardoises en 1(381 par Matignon 11. La
charpente était formée de chevrons portant ferme. Trois
entraitsavec poinçons soutenaient le so;is-faîte et des arceaux
260 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
de bardeau et couvre-joints formaient une voûte ogivale. Cette
voûte était peinte en bleu et semée d'étoiles. Le sous-faîte
était garni de culs-de-lampe. Le poinçon placé à la croupe
de l'édifice devait être surmonté d'un épi ou d'une statue.
A l'intérieur, le mur méridional était décoré , au-dessous
des fenêtres, d'arcatures de 2 pieds et demi de hauteur sur
une longueur de 9 pieds.
L'ameublement primitif avait été remplacé sous le règne de
Louis XIV.
u Le sanctuaire était élevé de six marches en parquet. Le
«■ marche-pied de même.
« L'autel et le conire-rétable en menuiserie étaient isolés,
a de la longueur d'un cul-de-lampe , pour former sacristie
« derrière avec deux portes.
« Au-dessus du tabernacle est un grand tableau représen-
« tant la Nativité. Aux deux côtés, sur les portes, sont deux
« autres tableaux représentant deux évangélistes.
u L'autel est orné de quatre colonnes avec corniche, le
« tout peint et doré (1). »
Des blasons étaient peints sur les fenêtres de cet édifice, qui
a été détruit en 1835 (2).
Sur remplacement de cette chapelle on a bâti, contraire-
ment à toutes les lois de l'hygiène, une caserne de gendar-
merie, qu'il est question d'abandonner.
Su -Germain (3). — Lisieux possédait trois églises paroissiales.
La principale n'existe plus : elle a été démolie en 1798 pour
faire une place. Elle était située au centre de la ville, devant
(1) Manuscrit cité.
(2) Le 30 juin, le clergé de l'église cathédrale se rendait procession-
nellement à cette chapelle où Ton chantait la messe du jour en mu-
sique (Vies des saints Patrons du diocèse de Lisieux, p. 72).
{3) Notes de M. Charles Vasseur.
CANTON DE LISIEUX , 2e. SECTION. 261
le parvis de la cathédrale et était consacrée à saint Germain.
Sa fondation devait remonter à une époque reculée ; mais ,
reconstruite en majeure partie au XVe. siècle , sa dédicace
fut célébrée le 2 juin 1540. Les souvenirs auxquels j'ai fait
appel sont trop vagues pour permettre de reconstituer son
ordonnance et de décrire son ornementation. Il en résulte
seulement qu'elle avait une grande richesse de décoration ,
des vitraux , des galeries sculptées et un portail superbe , à
l'extrémité de son transept sud, sur la grande rue.
Quatre des stalles de St. -Germain sont maintenant dans
l'église de St.-Mards-de-Fresne. Elles datent du règne de
Louis XIV.
La clôture du chœur se composait de légères colonneltes
corinthiennes, à cannelures, reliées, sans doute, par un en-
tablement classique. Le rétable du maître-autel consistait en
six colonnes corinthiennes de 10 pieds de hauteur, doublées
de pilastres , qui portaient un entablement semi-circulaire
avec baldaquin.
La croix du cimetière datait de l'époque gothique. On y
faisait une station à la procession générale du dimanche des
Rameaux.
Les fonts baptismaux en pierre, de forme octogone et d'un
diamètre considérable, gisent au milieu d'une cour de la ban-
lieue, où ils servent pour abreuver le bétail. Quatre chapi-
teaux sculptés, adhérents à la vasque, font reconnaître qu'elle
était soutenue par quatre colonneltes, indépendamment du
pied central, nécessaire pour l'écoulement de l'eau.
Quatre belles tapisseries de haute-lice , représentant la
parabole de l' Enfant-Prodigue , ornaient le chœur aux fêtes
solennelles.
St. -Jacques possède deux petits reliquaires en bois doré ,
du XVIIIe. siècle , que l'on dit provenir de St. -Germain. Ils
auraient été faits en 1717 pour contenir les reliques de saint
2 2 STATISTIQUE MOMJMKM'ALli DU CALVADOS.
Victor et saint Constant, sainte Fructuose et sainte Jocoude,
rapportées de Rome , dans cette année-là , par un habitant
de Lisieux , nommé Trouplin.
La tour de St. -Germain, située à l'angle nord-ouest de
la construction , contenait une sonnerie remarquable , dont
M. le docteur Billon a retrouvé deux ou trois cloches égarées
dans des clochers de campagne, et dont il a esquissé l'histoire
dans ses intéressantes Notices sur l'art campanaire.
Le patronage de cette église appartenait au chanoine pré-
bende du titre. Le clergé était nombreux.
St. -Jacques. - Plus heureuse que la précédente , l'église
St. -Jacques a échappé à la démolition ; elle a même conservé
une partie de son ancienne splendeur. D'abord simple cha-
pelle, agrandie en 1132, elle fut reconstruite de fond en
comble à la fin du XVe. siècle. La première pierre en fut
posée, en 1496, par le curé et les trésoriers en charge; cinq
ans suffirent pour son achèvement, car tous les vitraux du
chœur sont datés de 1501. Cependant elle ne fut dédiée so-
lennellement que le 1er. juin 1540. Elle eut pour architecte
Guillemot de Samaison , bourgeois de Lisieux. Bien qu'il
n'ait jamais pris d'autre qualification que celle de maître
maçon, c'était néanmoins un homme de talent: St.-Jacques
et les autres monuments qu'il a élevés à Lisieux sont là pour
l'attester.
Il ne faut point chercher dans cette église la profusion ,
souvent fatigante , de sculptures qui envahit, à l'extérieur
comme à l'intérieur , la plupart des monuments de la der-
nière époque ogivale : des pinacles collés sur les faces trian-
gulaires des contreforts, des clochetons carrés dont la pyra-
mide est garnie de feuilles frisées, voilà le luxe d'ornementation
qui se voit à l'extérieur. Les portes latérales n'ont que des
moulures. Le portail principal est trop mutilé pour qu'on
CANTON DE LISIEUX , 2e. SECTION. 263
puisse soupçonner son ordonnance. Les amorces qui subsis-
tent encore semblent indiquer qu'il y avait des statues dans
les ébrasures , et une série de statuettes dans les archivoltes.
La tour est restée inachevée. Il a été question dernièrement
de lui donner un couronnement. M. Bouet avait fait un joli
projet, que n'aurait pas désavoué Guillemot de Sa maison ;
jusqu'à présent M. le Curé n'a pas jugé à propos d'y donner
suite.
Le plan de St. -Jacques est simple et les proportions har-
monieuses. C'est un parallélogramme, divisé en trois nefs
accompagnées de chapelles. Un chevet à pans coupés, à deux
étages de fenêtres, termine le chœur. Les bas-côtés sont
fermés, au uiveau du sanctuaire , par un mur droit. Toutes
les fenêtres sont flamboyantes , à nombreux meneaux. Des
ares-boutants soutiennent la poussée des grandes voûtes et
servent en même temps d'ornement à l'extérieur. Une galerie
de pierre à compartiments flamboyants évidés à jour règne
entre les contreforts, au-dessus des bas-côtés et au chevet du
chœur. Des gargouilles sculptées déversent l'eau des chenaux
loin du pied de l'édifice.
A l'intérieur, les piliers des arcades de communication
sont cylindriques, avec bases octogones. Les ogives sont
garnies de moulures en pénétration. Sous le clérestory existe
une série d'arcalures trilobées, encadrées dans des moulures
prismatiques qui forment le triforium. Une galerie règne au
chevet; une balustrade flamboyante en pierre sert d'appui.
Les claveaux extérieurs des fenêtres du clérestory servent
de formeret à la voûte : de sorte qu'il n'y a aucun plein dans
les parties supérieures, si ce n'est les piles des arcs-dou-
bleaux. Cette disposition donne une grande légèreté à l'en-
semble. Les clefs de voûte sont, la plupart, chargées de bla-
sons des notables bourgeois de Lisieux qui avaient contribue
par leurs largesses a la construction de l'édifice. M. Ka\-
266 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
moud Bordeaux en a signalé un dans ses Etudes héraldiques
sur les monuments de Caen; nous le reproduisons ici.
Cette église, aussi bien que la cathédrale , mériterait une
monographie. Dans le cadre restreint qu'impose le plan de
cet ouvrage , il est impossible d'entrer dans les détails.
St. -Jacques a conservé de précieux restes de son riche
mobilier. Presque toutes ses fenêtres sont encore garnies de
fragments de verrières dont beaucoup pourraient être com-
plétées à coup sûr. Deux sont encore entières : celle de la
chapelle de la Charité, au bas du collatéral méridional, et
celle de la première fenêtre de la nef au nord. Cette der-
nière est une des pages les plus splendides qu'aient composé
les artistes de la Renaissance : elle représente une scène de
l'Apocalypse, la grande prostituée de Babylone. Elle aurait
besoin d'être consolidée , et il est surprenant que M. Jardin ,
curé actuel , qui a déjà fait tant de travaux utiles dans son
église , n'y ait pas songé. L'autre a été remise en plomb avec
beaucoup de soin il y a peu de temps. Elle représente un
miracle de saint Jacques d'après la Légende dorée. Les six
fenêtres du chevet sont garnies de verrières modernes exé-
cutées par MM. Marette et Duhamel , d'Évreux, à l'exception
du Crucifiement, qui est en grande partie ancien.
CANTON DE LISIEUX , 2e. SECTION. 265
Les stalles pourraient faire l'objet d'un travail spécial ;
elles sont au nombre de soixante-dix. Les stalles basses
viennent de l'abbaye du Val-Richer ; elles sont d'une très-
bonne exécution et datent du règne de Louis XIV. Les
stalles hautes, au nombre de quarante, remontent à la
Renaissance, et leurs miséricordes sont sculptées suivant le
goût de l'époque avec l'imagination la plus capricieuse.
De beaux lambris, des règnes de François Ier. ou de
Henri II, les garnissent à l'extérieur.
On a trouvé sous le badigeon, à divers endroits, des pein-
tures qui font supposer qu'une décoration polychrome avait
été donnée à toute l'église. Le Bulletin monumental en a
parlé en 1853. Cependant il est bon de répéter ici deux in-
scriptions obituaires qui ont été trouvées à peu près com-
plètes :
CY • DLL AT • SONT . INHUMES . ET . GISENT • LES • CORPS • DE •
VEN1''. PERSONNE . Me. GU1LLE • TIREL • EN . SON . VIUANT
PBRE • ET • CURE . DE • SAINCT • JOHAN • DE ' FAMILLY • ET • DE .
JEHANNB . FEME • DE • JOHAN • TIREL • MÈRE • DUD. • CURE • LESQLZ •
TRESPASSERENT • SCAUOIR • EST . LAD. . JRHANNE • LE • VE»li • XXIIIJe •
JOUR • DE • SEPTEMBBE • LAN • MIL • Ve • XVIJ • ET . LED. • CURE •
LE • MQUEDI • PENULTME. JO«. DE . JUIN • LAN • MIL '• Ve. LX • ET •
DE . JOHAN • TIREL • LAISNE • QUI • TRESPASSA • LE • MARDY • XMK •
JOLR . DE • DECEMBRE • LAN • MIL ■ V. XXJ (?) PRIE • DIEU • PB •
EULX • PATER NR • AVE • M.
PRES • CE . PILIER • AINCY • QUE • ME • SOUVIENS •
.... ET • DORMET • EN • TERRE • PLUS IS •
.... QURLZ • NE AS . MY ( .:. •
CAR • LEURS • AMYS • EN . ONT • EU • SOI VENANCE •
DONCQUFZ • LES . NOMS • RM • CEST • KSCRIPT • FASUIUK.r •
PRIONS • JESUS • QIKN • PAR\DIS • ILS • VIDENT •
LE • PREMIER • EST • ROGER • GOUPIL • COURTOYS •
BONE9TE • HOMME • ET • DE • LISIEUX • BOURGOYS .
QUI • DECEDA . AINCY . QUE • ME • REMEMBRE .
266 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
LE . DIMENCE • VINGT • ET • DEUX • DE • DECEMBRE •
EN • LAN . DE . GRACE • VOIRE . MILLE • ET • CINQ • CENS •
ET . OLIUIER • SON • FILS • COMe. JENTENS •
LE • DIMECE • PMIER . JOUR DE . JUILLET •
CINQ • CEIVS • XXIJ • DOULX • COM • VNS ♦ AIGNELET •
DAMOISELLE . MARIE • LE • CARPENT1KR •
Une troisième, également rimée, mais fort incomplète,
fait mention de la sépulture de maistre Loys Toustain ,
pbre. Vis-à-vis de la chaire, on a découvert un sujet assez
bien conservé et que l'on restaurerait facilement : il a 6 pieds
de hauteur et représente une Trinité avec des personnages en
prière ; il devait y avoir au-dessous une inscription tumulaire ,
mais on ne l'a point découverte. Il est impossible de décrire
toutes les statues du moyen-âge, les reliquaires du XVIIe.
siècle , et les deux petits autels à colonnes torses , qui , à
défaut de sujets plus importants , mériteraient d'attirer l'at-
tention. Cependant on ne doit point passer sous silence un
tableau fort curieux placé jadis dans la chapelle St. -Ursin de
la cathédrale, et nous ne pou\ons mieux faire, pour en
donner une idée , que de laisser la parole à maître Jean Le
Prévost, chanoine du diocèse de Lisieux, qui, dans son rare
et curieux petit livre intitulé : Les Vies des SS. Patrons
du diocèse de Lisieux (Lisieux, I.-A. Du Ronceray, 1750),
en a donné la description suivante :
« On y voit un tableau en long divisé en quatre
quarrés, au dessus des quels ont lit ces mots : Comment Les
Reliques de Monsieur S. Vrsin fuirent apportées par mi-
racle en cette Eglise iaii 1055, par les soins de Hugo
Evêque de Lisieux , et au dessous ceux-ci : Ce Tableau a été
refait sur l'Original vieil en l'année 1681 aux dépens de la
Fabrique. Dans un de ces quarrés S. Ursin est représenté
avec N. S. sous un Figuier, suivant l'opinion dans laquelle
on éloit alors, à Bourges comme à Lisieux, que S. Ursin
CANTON DE LISIEUX , 2e. SECTION. 267
étoit véritablement Nathanaël à qui Jésus-Christ dit: Je vous
ay vu avant que Philippe vous eut appelé, lorsque vous étiez
sous le Figuier. Dans un autre de ces quarrés S. Ursin est
représenté faisant la lecture à la Cène de N. S. avec ses
Disciples, suivant qu'on le lisoit alors, à Bourges comme à
Lisieux , dans les leçons de son Office en ces termes : B.
Ursinus Dominicis plenissimè imbulus Sacramentis inter
ipsa sacrœ Cœnœ convivia legendi ofjlcio a Domino dépu-
tants est. Dans le troisième de ces quarrés on voit le clergé
de la ville de Lisieux marchant processionnellemcnt dans le
chemin qui conduit de la Ville vers la Forcst-Rathouin, et
après le clergé la chasse de S. Ursin sur un chariot attelé de
chevaux blancs , aux deux côtés duquel sont plusieurs per-
sonnes à cheval, qu'on suppose être d'un côté les habitants de
Bourges, dont on a parlé, et de l'autre côté autant d'habitants
de Lisieux destinés à reconduire la chasse de S. Ursin jusqu'à
Bourges. Enfin dans le quatrième quarré on voit la chasse
de S. Ursin sur un chariot attelé d'une génisse, qui seule ,
après le miracle dont on a parlé , ramène le chariot de la
Forcst-Rathouin à Lisieux , où le clergé et le peuple retour-
nent processionnellemcnt, iprès la chasse » (P. 183 et 186.)
La sonnerie de St. -Jacques se compose de trois cloches,
la plus grosse est ancienne , elle a été fondue en 1712 par
Jean Aubcrt de Lisieux , célèbre fondeur. Les deux autres
datent seulement de 1832. Avant la Révolution, il y avait
onze cloches.
Le patronage de St. -Jacques appartenait au chanoine pré-
bende de ce titre. Au XVIIe. siècle, cette prébende fut af-
fectée spécialement au théologal.
Cinq autres prébendes avaient leur chef-lieu sur le terri-
toire rural de la paroisse, on les nommait : Les Chcs'ies, ou
(ihesnes-Thouroude; Les Loges; Pesnel ; Le Val-Rohais ;
Feins.
268 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
St. -Désir , la troisième paroisse de la ville , est située a
l'extrémité du faubourg. Avant de nous en occuper, nous
allons passer en revue tous les édifices renfermés dans l'an-
cienne enceinte de la ville.
Chapelle St.-Aignan. — A quelques pas seulement de
St. -Germain et de la cathédrale, à l'entrée de la rue Pont-
Mortain , se trouvait une très-ancienne chapelle dédiée à
saint Aignan. La tradition populaire, qui n'est jamais sans
fondement, en fait la plus vieille de toutes les églises delà
ville. L'office canonial s'y faisait, dit-on, pendant la con-
struction de la cathédrale , au XIe. siècle.
D'après les souvenirs , elle pouvait dater en partie de cette
époque reculée. En 1367, Adhémar Robert, évêque de
Lisieux , y fit faire des réparations. Elle a été rasée à la Ré-
volution. Le clergé de la cathédrale s'y rendait tous les ans ,
en procession, le 17 novembre, jour de la fête du saint,
pour y chanter les premières vêpres, et le lendemain , pour
la grand' messe.
Hôtel-Dieu. — L'Hôtel-Dieu remontait à la fin du XIP.
siècle. Les archives du Calvados et celles de l'Hospice actuel
contiennent de nombreuses chartes avec lesquelles on pourrait
en faire l'histoire. Il eut pour fondateur un simple bourgeois,
nommé Laurent Aini , et pour principaux bienfaiteurs ,
Arnoul , évêque de Lisieux , constructeur de la chapelle , et
Jourdain du Hommet , qui appela les Pères Mathurins pour
veiller à son administration.
Cet établissement a été rasé en 1861 , malgré une forte
opposition. Les bâtiments avaient été reconstruits , pour la
plupart, en 1770, après un incendie terrible, qui faillit
s'étendre à toute la ville. La chapelle datait du temps d'Ar-
noul , c'était un fort joli spécimen du style de transition.
Pendant sa démolition , M. Raymond Bordeaux en a fait un
CANTON DI LISIEUX, T. SECTION.
269
270 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
dessin dont voici la gravure. Elle était dédiée à saint Thomas
de Canlorbéry, qui lui imposa son nom , en visitant les tra-
vaux , quelques jours avant son martyre. Ce prélat persécuté
a célébré les saints mystères dans l'Hôtel-Dieu de Lisieux ,
et l'on conserve à l'Hospice, dans des reliquaires, avec toutes
les preuves d'authenticité , les ornements dont il fit usage.
La description en a été faite dans le Bulletin monumental ,
par M. le docteur Billon , en 18^9 (p. 260 ).
MAISONS.
La ville de Lisieux est trop riche en vieilles et curieuses
maisons pour qu'il soit possible de les décrire toutes. Faire
un choix, en laissant de côté les moins intéressantes, serait
peut-être un grave inconvénient. L'antiquaire , l'artiste ne
trouvent pas seulement des sujets d'étude dans les monuments
complets et d'une valeur hors ligne, un détail isolé intéresse
souvent davantage : les procédés de l'art y sont mieux saisis.
Nous avons donc pris le parti de donner une liste de toutes
les maisons méritant, sous quelque rapport, d'attirer l'atten-
tion, en les groupant par époque, par style et école, autant
(pie possible, car la variété des détails est infinie.
Nous avons en vain essayé de nous procurer des rensei-
gnements historiques sur ces vieilles maisons : nos recherches
n'ont point été couronnées de succès. Les titres mêmes des
propriétaires remontent rarement plus haut que le XVIIe.
siècle. Jl nous est bien tombé dans les mains quelques papiers
intéressants; mais comment retrouver les maisons qu'ils con-
cernent? Où chercher ce grand manoir de La Reue, partagé
en 15GA entre noble homme maistre Robert Thirel, lieute-
nant du bailly de Rouen en la vicomte d'Auge ; damoiselle
Ysabeau de La Reue, veuve de maistre Robert Le Percher,
escuier, procureur du Roi en la vicomte d'Auge; maistre
CANTON DE L1SIEUX , 2*. SECTION. 271
Loys de La Reue, sieur de St. -Martin ; Jean de La Reue, curé
de Farvaques; Jacques , Robert et Charles de La Reue? Le
nom de la rue n'est pas même indiqué.
Laquelle des maisons de la rue de la Paix se nommait le
manoir de Cormeilles? Ce manoir avait été donné par testa-
ment en 1697, par Anthoine de Semilly, écuyer, sieur du
Ouesnay, à Jean Olivier de Semilly, tué le 12 mai 1707 à
l'armée d' Espagne, où il servait dans le régiment de Courte-
bo u rue- dragons.
Où était, dans la même rue, le manoir du sieur d'Hermi-
val ; et, dans la rue au Char, la maison de mai sire Pierre
Thiron, advoeat au Conseil ? De cette dernière, nous aurions
pu rétablir le devis de construction, en pierre dure , bois,
essente , ferrures, peinture et pavey plombé de rouge ei
vert grâce au curieux Registre du jurisconsulte, dans lequel
sont escripies les principales affaires de sa maison. Toujours
nos documents n'ont pu trouver leur «application , et les
maisons les plus remarquables sont restées sans révéler le nom
de leur auteur.
La maison que l'on peut, à bon -droit, regarder comme la
plus ancienne de Lisieux est la tour de pierre ci-contre.
Les baies primitives ont disparu; mais l'ordonnance géné-
rale des lignes, la nature des matériaux, les détails permet-
tent de lixer sa construction au commencement du XIVe.
siècle. Une tourelle carrée, contenant l'escalier, flanque la
face qui regarde le couchant, du côté de la cour, sise à
l'angle du Friche-aux-Chanoines et de la rue de la Chaussée.
C'est un ancien manoir canonial.
Nous classerons à la suite une maison de la rue aux
Febvres (a°. U\), dont M. Boucla fait la façade. Au X\T.
siècle, on la nommait le manoir Formeville, du nom d'une
des plus notables familles de Lisieux. Moins brillante que la
fameuse maison, dont la renommée est universelle, elle
272 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
CANTON DE LISIEUX , 2e. SECTION. 273
nous paraît cependant offrir un fort grand intérêt. Elle est
unique par sa construction. C'est le système d'empilage,
regardé par M. Viollet-le-Duc, dans son Dictionnaire, comme
l'un des modes primitifs de l'emploi du bois. A en juger par
les exemples que nous trouvons dans son livre, si l'habile
architecte l'avait trouvée dans l'Ile-de-France, il lui aurait
peut-être donné pour date le XIIIe. ou même la fin du XIIe.
siècle (Voir t. VI, p. 221; t. VII, p. 39). Mais, nous ne
pouvons l'oublier, Lisieux n'a jamais fait partie du domaine
royal : en conséquence, nous regardons cette maison comme
ne pouvant pas remonter au-delà de la fin du XIVe. siècle.
D'ailleurs, à cette époque, les fossés des fortifications de la
ville occupaient l'emplacement sur lequel elle est fondée.
Deux baies anciennes subsistent encore. Elles étaient grandes
et partagées par des croisées de bois. Aucune moulure, ni
sculpture ne s'y voit; l'angle était simplement chanfreiné.
On remarquera la courbure naturelle des liens qui maintien-
nent les colombages, (l'est évidemment un caractère d'anti-
quité, que nous ne retrouverons, ni au XVIe. ni au XVe.
siècle.
On voit encore cependant de ces liens courbes dans la
maison, n°. 50 de la Grand'Rue (Voir la page suivante).
C'est une construction fort remarquable. Son vaste pignon
prend la forme d'une ogive profonde, appuyée, de chaque
côté, sur un blochet que soutiennent deux consoles sculptées
de têtes de plein-relief. Dans l'angle du pignon , au-dessus
de ce grand arc, est un quatre-feuilles entouré d'une mou-
lure torique. Il y avait , dans la hauteur de la façade , deux
rangs de petites fenêtres. Les liens destinés à maintenir le
devers des poteaux d huisserie sont courbes. Toutes les mou-
lures des cordons coupant horizontalement le pan de bois
sont toriques, excepté celle de l'appui des fenêtres. Le dé-
veloppement longitudinal , sur la rue du Paradis, offre aussi
18
Y]l\ STATISTIQUE MONUMENTALE m CALVADOS.
I I
ME DE LA MAISON, GHAND'iU'E, N° 50.
CANTON DE LISILUX , 2e SECTION. 275
un caractère tout particulier. L'étage unique est porté sui-
des potences assez saillantes, rendues rigides à leur extré-
mité par des filières élégies d'une moulure concave.
La lucarne, posée de manière à plonger la vue sur la
Grand'Rue, est portée sur deux sablières biseautées. La baie
consiste en une double petite fenêtre, dont le contour est
également biseauté. Sauf la moulure de l'appui des fenêtres,
qui est bien du XVe. siècle , mais qui règne sur une pièce
indépendante de la construction, tous les caractères de cette
maison se rapportent au XIVe. siècle. Nous n'osons cependant
pas soutenir qu'elle remonte a une date aussi reculée.
Au XVI". siècle, on a fait quelques modifications aux par-
ties basses de la maison. La petite tourelle de bois octogone,
en saillie sur la rue du Paradis, date de cette époque, comme
la fenêtre voisine. Celte fenêtre est protégée par une merveil-
leuse grille en fer rond, annelée en différents sens, vrai chef-
d'œuvre de forge et problème inexplicable pour nos ouvriers
actuels. Cette grille est scellée dans des montants sculptés de
potelets en forme de contreforts, portant deux blasons contour-
nés, dont le champ contient des chiffres enlacés. Sous l'appui,
où court une vigne avalée par deux rageurs , règne une
série de petits potelets trapus, imbriqués avec la plus grande
variété.
La maison marquée des n\ 35-87-39, vis-à-vis delà pré-
cédente, est Construite d'après le même système. Potences
très-saillantes, portant le premier étage. Série de fenêtres dans
toute la superficie de la façade. Naturellement, ces baies pri-
mitives ont été modifiées; mais, à deux endroits différents,
on retrouve leurs linteaux dont le profil serait du XIIIe.
siècle dans une construction de pierre. Cependant il faut bien
le dire, la belle cave voûtée à ilciw nefs qui se trouve sous
une partie de cette maison ne paraît pas remonter au-delà du
XVe. siècle, nonobstant i ro:nau employé comme
276 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
base à l'une des colonnes (1). Les petits potelets carrés qui
ornent les colombages accusent cette même époque.
Il y a deux particularités à signaler. La première , c'est la
présence d'un entre-sol dans une maison du moyen-âge. Ici,
cette disposition se trouve nécessitée par la pente assez raide
de la rue. Le rez-de-chaussée étant destiné à des boutiques
dont on voit encore le point de départ des arcades, cet entre-sol
servait probablement de magasin accessoire aux marchands.
La seconde remarque, que nous aurons occasion de faire
encore ailleurs, c'est la combinaison du comble longitudinal
et du pignon. Tandis qu'une partie du toit s'égoulte sur la
rue, à l'extrémité surgit un gable important, impossible à
confondre avec une simple lucarne. On attachait donc quel-
qu'importance à avoir pignon sur rue.
La maison suivante, nos. M-&3, est encore un exemple du
même système. Elle a deux étages. Les fenêtres, rangées aussi
par série, ont leurs appuis soulagés par des croix de saint André.
Le pignon retourne sur la rue des Boucheries. Rien, du reste,
n'indique une date antérieure au XVe. siècle. La lucarne pri-
mitive, sur laquelle on a accolé postérieurement divers appen-
dices, a conservé son gable ogival surmonté, sans doute, pri-
mitivement par un trèfle à jour.
La maison qui porte le n°. 3, sur le friche aux Chanoines,
a aussi certains caractères propres aux constructions du XIVe.
siècle, principalement dans ses lucarnes. Son rez-de-chaussée
est en pierre ; la porte cintrée, garnie de moulures toriques,
(1) On connaît deux autres caves bâties avec ce luxe architectural,
ce qui les fuit passer vulgairement pour des chapelles souterraines des
premiers temps du christianisme, bien qu'elles ne datent que du XVe.
siècle. L'une se trouve à l'angle de la rue du Paradis, sous une maison
neuve; l'autre est dans la rue des Boucheries, sous une maison de bois,
au n". 21
CANTON DE LISIEUX , 2* SECTION. 277
paraît ne dater que du XVIe. siècle. L'étage supérieur , en
bois, n'a conservé aucune trace des ouvertures primitives.
En suivant l'ordre des dates, nous classons, à la suite de
ces maisons, uu grand nombre de constructions répandues
dans toute la ville et élevées dans le cours du XVe. siècle. Le
type de ce genre se trouve à l'angle de la rue de la Paix et
de la Grand'Rue ( nos. 8 et 10 de la première rue. ) Les
deux faces ont un aspect sévère et rustique en même temps.
Deux étages sous le comble, chacun d'eux éclairé par une
série de fenêtres, faisaient du mur un panneau de verre inter-
rompu seulement par les colombages, où l'on voit des rai-
nures, sans doute destinées à contenir les vitraux dormants.
Il ne restait de plein que le tiers inférieur, à partir des plan-
chers, où se trouvent des croix de saint André. On se plaint
de l'obscurité des vieilles maisons ; c'est une accusation bien
mal fondée. L'examen des maisons de Lisieux fournit à chaque
pas la preuve que nos ancêtres introduisaient, au contraire,
la lumière à profusion dans leurs demeures. On ne payait
point alors d'impôt pour jouir de l'air et du soleil. Les
colombages sont garnis, au premier étage, de petits potelets
semblables, à peu près, à ceux mentionnés tout à l'heure
au n°. 35 de la Grand'Rue.
Le pignon sur la Grand'Rue a une proportion vraiment
imposante, et il devait être tout à-fait grandiose avec ses
rangées de fenêtres superposées, aux vitraux multicolores,
quand ses bois étaient peints d'un ton harmonieux, quand
son grand gable saillant faisait un cadre dentelé sous le com-
ble aigu. Une boutique, dont on voit encore l'arcade en acco-
lade, occupait le rez-de-chaussée. La maison, rue d'Orbiquet,
n°. 1, n'est pas beaucoup inférieure, à celles que nous venons
de décrire.
Appartiennent au même système de construction, le n°. 3
278 STATISTIQUE MONUMtNTALE DU CALVADOS.
de la Grand'Rue, sauf la lucarne, et lesnra 57, 65 et 99 (1);
Dans la rue au Char, les nos. 2k et 28 ;
Dans la rue St. -Jacques, le n°. U;
Dans la Boucherie, les nos. 5, 49, 51 et 53 ;
Dans la rue Pont-Mortain, les nos. 1 et U.
Cette dernière a trois étages, disposition unique dans les
maisons de celte époque. On la nomme la maison de la
Fleur-de-Lis; c'était, je pense, une hôtellerie. On pourrait
êire induit en erreur sur sa date par un cartouche, placé au
milieu de la façade, sur lequel on lit: 159/* entre les chiffres
D. N. et I. G. Ce cartouche est rapporté.
Dans la rue de Caen, les nos. 56 et 101.
Nous attribuons aux dernières années du XVe. siècle plu-
sieurs maisons, partie en pierre, partie en bois, toutes d'une
certaine importance, ayant dû servir de résidence à de riches
bourgeois. Telles sont, dans la rue au Char, le n°. 19 ; dans
la rue de la Paix, le n°. 25 ; dans la Grand'Rue, les nos. 155,
67 et 57 (dans le fond des cours). Le n°. 57, nommé le
M a noir- Chopin, est traité d'une manière fort remarquable.
Le rez-de-chaussée et le premier étage sont en pierre; le
second étage en bois. La partie en pierre s'éclaire par des
fenêtres cruciformes. Les sablières inférieures du second
étage sont sculptées de rageurs.
L'intérieur contient, au 1er. étage, une magnifique pièce
dont le plafond, que l'on prétend être en châtaignier, possède
une décoration usitée seulement dans les plus riches manoirs.
(1) Cette dernière se nomme le Manoir-de-l'Image. Il appartenait
depuis 1552 aux prêtres de St. -Germain, par suite de la donation à eux
faite par le généreux Nicolas Le Valois. On remarquera, sans doute, la
ressemblance de ces constructions avec l'hôtel de Quatrans, à Caen,
que l'on attribue à la fin du XIVe. siècle. Cette date nous parait trop
reculée.
CANTON DE LISÏEUX , 2* SECTION. 279
Les sommiers sont garnis, sur leurs angles, d'un gros câble.
Les poutrelles alternent, de quatre en quatre, imbriquées ou
ornées de torsades. La vaste cheminée, du temps, est très-
bien conservée. On y voit un blason, malheureusement sans
trace de pièces héraldiques.
Le n°. 67 n'a , en pierre, que son rez-de-chaussée. Deux
grandes fenêtres carrées à moulures prismatiques, munies
de belles grilles annelées en fer rond, l'éclairent. Le premier
étage est en bois. Dans l'angle sud se trouve une tourelle
semi-hexagonale, renfermant l'escalier. Elle pourrait bien
être postérieure au corps principal. Une de ces ouvertures
supérieures est fermée par un volet sculpté, de la Renaissance,
où l'on voit, dans un médaillon entouré d'un cadre saillant,
une tête en bas-relief. Les fleurons qui garnissent les angles
du carré rappellent le règne de François 1er. Les apparte-
ments sont vastes, éclairés et aérés convenablement. Les som-
miers sont sans ornements. Il n'existe plus de cheminées
primitives. Sur le poteau d'huisserie d'une des portes du
premier étage est un blason dont le champ, chargé d'un bour-
don et d'un bâton écoté mis en sautoir et cantonnés de
quatre vannets, nous paraît un simple emblème de pèleri-
nage.
La maison, n°. 155, a les plus grands rapports avec la pré-
cédente. Celle de la rue au Char (n°. 19) offre maintenant
peu d'intérêt, par suite des mutilations qu'elles a subies au
XVIIe. siècle.
Les maisons bâties sous l'influence du style de la Renais-
sance offrent une variété infinie. Leur nombre est fort con-
sidérable, et plusieurs jouissent (l'un renom universel. Il faut
mettre en première ligne ces deux célèbres maisons de la rue
aux Fcbvres (n°\ 17 et 19) dessinées par une foule d'ama-
teurs, notamment par M. Challamelet M. Verdier. Elles appar-
tiennent au règne de François 1er. ; mais le gothique y domine
280 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
encore. Des singes ou Sauvages en ronde- bosse sont sculptés
sur les poteaux des deux étages, prouvant combien les récits
des premiers explorateurs de l'Amérique avaient frappé nos
ancêtres. Les dessins bien connus cités tout à l'heure dispensent
d'entrer dans de plus longs développements. Qu'il y aurait de
choses à dire, dans une monographie, sur ces mille accessoires,
ferrures, grilles, volets* panneaux, qui jusqu'à présent, heu-
reusement n'ont pas quitté leur place!
Une maison, rue de la Paix, n°. 9, fort simple à son étage
supérieur, offre aussi deux Sauvages armés de massues, sur
les pieds-droits d'une grande arcade en accolade dont la des-
tination ne paraît pas facile à déterminer ; mais elle est un peu
antérieure aux précédentes, car on y voit l'écusson de l'évê-
que Blosset de Carrouges, qui occupa le siège épiscopal, de
1482 à 1505.
CANTON DE LISIEUX , 2e SECTION. 281
GALKUIE DE LA Kl E u'oiSBlQUET, N° 10.
282 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
La charmante galerie de la rue d'Orbiquel ( n°. 1 0, dans la
cour) appartient encore, par son style, à ce beau dernier
gothique. Nous aurions bien voulu connaître quel fut l'homme
de goût, ordonnateur et possesseur de ce délicieux appendice.
Tout ce que nous avons pu savoir, c'est qu'en 1727, cette
maison appartenait à dame Cécile Brunon,dame et patronne
d'Esquainville, veuve de messire François Le Doyen, cheva-
lier, seigneur et patron d'Ablon, la Chapelle-Sr.-Clur, Able-
ville, Aubeuf, etc., laquelle la tenait d'un sieur Duval, son
oncle, bourgeois de Lisieux. Il paraîtrait qu'à la fin du
XVIII-. siècle c'était une hôtellerie, ayant pour enseigne: Le
Sauvage, où MM. les officiers de la garnison prenaient leurs
logements.
Cinq autres maisons, de même style , ont conservé plus ou
moins de vestiges de leur ancienne splendeur. Dans la rue de
la Paix, les ncs. 18 et 1h offrent, l'un et l'autre, de jolies
portes en accolades, avec feuilles frisées, panaches, clochetons
imbriqués, etc.
Dans la Grand'Rue, n°. 135, on trouve encore la moitié
d'une porte semblable , assez bien conservée. L'encorbelle-
ment qui la surmonte est très-saillant, et occupe par trois
sablières superposées, ornées de moulures et de rageurs; mais
ces sablières ne sont que des planches appliquées après coup
enire deux fortes potences, et Ton peut supposer que la
grosse construction est plus ancienne.
Dans la rue au Char, la maison n°. 3, à deux étages sur
une longue façade, montre des sablières à rageurs couver-
tes de ceps de vigne. Potelets imbriqués , blasons ornent les
colombages ; des briques inclinées remplissent les intervalles ;
mais nulle trace n'apparaît de fenêtres primitives. Le rez-
de-chaussée a été refait au XVIIIe. siècle.
La maison qui porte les n0s. 59-61, dans la Grand'Rue ,
est l'ancien hôtel Le Vallois , résidence du. riche et généreux
CANTON DE LJSIEUX, 2e SECTION. 283
bienfaiteur de St. -Jacques et de St. -Germain. Elle a sur
la rue une façade étroite, mais fort jolie. Les colombages,
très-rapproohés, sont couverts par des potelels à imbrications
variées, d'une grande délicatesse. On ne retrouve aucun indice
des fenêtres anciennes.
Le second corps-de-logis, en face, dans la première cour,
a aussi des potelels. On y voit, en outre, une belle fenêtre
bouchée , dont les pieds-droits et la croix portent trois
petits médaillons encadrant des têtes, de la Renaissance.
C'est une modification postérieure à l'ensemble de la con-
struction.
L'autre façade de ce même corps-de-logis, dans la cour du
fond, montre des statuettes taillées dans les poteaux corniers;
ce sont, sans doute, les patrons des maîtres du logis, car on
y reconnaît la Vierge, et des blasons ornent les culs-de-lampe.
Il y a des rageurs aux sablières. Des girouettes en terre
émaillée sont encore sur les combles. Un mur sépare cette
maison du Manoir-Chopin , dont nous avons parlé plus
haut.
Une autre maison du règne de François Ier. , à en juger
par la Salamandre de sa lucarne (rue du Marché-aux-Che-
vaux, n°. 21 ), avait aussi des statuettes religieuses, comme
principal motif de décoration. Elles ont été bûchées, il y a
environ quarante ans, ainsi que toutes les sculptures en saillie
sur les sablières et les colombages. La lucarne a seule conservé
son ornementation.
En même temps qu'on employait ces délicates et fines cise-
lures, on donnait à d'autres maisons une décoration plus ner-
veuse , mais non moins remarquable. Un exemple de ce genre
est le grand hôtel de Grieu, au n°. 2 de la rue d'Ouville. Il se
compose de trois corps de bâtiments, disposés de manière à
laisser entre eux une cour carrée. Assis à l'angle de deux
rues, il présente un pignon sur chaque rue : celle disposition
284 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
donne du mouvement et rompt la monotonie des lignes des
combles. Toute la sculpture se trouve concentrée sur les
sablières, et elle est traitée de main de maître. Chaque tra-
vée offre une nouvelle variété de motifs, de la combinaison la
plus heureuse : entrelacs, chevrons brisés, godrons, oves, fleu-
rons, enfin tout ce que l'imagination des artistes du règne de
François Ier. a pu inventer de mieux entendu. Comme cette
maison était le manoir d'un gentilhomme, elle était peu
ajourée à l'extérieur ; il n'existait pas une seule ouver-
ture au rez-de-chaussée, sauf la porte. Ce rez-de-chaussée
est en moellon. A l'étage supérieur, les fenêtres étaient
petites et sans cadre orné. Quant à l'intérieur , dans les par-
ties que nous connaissons, nous n'avons remarqué aucune
fenêtre ancienne.
Nous trouvons des maisons dont les sablières rappellent
celles de cet hôtel dans la même rue, au n°. 13 (et leur
travail n'est pas inférieur), aux ri08. 28, U5 et 90 des Bou-
cheries; dans la Grand'Rue, n°. 22; enfin au faubourg
St. -Désir, dans la rue de Caen , n°. 87.
Le n°. 45 des Boucheries mérite encore à d'autres titres
d'attirer l'attention ; il est malheureusement à moitié recou-
vert d'une cuirasse d'ardoise. Cependant on voit encore, sur
un de ses poteaux corniers, une jolie accolade garnie de
feuillages, d'un ciseau habile. La porte de l'allée est garnie
de quatre panneaux à traceries flamboyantes, également fort
délicats. Cette maison se nomme le manoir des Douze- Livres.
Les Douze-Livres étaient des officiers du chœur de la cathé-
drale, ainsi nommés du revenu de leur prébende, dont la
fondation remontait à une haute antiquilé.
L'une des maisons de la rue des Boucheries (n°. 26)
présente une anomalie assez curieuse à étudier. Envisagée
dans son ensemble, elle devrait être classée avec les maisons
nos. 8 et 10 de la rue de la Paix et les autres semblables. Son
CANTON DE EISIEUX , 2e SECTION. 285
pignon est dessiné par un gable ogival ; son étage supérieur
est de tout point conforme aux caractères gothiques ; au rez-
de-chaussée, il reste une porte en accolade. Mais entre ces
deux parties, au premier étage, on trouve une décoration de
ia Renaissance très-accentuée. C'est évidemment une reprise
en sous-œuvre, et rien n'est si facile à exécuter dans les
constructions de bois. Le fait nous a paru néanmoins devoir
être signalé. Cette ornementation, de style nouveau, est fort
bien entendue : elle se compose de pentes de fruits sur les
poteaux corniers, de consoles feuillagées, de pilastres à chapi-
teaux de fantaisie. Malheureusement il ne reste aucune trace
des fenêtres primitives.
Les nos. 64 et 68 de la même ligne sont de ce style, peut-
être de la main du même ouvrier. Les façades sont plates et
sans encorbellements. On a évité toute saillie, sans doute pour
se conformer à l'ordonnance d'Orléans de 1560. Les sablières
sont déguisées en entablement. Toutefois à leurs extrémités
apparaissent encore les rageurs, transformés en rinceaux. Les
colombages sont taillés en forme de pilastres ioniques. Au
centre du comble s'élève une grande lucarne dentelée. Le
n°. 64 n'a plus rien d'ancien au rez-de-chaussée; le n°. 68
a conservé une porte affectant encore la forme en accolade
avec feuillages presque gothiques ; mais les pieds-droits sont
deux pilastres ioniques.
Bientôt tout vestige de l'ancien système ne tarda pas à
disparaître, et pour le bois, comme pour la pierre, on adopta
franchement l'architecture classique. Deux superbes manoirs,
dont l'un fait suite presque immédiatement à la dernière des
maisons dont nous venons de parler, méritent, dans ce genre ,
une attention spéciale. Le vaste développement de la façade,
la hauteur sous sommiers des deux étages indiquent un pro-
priétaire opulent.^ Des têtes grimaçantes sont découpées au
bout des six sommiers du rez-de-chaussée. Sur ces sommiers
286 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
montent des poteaux verticaux, sculptés de consoles à feuillages.
Les colombages représentent des pilastres, et la gradation des
ordres est observée suivant les prescriptions des maîtres.
L'ordre ionique garnit le premier étage ; au deuxième
règne l'ordre corinthien. Des briques vernissées remplissent
rentre-colombage. Deux beaux épis émaillés surmontent les
lucarnes.
Les deux manoirs auxquels cette description est commune
sont situés, l'un rue des Boucheries (n°. 52), l'autre place du
Marché-aux -Bœufs (n°. 12). On dirait deux exemplaires d'une
même matrice. L'un et l'autre même, chose surprenante!
possèdent encore leurs épis. Des boutiques sont actuellement
pratiquées dans le bas, cependant on retrouve encore au der-
nier la disposition d'une fenêtre du rez-de-chaussée, ce qui
est fort rare. L'autre a sa porte surmontée de deux oculus
saillants, richement moulurés, séparés par une console sculptée
de pentes de fruits.
Un troisième manoir, presque identique, existait dans la
rue de la Chaussée, n°. 1, On l'a plâtré en 1858, croyant lui
donner meilleur air, pour y installer un pensionnat de jeunes
demoiselles.
Moins importante, la maison n°. 2 de la rue au Char
reproduisait l'ordonnance de cette classe de maisons. Nous en
donnons un dessin à la page suivante, elle n'existe plus; et
c'est, hélas! l'administration municipale qui l'a fait jeter bas
pour construire un magasin à pompes.
Dans la rue du Bouteiller (n°. 32) on trouvera encore un
exemple du même genre de construction. Les lucarnes surtout
( Voir la page 288 ) , avec les têtes découpées qui composent
leur dentelure , rappellent bien le caprice des artistes de ce
temps. Celte maison a été construite pour W Pierre Lambert,
conseiller au présidial d'Evreux , qui se distingua par son
humeur ligueuse dans les guerres de la fin du XVI'*. siècle.
CANTON DE EIS1EUX, 2e SECTION.
287
MAISON, Rt
B U CHAR, N° 2.
288 STATISTIQUE MOHUMfiNTAlÉ DU CALVADOS.
Aussi, lorsque Henri IV prélova une contribution de guerre
LUCAKNE D'UNE MAISON, RUE DU BOUTEILLER
sur la ville, après sa soumission en 1590 , M*. Lambert fut-il
taxé à la plus grosse somme, 750 livres.
Contemporaines, mais beaucoup plus riches d'ornementa-
tion, sont les maisons portant les n°s. 63 de la Grand'Rue,
M de la rue Pont-Mortain, dans la cour, 12 delà Petite-
Couture. Leur caractère distinctif est la disposition de leurs
pilastres en forme de gaîne, chargés d'entrelacs et de fleurons.
CANTON DE MSIEUX, 2e SECTION. 289
Le manoir Hauvel, détruit en 18/i2, en même temps que
B. Bordeaux del.
MANOIR HAUVF.L.
('Hôtel-Dieu dont il dépendait, appartenait à cette catégorie.
19
290 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Le n°./il, surtout, est fort remarquable. C'est une très-
riche galerie, parfaitement conservée, garnie de pilastres,
d'entrelacs, de godrons, de cannelures, de têtes grimaçantes. Il
n'y a pas une pièce de bois qui ne soit couverte de ciselures,
du travail le plus fin et du tracé le plus vigoureux. Le rez-
de-chaussée de ces constructions était ouvert : on le constate
encore parfaitement au n° 12 , Petite-Coulure, situé dans la
Cour- Vigneron. Un autre portique de colonnes corinthiennes
cannelées, de même style, existe dans la cour de là curieuse
maison que nous avons décrite la première (Friche-aux-Cha-
noines, n° 13).
La lucarne du manoir, Grand'Rue, n° 3&, dont voici un
dessin, donnera une idée de la décoration que nous avons
essayé de décrire. k
On peut encore faire rentrer dans la catégorie des galeries
autrefois ouvertes, la maison qui occupe l'angle de la rue aux
Febvres et de la rue des Boucheries.
Trois ordres superposés de colonnes cannelées, portées sur
des têtes de plein-relief, ou des vases, en composent l'ordon-
nance. Il y a quatre colonnes à chaque étage. Leurs chapi-
teaux sont ioniques, sauf un, à l'angle du premier rang, qui
rappelle les chapiteaux à crossettes du XIIIfi siècle. Les
sablières sont moulurées en forme de corniches classiques,
sans aucun encorbellement. On ne voit, dans les pans de bois
intermédiaires, ni trace de fenêtres primitives, ni liens pour
éviter le roulement, ni ornement d'aucune sorte : ce qui nous
a fait regarder ces trois étages comme ayant été des galeries
ouvertes, dont nous serions fort embarrassé, du reste, d'in-
diquer la destination.
Une autre variété des maisons de celte dernière période de
la Renaissance est celle où les pilastres sont remplacés par
des caryatides. Nous en connaissons deux exemples à Lisieux.
Le premier se trouvait à une maison, maintenant démolie,
CANTON DE USIEUX , T SECTION.
291
MUSOX RCE PONT-tlOBTATN, \" !\\.
292 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
qui occupait l'angle d'une ligne de constructions au centre de
la place St-Pierre, dans l'axe de la rue du Pont-Mortain. La
porte de cette maison, d'ailleurs peu considérable, avait ses
pieds-droits sculptés de deux personnages presque de gran-
deur naturelle, et d'une bonne exécution, dont la tête suppor-
tait le linteau au-dessus duquel, comme amortissement, se
trouvaient deux vases ou plutôt deux corbeilles de fruits bien
composées. Au centre était un écusson chargé de trois héris-
sons allongés, avec une fasce portant un croissant accosté des
deux lettres X. H. Ce blason nous a fait connaître le nom du
bourgeois possesseur de cette demeure, Christophe Le Héri-
chon, fort dévoué, comme Lambert, à la Sainte-Ligue. Ses
descendants obtinrent des lettres de noblesse. Dans les parties
hautes se trouvait une autre caryatide, qui devait décorer une
fenêtre.
Ces pièces remarquables avaient été conservées lors de la
démolition, par les démarches de M. le docteur Billon : on
les avait déposées à la Mairie. Elles ont disparu depuis.
La seconde maison à caryatides se trouve presque en regard
de celle-ci (Grand'Rue, n° 97). Le bas, transformé en bou-
tique, n'a plus rien de sa disposition primitive. Les figures
en haut-relief, au nombre de quatre, alternent avec des
pilastres en forme de gaîne couverts des entrelacs les mieux
combinés.
Nous faisons dater encore du règne de Henri III une
maison située à l'extrémité de la Grand'Rue , dans l'intérieur
de la cour, n° 201. Elle est de peu d'importance. Ses entre-
toises sont garnies d'oves etdegodrons, et ses colombages sont
taillés en pilastres ioniques. Une fenêtre a conservé ses
volets.
Nous allons terminer par une liste des maisons qui semblent
d'un ordre secondaire, dont il reste seulement des fragments,
et que certaines particularités nous ont empêché de classer
dans les catégories précédentes.
CANTON DE LISIEUX , 2e SECTION. 293
Rue St-Jacques , n° 8 , un clocheton de porte du XVe
siècle, en pierre.
Rue de la Paix, n° 27. Façade de la Renaissance avancée,
essentée au XVIIe siècle. Quelques sculptures seulement res-
tent visibles.
Rue des Boucheries, n° 30. Belle porte à pilastres du
règne de François Ier, avec deux curieuses enseignes en bas-
relief dessinées par M. Bouet et décrites par M. de La Quérière,
dans son mémoire sur les Enseignes des maisons particu-
lières.
N° 61 de la même rue, dans la cour, pilastres ioniques,
sablières à rageurs; un blason à une fasce accompagnée de six
fleurs de lis.
Grand'Rue, n° 174, frise godronnée, du règne d'Henri II.
Les deux lucarnes ont, sur leurs pieds-droits, des colonnettes
qui rappellent presque le XIIIe siècle. Du reste , elles sont
couvertes en capucine , disposition qui n'est pas antérieure au
XVIIe siècle. La maison tout entière a subi de grandes modi-
fications à cette époque.
Nous avons omis de mentionner une maison de la rue de
la Paix (n° 21), évidemment ancienne, d'un caractère fort
sévère , mais qui n'offre rien de remarquable. Toutes ses
baies ont été modernisées, excepté la porte d'entrée taillée dans
la pierre en forme d'arc surbaissé dont l'angle est biseauté.
Les vantaux sont à panneaux plissés. M. le docteur Billon
nous apprend que cette maison possède une cave fort remar-
quable, voûtée en ogive , qu'il regarde comme datant du
XIIIe siècle ou du commencement du XIVe. Personne ne
contestera les appréciations de cet archéologue consommé.
Lisieux possède peu de maisons du règne de Louis XIV.
On peut seulement citer celles qui portent les nos Ul de la
rue du Pont-Mortain et ZU de la Grand'Rue, construites en
briques avec chaînages de pierre taillés en bossage, et la mai-
294 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
sondes Daniesde la Miséricorde (Friche-aux-Chanoines, nr 11)
sur la porte de laquelle on lit cette curieuse inscription ,
dont nous avons essayé ailleurs de donner l'interprétation :
ETIAM NIGER IN PVR1TATE
CONSTANS CORONATVR
1GNOMIMA SACERDOTIS
PROPRIIS STVDERE
DIV1TIIS HIERO. A. NERO.
Citons encore le presbytère de St-Pierre et le logis qui en
fait la suite, avec leurs fenêtres à fronton alternativement cir-
culaire et triangulaire, saillant sur le toit. Le rez-de-chaussée,
en blocage, est certainement d'une époque beaucoup plus
ancienne. Nous ne pouvons oublier de mentionner non plus
sa curieuse cave ogivale , du XIIIe siècle. Nous terminerons
cette liste par l'Hôtel -de-Ville, bâti en 1713 par 1V1. Charles
Le Bas, receveur des tailles, pour sa résidence, et le doyenné,
construit seulement en 1769, par un autre membre de la
famille Le Bas. Ce sont des œuvres remarquables.
Peu de villes peuvent se vanter, comme Lisieux, d'offrir à
l'artiste, à l'archéologue plus de soixante-dix maisons dignes de
fixer leur attention : encore esl-il possible que nous en ayons
oublié.
FONTAINES.
La ville de Lisieux possède de nombreuses fonlaines ;
une seule a un aspect monumental, celle de la rue du Bou-
teiller. Sa construction ne remonte qu'à 178-'i ; mais, comme
elle a une valeur historique, il est bon d'en dire quelques
mots.
Mgr Ferron de La Ferronnays , dernier évoque de Lisieux,
venait d'être nommé à ce siège épiscopal. La renommée de
CANTON DE LISIEUX, 2e SECTION. 295
ses vertus avait précédé son arrivée, et les habitants de son
nouveau diocèse voulurent lui préparer une réception bril-
lante. Une somme importante fut votée par la municipalité.
Mais sa bonté lui fit dédaigner des honneurs qui se seraient
évaporés en fumée et en artifices, et il demanda que la
somme destinée aux fêtes fût plutôt employée à quelque
travail d'utilité publique. On éleva la fontaine dont nous par-
lons ; on y grava ses armoiries et diverses inscriptions. Une
seule subsiste encore : la Révolution a arraché les autres.
Elle mentionne les noms des magistrats en charge lors de sa
construction.
Celte fontaine a été menacée de destruction, il y a quelques
années, pour faciliter un alignement des bâtiments de la Pro-
vidence. Ce malheur a été conjuré pour le moment
FAUBOURG Sl-DÉSIR.
Le faubourg St-Désir , dont il nous reste à parler , est
situé à l'ouest de la ville et en est séparé par la Touque. Il
tire son origine et son importance de l'abbaye des Bénédic-
tines qui y fut fondée en 1050. Cette fondation est due à Guil-
laume d'Eu et à Lesceline, sa femme. Ils avaient d'abord fait
cet établissement dans leur domaine de St-Pierre-sur-Dives;
mais , à la prière de leur fils , Hugues d'Eu , évèque de Li-
sieux, ils le transférèrent où nous le voyons encore aujour-
d'hui.
Guillaume était de la famille des ducs de Normandie: il
obtint facilement du Conquérant une charte de confirmation,
conservée encore précieusement, dit-on, par les Religieuses.
De nombreuses possessions leur furent assurées et par leurs
illustres patrons, et par beaucoup de seigneurs que leur piété
ou leur métier de courtisans portèrent a imiter leurs maîtres
La pieuse solitude se trouva bientôt peuplée par les filles des
plus nobles familles normandes.
296 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
II ne reste rien des édifices primitifs; les plus anciens des
bâtiments claustraux remontent seulement au XVIe siècle
ou à la fin du XVe. Ils sont construits en bois. Les lieux
réguliers et le cloître furent rebâtis par Mme Charlotte de
Matignon, vingt-neuvième abbesse, qui fit aussi démolir la
vieille église romane pour faire une chapelle d'un goût plus
moderne. Ces constructions ne se distinguent par aucun
caractère architeelonique , bien qu'elles appartiennent au
règne de Louis XIV. Il faut excepter toutefois le logis abba-
tial , charmant pavillon d'un plan fort original, dont un
dessin peut seul bien faire comprendre la disposition et l'effet
Le parloir de l'abbesse, placé dans une partie du rez-de-
chaussée , était orné , au plafond , de peintures avec blason ,
rappelant celles de la chambre dorée de l'évêché. Comme
elles avaient besoin de quelques restaurations, on vient de
les faire disparaître sous un grossier badigeon.
Il faut encore signaler le grand bâtiment du Pensionnat ,
dont la façade se développe sur la rue. Bien que de la fin
du XVIIIe siècle , c'est une construction remarquable. Le
plan en a été donné, dit-on, par frère Guillaume de La
Tremblaye, moine du Bec , auteur de diverses constructions
monastiques qui ont établi sa réputation comme architecte.
Il eût été à souhaiter que les travaux entrepris depuis par les
Dames bénédictines ne se fussent point trouvés trop en dé-
saccord avec ce bâtiment. Leur chapelle, surtout, est ce que
Ton peut voir de plus laid.
Leur ancienne église sert maintenant d'église paroissiale ,
celle-ci ayant été démolie à la Révolution (1). Ce n'est point
celle dont les fondations furent jetées en 1680 , par Mme de
(1) Il n'en subsiste qu'une fenêtre, acco!ée au pavillon de l'abbesse.
Les moulures qui l'entourent indiquent la dernière période ogivale. A
en juger par l'orientation, cette baie devait s'ouvrir au chevet de l'église
paroissiale.
CANTON DE US1LIX, 2e SECTION.
297
PILASTRE D ANGLE m j.oc.ls ABBATIAL.
298 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVAIX)S.
Matignon. Bien qu'elle ait coûté plus de 50,000 écus , elle
n'eut pas cinquante ans d'existence : elle s'écroula , et il
fallut recommencer. L'édifice qui nous occupe date seule-
ment de 1758. L'extérieur ne peut attirer l'attention , si ce
n'est le portail , fort original dans sa simplicité , et d'un
grand effet.
L'intérieur est assez harmonieux. L'ordonnance consiste
en trois nefs communiquant par des arcades cintrées, portées
sur des pilastres d'ordre ionique.
Le chœur se termine par un rond-point du fond duquel se
détache un ange, sculpture de plein-relief, d'une grande ex-
pression et d'un vrai mérite. Cet ange, suspendu et comme
planant au-dessus de l'autel, tient dans ses mains une bande-
role sur laquelle sont gravés les mots : Gloria in excelsjs
Deo. L'autel, dans le style Louis XV, a également du mérite.
Le bas-relief du centre du tombeau est finement travaillé;
malheureusement, il est empâté par de nombreuses couches
de peinture et de dorure. La croix du tabernacle est en bois,
et la sculpture ne paraît pas non plus sans valeur; elle est
signée Pavlet. Il est à présumer que l'ensemble de cette
décoration est dû au même artiste.
Il existe à St-Désir une confrérie de charité, fondée en
1436, qui possède un petit trésor d'une véritable valeur ar-
chéologique. Ce sont d'abord des jetons ou méreaux d'assis-
tance, dont M. R. Bordeaux a donné des dessins et une
description en 1852. Ensuite une croix de procession en
argent massif qui date du règne de Louis XV, et une paix en
argent où sont figurés , avec la Vierge, deux évêques , saint
Désir et saint Eutrope, patrons de la Confrérie. Au fronton
se voient la hache et le glaive en sautoir, instruments du
martyre des deux Saints et principales pièces du blason de
la Charité. Sur la base on lit:
A la Charité f de f St. f Désir f de f Lizieux
P. f Cailbry f I. Masse lin f 1758.
CANTON DE LLS1EUX , 2* SECTION. 299
Mais la pièce vraiment précieuse est la Majesté, « coutenant
les Épitres et Évangilles des festes solennelles de Tannée sur
vélin relié d'aisserie couvers d'une lame dargent gravée et
ornée de vermeil doré où sont relevées en bosse d'un costé
les images du Crucifix, de Notre-Dame et de St. Jean, et de
l'autre celles de la Saincte
Vierge, de St. Désir et de St.
Eutrope , jcelle Majesté fer-
mante à crochets d'argent »
Ainsi s'exprime un Inventaire
dressé en 1730. Nous n'au-
rions pu donner une descrip-
tion plus complète (1).
Outre l'abbaye , deux éta-
blissements religieux se trou-
vaient dans le faubourg St.-
Désir: le couvent des Domi-
nicains, maintenant la sous-
préfecture , où il ne reste
rien à mentionner , et la lé-
proserie de St-Clair, dont on
voit encore un pan de mur
et un contrefort roman , in-
dice de l'antiquité de sa fon-
dation. Le Bulletin monu-
mental contient une notice
historique sur ce dernier éta-
blissement (t. XXVIII, p.
13^). Voici la statue du saint,
que l'on voit dansunenichesur
remplacement de la chapelle.
(1) Il paraît que celîe antique confrérie vient dYlrc supprimée.
300 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Deux chanoines du chapitre de Lisieux y avaient aussi
leur prébende, Assemont et Bourguignolles.
BANLIEUE.
Les Pavements. —La banlieue de Lisieux renferme quelques
constructions qui méritent d'être signalées. Il faut mettre en
première ligne les Pavements, situés à un petit quart de lieue
de la ville, sur la route d'Orbec. Voici la description qu'en
donnait M. Raymond Bordeaux, dans son Excursion archéo-
logique dans La vallée d'Orbec , en 1851. Depuis lors, il y
a peu de changements à constater :
« A peine avions-nous quitté Lisieux, que déjà nous des-
cendions de voilure pour visiter Les Pavements , pittoresque
construction du XVIe siècle, qui borde la route à gauche. Je
ne sais quel titre donner à cet édifice : ce n'est point un châ-
teau, ce n'est guère un manoir, c'est plus qu'une maison de
ferme. L'habitation principale présente, en dehors de l'enclos,
un premier étage en bois, jeté en encorbellement sur un
rez-de chaussée de pierres blanches; des poutres énormes,
décorées de têtes fantastiques, qui semblent vouloir engloutir
dans leur énorme gueule l'extrémité des corniches à moulures
de la Renaissance, forment l'encorbellement. Puis, au-dessus,
un toit en forme d'auvent s'avance entre le premier étage et
le rez-de-chaussée, pour abriter ces sculptures. De vastes
lucarnes dépassent les toitures, déjà très-saillantes. Des tuiles
rouges, clouées comme de l'essente, revêtent en certains
endroits la façade. Ces poutres travaillées, ces têtes fantasti-
ques qui saisissent entre leurs dents crochues l'extrémité des
faisceaux de moulures, les lucarnes immenses, les ravalements
en tuile : tout cela forme le caractère commun de la plupart
des maisons anciennes de Lisieux et des châteaux du Pays-
CANTON DE USIEUX , 2e SECTION. 301
d'Auge; mais, aux Pavements, la physionomie des constructions
locales nous a paru plus fortement accentuée qu'ailleurs. Cette
habitation, semi-féodale et semi-rustique, doit à l'ampleur de
ses toitures beaucoup de l'apparence d'un chalet suisse.
« Pendant qu'une partie de notre compagnie examinait
l'extérieur de cette vieille demeure, le reste de l'escouade
envahissait la cour. La façade intérieure est moins sévère ; le
rez-de-chaussée, de ce côté, est en bois comme le premier
étage, et on y a percé plus hardiment des ouvertures. Toute-
fois, les fenêtres portent encore les traces des grilles à barreaux
croisés qui les garnissaient primitivement. Les deux portes
qui donnent accès dans la rfiaison ont de beaux chambranles
à sculptures gothiques. Leur arc surbaissé est garni de feuilles
de chardon et d'un de ces bouquets, ou crosses végétales, que
les archéologues anglais nomment finiats. Tandis que M.
Bouet dessinait ces sculptures, un peu grossières, mais hardi-
ment taillées dans le bois, je prenais, pour ma part, un cro-
quis de deux écussons sculptés dans le couronnement de ces
portes.
« L'un porte une roue comme pièce principale, avec peut-
être la date de 1561 en chef. L'autre paraît avoir été armo-
rié d'un chevron et d'un chef chargé d'un T accosté de deux
roues (1). »
Le premier va nous donner le nom de celui à qui l'on
doit cette construction. La roue d'or à huit raies sur
champ d'azur appartient à la famille de La Reue, laquelle
comme on l'a vu plus haut, concourut avec les Le Valois à
l'édification de l'église St-Jacques. Celte famille, d'origine
lexovienne , s'illustra par des charges de magistrature: on
trouve sa généalogie dans le Dictionnaire de Lachesnaye
(1) Excursion archéologique dans la vallée d'Orbec, comptes-rondin
par M. Raymond Bordeaux. Caen, Delos, 1851, in-8°, p. k et 5,
302 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Des Bois (t. XTI, p. 71 ). En rapprochant des dates le style
du monument, on peut, sans témérité, en attribuer la con-
struction à Thomas de La Rcue, conseiller en court taie et
lieutenant-général du bailli d'Évreux.
Les Pavements méritent bien être dessinés : aussi i'ont-ils
été plusieurs fois, entr'autres par M. F. Thorigny, dans son
Calvados pittoresque.
Celte maison appartient à M. Paul Target, membre de
l'Association normande : on peut donc la regarder comme
étant à l'abri des mutilations.
Malicorvc. — Sur le chemin de St-Julien-le-Faucon,
presque à l'extrémité du territoire de St. -Désir, est un manoir
décoré par le vulgaire du titre pompeux de château de Mali-
corne. Il remonte au XVe siècle. Bâti sur une motte, à la
jonction de deux ruisseaux dont les eaux remplissaient ses
fossés, il a pu avoir une certaine force de résistance.
Il consiste actuellement en une maison de bois avec encor-
bellements moulurés. Aucune porte, aucune fenêtre ancienne.
Il a subi des transformations radicales vers le règne de Louis
XIV. L'escalier est placé dans une tourelle hexagonale, en
saillie au centre de la face orientale. Cette tourelle, en bois
comme le reste, a été tronquée à sa partie supérieure. Elle
devait se terminer par un toit pyramidal, détaché du grand
comble.
A l'intérieur , on voit encore deux cheminées au large
manteau de pierre : elles n'ont aucune moulure caractéristique ;
mais au centre de l'une se trouve une petite niche ogivale
subtrilobée, destinée , sans doute, à une statue de saint ; sur
l'autre figure un blason meublé de deux ailes d'oiseau, réunies
par le bas.
Comme aux Pavements, nous pourrons avec cet indice
retrouver le nom du constructeur. La famille d'Osmont porte
pour armoiries de gueules au vol a" hermine. En 1/i63, Louis
CANTON DE LIS1EUX 9 2* SECTION. 303
d'Osmont fournit ses preuves à Montfaut sur la paroisse
St-Désir. Six ans plus tard, il se rendait avec son frère, Jehan,
seigneur de Beuvillers, aux montres de la noblesse du bail-
liage d'Évreux. Louis d'Osmont épousa Marguerite du Mcsnil,
veuve, en premières noces de Jehan de Trihan. Il en eut un
fils nommé François, qualifié seigneur de Malicorne, Millouet
et Beuvillers, marié en 1^97 à Uobine Fortin. C'est à l'un ou
à l'autre de ces deux personnages que parait devoir être attri-
buée la construction du manoir dont nous nous occupons.
Pendant les guerres de religion, le seigneur de Malicorne
fut capitaine de la compagnie bourgeoise chargée de la
défense du faubourg St-Désir. Il rendit des services à la
ville.
Un autre membre de la famille d'Osmont était également
à la tête de la compagnie de St-Désir, l'une des quatre de
la ville, en 167(5, lors de la prise de possession de M. de
Matignon II.
L'illustralion de la famille d'Osmont est connue. Elle a
formé deux branches principales : celle des marquis d'Osmont
à laquelle appartenaient les seigneurs de Malicorne, et celle
des comtes de Boitron. Les Bouquetot, les llautemer, les
Médavy ont recherché son alliance.
Le Castellier. — Le Castellier, charmante habitation dont
le parc longe la route de Caen, était aussi un fief; mais le
pavillon confortable que l'on voit actuellement, caché à demi
au milieu de belles plantations, ne remonte qu'à la fin du
siècle dernier. Le vieux manoir dont il usurpe le nom était
situé loin de là, dans l'enclos môme du camp romain d'où il
tire sa dénomination. Détaché du corps du fief et devenu
simple ferme dès 1/428, il nous a été impossible de le retrou-
ver.
Au XIVe siècle, le Castellier appartenait à la famille d'Os-
mont. Au XVI% il est en possession delà famille de La Porte.
304 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Des documents authentiques, que j'ai eus dans les mains,
m'ont fourni les noms de:
Noble homme t>le Pierre de La Porte, licencié ès-droicts,
bailly vicomtal de Lisieux, seigneur du fief, terre et sieurie
du Castellier, 1570;
Maistre Adrian de La Porte, licencié ès-droicts , lieutenant
général au bailliage vicomtal de Lisieux et sr du Castellier,
1598-1613;
Noble homme M* Jehan de La Porte, conseiller du roi en
sa Cour des Aides de Normandie. Il laissa une fille unique,
damoiselle Marie de La Porte, se disant en 1641 , veuve du
sieur d'Armonville;
Adrien-Georges de La Porte, sieur du Castellier, bourgeois
de Lisieux, 1761.
La construction du pavillon est due à M. Lefebvre du
Hazeray. Depuis, M. le marquis de Rely et M. de Vigan l'ont
successivement possédé. M. Halphen, de Paris, qui l'habite
actuellement , l'a acquis il y a quelques années, de j\lme de
Vigan.
te Lieu-Binei. — Dès le XVIe siècle, les bourgeois se
bâtirent des maisons de campagne où ils allaient se délasser
des préoccupations du négoce et parfois des luttes municipales.
Les environs des grandes villes en sont remplis. On les appe-
lait Folies, nom que l'on retrouve notamment aux environs
de Paris et d'Évreux. C'était ce que l'on a travesti de nos
jours en villa, mot plus guindé , mais moins français. Ces
retraites, autour de Lisieux, portaient le nom générique de
Lieu, auquel on ajoutait celui du bourgeois à qui elles appar-
tenaient. Tel est le Lieu-Binet.
Situé à la porte de la ville, sur la roule de Livarot, un
chemin étroit le sépare de l'ancienne enceinte du château des
Loges, splendide maison de campagne des évêques, dont il ne
reste que le souvenir.
CANTON DE LISIEUX , 2e SECTION. 305
C'est un long bâtiment à mi-côte. Le rez-de-chaussée est
construit en briques avec chaînes de pierre. L'étage supérieur
est en bois sans sculptures. Il n'y a point d'encorbellements.
Ces caractères suffiraient pour faire fixer sa construction au
XVIIe siècle, quand même on ne trouverait pas la date 1666
gravée sur une de ses façades.
Au centre de la façade extérieure, à peu près, s'ouvre une
porte protégée par un auvent couvert de tuiles; elle conduit
dans une grande salle munie d'une vaste cheminée en pierre,
au manteau soutenu par deux consoles, dont la partie supé-
rieure imite le chapiteau ionique. Un vieux bahut de chêne,
de la Renaissance, était oublié dans un coin de celte salle,
lorsque je la visitai.
Deux autres salles occupent le rez-de-chaussée. A celle qui
est voisine du coteau, outre les communications intérieures,
on accède par un escalier extérieur en pierre protégé d'un
toit. Cet escalier mouvementé heureusement la façade, unie
et un peu froide.
Dans l'angle de la troisième pièce, vers la route, est une
tourelle contenant un escalier de service. Les chambres de
l'étage supérieur ne présentent aucune particularité à si-
gnaler.
Je n'ai pu me procurer aucun détail sur la famille, sans
doute Lexovienne, qui a laissé son nom à ce lieu.
LA POMMER A YE.
La Pommeraye , Pomme? ia.
L'église de La Pommeraye n'a jamais eu d'autre rang que
celui de succursale ou chapclle-anncxe , sans territoire bien
déterminé. Elle était, comme elle est encore , comprise dans
les limites de la paroisse de St-I)ésir. Elle ne paraît, dans les
touillés, qu'à partir du XVIe siècle. Le bénéfice était à la
20
306 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
nomination du chanoine prébende de St-Pierre-Azif, à raison
de son fief, avec haute-justice , situé sur son territoire ; mais
il fut souvent troublé dans son droit par le prébende de la
Pommeraye. La relation de ces procès n'offre , du reste ,
aucun intérêt.
Malgré son peu de valeur architectonique , cette église tire
de sa situation un attrait particulier. La grande mare pleine
de roseaux qui se trouve
devant le portail , les arbres
serrés qui l'environnent et la
cachent, les chemins défoncés
qui y conduisent, les lichens de
ses murs, prédisposent l'esprit
à la rêverie.
L'ensemble de la construc-
tion est de l'époque romane,
et peut-être, à cause de cette
disposition d'esprit toute par-
ticulière dont je viens de
parler , je serais porté à lui
attribuer une antiquité très-
reculée. Les murs sont en
blocage grossier : ceux du
midi restent mieux caracté-
risés, les mortiers très-blancs
se trouvent mélangés de par-
celles de charbon , et les
moellons sont en général po-
reux, quelques-uns teintés de
y — y
rose ou de brun, ce qui leur donne un aspect de terre cuite
ou de pierre calcinée par le feu. Ils sortent des carrières du
pays, qui toutes fournissent le calcaire oolithique.
Les deux fenêtres centrales de la nef, petites et cintrées ,
GASTON DE USIELX, 2e SECTION. 307
doivent avoir une origine romane, malgré les retouches qui
les ont défigurées. Les autres ouvertures sont la plupart mo-
dernes, quelques-unes du XVIe siècle. Le portail tout en-
tier, avec sa fenêtre ogivale, et les parties attenantes des deux
murs latéraux , appartiennent aussi à cette dernière époque.
Le chœur a été refait à une époque toute moderne. Sans
aucun doute , il était étroit et resserré comme ceux de St-
Martin-de-la-Lieue et de St-Jean-de-Livet , églises fort an-
ciennes dont on lira plus loin la description.
Rien dans le mobilier n'a une valeur artistique. Les trois
autels sont du dernier siècle; mais ils ont encore des pare-
ments d'étoffes au devant du tombeau, ornement qui tend à
disparaître partout, malgré le parti qu'on en peut tirer , et
aussi malgré les prescriptions liturgiques. Le parement qui
enveloppe le petit autel du midi est en jais, dessinant de larges
rinceaux d'or sur un fond blanc mat. Il est malheureusement
en mauvais état, mais on y attache de l'intérêt et on a raison.
La statue de saint Laurent , patron de l'église , sur l'autel
du nord , est gothique ; elle peut remonter au XVe siècle.
Parmi les quelques tableaux suspendus aux murs, se trouve
une des premières études de Duval-Lecamus : une tête de
Madeleine.
La chaire paraît remonter au règne d'Henri IV. Elle est
de forme hexagonale, et de la hauteur d'une simple tribune.
La menuiserie en est bonne. A un autre point de vue, elle mé-
rite l'attention des liturgistes , car c'est certainement une des
plus anciennes chaires d'église rurale que l'on puisse rencontrer.
La cloche date de 1823 et son inscription n'offre aucun
intérêt. Avant la Révolution, il y avait deux cloches. On
trouve , dans les registres conservés aux archives de la com-
mune de St-Désir, que, le 24 juillet 1707 , il fut délibéré
par les habitants de faire refondre et augmenter la plus
petite , qui était cassée.
308 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Le 24 octobre 1791, inventaire fut dressé par la munici-
palité de St-Désir, du mobilier de la chapelle succursale de
St-Laurenl de la Pomeraye.
Voici un extrait de cet inventaire , qui pourra donner une
idée de la pompe qui présidait aux cérémonies du culte dans
cet humble oratoire :
Une croix en cuivre avec son bâton en bois ;
Six candélabres en bois et leurs cierges sur l'autel de la
Vierge ;
Quatre candélabres seulement sur l'autel de St-Hildevert ,
devenu maintenant l'autel St-Laurent ;
Un bénitier en cuivre ;
Un encensoir et une navette en cuivre ;
Sur le maître-autel, huit candélabres: deux en cuivre et
les autres en bois ;
Une chape, huit chasubles et leurs étoles \
Un saint-ciboire, une patène et un soleil ;
Deux plats à quêter, un d'étain, l'autre d'airain.
Au midi de l'église , est un ancien manoir sans grand ca-
ractère architectonique, mais dont le toit était surmonté de
deux beaux épis en terre vernissée. Malheureusement ces
épis ont été déplacés et emportés par le propriétaire. Ce
manoir était probablement le presbytère.
COMMUNES RURALES.
Les communes rurales de la seconde section de Lisieux
sont les suivantes :
La Boissière. St-Jean-de-Livet.
St-Germain-de-Livet. Lessard-le-Chêne.
La Houblonnière. St-Martin-de-la-Lieue.
CANTON DE LISIEUX, 2e SECTION. 309
Le Mesnil-Eudes. Le Prédauge.
Le Mesnil-Simon. St-Hippolyte-du-Bout-des-
Les Monceaux. Prés.
La Moite. Prêtreville.
St-Pierre-des-Ifs.
Nous en commencerons la revue par St-Martin-de-Ia-
Lieue.
SAINT-OIARTIX-DE-LA-UEUE.
St-Martin-de-la-Lieue , S. Martinus de Leuca.
L'église St-Martin-de-Ia-Lieue , sur le bord de la route de
• PLAN DE L EGLISE DE S A1NT-MARTIN-DE-LA-LIEUE.
Fcrvaques , appartient au style roman; le chœur, assez
court , est en retrait sur la nef. Elle a conservé son petit
310 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
appareil régulier , remplacé dans quelques parties par des
1111.
GECTEo Set/
XI/
a J ^\ ppcic
WliiM p— t ,
|]0DiBlDBDQ
^Â ^ A ÇA ^\
pierres disposées en arêtes ; il reste encore plusieurs fenêtres
primitives dans les murs de
la nef.
Le chœur est voûté en
wagon , sans nervures ; mais
le badigeon ne permet guère
de se prononcer absolument
sur l'âge de cette voûte , qui
doit néanmoins être ancienne.
Ce chœur est fort bas et très-
petit. L'église , elle-même , de
petite dimension et presque
sans moulures , paraît appar-
tenir à peu près à la même
CANTON DE LISIEUX , 2" SECTION. 311
époque que celle d'Ouillie-le- Vicomte , que nous décrivions
précédemment. La brique n'a pas été employée dans les
appareils à l'église de St-Martin, comme à l'église d'Ouillie;
mais les deux églises peuvent être contemporaines.
La façade occidentale a été relevée au XVe siècle. Sur le
tympan de la porte on distingue deux écussons, probablement
ceux des seigneurs qui l'ont fait construire.
Le clocher , carré , en charpente , est établi sur le chœur.
On voit , à la partie supérieure du gable de l'église St-
Martin , des ouvertures triangulaires formées de deux pierres
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inclinées Tune vers l'autre. Un petit nombre d'églises an-
ciennes offrent de pareilles ouvertures , et cette disposition
se voit dans l'église de Savenières-sur-Loire. M. le comte de
Soultrait l'a , de son côté , signalée dans les églises les plus
anciennes du Nivernais.
Le seigneur temporel nommait à la cure de St-Martin ;
mais, au XVIIIe siècle, ce patronage était passé au Roi,
d'après le pouillé du diocèse.
312 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
SAINT-HIPPOLYTE-DU-BOUT-DES-PRÉS (i).
St-Hippolyte-du-Bout-dcs-Prés , Sanctus Ypolithus , St-
Ypolite du boidi des Preys.
Cette paroisse, comprise dans la banlieue de Lisieux au
spirituel et au civil, avait un territoire très-restreint ; sa po-
pulation se composait de 18 feux, environ 90 habitants.
L'église correspondait, par ses petites dimensions, à ces
besoins modérés. Elle se composait seulement d'un chœur et
d'une nef. Le chœur était en retraite sur la nef. Le clocher
s'élevait à l'extrémité orientale de la nef, près de l'arc
triomphal. Cette disposition , fondée sur les lois liturgiques,
que l'on tend à supprimer de nos jours partout où on
la rencontre , indique généralement une haute antiquité.
L'intérieur , malgré son état de délabrement , avait con-
servé un certain prestige , grâce à ses voûtes de merrain
peintes en azur avec des étoiles blanches , et aux grands
écussons d'argent à la bande d'azur , qui tranchaient sur
les murs au milieu de la ligne noire de la litre funèbre.
Malgré son peu d'importance , St-Hippolyle subsista avec
le titre de commune jusqu'en 1834. Alors une ordonnance
royale l'annexa à St-Martin-de-la-Lieue. Ce fut le signal de
la destruction de l'église, dont le petit clocher d'ardoise ani-
mait le paysage, et se découpait sur le coteau qui borde la
rive gauche de la Touque.
Le mobilier fut partagé comme une dépouille opime. Beu-
viîliers recueillit les fonts baptismaux : ils dataient seulement
du dernier siècle. La chaire se trouve à l'église de Lessard, et
Ci; Notes de M. Charles Vasseur.
• CANTON DE LISIEUX , 2e SECTION. 313
la ck)chetle surmontait encore , il n'y a pas long-temps, le
comble du presbytère de St-Martin-de-Ia-Lieue.
Le patronage appartenait à i'évêque de Lisieux. Le dcrmer
curé fut l'abbé Pierre-Louis Blanchard, qui émigra pendant
la Révolution en Angleterre , où il écrivit son Histoire du
pontificat de Pie VI (Londres, 1800). Ce livre est curieux
et véridique.
L'abbé Blanchard fut l'auteur du schisme que l'on a appelé
la Petite-Église.
Manoir.— Le manoir de St-Hippolyte, ou mieux de Pont-
Mauvoisin, dont voici une vue, est assis sur la rive gauche de
VIE DU MANOIR DE Sl-HIPPOLTfTE-DU-BOUT-DBS-PHB5.
la Touque , à l'orient , et à peu de distance de l'enclos où
3U STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS. '
s'élevait l'église. Il appartient à une classe de constructions
féodales plus particulière aux environs de Lisieux qu'aux
autres parties de la Normandie. C'est un groupe de bâ-
timents d'exploitation disséminés dans une vaste enceinte
dessinée par des fossés et par la rivière , au milieu des-
quels s'élève, sur une terrasse , la demeure du maître.
Une tête de pont à tourelles défendait autrefois l'entrée
sur la rivière.
Les bâtiments d'exploitation, la plupart en bois, sont sans
valeur architecturale, à l'exception du colombier.
Ce colombier est placé à l'angle sud-est de l'enceinte. Il
est de petite dimension, de forme hexagonale et construit en
bois. Les entrecolombages sont remplis par des briques in-
clinées. Sur chacun des colombages est sculpté un fort joli
potelet, en forme de contrefort, terminé par un petit pinacle
garni de feuilles frisées. La baie de la porte, carrée, entourée
d'une torsade, est surmontée d'une accolade que terminait
un large panache de feuillage. Cette accolade s'appuie sur
deux contreforts accompagnantla porte, se terminant, comme
les potelets des colombages, par des pinacles avec feuillages
frisés, Sur chacun, comme au centre de l'accolade, était posé
un écusson bûché au vif par la doloire républicaine. On voit
par celte description que ce colombier date du XVIe
siècle.
Le corps de logis principal est construit en pierre de
taille, avec des chaînes de briques horizontales régulière-
ment espacées. Il date de la fin du XVe siècle ou du com-
mencement du XVIe. En plan , c'est un carré long flanqué
par derrière , au centre , d'une tourelle carrée qui renferme
l'escalier , et près de chaque angle, d'une autre petite tourelle
carrée.
La tourelle centrale, couverte d'un toit en ardoise, se ter-
CANTON DE LISIEUX, 2e SECTION.
315
mine , au niveau de la corniche du corps principal , par un
hourd de bois qui donne du mouvement à l'ensemble.
Cette partie du bâtiment, qui donnait sur le fossé, est très-
peu ajourée. Les principales fenêtres sont protégées par de
fortes grilles annelées.
HANOI B DR SAINT-HIPPOLlTE-DU-BOLT-DES-PUbS
Vu par derrière.
La façade qui regarde la vallée est éclairée , au premier
étage, par cinq fenêtres carrées, entourées de moulures pris-
matiques et divisées autrefois par une croisée de pierre ,
également moulurée. Les deux baies des extrémités sont
beaucoup plus étroites et grillées.
316 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Les ouvertures sont identiques au rez-de-chaussée, sauf
que la fenêtre du centre est remplacée par une porte en ac-
colade, sans aucune sculpture, entourée seulement d'un gros
tore. Il est probable que, primitivement , deux lucarnes de
pierre plus ou moins sculptées coupaient le comble de cette
façade ; il est permis de tirer cette conclusion de l'arrange-
ment des deux fenêtres intermédiaires. Aujourd'hui, deux
grandes lucarnes de bois mouvementent le toit. Elles sont
contemporaines du colombier, par conséquent un peu posté-
rieures au reste de la construction. Des potelets sculptés dé-
corent les colombages, et aux poteaux corniers sont des bla-
sons, au nombre de six, dont deux seulement portent encore
la bande des Tournebu. Les salamandres qui décorent les
poinçons fixent pour date de ce remaniement le règne de
François Ier.
L'intérieur a été successivement modifié et mis en rapport
avec le goût de chaque siècle. Une perte à panneaux plissés,
une vaste cheminée dont la hotte repose sur des colonnes à
chapiteaux gothiques, quelques pavés émaillés, sont les seuls
vestiges de l'époque primitive.
La terre de St-Hippolyte appartient à Mme la comtesse de
Foucault , chaooinesse de SlP-Ànne de Munich , et à M1Ie de
Foucault, sa sœur. Ces dames la tiennent, par héritage, de la
famille de Tournebu, qui s'est éteinte en 1810 dans la per-
sonne de noble dame Mme Marie-Pierre de Tournebu, ba-
ronne de Tournebu , dame de Moulines, Fontaine-Halbout ,
Caumont, St-Germain-de-Livet, le Mesnil-Eudes , St-Hip-
polyte et autres lieux, veuve, en premières noces, de messire
Pierre-François-Jean-Bapliste de Bernières , chevalier de
l'ordre royal et militaire de St-Louis , seigneur et patron de
Mondrainville, Gavrns, Tourville, Baron, Tournauville, etc.,
et, en secondes noces, de M. Louis -François-Pierre Louvelde
CANTON DE LISIEUX , 2e SECTION. 317
Janville-, président à la Chambre des comptes , aides et fi-
nances de Normandie.
Afin de ne pas nous répéter, nous renvoyons tout ce qui
concerne la famille de Tournebu à l'article de St-Germain-
de-Livet. C'est là qu'étaient le centre de leurs possessions et
leur résidence habituelle : il semble logique d'y concentrer
les notes qui les concernent.
Le Pont-Mauvoisin est entré dans la famille de Tournebu
dans la première moitié du XVIe siècle, par suite du mariage
de Jacques de Tournebu avec Geneviève Pillois de Monligny,
fille et héritière de Pillois de Montigny, sieur de la Pre-
vosterie et du Pont- Mau voisin. J'ignore depuis combien de
temps et comment celui-ci en avait la possession.
SAINT-JEAN-DE LIVET (1).
St-Jean-de-Livet, Sanctus Joannes de Liveto.
Cette paroisse était certainement une des moins impor-
tantes du doyenné de Livarot. Sa population a toujours été
très-peu considérable, les dimensions de l'église sont là pour
l'attester. Maintenant qu'on veut être au large et surtout
rivaliser avec les paroisses voisines, sans égard pour les con-
venances réciproques, il est bien à craindre que l'église de
St-Jean-de-Livet ne tombe quelque jour sous la sape.
Cet édifice n'est pas moins ancien que St-Martin-de-la-
Lieue, qui l'avoisine. Le plan , les proportions sont iden-
tiques ; l'appareil est aussi semblable : moellon affectant la
position du petit appareil romain et la disposition en feuilles
de fougère. C'est ce que l'on peut constater au nord et à
(1) Noies de M. Charles Vasscur.
318 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
l'ouest; car au midi un enduit impénétrable cache sous son
épaisseur tout caractère utile. Il y a absence complète de
contreforts, et l'on retrouve au chevet et au pignon occi-
dental ces trous triangulaires, déjà vus à St-Martin , qui
À/U'c
OQOQQV
K*m£
FKONTON OCCIDENTAL DE L'ÉGLISE SAINT-JEAN-DE-LIYET.
existent aussi à Reuilly, dans le département de l'Eure ; église
que l'on peut considérer comme antérieure au XIe siècle.
Malheureusement aucune des ouvertures primitives n'a été
épargnée : toutes les fenêtres sont modernes. La seule porte
qui s'ouvre dans le mur méridional delà nef est romane ,
garnie de deux tores ; les chapiteaux des colonnes sont sans
sculptures ; un porche de charpente la protège. Dans le
chevet était une étroite lancette ogivale, maintenant bouchée ;
une autre se voit dans le mur du nord de la nef.
Le clocher, placé sur le pignon occidental, consiste en une
pyramide octogone assez élancée, couverte d'ardoises.
L'intérieur n'offre aucun intérêt; la voûte est cintrée; les
autels datent du dernier siècle. Deux statues d'évêques, saint
CANTON DE LIS1EUX , 2e SECTION. 319
Firmin et saint Lubin, peuvent remonter au moyen-âge. La
chaire, les fonts, le bénitier sont modernes.
La cloche est ancienne et son inscription mérite être trans-
crite :
f IAY ETE BENIE PAR Mc ROBERT PI'.OVOST CURE DE CE LIED ET NOMMÉE
MARIE IEANNE PAR MONSIEUR IEAN BAPTISTE DAVY BOIS LAURANS SEIGNEUR
ET PATRON HONORAIRE DE CETTE PAROISSE ET DES FIEFS DE QUERVILLE
LA RIVIERE DAUGE DOUVILLE ET PATRON PRESENTATEUR DE LA CHAPELLE
DE S,e BARBE DES BOIS ET NOBLE DAME MARIE ANGÉLIQUE DE MAUDUIT
DE BOIS LAURANS '. IACQUES LE FEVRE TRESORIER.
1781.
Le patronage appartenait au Chapitre de Lisieux, par suite
de la donation qui lui avait été faite par Guillaume de Quer-
ville , prêtre, ratifiée, en 1204, par Guillaume de Mailloc,
suzerain de Livet.
La chapelle de Ste-Barbe-des-Bois , mentionnée dans l'in-
scription de la cloche , existe encore. Elle est située sur les
bruyères de Glos , à l'extrémité de la paroisse. Construite
en blocage avec angles en pierre , et mesurant environ 30
pieds de long sur 15 de large, elle date tout au plus de la
fin du XVIe siècle. Les ouvertures ont été refaites sous le
règne de Louis XV. Le chevet est penlagonal. A usage
d'étable , il ne reste rien du mobilier. La voûte est en
merrain. Le clocher n'existe plus.
Avant la Révolution, on y disait la messe tous les diman-
ches , et il se tenait une sorte de marché sur une vaste
friche qui borde son enclos.
Il est bon d'observer qu'elle est tout près de l'ancien che-
min de Lisieux au Sap.
Manoir. — Le manoir de St-Jean , situé au-dessous de
l'église , dans la vallée , appartenait à la même classe que
320 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
celui de Sl-Hippolyte , mais n'en eut jamais l'importance. La
maison manable est détruite. Le colombier existe encore ; il
est hexagonal , en bois , et son toit est surmonté d'un reste
d'épi en terre cuite.
En 1&63, la terre de St-Jean-de-Livet appartenait à
Jacques Labbey , seigneur d'Écots , Auvillers, BeaufTy, Hé-
roussart et St-Jean-de-Livet; il était petit-fils de l'écuyer
du connétable Du Guesclin. Il comparut, en 1469, aux
montres de la noblesse du bailliage d'Évreux. En 1540, la
famille Labbey possédait encore cette terre.
Au commencement du XVIIIe siècle, elle était passée à
une autre famille. Les registres de l'église de la Pouimeraye
nous apprennent qu'on y inhuma, le 29 août 1724, noble
homme messire Gabriel de Couslin , sieur de Beaurepos et
seigneur de St-Jean-de-Livet, âgé de 36 ans environ. Je
n'ai retrouvé ce nom nulle part ailleurs.
La cloche nous parle, à son tour, de Jean-Baptiste Davy de
Boislaurans. De plus amples détails seront donnés sur cette
famille, à l'occasion du fief de Querville , situé à Prêtreville.
St-Jean-de-Livet faisait partie de l'élection de Lisieux ,
sergenterie de Moyaux ; on y comptait 39 feux, c'est-à-dire
195 habitants. La population a peu varié : on compte encore
181 habitants.
SWNT-GERMAIN-DE-LIVET (1).
St- Germain- de -Livet, Sancius Germanus de Livcto ,
Livei-le- Baudouin , Livet-Tournebu.
11 y a six ans, Livet était une des localités les plus inté-
ressantes à visiter de l'arrondissement de Lisieux ; aujour-
d'hui tout est changé. Que les amis de l'histoire et du beau
(4) Noies de M. CI). Vasseur.
CANTON DE LISIEUX, T SECTION. 321
se gardent bien d'aller à Livet, s'ils ne veulent avoir le cœur
navré.
Je me vois donc forcé de parler au passé.
Admirablement situés au milieu d'une masse de verdure,
à l'entrée d'un petit vallon rafraîchi par l'eau pure d'un
ruisseau, apparaissaient pressés l'un contre l'autre un clocher
élancé et les tourelles au toit aigu d'un vieux château. Les
puissantes familles qui avaient possédé ce fief y avaient laissé
des monuments dignes d'elles.
L'église était romane et mieux construite que la plupart de
celles que nous possédons encore de cet âge. A son plan primitif
ffiMl"
P! AN DF. lYgLISF. DR S\1\T T. - T.MAÎNDF.-LIVET.
21
322 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
(un chœur, une nef), était venue s'ajouter, au XVIe siècle, une
belle chapelle seigneuriale , accolée au côté méridional du
chœur et égale en étendue.
Quand on sortait du chemin creux et ombragé, c'était la
nef qui se présentait d'abord à la vue. Tous ses murs por-
taient incontestablement les caractères du XIe siècle. Les
contreforts sont très-plats, et ceux de l'angle emboîtent la
construction ; sur quelques-uns d'entre eux on remarque des
croix de consécration dont nous donnons un croquis ; dis-
position peu commune. Malheureusement les ouvertures
primitives avaient été remplacées. Une porte percée au
XVIIe siècle, dans le pignon de l'ouest , et protégée par un
large porche, avait été substituée à la porte romane, placée
au midi, dont le profil subsiste encore. (V. la page suivante.)
Le mur du nord , sobrement éclairé dans l'origine par
deux petites fenêtres cintrées, hautes de 3 pieds sur 9 pouces
CANTON DE LISIEUX , 2* SECTION. 323
de largeur , a été repercé d'abord au XVIe siècle , puis à
l'époque moderne. Trois fenêtres, de la fin du XVIe siècle,
prenaient le jour au midi. Le chœur, aussi bien caractérisé,
était en retraite sur la nef. On y voyait, dans le mur du nord,
une petite porte cintrée, la porte du Prêtre. L'unique fenêtre
était moderne, car une baie ogivale à traceries Renaissance,
qui avait été pratiquée dans le chevet, se trouvait bouchée.
En tournant ainsi autour de l'édifice , nous voici arrivé à
la chapelle. Rien dans son style ne rappelle le gothique : sa
construction tout entière est dans le style classique. Son
chevet, cependant, est soutenu par un contrefort qui annonce
un reste d'édifice plus ancien. La grande fenêtre qui prenait
le jour de l'Orient, datée de 1579 (V. la page 326 ) , était
garnie d'une voussure à bossages ; sa tracerie se compose
de compartiments ovoïdes, et les meneaux qui la portent sont
de petits pilastres carrés d'ordre ionique.
324 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
FENÊTRE DE LA CHAPELLE DE SAINT-GERMAIN-DE-LIVET,
CANTON DE LIStEUX, T SECTION. 325
Le mur méridional était construit en échiquier de pierres
et de briques, percé de trois fenêtres cintrées de médiocre
grandeur. Des pilastres peu saillants avec chapiteaux ioni-
ques allaient soutenir la corniche , composée d'une série de
petites conscles.
Le mur de l'ouest présentait la même ordonnance et le
même appareil. Dans le pignon s'ouvrait un oculas. La porte
était cintrée, à chambranle vermiculé. Sur l'atlique on lisait
la date 1578 (V. la page 326), et dans un cartouche au-
dessous, cette devise :
SOLI DEO KOX-
OR ET GLORIA.
Du reste, le joli dessin qu'a pu en faire M. Bouet dispense
de toute description.
Dans l'intérieur, on ne trouvait point un mobilier artistique ;
néanmoins un certain attrait vous y saisissait.
L'autel du chœur, avec quatre colonnes corinthiennes,
était primitivement orné d'un assez bon tableau représentant
la naissance du Sauveur, avec cette particularité que saint
Germain, le patron de la paroisse, y figurait parmi les as-
sistants, dans son costume épiscopal. Cet anachronisme, qui
avait un parfum trop moyen-âge, avait déplu; et le tableau,
quand j'ai visité l'église une première fois, en 1853, avait
fait place à un méchant groupe en bois qui figurait le même
sujet, moins saint Germain.
Celte contretable , commencée à la Chandeleur de l'année
1745 , fut achevée le 7 décembre suivant. La bénédiction en
fut faite, quatre jours après, le 11 , par M. Jean Rohays ,
curé du lieu. C'était l'œuvre de Robert Armenout, sculp-
teur, qui reçut 400 liv. pour la façon, plus 150 liv. poul-
ies statues de saint Germain et de sainte Geneviève. J'ai
trouvé cette note dans les papiers du sieur Charles Har-
326 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
FAÇADE DE LA CHAPELLE DE SA1NÏ-GEHMAIX.
CANTON Dli LISILUX, 2e SECTION.
327
Boiit-t dcl
PORTE DE LA CHAPELLE DE SAINT-GERMAIN-DE-LIVET.
328 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
douin , trésorier comptable, qui eut, en cette qualité, l'hon-
neur de chasser une cheville de ladite contretable.
Lors du grand remaniement de l'église, au XVIe siècle,
on avait orné les fenêtres de vitraux. Il en était resté les
deux inscriptions suivantes:
Me IEHAN • LE FRANC • A
DONNE CE PANEAV
DE VERRE PRIES
DIEV POVR LUI.
1580.
Me LE BOVRGOIS
(armu) rier a donne
(ce pa)NEAV DE VERRE
(pries) diev povr ldy.
1580.
Ce dernier est de la famille, peut-être le père et le maître
de Marin Bourgeois, l'inventeur du fusil à vent, le peintre,
sculpteur, etc. , du roi Louis XIII. Je me réserve de le dé-
montrer ailleurs.
La chapelle seigneuriale ouvrait sur le chœur par trois
arcades cintrées, soutenues sur des colonnes cylindriques à
chapiteaux sculptés. Les feuillages de l'un d'eux étaient roulés
en crossettes, de manière à rappeler les chapiteaux du XIIIe
siècle.
La voûte était en merrain avec charpente apparente, et les
sablières qui lui servaient d'appui étaient sculptées de rageurs
d'où partaient des guirlandes d'oves, d'entrelacs et autres or-
nements particuliers au XVIe siècle.
Mais ce qui arrêtait surtout les regards, c'étaient les trois
belles statues agenouillées sur les tombeaux des fondateurs de
la chapelle et de leur fils. Sous l'enfeu , près du mur du
sud, se trouvaient les deux que voici : on voit , par leur cos-
CANTON DE USIEUX , 2e SECTION.
329
A.T»iou£T tmmm^.
STATUE TOMBALE b'iN SIRE DE TOURNEBU, A SAINT-GERMAIN-DE-LlVET.
330 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
AT.
STATUE TOMBALE D'UNE DAME DE TOURNEBU , A SA1NT-3ERMAIN-DE-LIVET.
tume , qu'elles datent bien de la fin du XVIe siècle. La troi-
sième était sous une arcade près de la grille du chœur ; elle
est d'une date un peu plus récente. Les blasons qui accom-
CANTON DE L1SIEUX , T SECTION.
331
STATUE TOMBALE u'iN SIRE DE TOIRNEDU, A SAINT-GERM UN-DE-LIVET.
332 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
pagnaient ces statues indiquent qu'elles représentaient des
membres de la famille de Tournebu , car aucune inscription
ne se lisait sur les tombeaux. Voilà ce qu'était l'église de
St-Germain-de-Livet. Avant de courir au château, dont l'as-
pect séduisant (je parle toujours de 1853 ) nous promet tant
d'émotions, nous allons nous arrêter sous le porche pour lire
une affiche, la plus ancienne certainement de toutes les af-
fiches actuellement existantes. C'est un Arrêté de la Com-
mission intermédiaire de VassembU'e provinciale de la
Haute-Normandie, du 3 septembre 1789.
Le lecteur désire savoir, sans doute, pourquoi cette église
n'existe plus et quel est le monument qui la remplace.
Pourquoi? C'est qu'il s'est trouvé quelqu'un qui s'est ima-
giné un matin, en s'éveillant, avoir plus d'esprit que les hauts
et puissants barons de Tournebu, présidents au Parlement de
Normandie, etc. , etc. Ce quelqu'un a fait venir un agent-
voyer, sur le refus de l'architecte, pour mettre à exécution
son rêve ; l'autorité ecclésiastique, qui aurait dû conserver, a
laissé faire ; l'autorité administrative a approuvé , bien qu'il
n'y eût pas le moindre prétexte à changement. On a jeté les
statues à la voirie , on a rasé l'église. Et qu'a-t-on fait à la
place ? Le nom n'est pas encore inventé. Ce n'est pas une
grange, je ne dis pas une grange gothique (elles sont géné-
ralement fort belles), pas même une de ces granges vulgaires
comme j'en ai vu en Belgique et ailleurs.
Château. -Nous voici devant le château. Lui aussi a subi
des mutilations regrettables; mais il faut nous incliner devant
la volonté du maître. C'est une propriété privée , et chacun
doit être libre de traiter son bien comme il l'entend.
Situé vis-à-vis du portail occidental de l'église, ce château se
compose de deux enceintes. On entre dans la première par une
grande porte cintrée, accompagnée d'une poterne en accolade
CANTON DE LISIEUX , 2e SECTION. 333
pratiquée dans un mur de pierres et de briques vertes ver-
nissées, disposées de manière à former échiquier. C'est, à
proprement parler, une basse-cour, qui ne renferme que des
bâtiments d'exploitation rurale et le colombier. On ne voit
autour aucune trace de fossés.
Tous ces bâtiments sont en bois; un seul a conservé quelque
cachet: il remonte au XVIe siècle. Le colombier, construit
à l'angle sud-est de l'enceinte, est dans de grandes proportions.
Il est octogone, construit en bois, avec briques inclinées entre
les colombages. Les poteaux corniers portent, à leur partie
supérieure , des blasons rendus frustes par les années , mais
dont on peut encore distinguer les pièces principales. Tous
sont partis , et la première partition est de ïournebu : d'ar-
gent à la bande d'azur. A la seconde partition , on trouve
sur l'un les trois maillets de Mailloc; sur un autre, une croix
accompagnée de quatre pièces qu'il est impossible de recon-
naître. Un toit rapide, pyramidal, avec une petite lanterne au
sommet, couvre ce colombier.
Au fond de la première enceinte s'élève le château , en-
touré de larges fossés remplis d'eau vive. Son plan est un
pentagone irrégulier. Le pavillon d'entrée, qui regarde l'Orient,
est bâti en échiquier de pierres et de briques vernissées, alter-
nativement rouges et vertes. Deux sveltes tourelles à toit
conique flanquent ses angles. La porte , accompagnée d'un
portique d'ordre corinthien , porte la date de 1584. Une fe-
nêtre à fronton triangulaire, accostée de niches pour des
statues, éclaire la salle supérieure. Le toit rapide en ar-
doise est coupé par une lucarne en pierre. Du reste, le dessin
de M. Bouet est d'une dimension suffisante pour donner une
idée complète de l'ordonnance.
Un grand bâtiment de construction identique fait suite au
pavillon , vers le midi , remplissant le second côté du penta-
gone. Le rez-de-chaussée, consacré a des magasins, ne reçoit
33^ STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
ENTRÉE DU CHATEAU DE LIVET.
la lumière que par trois petites ouvertures circulaires. L'étage
supérieur est percé de trois belles fenêtres semblables à celles
des tourelles du pavillon, qui alternent avec des niches, dont
les statues ont disparu à la Révolution. La toiture est en
CANTON DE LIS1EUX , 2' SECTION. 335
tuiles, mais en tuiles de couleurs variées, qui devaient former
primitivement des dessins par leur disposition.
A l'extrémité de ce bâtiment , s'élève une tour construite
toujours avec les mêmes matériaux , revêtue de la même or-
nementation. Sa corniche est garnie de mâchicoulis.
Les deux côtés suivanlsdu pentagone étaient formés de con-
structions affectant la même ordonnance , mais moins ornées
parce qu'elles étaient moins en vue. On vient de les raser, en
grande partie, pour ménager une vue. Comme le château est
dans un vallon fort étroit et peu pittoresque, la perspective
procurée à ce prix consiste en trois saules au milieu d'un pré
à faucher.
Les bâtiments de la cinquième façade sont en bois , sans
sculptures; ils accusent le XVe siècle, et vraisemblablement
ils sont antérieurs aux belles constructions que nous venons
de passer en revue. Une cour intérieure occupe le centre
du château. Ce qu'elle a de caractéristique, c'est la galerie
de quatre arcades, portées sur des piliers toscans vermiculés,
qui forme une sorte de cloître sous le bâtiment faisant suite
à la porte. L'étage supérieur répèle l'ordonnance extérieure.
La corniche, richement sculptée, porte sur sa frise l'inscrip-
tion suivante :
FINIS LAVDAT OPVS
et plus bas , dans un cartel :
1588.
Il ne faut pas négliger de jeter un coup d'œil sur la porte
en accolade qui se trouve à droite en entrant: elle est garnie
de clous ornés, fort curieux, dessinés et décrits dans le savant
ouvrage sur la Serrurerie du moyen-âge publié par M. Ray-
mond Bordeaux, en 1858.
Celte porte conduit à une grande salle à vaste cheminée ,
336 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
dont les murs étaient autrefois couverts de peintures repré-
sentant, dit-on , la bataille de Pavie. Dans l'angle , près de la
cheminée, une tourelle renferme un escalier de service qui
conduit à la salle supérieure, laquelle possédait aussi une belle
cheminée dont la hotte était couverte de compartiments flam-
boyants. Je doute qu'on en trouve un second exemple dans
les environs de Lisieux. Plus loin , une cheminée plus mo-
derne était garnie d'une plaque en fonte où figuraient deux
écussons accolés, sommés chacun d'un casque à lambrequins.
Sur le champ du premier sont posées trois gerbes, sur l'autre
la bande d'azur des Tournebu. Des pavés émaillés aux types
les plus variés, des plombs aux fenêtres, voilà ce que l'on
trouvait à chaque pas, avant la restauration du château. De
celte restauration nous ne dirons rien.
Trois familles ont possédé successivement la baronnie de
Livet. $À première en date est la famille Tyrrel. Elle était
puissante dans la contrée dès le commencement du XIFIe
siècle. En 1206, Guillaume Tyrrel , écuyer de Livet-le-Bau-
douin, faisait un accord avec l'abbaye d'Ardennes, au sujet
d'une vavassorie du nom de Fresne-Chargie , située dans la-
dite paroisse , et que son oncle, Richard Tyrrel, chevalier,
avait donnée aux religieux.
Après cette famille, les Livet se trouvent en possession de
cette terre , qui entra dans la maison de Tournebu par le
mariage de Jeanne de Livet avec Pierre de Tournebu , en
1^62. Pierre possédait déjà , de son chef, les seigneuries de
la Vacherie, Fresnay et Sauqueuse. Après le décès de Guil-
lebert Louvet et de Marie de Mailloc, père et mère de Jeanne,
sa femme, il fit partage de leurs biens et choisit la seigneurie
de Livet et les fiefs de St-Vast et d'Estrées, à charge de payer
à Jeanne de Vaux , femme de Jean Louvet , 500 livres que
lui avait données en mariage son oncle Pascal de Vaux,
évèqtie de Lisieux.
CANTON DE LISIEUX , 2e SECTION. 337
Pierre de Tournebu eut six fils, dont l'aîné, Jean, fut sei-
gneur de Livet après son père. Jacques , fils de Jean , aussi
seigneur de Livet, augmenta ses domaines déjà considérables
des terres de la Prevostière et du Pont-Mauvoisin que lui ap-
porta Geneviève Pillois de Montigny, sa femme, comme on
l'a vu à l'article de S'-Hippolyte.
C'est à Robert, son petit-fils, qu'il faut attribuer la con-
struction du château et de la belle chapelle seigneuriale dont
nous avons regretté la perte. Ce sont les statues de Robert et
de Madeleine de Seguise, sa femme, et d'Anne de Tournebu,
leur fils aîné , qui ont été réduites en moellons après avoir
subi des outrages que la Révolution de 1793 leur avait épar-
gnés.
Robert de Tournebu avait reçu une éducation moins guer-
rière que ses prédécesseurs. Marie de Croixmare , sa mère ,
appartenait à une famille parlementaire. Le contact des gens
lettrés, les voyages qu'il dut faire dans la capitale de la Nor-
mandie, tournèrent son esprit vers les beaux-arts. C'est à
cette influence que nous devons les belles constructions que
nous avons décrites.
Anne de Tournebu , devenu seigneur de Livet après son
père , suivit la carrière de la magistrature et devint président
aux requêtes au Parlement de Rouen.
Robert de Tournebu , son fils, sieur de St-Germain-dc-
Livet, du Pont-Mauvoisin, sieur et patron du Mesnil-Eudes,
suivit la Cour et obtint la charge de gentilhomme ordinaire de
la chambre de la Reine-Mère.
Jusqu'à la Révolution, la famille de Tournebu posséda les
terres de Livet, Mesnil-Eudes et le Pont-Mauvoisin; mais
c'est le château de St- Germain qui lui servit toujours de ré-
sidence. Après la tourmente, le dernier rejeton de la maison,
Mme Marie- Pierre de Tournebu , qui avait épousé en pre-
mières noces M. de Mondrainvillc , et en secondes noces
22
338 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
M. deJanville, put rentrer en possession des épaves de ces
terres, que ses héritiers, MM. de Foucault, se sont partagées
et que leurs représentants possèdent encore aujourd'hui.
Le hasard m'a fait passer par les mains un grand nombre
d'aveux rendus aux seigneurs de Livet. Ils présentent une énu-
méralion à peu près complète des diverses redevances féodales
en usage dans notre pays; mais, tout calculé, les charges étaient
moins lourdes que celles qui pèsent actuellement sur les cam-
pagnes : je pourrais le démontrer , pièces en main.
Les vassaux de la seigneurie de Livet devaient à leurs
seigneurs :
Des rentes en argent (1/4 deniers par acre, en moyenne);
Des chapons à Noël ;
Des œufs à Pâques ;
Foy, hommage, reliefs et treizièmes ;
Réseantise ;
Obéissance de court et usage;
Aides coutumières ;
Service de prévosté ; _.
Regard de mariage ;
Abattre et cueillir les fruits, tant pommes que poires, et
les porter aux greniers ;
Les piller, sildrer et enthonner ;
Chaumer les chaumes, quérir les hards pour iceulx lier ;
Faner, botteler, charier et tasser les foings ;
Prière de charrues et de herche deux fois par an « pour-
veu qu'il y ait bêles tirantes à harnois et regesantes sur le
fief; — et devons avoir un respeus vne foys le jour pour les
personnes et bestes, et deux deniers au soir pour charrue ou
grande herche et vn denier pour la petite herche » ;
Baon du moulin ;
« Aider à amener les meules et le tournant d'iceluy mou-
lin dentre les quatre portes de Normandie ; »
CANTOiN DE LISIEUX , 2e SECTtOiN. 339
Aider à tenir les écluses en bon état ;
« Subjects aussy à gerbe et nolel au preuost et meusnier
de mondict sieur.... » ;
Aider à curer les mottes d'allenlour dudict manoir de trois
ans en trois ans et faire le hérichon.
Enfin, voici une singularité: L'aînesse de la Quesnelière,
qui contenait 9 acres, devait un déniera Noël « pour porter
à l'offrande de la messe de minuict. »
Il a existé une maladrerie à Livet : il en est fait mention
dans un acte du 6 avril 1456, comme bornant des terres
situées « sur le quemin tendant de la chapelle de Noiremare
au moustier de Livet.
Quatre fiefs, outre celui que possédaient les barons de
Tournebu, se trouvaient dans les limites de la paroisse de
Livet :
1° Le fief de Belleau, mentionné dans un acte de 1456.
Il bornait la maladrerie de Noiremare ; par conséquent , il se
trouvait toul-à-fait à l'extrémité de la paroisse. Il était pos-
sédé en 1412 par damoiselle Marguerite d'Ouville, femme de
Durand d'Auge. Les fiefs d'Auge étaient situés sur St-Jean-
de-Livet;
2° Le fief du Coulant;
3° Le fief du Coudra y.
Ces deux fiefs appartenaient au haut-doyen de Lisieux ,
à cause de sa dignité,
4° Le fief du Bouley.
Guillebert Bardou était seigneur du Bouley en la paroisse
de Livet, en 1456.
Laurent Bardou, qui fut imposé par iMontfaut en 1463,
devait être possesseur du même fief.
Guillaume Bardou était seigneur du Bouley lors de la re-
cherche des élus de Lisieux, en 1523-24.
A la fin du XVIe siècle, le fief du Bouley appartenait à a
famille de Boctev.
3/»0 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Gabriel Le Boctey , seigneur du Bouley , et damoiselle
Julienne Patrice, sa femme, donnèrent le jour à deux enfants :
Michel, qui entra dans les Ordres , et Louis Le Boctey, son
frère, escuier, sieur du Bouley. Louis épousa, le 3 juillet
1597, Catherine de Franqueville, cinquième enfant de Jean,
seigneur de Collandon, et d'Hélène de Fedebry. De cette
union sortirent trois enfants: Charles, Renée et Hélène (1).
Charles Le Boctey , seigneur du Bouley , après son père ,
eut un fils nommé Jacques, qui se maria deux fois : la pre-
mière, avec une demoiselle de La Noë ; la seconde, avec
Magdelaine de Fresnel, qui lui donna quatre enfants encore
sous-âge lorsque leur père mourut. Voici leurs noms:
Claude, seigneur du Bouley, mort garçon le 23 décembre
1702;
Guillaume, seigneur de Villers et ensuite du Bouley, sui-
vant aveu du 26 décembre 1705;
Jacques, mort garçon au service ;
Et Marie, morte fille.
A la fin du XVIIIe siècle , le Bouley appartenait à une
branche de la famille Thillaye, originaire de Lisieux, où di-
vers de ses membres remplirent des charges d'édilité.
Cette terre appartient encore à la même famille.
La population de St-Germain-de-Livet est de 815 habi-
tants. Malgré l'accroissement qu'elle doit aux usines établies
sur son territoire, elle ne se trouve pas supérieure à ce qu'elle
était il y a cent ans; on comptait alors 3 feux privilégiés et
(1) J'ai écrit dans une notice sur le prieuré de Mervilly, près Orbec,
que Michel et Louis Le Boctey étaient fils de Michel Le Boctey , sieur
du Buisson. C'est à M. le vicomte Louis de Neuville que je dois de
pouvoir réparer cette erreur. Il a bien voulu mettre à ma disposition
les renseignements qu'il possède sur Sl-Germain-de-Livel, et j'en ai
usé dans les lignes qui précèdent.
CANTON DE L1SIEUX , 2e SECTION. Zk\
160 feux taillables, c'est-à-dire au moins 815 habitants. Cette
identité de chiffre est singulière.
Celte paroisse était comprise dans l'élection de Pont-
l'Evêque, sergenlerie de St-Julien-le-Faucon, et se qualifiait
de bourg. Au spirituel, elle dépendait de la chrétienté de
Lisieux ; le patronage appartenait au doyen du Chapitre.
PRÈTREVILLE (I).
Prèlreville , Woylleium, Presbyterivilla , Prcstreville.
L'église de Prêtreville n'est pas sans importance',, mais elle
a perdu tout son intérêt par suite des changements qu'on lui
a fait subir depuis une vingtaine d'années. Elle est sous l'in-
vocation de saint Pierre : elle élait comprise dans le doyenné
de Livarot. Les pouillés du XVIe siècle attribuent le patro-
nage au Chapitre. C'est probablement une erreur , car avant
et après on trouve indiqué comme patron le seigneur du lieu.
Comme le fait voir le plan, cette église ne comprend qu'un
chœur et une nef, mais dans d'assez vastes proportions.
Les parties les plus anciennes me paraissent remonter au
XIIIe siècle. Les murs sont en blocage et en partie re-
crépis. L'irrégularité des membres principaux de l'architec-
ture prouve que des retouches nombreuses ont été successi-
vement exécutées. Ainsi , à la nef, on ne trouve pas de con-
treforts du côté du midi ; au nord, il y en avait quatre. Les
deux du centre ont été arrachés , on en trouve encore
les amorces. Celui qui est près de l'angle occidental me paraît
du XIIIe siècle. L'autre, au contraire , refait en brique
dans sa majeure partie , ne devait remonter qu'au XVI'
siècle.
(1) Notes de M. Charles Vasseur.
342 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
La même irrégularité se
retrouve dans les ouvertures.
La porte , pratiquée main-
tenant à l'ouest, et le mur
du pignon tout entier ne da-
tent que du commencement
de ce siècle. La porte primi-
tive était percée dans le mur
du sud ; on L'a transformée
en fenêtre. C'est une ogive
sans caractère ; la partie de
mur qui l'entoure n'accuse
non plus aucune époque. Le
reste de ce mur du sud date
du XVP siècle , et se trouve
éclairé par deux belles fe-
nêtres ogivales à tracerie flam-
boyante avec un meneau.
Au nord, on ne voit qu'une
seule fenêtre primitive , et il
ne paraît pas qu'il y en ait
eu d'autres supprimées pos-
térieurement. Cette fenêtre,
placée tout-à-fait à l'orient ,
est une lancette du XIII3
siècle , de 18 pouces seu-
lement d'ouverture ; elle a
subi des retouches.
La grande ogive qui oc- ^ ,,.*...-, /«.«
cupe le centre est moderne ;
elle est d'une exécution passable.
Le chœur, un peu long pour sa largeur, est en retraite
sur la nef, suivant l'usage. Il n'a de contreforts que près
CANTON DE LISIEUX , 2* SECTION. 343
des angles, deux contre le mur droit du chevet, et deux en
retour : un au nord, l'autre au sud. Ces contreforts datent
du XIIIe siècle, et il doit en être de même des murs, qui
sont en blocage, tout entiers recrépis. Vue sacristie cache le
chevet. Six fenêtres sont percées dans les murs latéraux.
Trois sont du XVIIIe siècle ; une, au midi, est du XVe ,
comme celles de la nef de ce même côté; enfin, près de
l'autel sont deux petites lancettes conservées de la disposition
primitive.
A l'intérieur, le plâtre règne sans partage. Les murs sont
plâtrés , les voûtes sont plâtrées. A la place de l'arc triom-
phal , qui n'existe plus, on voit un cintre en plâtre, garni de
petites têtes bouffies, et deux colonnes corinthiennes moulées
en plâtre , qui ne portent rien. Une corniche en plâtre court
au pourtour. Les voûtes étaient en merrain avec charpentes
apparentes; on a coupé ces charpentes, et, pour éviter l'é-
cartement qui suit ordinairement cette opération, on a mis,
de place en place, des tirants de fer.
Les trois autels étaient d'une bonne exécution.
L'un d'eux, celui du sud, provenait d'une chapelle dédiée
à sainte Anne, qui se trouvait à quelques pas de l'église, au
levant. Je crois qu'on peut le faire remonter jusqu'au règne
de Louis XIII. Les colonnes torses, ou plutôt tordues en
vis, étaient garnies au tiers inférieur de rinceaux qu'arrêtait
une couronne fleurdelisée ; les chapiteaux étaient un com-
promis entre le corinthien et le roman du moyen-âge. Sur
la corniche se trouvait un fronton coupé, avec une niche
centrale couronnée par deux petits anges soutenant un car-
louche cordiforme, qui pourrait bien avoir porté des armoi-*
ries. Le tableau représentant sainte Anne enseignant la Vierge,
était sans valeur. Le tombeau était droit avec parement
d'étoffe.
Le petit autel du nord, dédié à la Vierge, datait du règne
366 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
de Louis XIV. Deux colonnes torses, à chapiteau composite ,
autour desquelles s'enroulent des guirlandes de roses, por-
tent un entablement surmonté d'un fronton coupé sur le-
quel sont assis deux anges. Le tableau, qui n'était pas sans
valeur, représentait la Vierge soutenant son Fils sur ses ge-
noux, après la descente de Croix.
On a d'abord remplacé les tableaux par des statues de
plâtre ; puis, plus récemment, comme par suite de la destruc-
tion de l'arc triomphal les autels faisaient une légère saillie
sur le chœur, on les a rétrécis au moyen de la scie et du
rabot, sans avoir égard à la difformité qui en résulterait,
puisque toutes les proportions sont changées.
L'autel de Ste-Anne a souffert encore davantage : on a
enveloppé ses colonnes dans des douves de barriques en bois
blanc. Enfin, pour compléter l'harmonie du travail, les tom-
beaux , qui avec leurs étoffes pouvaient produire un effet
grandiose, ont été revêtus de découpures figurant une série
d'arcades en ogives impossibles. Le maître-autel datait aussi
du règne de Louis XIV. Les premiers changements qu'on lui
a fait subir remontent à 1836. Ils consistèrent dans la sup-
pression du tabernacle hexagonal et de quelques accessoires ,
entr'autres un cartel qui surmontait l'entablement, et sur
lequel on lisait :
EX DONC D. DE LA CAUVIMERE C'.
1704.
Il offre un type bien des fois décrit. Des colonnes torses
entourées de ceps de vigne, au milieu desquels jouent des
oiseaux, des escargots, etc., portent un entablement surélevé en
forme de trapèze. Des vases surmontent les colonnes. Pour
accompagnement, deux niches, au-dessous desquelles s'ou-
vrent des portes qui conduisent à la sacristie. Le tableau,
avec cadre sculpté de feuilles de chêne, représente l'Ascension.
CANTON DE LIS1EUX , 2* SECTION. 3^5
La fenêtre ogivale du chœur a conservé des restes de
vitraux : un Christ en croix avec la Vierge et saint Jean en
grisaille, et un blason de gueules à la bande d'or, accom-
pagnée de six merlettes de même posées en orle. La chaire
à prêcher, de grande dimension , date de Louis XV. Sa base
forme confessionnal , ce qui lui donne un aspect singulier.
La cloche avait une inscription assez intéressante pour être
transcrite ici :
f JE SUIS NOMMÉE LEONTINE PAR MESSIRE ASTOLPHE LOUIS LEONORE
MARQUIS DE CUSTINE ASSISTÉ DE NOBLE DAME AIMÉE LEONTINB DE S*
SIMON DE COURTOMER MARQUISE DE CUSTINE ET BENITE EN PRESENCE DE
»lr* JEAN BAPTISTE MARIN BORDEAUX MAIRE DE PRÊTREVILLE ET JEAN
LE FRERE CAISSIER.
JEAN BAPTISTE ANTOINE DROl ET MA APPORTÉE A LAVILLETTE DE
LISIEUX QUI MA FAITE EN 1821.
Cette cloche, s'étant cassée, vient d'être refondue; on n'a
pas jugé à propos de reproduire cette inscription.
J'ai déjà mentionné la chapelle Ste-Anne. Elle a été dé-
molie il y a une vingtaine d'années. Je n'ai pu me procurer
de renseignements positifs sur sa structure et ses dimen-
sions. La place qu'elle occupait est indiquée par un petit
oratoire, qui sert d'abri à une statue de la Patronne.
Quatre fiefs se partageaient le territoire de Prêtreville :
Querville, le Coudray, Poix et Prêtreville.
Querville est le seul dont les constructions ornent quel-
qu'intérêt. Il est situé à la naissance d'un petit vallon au
milieu duquel serpente un ruisseau. Les sources de ce ruis-
seau étaient dirigées de manière à remplir les fossés du
manoir, dont les bâtiments sont disposés en carré à peuples
régulier, avec cour au centre.
L'entrée est pratiquée dans un pavillon, construit en
3^6 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
échiquier de pierres et briques, élevé d'un étage, avec toit
surmonté de deux épis en terre émaillée. Les tuiles sont
aussi vernissées de différentes couleurs. Une sorte de petite
tourelle, qui contient l'escalier, donne du mouvement à la
partie haute, sans faire de saillie sur le mur de façade. La
porte est cintrée, accompagnée d'une poterne carrée. Le
reste de la façade et les deux côtés sont composés de bâti-
ments, partie en échiquier, partie en bois, sans aucun
intérêt.
Le corps-de-logis fait face à l'entrée. C'est une grosse maison,
construite au rez-de-chaussée en chaînages de brique et de
pierre, dont les parties hautes, en bois, n'offrent ni sculp-
tures ni moulures caractéristiques. La cheminée est ornée
d'arcatures cintrées.
La porte est accompagnée de pilastres qui portent un
fronton cintré.
La face qui donnait autrefois sur le fossé est plus ornée
et mieux caractérisée. On peut la diviser verticalement en
deux sections , d'époques distinctes. La première, en pierre de
taille au rez-de-chaussée, est , au premier étage, bâtie en
bois avec encorbellements. Les colombages sont garnis de
potelets. Les ouvertures consistent en deux fenêtres : l'une ,
largement ouverte, accompagnée de pilastres avec chapiteaux
de fantaisie; l'autre, plus étroite , en accolade avec choux
frisés, panaches et pinacles. Le poteau cornier est sculpté
d'une grosse tête grimaçante se perdant dans des feuillages;
les sablières de l'encorbellement ont des rageurs. Ces détails
indiquent le commencement du XVIe siècle. La seconde
partie est plus moderne et n'accuse guère que le règne de
Louis XIII. Elle est éclairée de deux grandes fenêtres cruci-
formes.
Il n'y a point d'ouverture au rez-de-chaussée.
L'intérieur, depuis longtemps habité par des fermiers,
CANTON DE L1SIEUX , T SECTION. 347
ne donne à mentionner que quelques pavés émaillés. Cepen-
dant la chambre haute du pavillon d'entrée a conservé , sur
ses murs, quelques traces de peinture qui ne paraissent pas
bien anciennes. On prétend que cet appartement était une
chapelle : la cheminée qui s'y trouve et le reste de ses
dispositions doivent faire repousser cette attribution.
Le colombier se trouve dans la première cour , en dehors
de l'enceinte; il est octogone, d'un diamètre considérable et
remonte aussi au XVIe siècle. Il a malheureusement subi des
réparations maladroites.
Le manoir de Querviïle tire son nom d'une famille an-
cienne , qui n'a pas été sans importance au moyen-âge.
Montfaut inscrit dans sa Recherche : Henri et Richard de
Querviïle.
Le premier possédait le fief dont nous nous occupons ; le
second était seigneur du Coudray.
En 1540 , Hector de Querviïle et ses frères puînés, Guil-
laume et Pierre, produisirent devant les élus de Lisieux.
Hector joua un certain rôle dans les guerres civiles de la
fin du XVIe siècle; il fut lieutenant du gouverneur de
Lisieux.
En 1616, Querviïle appartenait à noble homme Jehan de
Querviïle, sieur du lieu, la Rivière, les fiefs d'Auge et
Douville. Il fut, je pense, le dernier mâle de sa famille;
car un rôle de taille, de 1683, mentionne parmi les
exempts damoiselle Anne de Quierville. En 1747, tous ces
fiefs étaient passés aux mains de haut et puissant seigneur
messire Louis-Marc Antoine de Fauteveau, et, en 1779,
dans celles de M. Jean-Baptiste Davy de Boislaurens. Après
lui, la terre est échue à l'une de ses filles, Mm* de Vauvert.
dont la fille unique, mariée à M. de Marguerye, l'a vendue
il y a quelques années.
Il y a dans les limites du fief de Querviïle une aulre
348 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
construction qui mérite une mention. C'est le Lieu-Seney ,
dont voici le dessin. On ne peut fixer sa date au-delà du
LIEU-SENEY.
règne de Louis XIIÏ. C'était la maison de campagne d'un Élu
de Lisieux.
La population de Prêtreville est de 531 habitants. Au
XVIIIe siècle, elle était de 895 habitants, 179 feux, et à la
fin du XVIIe, de 165 feux ou 825 habitants. Cette paroisse
était comprise dans l'élection de Lisieux,, sergenterie de
Moyaux.
CANTOX DE L1S1EUX, V SECTION. 3/»9
LE MESNIL-EUDES (I).
Le Mesnil-Eudes , Mesnillus Odonis.
Situé au fond d'un vallon sauvage et boisé, le Mesnil-Eudes
a été fondé par Odon Stigand, le chef de la maison de Tan-
carville, le seigneur de L'Honneur, d'Écajeul et de Mézidon,
le constructeur de Stc-Barbe , qui lui a laissé son nom. On
y compte 2% habitants; au XVIIIe siècle, il y avait 3 feux
privilégiés et 59 feux taillables , c'est-à-dire 310 habitants
environ. On voit que la population n'a jamais été considé-
rable , bien que par sa superficie cette commune doive être
classée parmi les grandes paroisses de ce canton.
Elle était comprise dans l'élection de Pont-1'Évêque , ser-
genterie de St-Julien-le-Faucon, et pour le spirituel, dans
le doyenné de Livarot.
L'église, sous l'invocation de Notre-Dame, offre un certain
intérêt. Elle est du petit nombre de celles qui n'ont subi que
peu de mutilations, dans ce canton , où les curés sont cou-
pables de nombreux faits de ce genre. Elle remonte jusqu'à
l'époque romane. La partie conservée de cette construction
primitive est le mur septentrional du chœur, ou l'on voit
encore le cintre d'une porte bouchée. Les autres murs, dans
leur ensemble, paraissent seulement du XVIe siècle. Les
contreforts qui les buttent , les fenêtres , soit ogivales , soit
cintrées, à moulures prismatiques, qui y sont pratiquées,
accusent bien cette époque. La porte est précédée d'un porche
en charpente.
Le clocher date aussi du XVIe siècle ; il est en charpente
(I) Notes de M. Charles Yasscur.
350 STATISTIQUE MONCMENTALF OU CALVADOS.
PLAN DE L EGLISE DU MESNIL-EIDES.
revêtu d'ardoise , avec quatre petites lucarnes posées sur les
angles.
L'intérieur offre une foule d'objets sur lesquels doit se porter
l'attention. En entrant , un vieux banc à panneaux flam-
boyants, du règne de Louis XII; deux bancs à balustres
tournées, du commencement du XVIIe siècle , frappent
d'abord les regards.
La voûte de la nef, parfaite de forme et construite avec des
CANTON DE LISÎEUX , 2« SECTION.
351
352 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
matériaux choisis, est maintenue par quatre fermes complètes
bien équarries. Des festons sont gravés en noir sur ses
douvettes de merrain. L'œil se porte ensuite sur Tare-
triomphal roman , bien caractérisé , qu'accompagnent deux
petits autels, du règne de Louis XÏV , formant avec le
maître-autel un tout complet et harmonieux. Le maître-autel
est vraiment curieux et remarquable. Ses quatre colonnes
torses sont évidées à jour au tiers inférieur et au tiers
supérieur ; le centre seul est resté plein. Les pampres de
vigne qui entourent ces colonnes servent de refuge à mille
oiseaux qui s'y jouent ou becquettent les grappes. Des pentes
de fruits remplissent le nu des piédestaux. Dans les niches
sont deux statues : la Vierge et saint Sébastien. Au centre est
un tableau. Le tabernacle , en forme de pavillon semi-
hexagonal , a un groupe de trois colonneltes à chacun de
ses angles. Ces autels, encore nombreux dans le Pays-d'Auge,
sont généralement dus à des artistes de talent; mais ils sont
passés de mode: leur ampleur offusque nos idées étroites,
et on les jette bas partout. Une publication , qui en re-
produirait les principales variétés avec leur polychromie ,
serait certainement très-recherchée par les artistes et par
l'étranger. Six candélabres en bois, peints et dorés, com-
plétaient généralement ces autels. Au Mesnil-Eudes, il en
reste deux qui méritent aussi l'attention.
La voûle du chœur est couverte de rinceaux de couleurs
variées, jetés sur les douvettes , dont la composition est fort
curieuse. Malheureusement on a coupé l'entrait central ,
qui maintenait l'équilibre de la construction , de sorte
que les murs latéraux poussent au vide et que le chevet
est lézardé. Mais ce sera une occasion de rebâtir
l'église dans un genre plus moderne. Cette mutilation des
charpentes est fort à la mode dans le canton, et son elïet im-
médiat est toujours le même.
CANTON DR LISIEUX , 2* SECTION. 353
Voici l'inscription de la cloche : elle me paraît se composer
d'une inscription plus ancienne qu'on a reproduite lors de la
refonte, et d'une ligne de hiéroglyphes , dont j'avoue ne pas
avoir la clef.
f A. M. D. G. J'AI ETE NOMMÉE MARIE PAR Mr GUI DUVAL DE
BONNEVAL ANCIEN PRÉSIDENT A MORTIER DU PARLEMENT DE NORMANDIE
RT Mme MARIE PIERRE DE TOURNEBU DAME DU MESML-EUDES, DELIVET,
S1 HYPOLITE ETC , ET BENITE PAR Mr BARDOU CURE DU MESNIL-EUDES LAN
1845. LE TERRIER O DL. L. BL. LG BBB. SEDVMLFG LFGL SVMAM.
LOUIS SAUDEBREUIL TRÉSORIER.
F. BAILLI FILS AINE FONDEUR A BERNAY.
L'if du cimetière a environ 8 pieds 1/2 de circonférence.
La croix date du règne de Louis XIV. Le fût est une
colonne d'ordre composite assez bien proportionnée ; sur la
base , on lit les dix commandements de Dieu , qui occupent
deux des faces. Sur les deux autres sont les inscriptions sui-
vantes :
CETTE CROIX A ESTÉ
DONNEE PAR LA CHA
RITE DE CEA»S LAN
1G54.
ECCE CRVCEM DM
IN QVA SALVS MVNDI
PEPENDIT , IN QVA
CHRISTVS TRIVMPHAVIT
ET MORS MORTEM SVPE
RAVIT IN >F.TERNVM
ADVIS AU MONDAIN.
JESUS CHRIST TA MONSTRE
LE CHEMIN DE LA CROIX
LE MONDE TE RETIENT EN CELUY
DES DELICES
23
35/* STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
JUGE BIEN ET MEDISTE QUEL
SUIVRE TU DOIS : LUN TE CON
DUICT AU CIEL ET LAUTRE
AU PRESIP1CE.
Cette croix a été replacée le 22 juillet 1808. Prœs. T.
J. Bertaume.
Le patronage de l'église du Mesnil-Eudes paraît avoir été
alternatif entre le chapitre de Lisieux et le seigneur du lieu.
On trouve dans les rôles de l'Échiquier, à la date de 1195,
Bernardus de Mesnillo-Odonis.
Au XIVe siècle, Jean de Courcy était seigneur du Mesnil-
Eudes. En 1^63, Montfaut enregistre Jean de Heudreville,
sur la paroisse du Mesnil-Eudes.
Plus tard, la famille de Tournebu joignit ce fief à ses
nombreux domaines , et le conserva jusqu'au commencement
de ce siècle.
LESSARD-LE CHÊNE (1).
Lessard-le-Chêne , Ecclesia de Essartis Evrardi , de
Essarlis.
L'église de Lessard , placée sous l'invocation de Notre-
Dame , est bâtie sur le penchant d'un coteau , près d'un
plateau couvert de bruyères , d'où l'œil embrasse un ma-
gnifique panorama : à l'ouest et au sud-ouest se déroule une
vaste étendue de pays qui se prolonge au-delà de Falaise et
de Caen ; au midi , la vue plane sur la profonde et pitto-
resque vallée du Mesnil-Durand.
(1) Noies de M. Pannicr.
CANTON DE LISIEUX , 2e SECTION. 355
Cette église , primitivement romane , a été réparée et
repercée au XVIe siècle.
Le portail occidental , soutenu par quatre contreforts avec
glacis très-inclinés , offre une porte ogivale à nervures, dont
le tympan est orné d'un cul-de-lampe qui supportait au-
trefois une statue. Le linteau est formé d'une ogive en
accolade. Ce portail , resté inachevé , a reçu une couverture
surmontée d'un clocher construit en charpente et recouvert
en ardoise. Nous donnons l'inscription des deux cloches que
renferme ce clocher. La plus petite, fondue en 1713 , a
pour diamètre 72 centimètres :
1713. BÉNITE PAR Msre FRANÇOIS DE BIGARD CVRÉ DE CE LIEV. NOMMEE
PAR M,re EMAR ROBERT DE PRYE , FILS DE NOBLE SEIGT M,re EMAR AN-
THOINE DE PRYE CHcr BARON HAVLT 1VSTIC1ER DE PLANES ET DE CHAN-
FRAY ET DE NOBLE DAME IAGQVELINE DE SERRE DAME ET BARONNE DE
COCQVA1NY1LLIERS DV CHESNE ET LESSART , ET PAR NOBLE DAME MARIE DE
PLANTEROSE VEVe DE FEV MONSIEVR HÉBERT CONer DV ROI MAISTP.E DES
COMPTES A ROUEN.
IEAN AUBERT m'a FAITE.
l'an 1846 j'ai été nommée Henriette sophie par m. henri Anatole
frémin d'lessart et dame sophie margueritte de courtheil , née de
votne bénite par m. pierre louis marescot , curé de lessard et le
chêne en présence de mm. pierre petit maire, jn le villain , tré-
SOR IKR.
BAILLY, FRÈRES, FONDEURS A CAEN, BERNAY ET ALENÇON.
Le mur méridional de la nef, soutenu par quatre con-
treforts à double glacis, est construit en grand appareil. Il
est percé de trois fenêtres carrées , dont deux à nervures
accusent le XVIe siècle ; celle du milieu a été considérable-
ment élargie.
Une partie du mur, qui se trouve en retraite près du
355 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
chœur et qui n'offre aucun contrefort , dépendait de l'an-
cienne nef qui était romane. La fendre cintrée que l'on
voit date seulement du XVIIIe siècle. Du côté du nord , il
n'existe aucune ouverture.
Le mur septentrional , flanqué de trois contreforts du
XVIe siècle , est percé de deux fenêtres carrées , très-laides ,
qui remplacent deux autres fenêtres étroites à plein-cintre ,
du XVIe siècle , semblables à une ouverture bordée d'un
simple chanfrein que l'on voit de ce côté.
Le chœur, construit en retraite sur l'ancienne nef, offre
des murs romans en cailloutis. Il est éclairé,', au nord, par
deux fenêtres carrées munies de leur ancienne résille en
plomb. L'une de ces fenêtres remonte au XVIe siècle ;
l'autre a été refaite. Les deux fenêtres carrées en brique ,
que Ton voit du côté du midi , avaient été aussi percées au
XVIe siècle ; elles ont également conservé leurs anciens
plombs.
La voûte du chœur et celle de la nef sont en merrain.
A droite du maître-autel est une piscine ogivale , à double
cuvette , ornée d'un simple chanfrein.
Le tabernacle du maître-autel , dans le style Louis XIII ,
est décoré de trois statuettes et garni sur les angles de co-
lonnettes dont la base est formée de feuilles galbées. Les
parties latérales du tabernacle sont ornées de deux mé-
daillons , peints sur bois , représentant Jésus-Christ et la
Sainte-Vierge.
Deux beaux chandeliers en bois , dans le style Louis XV,
sont placés sur le maître-autel. Le milieu de la tige repré-
sente un vase , garni sur les angles de plusieurs anses. Le
pied est également orné d'anses sur les angles.
Le lutrin , de même style que les chandeliers, représente
un aigle tenant dans ses serres un serpent. Cet aigle repose
sur un joli pied déccré de feuilles galbées , renflé vers le
CANTON DE LISIEUX , 2e SECTION. 557
milieu. Il se termine dans sa partie supérieure par un cha-
piteau ionique de fantaisie, orné de guirlandes de fleurs.
La base est formée de trois consoles terminées par des
griffes.
A l'extrémité de la nef, près du chœur, s'élèvent deux
petits autels. Celui de droite est dédié à saint Joseph. On
y retrouve le couronnement du tabernacle du maître-autel ,
dont les pans sont percés de baies , découpées dans leur
partie supérieure en forme d'éventail.
Le parement de cet autel est en bois peint , dans le style
Louis XIV. Au centre , dans un médaillon formé de feuilles
de chêne , est représenté Jésus-Christ portant sa croix. Aux
extrémités sont peints des vases de fleurs.
Le parement de l'autel de la Vierge offre également des
peintures sur bois. Dans un médaillon de forme ovale, est
représenté le martyre de saint Sébastien. De chaque côté
s'épanouissent de jolies fleurs.
La chaire , dans le style Louis XV , provient de l'ancienne
église de Sl-Hippolyte-du-Bout-des-Prés.
Entre le chœur et la nef est placée la trabs ou poutre
crucigère. On voit , de chaque côté de la croix , les statues
miniaturées de la Sainte- Vierge et de saint Jean- Baptiste qui
paraissent dater du XVIIe siècle. Saint Jean est représenté
avec une robe rouge , recouverte d'un manteau bleu. La
robe de la Vierge est également rouge et son manteau bleu.
Une ancienne statue en pierre du XVe ou XVIe siècle ,
représentant saint Firmin , second patron de l'église , est
placée dans le chœur, du côté de l'épître. L'évêque porte
une chasuble en pointe, relevée sur les épaules. Sa mître est
basse.
On voit du côté de l'évangile la statue de saint Hildebert ,
évèque , en grande vénération dans le pays , et que Ton im-
plore pour faire cesser les coliques. Cette statue date du
même temps que la précédente.
358 STATISTIQUE MONUMENTALE OU CALVADOS.
On remarque dans la nef une belle statue miniaturée de
la Sainte-Vierge, également gothique. La mère du Sauveur
porte une robe verte. Par-dessus est un manteau d'or avec
doublure blanche semée d'hermines. La tète de la Vierge
est surmontée d'une couronne ducale. L'enfant Jésus , en-
veloppé d'une tunique rouge avec frange d'or , tient à la
main une grappe de raisin.
Dans la nef sont placées deux autres statues , du moyen-
âge. L'une de ces statues représente saint Bonaventure ;
l'autre , jadis miniaturée , est celle de saint Richer.
L'église de Lessard était placée , au XIVe siècle , sous le
patronage du duc de Normandie. Au XVIe, le roi était patron
de cette paroisse; au XVIIIe, le roi et le seigneur alter-
nativement.
Lessard comptait , avant la Révolution , 3 feux privilégiés
et 34 feux taillables. La population a notablement diminué.
Le Chesne. — L'ancienne paroisse du Chesne, aujourd'hui
réunie à Lessard , faisait partie , comme cette dernière , de
l'élection de Pont-1'Évêque. Il y avait k feux privilégiés
et 28 feux taillables.
Le patronage de celte paroisse appartenait, au XIVe siècle,
au duc de Normandie ; au XVIe , au chapitre de Cléry.
L'église a élé démolie. Elle avait été dédiée en l/i94 par
dom Guillaume Chevron, évoque de Porphyre, moine de
Ste-Barbe. Celte dédicace était mentionnée sur la voûte , qui
datait de cette époque. Il est probable que les murs étaient
plus anciens.
L'église du Chesne (ecctesia de Quercu) avait pour pa-
tron saint Pierre.
Sur l'emplacement de l'ancien cimetière , qui entourait
cette église , s'élève un if magnifique qui étend au loin ses
rameaux.
CANTON DE USIEUX . 2' SECTION 359
Les seigneuries du Ghesne et de Lessard ont presque tou-
jours été dans les mêmes mains. On peut donc ici les réunir.
M. Charles Vasscur nous apprend que Pierre Le Sauvage,
anobli en 1522 , devint peu de temps après seigneur du
Ghesne :
n II eut un fils , nommé aussi Pierre , qui lui succéda*
« Bien qu'il paraisse avoir eu plusieurs enfants , sa fille , de-
« moiselle RoberteLe Sauvage , fut son héritière et porta ses
« biens à Mathieu de Serres , ou plutôt elle les partagea par
« avancement d'hoirie entre nobles hommes Charles et
(( Jacques , dits de Serres , sieurs de IMontforl et de Mons-
« tereul , ses enfants.
« Charles fut seigneur du Ghesne où il établit sa rési-
« dence. Il épousa noble damoiselle Suzanne de Boucquetot,
« dame de Coquainvilliers , comme héritière de Jacques de
« Boucquetot , son frère.
« A Charles succéda noble seigneur Jean de Serres ,
« escuier, seigneur et patron des paroisses de Coquain-
« villiers , le Ghesne et Lessard , demeurant en son manoir
« seigneurial de Coquainvilliers. De sa femme, Cécile Iluault,
« il n'eut qu'une fille, Jacqueline de Serres, mariée en
« 1667 à Aimar-Antoine de Prie, seigneur et baron de
« Plasnes, seigneur de Coquainvilliers, le Ghesne et Ma-
rc rigny (1). Elle mourut en 1688 et fut enterrée dans
« l'église de Coquainvilliers. Son mari lui survécut. Il ne
« décéda qu'en 1714, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans.
« De leur union sortirent huit enfants. C'est le cinquième,
« François-Louis-Léonard, qui obtint la possession des terres
(i de Coquainvilliers , le Ghesne et Lessard , auxquelles il
« ajouta, après la mort de son frère aîné, le marquisat de
(1) Le nom de ce seigneur figure sur la petite cloche de Lessard,
dont nous avons donné l'inscription.
360 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
« Plasnes et Courbépine. Il mourut dans ses terres, le 9
« novembre 1772 , âgé de 90 ans. Il avait épousé, le 27
« septembre 1731 , Marie-Madeleine-Geneviève Coquet de
« Tolleville , qui lui donna un fils , nommé Louis , né le
« 25 février 1734, qui s'unit, le 24 novembre 1754, à
« Louise-Camille-Victoire de Villette. L'ayant perdue , il se
« maria en secondes noces à Madeleine de Manville et Ward,
« veuve de lord Guillaume Schirley. Il ne mourut qu'à l'âge
« de quatre-vingt-deux ans. Il avait, dès sa jeunesse, dissipé
(( sa fortune. »
SAINT-PI ERRE-DES-1FS (I).
St-Pierre-des-Ifs , Sanctus Petrus de Mesnillo-Guerodi 9
Iz, Sanctus Petrus ad Hays, Sanctus Petrus de Ys9 Sanctus
P. ad Ifs.
Soumise au patronage du prieur de Ste-Barbe-en-Auge ,
l'église de Sl-Pierre-des-Ifs offre une construction régulière
qui date en majeure partie du XIIIe siècle. Cependant , par
un procédé en usage au moyen-âge et qui avait sa raison
d'être, on a conservé, lors de cette construction , le mur du
nord de la nef, qui remonte au XIIe siècle , peut-être même
au XIe On y a seulement appliqué des contreforts.
Son plan consiste simplement dans un chœur et une nef,
auxquels on a ajouté récemment une tour de brique en
avant-corps, ce qui est regrettable.
Le chœur, de 36 pieds sur 15 en œuvre, est d'une régu-
larité parfaite. Son chevet droit , soutenu par deux contre-
forts, se trouve éclairé par une large fenêtre ogivale rayon-
nante, subdivisée par deux meneaux en trois baies de hauteur
(1) Notes de M. Charles Vasseur.
CANTON DE MSIEUX, 2e SECTION. 361
PLAN DE L ÉGLISE DE SAJNT-PIERRE-DES-IFS,
362 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
inégale. Le travail en est grossier; mais il faut attribuer cette
imperfection à la mauvaise qualité de la pierre et non à l'igno-
rance des ouvriers. Rien ne permet de supposer que ce soit
une reprise. Les deux murs latéraux sont partagés en trois
travées à peu près régulières. Une lancette bien galbée s'ou-
vrait des deux côtés de chacune de ces travées ; il n'en sub-
siste plus que trois : les deux de la première travée et celle
qui prend la lumière au nord de la dernière travée. Les trois
autres ouvertures ont été retravaillées aux XVIe, XVIIe et
XVIIIe siècles. La porte date aussi de cette dernière époque.
Les murs sont en moellon , les contreforts en pierre de
taille avec une retraite à moitié de leur hauteur. La nef est
très-fortement en saillie sur le chœur; elle a &5 pieds de long
sur la moitié juste de largeur dans œuvre. Elle se subdivise,
comme le chœur, en trois travées qui donnent, dans leurs
dimensions , une proportion décroissante de l'orient à l'occi-
dent. Il y a évidemment là une intention. Les murs et les
contreforts du midi paraissent des mêmes matériaux et de
même époque que le chœur. Les fenêtres ne sont point an-
ciennes : deux sont du XVIIe siècle, bien qu'ogivales ; l'autre
est récente, on le voit assez à sa laideur.
Un trou semblable est placé en correspondance dans le
mur du nord; il est accompagné de deux étroites fenêtres
cintrées, vitrées à ras du mur et fortement ébrasées à l'in-
térieur, qui accusent l'époque romane. En effet , le mur de
ce côté, beaucoup plus épais que son correspondant, montre
quelques traces de feuilles de fougère : il est donc roman.
Les trois contreforts seuls sont du XIIIe siècle.
Si l'on en juge par certaines traces qui se remarquent sous
la fenêtre , à la première travée , la porte primitive s'ouvrait
aussi de ce côté ; au XIIIe siècle , elle fut reportée dans le
pignon occidental, et on l'a mutilée pour faire une communi-
cation plus large à la base de la tour qui forme porche. Cette
CANTON DE LIS1EUX , 2e SECTION. 363
tour est laide; c'est être indulgent que de la qualifier ainsi.
Le portail qu'elle obstrue avait de la valeur. Dans le pignon ,
au-dessus de la porte , s'ouvrait une fenêtre ogivale avec un
meneau bifurqué. Une croix antéfixe surmontait le gable ,
chargée sur sa face d'un blason aux deux clefs en sautoir.
Une niche abritait une statue de sainte Barbe, en pierre, da-
tant du XVIe siècle.
L'intérieur a été ravagé. Les voûtes sont plâtrées, l'arc
triomphal démoli , le mobilier sans valeur. Le seul objet qui
puisse fixer l'attention est une grande statue en pierre de
saint Pierre , avec un manteau du moyen-âge garni de riches
orfrois.
Le clocher a hérité de la cloche de la Motte, dont l'inscrip-
tion est intéressante, et que voici :
f JE FVS FAICTE LAN 1607 DOM IEHAN LF PIPERNIER Sr PRIEVR DE CE
LIBV , PIERRE DREARD ESCWER ET DAMOISELLE CATHERINE DE GRIEV SA
MÈRE,
HONNESTE HOMME GVILLe DE SA MAISON THESAVRIER.
IEHAN AVBERT MA FAICTE.
Le cimetière est vaste; on n'y voit point d'ifs, comme
le surnom de la paroisse pourrait le faire supposer et comme
on en voit fréquemment. Cette paroisse dépendait , au spi-
rituel, du doyenné du Mesnil-Mauger, et au civil, de l'élection
de Ponl-l'Évêque , sergenterie de Sl-Julien-le-Eaucon. Elle
renfermait 2 feux privilégiés et 3^i taillables, environ 180 ha-
bitants. La Motie, qui s'y trouve réunie , en comptait 130,
en tout 310. Le dernier recensement en accuse 354.
S,e-Barbe avait reçu la terre de St-Pierre-des-Ifs et le
patronage de l'église de Rabel le Chambellan de Tancarville,
qui était seigneur de tout le pays entre Mézidon et le Mesnil-
Eudes.
Je ne pense pas qu'il existe de manoir ayant appartenu
364 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
aux moines: ils avaient fait leur principal établissement à la
Motte.
Divers gentilshommes ont habité dans les limites de la pa-
roisse de St-Pierre-des-Ifs.
Louis du Vivier, escuier, sieur des Vastines, garde-du-
corps de S. A. R. Monsieur le Duc d'Orléans, frère unique du
Roi (1679).
Le Vivier est indiqué sur la Carte de Cassini , ainsi que
St-Mars.
St-Mars est un fief que je trouve , au XVIIe siècle et jus-
qu'à la fin du XVIIIe , dans les mains d'une branche de la
famille Lambert d'Herbigny.
Suivant traité de mariage du 19 décembre 16£i5, messire
Pierre Lambert, chevalier , seigneur de Si-Mars , fils de feu
Monsieur Me François Lambert, écuyer, vivant conseiller du
Roi en ses conseils et lieutenant ci v'i 1 et criminel de Monsieur
le bailli de Rouen en la vicomte d'Auge , et de feue noble
dame Jeanne Amidieu, épousa damoiselle Angélique de Mont-
gommery, fille de feu haut et puissant seigneur, messire Ga-
briel, comte de Montgommery , chevalier des ordres du Roi,
et de haute et puissante dame Aimée de Chastenay, dame et
comtesse de Montgommery et de Bourgeauville.
J'ai eu dans les mains des lettres de cette dame, dont le
cachet était écartelé avec trois fleurs de lis dans chaque
quartier.
Trois enfants sortirent de cette union. Le second , Gabriel
Lambert, écuyer, sieur de Si-Mars, épousa, suivant con-
trat du 2Zi septembre 1683 , damoiselle Françoise de Borel,
fille de feu Monsieur Me Jean de Borel , vivant écuyer ,
sieur de Manerbe, conseiller du Roi , lieutenant-général civil
et criminel de 31. le bailli de Rouen en la vicomte d'Auge.
Je trouve encore Pierre Lanlbert, écuyer, sieur de St-
Mars, qui était, je pense, le fils des deux précédents. Il eut
CANTON DE LiSlEUX , 2' SECTION. 365
pour femme noble dame Marie-Benoiste Gouhier, veuve en
1772, suivant des pièces de procédure dirigée par elle contre
M. de Bardouïl de Soyeuse, son beau-frère.
LE PRËDAUGE (1).
L'église du Prédauge , placée sous le vocable de saint
Ouen, s'élève sur le penchant d'un coteau couronné d'arbres
verts, au pied duquel coule une source limpide dédiée à
saint Méen.
Cette église appartient à la dernière période ogivale. Une
plan de l'église du prkoauge.
Ci) Notes de M. Pannier.
360 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
longue nef et deux chapelles latérales impriment à l'édifice la
forme d'une croix latine.
Le portail occidental , précédé d'un porche en bois du
XVIe siècle , est soutenu par deux contreforts saillants placés
sur les angles. La porte à plein-cintre est entourée de mou-
lures toriques, séparées par une gorge ou scotie. De chaque
côté s'ouvrent deux petites fenêtres à une seule baie , termi-
nées par une ogive en accolade. Une fenêtre semblable de
forme , mais plus haute et plus large, est pratiquée dans la
partie inférieure du gable, au-dessus du porche. Les vantaux
de la porte qui donne accès dans la nef sont formés de pan-
neaux plissés.
Le clocher s'appuie, à l'intérieur de l'église, sur une forte
charpente. Sur le poteau , à droite de la porte, en entrant,
on lit la date suivante :
LA. 1761.
Un clocher carré , en charpente , terminé par une lourde
pyramide octogone, dont les arêtes correspondent aux quatre
faces de la base, surmonte le gable. La cloche porte l'inscrip-
tion suivante :
f L'AN 1838 CRTTE CLOCHE A ÉTÉ NOMMÉE MARIE-ANTOINETTE PAR
M. F. H. F. CONTRE-AMIRAL, MARQUIS l)E THAN , ET PAR NOBLE DAME
MARIE-ANTOINETTE DE THAN, COMTESSE DE LA RIVlÈRE-PRÉDAUGE , BÉNITE
PAR M. P.-A. GRUSSE-d'aGNEAIX , CURÉ DU LIEU, EN PRÉSENCE DE
MM. J. AL. LEROY, MAIRE; C. JOURDAIN, ADJOINT, ET DE MM. LES MAR-
GUILLIERS EN ACTIVITÉ î P. AUBERT , PRÉSIDENT; J. LEPINEY, TRÉSORIER;
P. LEROUX , SECRÉTAIRE ; V. NICOLAS , L. VESQUE.
J. BAILLY PÈRE ET FILS FONDEURS A CAEN.
Le mur méridional de la nef, construit en silex taillé irré-
gulièrement , montre une fenêtre carrée , sans caractère , et
une fenêtre cintrée entourée d'une moulure du XVIe siècle.
CANTON DE LISIEUX , 2* SECTION. 367
Trois contreforts saillants soutiennent le mur septentrional,
construit en blocage. Ce mur est percé d'une fenêtre sans
caractère et d'une large fenêtre cintrée du XVIe siècle.
La voûte de la nef, maintenue par trois entraits sans poin-
çons, est en merrain et en forme de berceau.
La chapelle qui s'élève au midi , entre chœur et nef, est
éclairée à l'ouest par une large fenêtre flamboyante à deux
baies ogivales trilobées. Une fenêtre semblable, mais plus
haute et plus élancée , dont le meneau a été détruit , éclaire
la chapelle au midi. Le mur occidental est construit en
échiquier. Le mur méridional, également construit en damier,
est soutenu par deux contreforts saillants appliqués sur les
angles et surmonté d'un pignon en charpente.
La voûte, en berceau ogival , est construite en merrain ; le
sous- faîte est décoré de petits pendentifs.
La chapelle placée au nord est construite en grand ap-
pareil , avec contreforts sur les angles. Une fenêtre flam-
boyante, dont le tympan est orné d'un quatre -feuilles,
s'ouvre dans le mur occidental.
Le gable oriental est en colombage, comme les deux pignons
du transept.
Le chœur, en retraite sur la nef, se termine à l'orient par
un chevet droit contre lequel est appliquée la sacristie , qui
est à pans coupés et construite en briques plates.
Le mur méridional, construit en blocage, est percé de
deux fenêtres ogivales sans caractère.
Deux fenêtres ogivales, l'une du XVIe siècle, l'autre rudi-
mentaire, s'ouvrent dans le mur septentrional.
La voûte , en forme de carène , est en merrain , sans en-
trails.
A l'entrée du chœur, est placée une grande pierre tombale,
gravée au trait, avec incrustations de marbre blanc. Cette
pierre, très-délériorée, offre l'effigie de deux personnages.
L'inscription placée au bas est difficile à lire.
368 STATISTIQUE MOXUMEXTAjLE DU CALVADOS.
Deux grandes dalles de marbre blanc recouvrent les sépul-
tures de deux membres de la famille de La Rivière. Les in-
scriptions, gravées sur deux plaques de marbre noir incrus-
tées dans les murs latéraux, sont surmontées des armes de la
famille, timbrées d'une couronne de comte avec la devise :
FONS IGNOTUS, VIRTUS COGMTA.
Inscriptions :
ICI REPOSE
MESSIRE ALEXANDRE FRANÇOIS
COMTE DE LA RIVIÈRE-PRÉDAUGE,
ANCIEN OFFICIER AU RÉGIMENT
DU ROI, COLONEL COMMANDANT
DES GARDES NATIONALES DE
l'arrondissement DE LISIEUX,
CHEVALIER DE L'ORDRE ROYAL
ET MILITAIRE DE s'-LOUS,
MEMBRE DU CONSEIL GÉNÉRAL
DU DÉPARTEMENT DU CALVADOS,
NÉ LE 16 AOUT 1769 AU CHATEAU
DE MATHIEU PRÈS CAEN, DÉCÉDÉ
EN CELUI DU PRÉDAUGE LE 16
DÉCEMBRE 1823.
MARCHANT SUR LES TRACES DE
SES ANCÊTRES, COMME EUX
IL COMBATTIT VAILLAMMENT.
TOUJOURS FUT DÉVOUÉ ET FIDÈLE
A SA FOI, A L'HONNEUR, A LA PATRIE.
BEATI QUI HABITANT IN DOMO TUA,
DOMINE, IN SECULA SECULORUM
I.AUDABUNT TE.
PS. 83, V. 5.
DE PROFCNDIS.
CANTON DE MSÏEUX , 2e SECTION. 369
ICI REPOSE
MARIE ATHÉNAÏS DE LA RIVlÈRE-
PRÉDAUGE, FILLE DU COMTE
ALEXANDRE FRANÇOIS DE CE NOM
ET DE SON ÉPOUSE NOBLE DAME
MARIE ANTOINETTE DE THAN,
NÉE AU CHATEAU DE THAN LE
8 JUILLET 1808, DÉCÉDÉE A CELUI
DU PRÉDAUGE LE 2 OCTOBRE 18M.
ELLE EST TOMBEE COMME
UNE ROSE NAISSANTE,
MAIS SEIGNEUR C'EST DE LA BOUCHE
DES ENFANTS QUE VOUS AVEZ TIRÉ
LA LOUANGE LA PLUS PARFAITE.
ILS ACCOMPAGNENT L' AGNEAU
PARTOUT OU IL \'<\.
L'ameublement du chœur, d'un effet gracieux , est dans le
style Louis XV.
Le maître-autel offre un joli rétable, décoré de deux pi-
lastres cannelées et rudentés , d'ordre corinthien. Le cadre ,
cintré dans la partie supérieure , renferme un tableau mo-
derne représentant le martyre de saint Sébastien, second pa-
tron de la paroisse. Cette toile, donnée par M. Guizot, oc-
cupe la place d'honneur du sanctuaire, toujours réservée aux
principales scènes de la Passion ou à l'Assomption de la
Sainte-Vierge. Le fronton cintré qui couronne l'entablement
est surmonté d'une gloire. Sur la partie du cintre corres-
pondant à chaque pilastre est placé un vase à flammes.
Le tabernacle, convexe sur toutes ses faces et orné de
deux caryatides à léle d'ange , et surmonté d'une exposition
couverte d'ornements en style rocaille.
Le tombeau est en forme de doucine. Cet autel offre un
24
371) STATlSTJQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
type complet du style Louis XV, appliqué à l'ameublement et
à la décoration des églises rurales.
L'autel placé dans la chapelle méridionale est dédié à
saint Méen. Il date du règne de Louis XIV. Deux colonnes
corinthiennes, cannelées et rudenlées, supportent un fronton
trapézoïde. De gracieux enroulements, en forme de consoles,
dessinent les accompagnements du tabernacle. Les parties
plates ou unies du rétable offrent de jolies peintures sur bois
en décor, présentant des rinceaux et des fleurs.
De chaque côté de l'autel est placée une statue ; celle de
gauche représente saint iMéen. Cet évoque, que l'on invoque
pour les maladies de la peau, attire dans cette église un grand
nombre de pèlerins.
Sous le tombeau gisent les débris d'une ancienne statue
en terre cuite émaillée, de la fabrique du Prédauge. Celte
curieuse statue, qui a été mutilée à l'époque de la Révolution,
représentait saint Ouen , premier patron de cette paroisse.
Le retable de l'autel qui orne la chapelle septentrionale
est décoré d'un ancien tableau , représentant le Rosaire. Le
marchepied de l'autel est composé d'un pavage émaillé, qui
paraît dater du règne de Louis XIV. Les carreaux, dont
l'émail est parfaitement conservé, offrent un fond alternative-
ment blanc et bleu , décoré de losanges garnis de quatre-
feuilles. Lorsque le fond est bleu , les pétales formant les
quatre-feuiiles sont jaunes ; sur le fond blanc, les pétales sont
bleus. Dans les angles inférieurs se dessinent des fleurs de
lis. Tous ces pavés sont des produits de l'industrie locale.
A l'entrée du cimetière se dressent deux ifs pleins de vigueur.
La croix est en granit et ornée de grosses têtes de clou ,
dont le nombre symbolique rappelle les douze apôtres. La
hampe, de forme octogone, repose sur une base carrée, plus
étroite dans le haut que dans le bas, et sur les faces de la-
quelle est gravée en haut-relief l'inscription suivante :
CANTON DE LISÎEUX , 2e SECTION. 37l
VIVE JÉSUS
VIVE
SA CROIX.
2OT©
O CRUX AVE
SPES l'NICA
AUGE PUS
JUSTITIAM
REISQOE
DONA
VENU M.
Au pied du coteau sur lequel est bâtie l'église s'élève une
fontaine, en forme de pyramide, d'où s'échappe une eau froide
et limpide employée avec efficacité dans certaines maladies
de la peau, auxquelles on a donné le nom vulgaire de mal
Saint-Mcen.
Cette source attire, comme nous l'avons dit, un grand
nombre de pèlerins de tous les points de la Normandie.
Près de celte fontaine miraculeuse se dresse un vieux
chêne, dont le tronc, creusé par l'action incessante et corro-
sive du temps, renferme une ancienne statue en pierre, mi-
niaturée, de saint Méen. De nombreux chapelets, garnis de
médailles et plusieurs béquilles sont suspendus à la grille en
fer qui protège le Saint.
Avant la dévolution, le Prédauge faisait partie du diocèse
de Bayeux. Il était compris dans l'exemption de Cambremer.
Le patronage appartenait à l'abbaye du Val-Richcr.
Le célèbre Dominique Georges, avant d"ètre abbé régulier
du Val-Richer, desservit cette paroisse pendant plusieurs
années. C'est là qu'il institua les conférences ecclésiastiques,
qui se sont multipliées depuis et ont servi de modèle dans
372 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
d'autres diocèses. Il mourut en odeur de sainteté en 1693,
âgé de 80 ans (Expilly).
Sous le rapport administratif, le Prédauge dépendait de
l'élection de Pont-1'Évêque. 11 comptait 3 feux privilégiés et
100 feux taillables.
Il y avait plusieurs chapelles dans cette paroisse.
Chapelle de t'Épée. — Cette chapelle , dont il ne reste
plus aucun vestige, était bâtie sur un terrain qui appartient
aujourd'hui à M. Lefrançois Olivier, membre de l'Association
normande.
Le 1er juin 1650, Joachim Vatier vend à Marin Vatier sept
pièces de terre situées au Prédauge , lesquelles pièces étaient
tenues de la sieurie de l'Espée, appartenant à « Antoine de
La Rivière , escuier , par rente seigneuriale, avec foy , hom-
mage, reliefs, treizièmes, etc. »
Par un autre acte de vente, du 19 février 1706 , Guy de
Lespée, escuyer, sieur de Cantepie, demeurant à Cambremer,
devient propriétaire d'une pièce de terre nommée le Costil-
Falaise, dépendant de la seigneurie du Prédauge.
Comme on le voit par ce dernier acte , la terre du Pré-
dauge était divisée en deux seigneuries.
Une pièce de terre située sur celte commune porte en-
core de nos jours le nom de Clos-Seigneur.
Château. — Le château , bâti près de l'église , s'élève sur
le sommet du coteau, au milieu d'un joli parc dessiné à l'an-
glaise. Ce château , dont la construction n'est pas ancienne ,
ne présente aucun intérêt.
Sur le fronton qui couronne la façade orientale, on lit :
FONS IGNOTUS VIOTUS COGNITA.
1066
CANTON DE LISIEUX , 2* SECTION. 373
Sur la façade occidentale est appliqué un cadran schire,
avec cette inscription :
* AN • DOM • 1779
ME SOL REGIT.
VOS UMB1U.
Manoir. — Le manoir du Prédauge , qui a été démoli il y
a quelques années, datait du XVIe siècle.
Ce manoir , dont la base ou soubassement était en pierre ,
offrait un étage en bois construit en encorbellement. Bâti sur
l'escarpement d'un coteau , il présentait une masse irrégu-
lière d'un effet assez pittoresque.
On remarquait , à l'intérieur , plusieurs variétés de pavés
émaillés.
Nous allons faire connaître les principaux seigneurs qui ont
possédé la terre du Prédauge , à partir de la seconde moitié
du XVe siècle.
Robert de La Rivière était seigneur du Prédauge en
1463 (1).
En 1540, lors de la Recherche des Élus de Lisieux, le sei-
gneur était Charles de La Rivière.
En 1615, nous trouvons... « de Bonenfant, damoiselle du
Prédauge et de Fenèbre. »
Il existait dans celle paroisse une aînesse , nommée le fief
Tropey ou Trouppé, ainsi que l'attestent : 1° une transaction
passée le 7 août 1622 entre « Guillaume Maurrey et messire
François de La Rivière » ; 2° deux aveux, le premier, en
date du 20 juillet 1656, à noble dame Marie Descorchcs,
veuve de « messire Charles de La Rivière, chevalier, seigneur
des terre et sieurie du Prêdaulge, d'Ouillie et autres terres » ;
le second rendu, le 30 mars 1685, à « noble seigneur messire
(1) Montfaut, p. 25.
374 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Robert de La Rivière, chevalier, seigneur de L'Honneur, terre
et seigneurie du Prédauge, Tmhermais et autres lieux (1) ».
par Nicolas Lemarchand, bourgeois de Lisicux.
Une autre aînesse , nommée la grande et la petite Escan-
tonnerie ou fief ès-cantons, existait aussi dans la même
paroisse. Cette aînesse dépendait de « la sieurie de Lespée. »
Le 13 mars 1731 , un aveu est rendu à « noble homme
« messire Charles Jacques de La Rivière, chevalier, seigneur
« du Frédauge, Lespez et autres lieux, par damoiselle Marie-
« Madeleine Collet, \c de feu Gaspard Bordeaux, représen-
« tant Anne Lemarchand, épouse de feu Guy de Lespez,
« écuyer, sieur de Cantepie, et Louis Le Belhomme pour le
« fief de la Bieurez, contenant quinze acres, situé au Pré-
<( dauge. »
Les redevances étaient : « 15 sols à la S'-Michel et 15 sols
à Noël , avec foy, hommage , etc. , baon du moulin Croisel »
et obligation de « charrier les meules d'iceluy entre les quatre
« portz de Normandie à leur propre coût et dépens. »
Dans un acte.de vente portant la date du 6novembre 1777,
la paroisse dont nous faisons l'historique est désignée sous le
double nom de la Rîvière-Prédauge.
La Boqueterie. — Ce hameau, que traverse la route im-
périale de Paris à Cherbourg , offrait, il y a quelques années,
aux regards du voyageur une maison de modeste apparenre,
composée d'un simple rez-de-chaussée et d'un grenier. La
façade de cette habitation , qui était désignée sous le nom de
Maison de faïence , était revêtue de carreaux en terre cuite
émaillée provenant de l'ancienne fabrique du Prédauge. Ces
carreaux, qui occupaient l'intervalle compris entre les co-
(1) D'Hozier a inscrit dans son Armoriai Robert de La Rivière, sei-
gneur du Prédauge, dont le b!ason est : de gueules à deux poùsons
d'argent.
CANTON DE LISILUX , 2e bECTlON. 375
lombages , appartenaient à six ou sept variétés : les uns
étaient à palmes (quatre composaient une rosace); d'autres
offraient des fleurs avec une large bordure chinée ( bleu et
blanc); sur l'un de ces carreaux se dessinait une croix en
sautoir, etc., etc.
Tous ces carreaux dataient de la fin du XVIIe siècle. Ils
provenaient , d'après les renseignements fournis par un
vieillard de la contrée, d'un four qui ne s'est éteint que vers
la fin du règne de Louis XV.
Le hameau de la Boqueterie, appelé dans les anciens titres
la Boquetière , fait partie de la commune du Prédauge, qui
était renommée pour ses poteries.
Le vieillard dont nous avons parlé possédait un plat
émaillé, qui était une imitation grossière des anciennes
faïences de Bernai d Palissy.
Nous avons vu, dans une ferme située à la Pommeraye
(aujourd'hui réunie à la commune St-Désir de Lisieux),
un autre plat provenant de la même fabrique , mais d'une
exécution tellement soignée qu'on aurait pu très-bien le
prendre pour un vrai Palissy. Ce plat, dont l'émail est par-
faitement conservé , représente Vénus sortant du bain. La
déesse, étendue dans une espèce de baignoire nattée , garnie
de feuilles de \igne , est entourée d'Amours. L'un de ces
Amours lui tient les pieds ; un autre lui présente une coupe
contenant une liqueur bienfaisante. Plusieurs offrent à la
déesse des raisins. Une ceinture de marguerites ( Bcllis
perennis ) entoure le plat, dont les bords sont festonnés.
Aux XVIe et XVIIe siècles , le Prédauge était le centre
d'une fabrique importante de poteries, dont les produits re-
marquables étaient recherchés dans toute la Normandie. Tout
le monde connaît ces brillants épis, en terre cuite émaillée,
qui couronnaient le faîte de nos manoirs et les lucarnes de
nos maisons bourgeoises. Ces épis rivalisaient, par l'originalité
376 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
de la composition et l'éclat du coloris, avec les magnifiques
faïences de Bernard Palissy. Gabriel Dumoulin , curé de
Menneval , les comparait , dans son enthousiasme , aux
produits du même genre de l'industrieuse Venise, cette an-
cienne reine de l'Adriatique : « On fait à Manerbe , près
« Lysieux (commune voisine du Prédauge) , des vaisselles
« de terre qui ne cèdent en beauté et en artifice à celles
« qu'on nous apporte de Venise. » L'opinion de l'auteur de
Y Histoire de Normandie se trouve corroborée par les lignes
suivantes, de M. Pottier , conservateur de la bibliothèque et
du musée d'antiquités de Rouen , membre de l'Institut des
provinces :
« Tout plat décoré dans le genre de Palissy , fût-il digne
« par sa finesse et sa réussite de passer pour une des œuvres
« excellentes de ce maître , s'il a été rencontré dans notre
« contrée avant tout déplacement , doit être suspect au
a premier chef d'être un produit de la fabrique lexovienne.
« Les artistes , ajoute ce savant , qui créèrent et exécu-
« tèrent ces épis avaient'certes assez de talent et d'habileté
« pour imiter, même à s'y méprendre, les œuvres du maître
« Saintongeois , et pour en inventer au besoin de nou-
« velles (1). »
L'un des plus beaux épis sortis de la fabrique du Pré-
dauge couronnait l'ancien manoir de la Vigannerie, à Pontfol
(Calvados) , et il a été figuré dans l'article consacré à cette
paroisse (tome IV de la Statistique).
Un amortissement dans le même genre surmonte le co-
lombier d'un manoir situé près de Livarot.
Tous ces épis , dont la décoration était très-variée , se
composaient de trois parties :
1° D'une base offrant trois faces. Les deux faces anté-
(1) Bulletin monumental, t. IX , p. 729.
CANTON DE LISIEUX , 2r SECTION. 377
Heures étaient décorées d'une jolie tête d'ange en haut-
relief, dont le cou était muni d'une large collerette. La partie
postérieure , qui s'adaptait à la croupe d'un toit ou à celle
d'une lucarne , était fendue ;
2° D'un vase , de forme ovoïde , dont la panse était ornée
de têtes d'anges, reliées entr'elles par des draperies alternant
souvent avec des têtes de bélier. Du goulot du vase sortait ,
en s'épanouissant , un gracieux bouquet , composé de fleurs
et de fruits du pays , parmi lesquels on distinguait le lis de
nos jardins (Lilium candîdum) , des poires et des pommes,
couvertes d'un brillant incarnat ;
3° D'un pigeon ou d'un pélican , posé sur une boule que
supporte un léger pédicule.
Un grand nombre de vases formant , comme nous venons
de le dire, la partie intermédiaire de l'épi, présentaient une
double courbe; la partie inférieure étant convexe et la partie
supérieure concave.
Quelques-uns affectaient la forme d'une poire renversée.
Les couleurs dominantes de la couverte métallique étaient
le blanc, le jaune, le vert, le bleu foncé, le violet et le
brun.
Les épis émaillés furent remplacés, au XVIIIe siècle, par
des amortissements simplement vernis au plomb. Par leur
composition moins riche et moins élégante et leur exécution
grossière, ces nouveaux épis annonçaient une époque de
décadence; ils n'étaient pas cependant dépourvus d'art. Leur
forme se rapprochait de celle des épis émaillés que nous
avons décrits. La base , décorée de mascarons ou d'animaux
fantastiques, servait de support à un vase à plusieurs anses,
surmonté d'un pigeon.
Quelques-uns de ces amortissements représentaient de
petits personnages tirant de l'arc.
Cest à cette époque de décadence que remontent ces
378 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
nombreuses fontaines-lavabo , émaillées au plomb , qui con-
stituaient une branche importante de commerce. Ces fon-
taines, dont la panse est ordinairement couverte de fleurs
de lis en relief, sont garnies sur les côtés d'anses contournées.
Un pigeon , posé sur une boule, forme l'amortissement.
L'une de ces pièces est signée : Vincent du Prédauge.
Nous avons retrouvé ce nom sur un encrier en terre cuite ,
de la même époque.
La terre employée par les potiers du Prédauge , pour la
fabrication de leurs vases, est une argile plastique supérieure
à la craie, qui a été signalée dans la Topographie ycognos-
tique du Calvados.
La fabrique du Prédauge, aujourd'hui bien dégénérée,
comptait encore , au commencement de ce siècle , une
vingtaine de fours. Le nombre actuel des potiers qui fa-
çonnent ces vases grossiers que nous voyons exposés sur nos
marchés est réduit à huit.
M. IMorière , professeur à la Faculté des sciences de Caen,
membre de l'Institut des provinces, a publié, en 1850 , dans
Y Annuaire normand , une notice intéressante sur l'industrie
potière dans le département du Calvados.
Cette industrie, toute locale , remonte à une haute anti-
quité. Les quatre beaux vases funéraires en terre cuite
émaillée, d'un blanc-jaunâtre, découverts à Lisieux en 1861,
et dont l'origine gallo-romaine ne saurait être contestée ,
sont évidemment des produits de la fabrique lexovienne ,
ainsi que les nombreux fragments d'amphores, et autres
vases à usage domestique , retirés de la rivière qui traverse
la ville.
Parmi les nombreux fragments de cette belle poterie
rouge en terre samienne, dite sigillée, que les Romains
faisaient venir de très- loin et que nous avons également
recueillis , se trouvent plusieurs marques ou estampilles de
CANTON DE L1S1EUX , 2e SECTION. 379
potiers gallo-romains. Sur l'un de ces fragments que nous
avons 'déjà signalé, on lit le Lisovtl (enSIS; le nom du
potier manque ) indiquant le nom de la cité ou de la contrée
où ce beau vase a été fabriqué.
Au moyen-âge, la fabrique lexovienne jouissait encore
d'une certaine célébrité. Nous possédons un fragment bien
conservé d'une petite patère en terre cuite , d'un blanc-
grisâtre , qui a gardé sa couverte métallique (oxyde de
plomb). Cette petite patère, que nous faisons remonter au
XIIIe siècle, est décorée d'étoiles et entourée d'une légende
religieuse en caractères gothiques du temps qui commence
par ces mots : mater dei indiquant sa provenance ;
elle était placée dans une église et servait au culte. Nous
pourrions signaler encore quelques curieux fragments de
poteries, offrant une pâte identique , mais d'une époque
postérieure (XVe siècle). L'un de ces fragments, dont le
vernis est presque entièrement disparu , est couvert de lettres
gothiques de grande dimension.
Mais l'époque la plus brillante de celte industrie dans
notre contrée était, comme nous l'avons dit, le XVIe et le
XVIIe siècle. C'est à celte dernière époque qu'il faut reporter
l'exécution des statues en terre cuite émailléc qui décoraient
le fronton du pavillon central du principal corps-de-logis de
l'ancien palais épiscopal, donnant sur la terrasse, ainsi que
les nombreuses statues qui ornaient les magnifiques jardins
au milieu desquels s'élevait le château des Loges, rési-
dence d'été des derniers évoques de Lisieux , située à peu
de distance de Lisieux , au midi.
M. Raymond Bordeaux , dans une séance tenue a Bernay
au mois de juillet 1868, est le premier qui ait appelé
l'attention des savants sur l'ancienne fabrique de poterie de
Manerbe et du Prédauge, à laquelle la Géographie Bla-
vienne a consacré quelques lignes d'éloges. Les brocanteurs,
380 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
dont le nombre s'est considérablement augmenté de nos
jours, faisaient déjà passer les figurines et les vases du Pré-
dauge pour des faïences.
LA BOISSIÈRE (l).
La -Boissière , Buxeria.
Le village de la Boissière , situé à 8 kilomètres de Lisieux,
est traverse par la route impériale de Paris à Cherbourg.
L'église , dont la construction remonte à la période ro-
mane , s'élève à peu de distance , sur la gauche de la route.
Les murs latéraux , construits en grossier blocage et re-
crépis , sont soutenus par des contreforts plats.
Toutes les fenêtres sont modernes et sans caractère.
Le portail occidental est surmonté d'un petit clocher en
charpente , recouvert en essente , supportant une pyramide
hexagone. La cloche , dont le diamètre est de 61 centi-
mètres , offre l'inscription suivante :
1713 Mc EDMOND DAQVIN TBRe CVRÉ DE CE LIEV MA BENITE. IAY ESTÉ
NOMMÉE MARIE CATHERINttE PAR NOBLE DAME CATHERINHE DE MERDRAC
ET NOBLE HOMME LOV1S VALENTIN COSTART ESCr. SGr. HONORERE DE CETTE
PAROISSE DE LA BOISSIÈRE II ET F.
1EAN AVBERT
DE LISIEVX
MA FAITE
Derrière le chevet , qui est droit , s'élève une sacristie
éclairée par deux petites fenêtres carrées avec vitrage en
plomb protégé, à l'extérieur, par de curieux étançons.
Cette sacristie paraît dater du XVIe siècle.
On remarque , à l'intérieur de l'église , le tabernacle du
(1) Notes par M. Pannier.
CANTON DE LISIEUX , 2e SECTION. 381
maître-autel. Ce tabernacle, qui date du règne de Louis XIV,
est enveloppé d'un riche manteau dont les draperies, retenues
par une torsade , retombent avec grâce en larges plis on-
doyants.
Les voûtes sont en m erra in.
On conserve avec soin une ancienne chasuble à person-
nages, malheureusement incomplète, qui date du XVe siècle
ou du XVIe, ainsi qu'une jolie chasuble, style Louis XV, dont
les orfrois sont semés de fleurs (roses, pensées, etc.)
brochées sur soie blanche.
L'église de la Boissière est placée sous l'invocation de
Notre-Dame. Le patronage avait été donné en 1218 aux re-
ligieux de Ste-Barbe par Baudouin Rastel, qui vraisembla-
blement était seigneur du lieu.
Sous le rapport administratif, la Boissière faisait partie
de l'élection de Pont-1'Evêquc. Celte paroisse comptait, avant
la Révolution, U feux privilégiés et 15 feux laillables.
En 1713, suivant l'inscription de la cloche que nous
avons donnée , <• noble homme Louis-Valentin Costart ,
escuier », était seigneur de la Boissière.
On trouve ensuite en possession de la même seigneurie ,
ou seulement du même titre: 1° Jean-Baptiste-Pierre Labbey,
seigneur de la Boissière et de la Rocquc-Baignard, conseiller
au Parlement de Normandie, qui épousa, le 18 avril 1752,
Louise-Gabrielle-Jeanne Filleul, fille du seigneur des Chesnels ;
2° messire Nicolas-Paul de Grieu d'Estimanville , chevalier,
seigneur de la Boissière, plaidant, en 1782 et 1783, au
bailliage de Pont-1'Évêque.
Ferme de Rome. — Le nom significatif de cette ferme
rappelle l'invasion des Romains dans notre contrée : « ce
« nom , dit M. Guilmelh , est un souvenir de la ville éter-
« nellc , appliqué par quelque riche colon romain à la villa
382 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
« qui était, dans celte partie des Gaules, le centre de son ex-
« pioitalion agricole ou forestière. »
LA BGUBLONXIÈRË (t).
La Houblonnière, Uombionneria, Houbtonneria.
Cette paroisse dépendait de l'élection de Pont-1'Évêque ,
sergenterie de St-Julien-le-Faucon ; on y comptait k feux
privilégiés, 56 feux tailiables ou 300 habitants; aujourd'hui on
en compte 279 seulement.
L'église et le château de la Houblonnière forment un
groupe pittoresque que ne manquent pas de remarquer , à la
sortie du tunnel de la Molle, les voyageurs qui fuient de Lisieux
vers Caen.
L'ensemble de l'église date du XIIIe siècle, cependant le
mur septentrional de la nef, avec ses trois contreforts plats,
sa corniche à modillons grimaçants et son blocage disposé en
arêtes de poisson , remonte évidemment jusqu'à l'époque ro-
mane. Le mur du midi indique le XIIIe siècle par ses ca-
ractères généraux ; il est, comme celui du nord, flanqué par
trois contreforts. On n'y voit qu'une seule des fenêtres pri-
mitives , étroite lancette dont les compagnes ont été rem-
placées, au XVe siècle, par deux grandes ogives flamboyantes.
Une seule lancette se voit aussi du côté du nord. Les deux
autres ouvertures sont modernes. Le pignon occidental date
du XIIIe siècle. Trois contreforts le buttaient : un au centre,
deux aux extrémités ; uue croix antéfixe termine le pignon.
Au XVe siècle, on a supprimé le contrefort central pour pra-
tiquer une porte en remplacement de la porte primitive,
dont on voit l'archivolte garnie de moulures toriques au bas
du mur méridional.
(1) Notes de M. Charles Vasseur.
CA.INTOx\ DE LtSIEUX, 2e SECTION. 383
Cette nouvelle porte est précédée d'un porche en bois ,
probablement du XVe siècle ; les vantaux sont à panneaux
plissés. Le chœur est tout entier du XIIIe siècle, partagé
en deux travées par de larges contreforts. On y retrouve la
corniche à modillons qui orne les deux murs latéraux de la
nef. On n'y voit aucune fenêtre primitive. Toutes les ouver-
tures sont modernes, sauf, au midi, une petite baie subtri-
lobée qui paraît être du XVe siècle.
Le chevet est droit, avec deux contreforts; il est caché par
une sacristie penlagonale du XVIIIe siècle.
La tour est placée entre chœur et nef, en avant-corps, du
côté du midi. Sa base est construite en pierre de moyen ap-
pareil avec joints fort larges ; elle pourrait, par conséquent,
remonter jusqu'au XIe siècle. Elle n'a aucune ouverture
caractéristique. Sa hauteur n'est pas considérable. Au-dessus
de la corniche, pour l'exhausser, on avait fait un corps carié
eu charpente revêtu de bardeau , qui portail une pyramide
assez élancée à pans coupés. La croix était richement tra-
vaillée. Tout récemment, on a changé cette disposition. On a
surélevé la tour en maçonnerie d'une manière peu propor-
tionnée au volume de sa base , de sorte qu'elle ne manque
pas de ressemblance avec une cheminée d'usine.
Au nord, au point de jonction du chœur avec la nef, se
trouvait une construction en maçonnerie qui remontait au
XVe siècle. C'était la cage d'un escalier descendant, (Fune
galerie couverte jetée au-dessus du cimetière, au banc sei-
gneurial placé au côté de l'évangile, à l'intérieur. Au moyen
de cette galerie , dont l'établissement était peu conforme aux
lois ecclésiastiques, le seigneur pouvait se rendre, à couvert,
de ses appartements à 1 église; car l'un des corps-de-logis du
château longeait le cimetière. On a supprimé cet état de
choses, il y a quelques années.
L'intérieur a conservé de l'intérêt. Les fonts baptismaux,
38k STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
qui se présentent d'abord aux regards , datent du XVe siècle.
C'est une cuve octogone en pierre , sculptée sur chaque face
d'une accolade.
La nef est recouverte par une belle voûte en carène avec
charpente apparente. Le sous-faîte est orné de rosaces dé-
coupées à jour, et les douvettes de merrain sont chargées de
dessins. Sur les sablières sont des écussons, malheureusement
mutilés. Sur l'un, cependant, j'ai cru reconnaître unfascé;
l'autre , vis-à-vis , était parii : le premier fascé , le second
chargé d'un lion. Dans une fenêtre, au sud, restent quelques
fragments de vitraux de la dernière époque gothique, une
résurrection des morts en grisaille.
Les deux petits autels sont sans intérêt. Les piscines qui
les accompagnent méritent l'attention. Celle du nord est
ogivale, avec moulures toriques ; sa base fait saillie sur le mur.
Celle du sud est en accolade. Sa cuvette a la forme d'un pen-
tagone sur lequel court une guirlande de feuilles frisées, au
milieu desquelles est jeté un écusson où j'ai cru distinguer
le contour d'un lion.
L'arc triomphal date du XIIIe siècle. Son archivolte ex-
térieure est garnie de tores qui reposent sur des colonnettes.
La voussure intérieure retombe sur un pied-droit dans le-
quel, du côté du nord, est incrustée l'inscription suivante:
Cj> îieuant gisent vénérables et
ctrcumsyectes personnes maître 3eijan
Jpoulain lequel trépassa lan mil o,c
xxim le xxoe ïiauril et mistre Seljan
ifatscene ittetia lan mil »cc et xx le xxve
' he tutllet en ler muant pbrs curres et recte
urs fce eeans. ftequiescant tn yace , amen.
Les deux travées du chœur sont voûtées en pierre avec
CANTON DE LISIEUX, 2* SECTION. 383
arcs-doubleaux cl arceaux croisés, dont les retombées portent
sur des faisceaux de colonnettes que l'on a stupidement
coupées au-dessous des chapiteaux. Os chapiteaux sont sculptés
de feuillages et de crossettes , comme on en trouve à la pre-
mière époque ogivale. Un cordon torique se profile sur le nu
des murs, au niveau des tailloirs des chapiteaux. Il servait
sans doute d'appui aux fenêtres primitives. L'autel, en marbre,
date de la fin du dernier siècle. La lampe peut remonter au
règne de Louis XIII. Une statue de saint Firmin appartient
au moyen-âge, comme un bas-relief en pierre, de 18 pouces
de haut, qui représente saint Christophe. L'exécution en est
naïve et les détails curieux : l'enfant , assis sur l'épaule du
Saint , a saisi d'une main une touffe de cheveux de son
porteur.
Les deux cloches portent des inscriptions qui méritent être
transcrites. On remarquera la date de la plus grosse : bien
peu, certainement, furent fondues cette année-là :
LAN 1790 M. GUY DUVAL DE BONNF.VAL , PRÉSIDENT A MORTIER AL
PARLEMENT DE ROUEN ASSISTÉ DE DAME CECILE FRANÇOISE MARGUERITE
HENRIETTE DUMONCFL SA MÈRE VEUVE DE GUI CLAUDE NICOLLAS DUVAL DE
BONNEVAL AUSI PRESIDENT A MORTIER AU PARLEMENT DE ROUEN EN SON
VIVANT SEIGNEUR ET PATRON DE CETTE PAROISSE ET AUTRES LIEUX MONT
NOMMEE MARIE CECILLE. M. NICOLLAS FRANÇOIS LOUIS — LFCOQ Cl RE DE
CETTE PAROISSE MA BENIE EN PRESENCE DE THOMAS LE SUFFLEUR MAIRE,
LOUIS GRANVAL IOSEPH DUVIEU OFFICIERS — L. BRUNIER Pre DE LA COM-
MUNE ET IEAX CASTEL TRESORIER.
LAVILLETTE DK LISIEVX MA FAITE.
LAN 1841 Mr GUY CHARLES OSCAR DUVAL COMTE DE BONNEVAL ASSISTE
DE M\RAME LA COMTESSE DE BONNEVAL NEE HABIB ANTOINETTE CHARLOTTE
LAI RE DE SÉGUR MONT NOMMEE MARTE , Mr J ' JULIEN PROSPER DROUEN
CL RE DE CETTE PAROISSE MA BENIE EN PRESENCE DE MM. THOMAS RLAISE
MAIRE J BAPTISTE ROC4GB ET LES AUTRES MEMBRES DE LA FARRIQUE.
F. BAILLY PERE ET FILS FONDEIRS A CAEN.
*J5
386 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
La croix du cimetière, en bois, du XVIIIe siècle, est
d'une forme assez gracieuse.
L'if mesure environ 2 pieds et demi de diamètre.
Comme on a pu le voir par l'inscription tumulaire trans-
crite plus haut , la cure de Nolre-Dame-de-la-Houblonnière
était divisée en deux portions à la présentation du seigneur
du lieu. Elle était comprise dans le doyenné du Mesnil-
Mauger.
Château. — Le château est attenant à l'église, que ses bâ-
timents enclavent de deux côtés.
Ces bâtiments sont disposés de manière à former deux
cours.
La première a la forme d'un carré long à peu près régulier.
On y accède par une porte et une poterne ornées de sculp-
tures qui indiquent la fin du XVe siècle ou le XVIe. On en
peut juger par la vue que nous présentons. A gauche de celte
entrée, s'élève une belle tour dont la construction est soignée,
dont les murs sont épais de plus de 3 pieds, dont la situa-
tion a quelque chose d'imposant , et qui néanmoins paraît
avoir été faite simplement pour servir de colombier. Elle n'a
plus sa toiture. Elle pourrait être un peu moins ancienne que
la porte qu'elle accompagne. Toutes les autres constructions
de cette cour, en pierre, avec fenêtres à moulures prismatiques,
indiquent le XVIe siècle. C'est le manoir proprement dit.
Dans la seconde cour , il n'y a qu'un seul côté garni de
bâtiments. Ils sont en bois. La salamandre sculptée sur une
des lucarnes et les autres caractères de l'ornementation in-
diquent le règne de François Ier. Comme partout, l'intérieur
a été retravaillé sous Louis XIV ou sous Louis XV. On n'y
voyait rien de particulier. Il y avait une chapelle.
On prétend que ce château a appartenu aux Templiers.
Les riches archives qui y sont conservées pourraient , sans
CANTON DE LISIEUX , 2e SECTION.
387
388 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
doute, donner des éclaircissements sur ce point. Je n'ai trouve
que très-peu de documents sur cette terre.
On trouve dans Montfaut , Jean Guérin, qui vivait no-
blement à la Houblonnière, en H63.
Dans les premières années du XVIIe siècle, noble homme
Jehan de Cardiglard se qualifiait seigneur de Serre, la Boë
et la Houblonnière.
Au XVIIIe siècle , la famille du Val de Bonneval la pos-
sédait, ainsi que diverses autres paroisses environnantes. Elle
en reprit possession après la Révolution. Enfin, le 16 janvier
1860, le château et la terre ont été vendus par M. le comte
de Bonneval à M. Malliéné* de Gambremer, qui, voulant en
faire son habitation, va exécuté des travaux importants.
LA iMOTTE-EX-AUGE (I).
La paroisse de La Motte est réunie à celle de St-Pierre-
des-Ifs. L'église, entièrement détruite, avait rang de prieuré
et était à la nomination du prieur de Ste-Barbe. Elle avait
pour patron saint Michel et se trouvait comprise dans le
doyenné de Mesnil-Mauger, le plus considérable de tout
l'évêché de Lisieux. Sa population n'était pas nombreuse :
au XVIIIe siècle, elle ne se composait que de 26 feux, dont
1 privilégié: environ 130 habitants.
La seigneurie de La Motte , qui fut même qualifiée de
baronnie, appartenait dès le XIIe siècle aux religieux de
Ste-Barbe.
Cependant on trouve, au XVIIIe siècle, plusieurs membres
de la famille Bréard prenant le titre de seigneurs de la
Motte. Le nom de l'un d'eux , Pierre Bréard, figure sur la
cloche de l'église, datée de 1607, transportée à St-Pierre-
(4) Notes de M. Charles Vasscuv.
CANTON DE LISIEUX , 2* SECTION. 389
des-Ifs. Son fils ou petit-fils, Jacques Bréard , escuycr, sei-
gneur de la Motte, est mentionné dans une sentence du
vicomte d'Auge, du 18 juillet 1667. Celte famille paraît
être originaire de la Basse-Normandie. Pierre et Guillaume
Bréard furent trouvés par Montfaut, en 1/U33, à Foucar-
ville, sergenterie de StP- M ère- Église, élection de Carentan.
LES MONCEAUX (1).
Les Monceaux , Monceaidx.
La commune des Monceaux est réunie, pour le culte, à celle
de la Houblonnière. Elle tire son nom de la configuration du
sol, qui est très-accidenté et formé d'un grand nombre de
petits monts.
L'église , bâtie sur un monticule marneux , appartient au
roman de transition.
Le mur méridional de la nef, soutenu par trois contreforts
plats , présente l'appareil en feuilles de fougère. Il est percé
de deux fenêtres ogivales trilobées , avec moulures prisma-
tiques, du XVIe siècle, et d'une fenêtre à arc surbaissé
du XVIIP.
On remarque, de ce côté, les vestiges d'une porte à ogive
de transition qui donnait accès dans la nef.
Le mur septentrional, primitivement roman, a été re-
construit. Il offre un seul conlreforl plat, vers l'extrémité
occidentale. Une fenêtre ogivale trilobée a été pratiquée
dans ce mur au XVIe siècle (1557). Il n'y avait dans l'ori-
gine aucune ouverture de ce côté.
La façade occidentale , soutenue par deux contrôlons plats,
présente l'appareil roman en arêtes de poisson.
(1) Notes (îc M. Pannier.
390 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
La porte à plein-cintre, précédée d'un porche en bois,
date seulement du siècle dernier.
Deux fenêtres ogivales, accolées, garnies d'un gros tore
que l'on peut voir à l'intérieur du clocher, s'ouvraient dans
le gable.
Le clocher , de forme carrée , est construit en charpente
et couvert en essente , ainsi que la pyramide octogone qui
le surmonte. La date de sa construction est gravée au trait
sur une des poutres qui le supportent , à l'intérieur de
l'église :
HJEC FIDEL1UM CHARITATIS OPE TURRIS EXSURGEBAT AN. D. I. 1736.
Le chœur , construit en retraite sur la nef , est également
roman. II est éclairé au nord par une fenêtre primitive ,
étroite à l'extérieur, et très-ébrasée à l'intérieur de l'édi-
fice. Une petite fenêtre ogivale, avec moulures en chanfrein,
du XVIe siècle , et une fenêtre à arc surbaissé , du siècle
dernier , s'ouvrent dans le mur méridional. Le chevet est
droit et, en grande partie, masqué par la sacristie. Un cordon
sur lequel s'appuyaient les fenêtres primitives règne autour
du chœur.
Sur les murs latéraux se montrent les vestiges de deux ar-
cades à plein-cintre, qui se correspondent et qui probable-
ment supportaient la tour primitive, placée sur le chœur.
Une jolie piscine romane, à deux baies trilobées, séparées
par une colonnette dont le chapiteau est orné de crosse ttes,
existe à l'intérieur, du côté de l'épître.
La voûte du chœur et celle de la nef sont en bois.
L'arc triomphal est de la dernière époque de l'ogive.
A l'extrémité de la nef sont placés deux petits autels.
L'un d'eux est décoré d'une statue représentant l'ange
Gabriel. Cette statue, qui paraît remonter au XVe siècle ,
est très-bien minialurée. La robe , d'un bleu d'azur , est
CANTON DE LISIEUX, 2e SECTION. 391
semée de fleurons blancs ; par-dessus est un manteau rouge
couvert de gemmes affectant la forme de quatre-feuilles. Ce
manteau est retenu par une agrafe. Les ailes de l'ange ,
entièrement déployées, ont leurs pennes alternativement
peintes en rouge et en bleu. L'ange Gabriel tient dans ses
mains un volumen sur lequel on lit l'inscription suivante,
en lettres modernes :
AVE
MARIA
GRATIA
PLENA.
L'autre autel est consacré à Marie. La Vierge-Mère porte
un manteau doublé d'hermine. Sa tête est surmontée d'une
couronne ducale. Cette statue date du XVe siècle, comme la
précédente.
Près de cet autel, dans une niche creusée dans l'angle
de la fenêtre , est placée une petite statue , représentant
la Sainte-Vierge foulant aux pieds un animal qui ressemble
à un lion. Sa robe bleue , semée de gemmes , est retenue
par une cordelière. Son manteau rouge est doublé de blanc.
Celle statuette et celle de l'ange Gabriel ont dû être réunies
autrefois, pour former le groupe de l'Annonciation.
Dans le mur méridional de la nef est creusée une piscine
trilobée, avec moulures en chanfrein, dont nous ne pouvons
préciser l'époque.
L'église des Monceaux est sous l'invocation de saint Michel,
S. Michael.
Au XVIe siècle et au XVIIIe , le patronage de cette pa-
roisse appartenait au prieur de Ste-Barbe.
Les Monceaux dépendaient , avant la Révolution , de
l'élection de Pont-l'Évêque.
Sous le rapport ecclésiastique, cette paroisse , qui comptait
392 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
\ feu privilégié et" 30 feux taillables , dépendait du doyenné
de Mesnil-Maugcr.
Au nord de l'église s'ouvrent, dans la marne , plusieurs
grottes tapissées de lierre, d'un effet pittoresque.
LE MESXIL-SIMON (!).
Le Mesnil-Simon , Mesnillum Symonis.
L'église Notre-Dame du Mesnil-Simon s'élève sur le pen-
chant d'une colline qui domine un charmant vallon , tra-
versé par le chemin de grande communication de Lisieux
à St-Pierre-sur-Dive.
La partie la plus ancienne de cette église est la nef, qui
appartient au style roman. Le mur méridional est flanqué ,
vers l'extrémité orientale, de deux contreforts plats ; à l'ex-
trémité opposée s'élèvent deux contreforts saillants qui da-
tent du XVe ou XVIe siècle. On remarque, de ce côté, une
petite fenêtre romane sans moulures qui a été bouchée.
Une fenêtre en forme de lancette , à moulures rudi-
mentaires, du XIIIe ou XIVe siècle, et une autre fenêtre
sans caractère éclairent la nef.
Le mur septentrional ne présente qu'un seul contrefort
plat. Deux autres contreforts , du XVe ou XVIe siècle , sont
placés vers l'extrémité occidentale. Ce mur est percé de
deux fenêtres sans caractère. Il n'y avait primitivement
aucune ouverture de ce côté.
Un porche en bois, du XVIe siècle, précède le portail
occidental, soutenu par quatre contreforts dont les glacis
sont très-inclinés. La porte qui donne accès dans la nef
présente une ogive obtuse formée d'une moulure torique
(1) Notes de M, Pannicr.
CANTON DE LISIEUX , 2e SECTION. 393
reposant sur une colonnette , dont le chapiteau simplement
épannelé et la base indiquent les premières années du XVe
siècle. Celle porte est surmontée d'un oculus du même
temps.
Au-dessus du gable s'élève un clocher en charpente , re-
couvert en essenle. Ce clocher renferme une cloche qui porte
la date de 1805. Voici son inscription :
L'AN 4 805 IAI ÉTÉ BENITE PAR Mr FRANÇOIS HUE DESSERVANT DU
MESNIL-SIMON , NOMMÉE LOUISE AIMÉE PAR Mr IEAN FRANÇOIS AMABLE
BARDEL LANOS ET Me LOUISE MABGUe SEVESTRE PIERRE AMABLE DUVAL
FRANÇOIS THERIOT FONDECR.
Les murs de Ja nef offrent les vestiges d'une litre funèbre.
Le chœur est faiblement en retraite sur la nef. Deux con-
treforts saillants , du XVe ou XVIe siècle , soutiennent le
mur méridional qui est percé de deux fenêtres ogivales dont
l'une affecte la forme d'une lancette. Celle fenêtre , étroite
par rapport à sa hauteur, a probablement remplacé une
autre fenêtre , du XIIIe siècle, ou peut-être cette dernière
aura-t-elle été seulement retouchée. L'autre ouverture date
de la dernière période ogivale.
Au mur septentrional du chœur est accolée une chapelle
seigneuriale, dont la construction remonte au XVIIe ou
XVIIIe siècle. Plusieurs pierres, formant saillie, portent les
traces d'un écusson armorié appartenant au seigneur qui a
fait ériger celte chapelle. Le mur septentrional est percé de
deux fenêtres cintrées. On remarque à l'intérieur de cette
chapelle, qui sert actuellement de sacristie, une fenêtre
carrée à tracerie flamboyante qui éclairait autrefois le chœur.
Le chevet est droit et percé d'une fenêtre ogivale tri-
lobée, du XVe ou XVIe siècle. Deux contreforts du même
temps sont placés aux extrémités.
394 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
L'arc triomphal qui sépare , à l'intérieur, le chœur de la
nef est dans le style ogival tertiaire.
Les voûtes sont en merrain.
On remarque dans le chœur , du côté de l'épîlre, une pis-
cine surmontée d'une accolade', qui date de la dernière
période de l'ogive,
Le maître-autel est accompagné d'un beau rétable et d'un
élégant tabernacle dans le style Louis XIII.
A l'entrée du chœur s'élèvent deux petits autels dans le
style Louis XIV.
Nous signalerons aussi une belle lampe , du XVIIe siècle
( lre moitié ) ;
Et parmi les vases sacrés, un calice en argent massif, du
siècle dernier.
On a relégué dans la sacristie un très-beau siège seigneurial
à haut dossier , qui date de la fin du XVe siècle ou des pre-
mières années du XVIe. Le dossier est formé de deux pan-
neaux ornés de dessins flamboyants. Les montants du fauteuil
se terminent par des espèces de clochetons.
Le patronage de l'église appartenait, au XIVe siècle, à
l'abbé du Bec (abbas de Becco).
Sous le rapport administratif, le Mesnil-Simon faisait
partie, avant la Révolution, de l'élection de Pont-1'Évêque.
On y comptait U feux privilégiés et L\1 feux taillables.
La terre ainsi que le patronage de l'église appartenaient
à l'abbaye du Bec, qui en avait été gratifiée par Foulques
d'Aulney ( . . . . Ex dono Fulconis de Alneto et hominum
suorum , manerium de Mesnilto Simonis cwn ecclesia et
omnibus ecclesiœ et manerii pertinentiis ). Aussi, pendant
tout le cours du moyen-age, ne trouve-t-on aucun seigneur
du Mesnil-Simon.
Les moines finirent par aliéner, au moins en partie, leur
domaine.
CANTON DE L1S1EUX, 2e SECTION. 395
« Au commencement du XVIIe siècle, la terre du Mesnil-
« Simon était possédée par le baron de La Luthumière, qui la
« vendit , par contrat passé devant les notaires de Valognes ,
« le 28 novembre 1606, à M. Le Sens de Rucquevilie.
« Celui-ci n'en jouit pas un an. Par contrat du 25 novembre
« 1607, il la revendit à Jacques Dunot , seigneur de Cam-
« pigny-Berville. On ne voit point dans la généalogie de
<( cette famille , ajoute M. Charles Vasseur, qu'il l'ait trans-
« mise à ses enfants.
« Vers le milieu du XVIIIe siècle, continue M. Vasseur,
« Charles de Margeot était seigneur de St-Ouen-le-Hoult et
« du Mesnil-Simon. Il avait pour femme Françoise Le
« Normand , la septième des enfants de Gabriel Le Nor-
« mand , sieur du Buchet , et de Marie du Pommeret.
« Quelques années après, Gabriel-Auguste de Lyée prenait
« le titre de seigneur de Belleau, du Mesnil-Simon, Cropus
« et la Crétinière. Il épousa en secondes noces, le 18 sep-
a tembre 17Zi9 , Marie-Charlotte Labbey de La Rocque , qui
« lui donna quatre enfants. L'aîné, seul fds, Jean^Baptisle-
« Louis-Auguste de Lyée, chevalier mousquetaire du roi, fut
« seigneur de Belleau , Mesnil-Simon, la Crétinière et autres
« lieux. Il habitait ordinairement son château de Courson. »
Maison des Douaires. — Tout près de la route de St-
Julien s'élève une maison , appelée dans le pays la Maison
des Douaires,
La façade principale , qui regarde l'orient , est construite
en pierre et brique et date de la fin du XVIIP siècle. Elle
est flanquée, à l'une de ses extrémités, d'un pavillon carré.
Les arêtes du toit sont couvertes de cornicrsémaillés, jaunes
et verts. L'autre pavillon a été détruit.
La façade occidentale , construite en bois , paraît plus
ancienne.
396 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
M. Charles Vasseur ne pense pas que la maison des
Douaires ait été un fief noble. Elle a appartenu à des per-
sonnages assez notables.
Les registres de la paroisse de Lécaude font mention de
« honorable homme Jehan Mallet , sieur des Douayres » , à
la date du 20 décembre 1586. 11 était procureur fiscal au
bailliage vicomtal de Lisieux , ce qui lui valut plus tard des
lettres de noblesse.
« Il paraît , dit M. Charles Vasseur, avoir laissé trois fils ,
c dont l'aîné, nommé Jean comme son père , fut aussi sieur
« des Douaires. Le second fut sieur de Neufville et s'allia
« à la famille de La Reue; le troisième entra dans les ordres
« et devint chanoine de Lisieux.
« Jean Mallet eut un fils, nommé Jean-Baptiste- Adrien ,
« qualifié escuyer, sieur des Douaires, dans les actes de 1685.
« Au XVIIIe siècle , la maison des Douaires passa en la
« possession de la famille Jamot. Jean Jamot , sieur des
« Douaires, vivait entre 1745 et 1750. On ne le voit nulle
« part qualifié de noble homme ou écuyer. »
L'Armoriai manuscrit de d'Ilozier mentionne le nom
« d'Adrian Fréard, écuyer, sieur des Douaires. » Il des-
cendait probablement de Pierre Fréard , receveur des tailles
au Pont-l'Évêque , anobli en 1597.
Ferme de la Varanne. — Au fond d'un étroit vallon que
domine la route de Lisieux à St-Julien, est située l'ancienne
ferme féodale de la Varanne. Cette ferme appartenait, lorsque
nous l'avons visitée, à M. Deshayes, alors conseiller à la Cour
impériale de Caen.
La maison , construite en bois avec encorbellement , re-
monte au XVIe siècle.
A l'entrée de la cour s'élève un très-beau colombier en
pierre , dont le toit offre trois jolies lucarnes décorées de
sculptures variées.
CANTON DE LISIEUX , 2* SECTION. 397
A peu de distance de la maison se développe un magni-
fique étang. L'eau qui s'échappe de cet étang forme plusieurs
cascades et fait mouvoir , un peu plus loin , la roue d'un
moulin qui dépend aussi de la ferme.
Maladrerie. — Le Mesnil-Simon possédait une maladrerie
qui fut réunie, en 1698, à l'hôpital général de Lisieux. La
chapelle était sous l'invocation de saint Jean et de saint
Laurent. D'après un acte de 1721 , elle n'existait déjà plus
alors.
Le terrain sur lequel cette chapelle était bâtie , après
être resté long-temps en friche , fui fieffé, le \U août 1756,
à un sieur Martin, laboureur, moyennant 12 liv. de rente
perpétuelle, outre les charges féodales parmi lesquelles figure
celle de réparer les mottes du château de St-Julien une
fois pendant la vie du seigneur, après qu'il en aura fait faire
la première perche.
398
STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
CANTON DE MEZTDON.
Le canton de Mézidon comprend les communes suivantes
St-Aubin-sur-Algot.
Les Authieux-Papion.
Biéville-en-Auge.
Bissières.
Le Breuil.
Canon.
Castillon.
Coupesarte.
St-Crespin.
Crèvecœur.
Croissanville.
Doux-Marais.
Écajeul.
Grandchamp.
St- J ulien-Ie-Faucon.
St-Laurent-du-Mont.
Lécaude.
St-Loup-de-Fribois.
St-Maclou.
Magny-le-FreuIle.
Ste-Marie-aux-Ang!ais.
Méry-Corbon.
Mesnil-Mauger.
Mézidon (chef-lieu).
Mon teille.
Nolre-Dame-de- Livaye.
St-Pair-du-Mont.
Percy.
Querville.
Quetiéville.
Nous commencerons la revue monumentale de ces com-
munes par celle de Lécaude, et nous examinerons ensuite
celles qui sont situées du côté droit de la rivière de Vie en
allant vers le nord.
LÉCAUDE.
Lécaude , Calida , Sancia Maria Calida.
L'église de Lécaude est une construction d'une certaine
importance pour la contrée ; elle se compose d'un chœur à
CANTON DE MÉZ1DON. 399
chevet rectangulaire en retrait sur la nef, ayant deux travées ;
la nef en a trois.
Si l'on fait abstraction d'abord de la façade occidentale qui
est moderne, de différentes reprises et des fenêtres dont
nous allons indiquer approximativement les dates, l'ensemble
de cette église me paraît du XIIe siècle. On y voit des appa-
reils en arêtes de poisson ; les contreforts sont plats , au
nombre de quatre de chaque côté des murs latéraux de la
nef, et de trois dans ceux du chœur. Les murs n'ont pas de
corniche ou d'entablement. J'ai remarqué divers morceaux
de travertin dans les appareils.
Je disais que le mur occidental est moderne, ainsi que la
grande porte actuelle; il est évident pour moi qu'une porte
romane existait avant cette reconstruction , car on voit des
moulures qui me paraissent en provenir parmi les moellons
employés dans la construction du mur actuel.
Il existe encore trois des fenêtres primitives : deux au nord
et une au sud ; ce sont des ouvertures en forme de meur-
trières , arrondies au sommet. Les autres fenêtres appartien-
nent au style flamboyant et sont divisées en deux baies.
Le chœur montre d'abord au nord et au sud de la pre-
mière travée deux petites portes assez élégantes , ornées de
moulures de transition ; puis , du côté du nord , deux fe-
nêtres qui paraissent du XIIIe siècle : l'une dans la première
travée, près d'une des portes que nous venons de citer, se
compose d'une seule baie en forme de lancette; l'autre, à
deux baies , éclaire le sanctuaire. L'une et l'autre sont pro-
tégées d'une grille en fer.
Un anléfixe couronne le gable qui sépare le chœur de la
nef.
La tour, en bois, conforme aux tours de la région, c'est-à-
dire offrant un carré surmonté d'une aiguille à huit pans ,
couverte d'ardoises ou d'essente , correspond à la première
400 STATISTIQUE MOiNUMEMALE DU CALVADOS.
travée de la nef et renferme une cloche dont l'inscription a
été lue ainsi par M. Bouet:
f 1657. Révérend PERE clavde ciien o i dk s,c barbe en auge ma be.mste
DOMP PIERRE FORTIN PRIEVR DE CE LIKV MSr IACQVES
@p^ DVVAL ESCr SGr DE LESCAVDE BONNEVAL b'-CRESPIN CALLIGNY ET
AUTRES CONer DV ROY EN SON PARLEMENT DR
@J^ NORMENDIE ET DAME IEANXE DE BEAVREPAIRE FEMME DK MSr PIERRE
DK CAUVIGNY SGr DV BREVIL MONT NOMMÉE THOMAS DVVAL Tr.
JEHAN AVBEBT
MA FAICTE.
Au haut de la cloche est un écusson à la fasce vivrée.
La flèche repose, à l'intérieur de la nef, sur une char-
pente portant la date de 1738. Sur les poutres verticales qui
la supportent ou distingue, sous le badigeon, les traces d'une
litre à deux écussons: le premier, de gueules à la fasce vivrée
d'or; le second, plus effacé, d'or au cœur de gueules,
surmonté d'un chef dont je n'ai pu distinguer les pièces.
Intérieur. — Le chœur est subdivisé en deux travées voû-
tées en pierre. Les arceaux croisés se composent de trois
grosses moulures toriques. L'arc-doubleau est un cinire sans
moulures , et il retombe sur deux pilastres surmontés seule-
ment d'un tailloir, commun aux chapiteaux des colonnettes
sur lesquelles reposent les arceaux et qui cantonnent le pi-
lastre. Sur ces chapiteaux on voit des godrons , des entrelacs,
des têtes de lion , etc.
La piscine construite dans le mur méridional du chœur est
ogivale , à deux cuvettes. On n'y voit aucune moulure.
Les deux piscines des autels de la nef sont seulement du
XVIe siècle. Celle du nord est en saillie sur le mur, riche-
ment sculptée de feuilles de chou frisées et posée sur une
colonnelte.
CANTON DE MÊZIDON. 401
La nef n'est point voûtée; elle n'a qu'un plafond posé sur
les entrails de la charpente. Une inscription , creusée sur
l'un des montants qui supportent le clocher, porte à croire
que cet état de choses date seulement de 1738. Sans doute,
auparavant, la nef était couverte, comme le chœur, par
une voûte en pierre qui se sera écroulée. On voit encore les
piliers carrés d'un arc-doubleau avec son chapiteau godronné.
Du côté de la nef, l'arc triompha] a reçu , probablement
sous le règne de Louis XIV, une addition assez gracieuse. C'est
une corniche légèrement cintrée, soutenue par une série de
petites consoles délicatement moulurées. Deux vases à flammes
amortissent les extrémités de la corniche.
(Je travail en pierre relie, en quelque sorte, les deux petits
autels placés à droite et à gauche. Ces autels sont également
en pierre. Leur rétable, à fronton brisé , est soutenu par des
colonnes torses autour desquelles s'enroule une vigne. Dans le
chœur, du côtédu nord, on lit l'inscription lumulaire suivante:
CY DEVANT
REPOSE LE CORPS DE Mre LÉON
THOMAS CHlc9 DIVAL
DE LvSCAL'DE CHIer CONer AU
PARLEMENT SEANT A ROURN
DECEDE LE
JAN0r 1765 AGE DE
32 ANS 3 MOJS
Priez Dieu pour luy.
Quelques statues anciennes méritent d'être signalées : un
saint Nicolas, un saint Jacques, une sainte Barbe miniaturée
et un saint évèque revêtu de la chasuble antique. L'orfroi
antérieur est formé de trois médaillons servant de cadres à des
personnages en bustes. Les deux premiers sont des chevaliers
armés de toutes pièces; l'autre parait être une femme. Faut-il
voir dans ces trois figures celles des donateurs de la statue?
L'église est sous l'invocation de Notre-Dame. Elle faisait
20
402 5TATISTIQDB MONUMENTALE f)U CALVADOS,
partie du doyenné de Mesnil-Maugor. Le patronage apparte-
nait au prieuré de StP-Barbe ; le curé avait la qualification de
prieur. Il est présumable que ce patronage avait été donné
aux religieux en même temps que les dîmes , c'est-à-dire en
1180, par Adam Fitz-Thomas , chanoine de Lisieux , et
Robert Fitz-Faucon, son neveu.
On remarque des traces de litre à l'extérieur de l'église.
Un très-bel if existe dans le cimetière, à la hauteur du
chœur, au sud.
Lécaude dépendait de l'élection de Pont-l'Évêque , sergcn-
terie de St-Julien-le-Faucon ; on y comptait 3 feux privilé-
giés et 76 feux taillables : 595 habitants, tandis qu'il n'y en a
plus que 269.
Croix byzantine et ancienne chasuble. — M. Billon avait
signalé l'existence, dans la sacristie de Lécaude, d'une chasuble
ancienne et d'une curieuse croix romane. Cette croix est en
cuivre, avec émaux et pierreries; elle a 34 centimètres de
largeur sur 50 de hauteur, sans compter la douille qui est
moderne. On y distingue le Christ, couronne en tête, entre la
Sainte-Vierge et saint Jean à mi-corps. Au revers , on voit
encore les symboles de deux Évangélisles. Le médaillon cen-
tral manque.
Quant à la chasuble, elle est à personnages en broderie de
soie et d'or; le dessin est très large et la broderie en a bien
conservé l'esprit. Ce dessin se compose d'une série de niches
contenant chacune un saint nimbé, et derrière lui, un person-
nage à robe longue et chaperon. La chasuble et la croix de
Lécaude doivent avoir été achetées par la Société des Anti-
quaires de Normandie et se trouver dans la collection qu'elle
a formée.
Manoir et fief. — Le fief de Lécaude a été successivement
possédé par les Thabarye , les Bouleiller et les Duval de
CAINTON DE MÊZIDON. UO?)
Bonneval, dont une branche» emprunta le nom de Lescaude.
Un 'grand nombre de gentilshommes ou de bourgeois,
vivant noblement, habitaient aussi sur cette paroisse ; on peut
citer les Filleul de Saint- Martin , Lambert du Val , un des
cent gentilshommes de la maison du roi ; Lambert de La
Chapelle, de Lespée.
Le fief de (ireveuil était aussi sur Lécaude.
« Néanmoins, dit \I. Ch. Vasseur, je ne connais qu'une
seule maison intéressante au point de vue archéologique, on
la nomme les Demaines.
« Elle fut bâtie au XVIe siècle , au milieu d'une terre de
60 acres, probablement par Louis Thabarye, sr des Demaines,
dont les descendants la possédaient encore au XVIIe siècle.
a Elle est située sur un coteau , construite en bois, et sa
façade présente une assez grande étendue. Le comble est
éclairé par trois lucarnes essentées. Les fenêtres du premier
étage ont leurs angles supérieurs légèrement arrondis. Les
sablières en encorbellement sont, suivant l'usage, sculptées
d'imbrications, de chevrons, d'oves, etc. Le rez-de-chaussée
a été repercé , mais on y voit toujours la porte primitive en
accolade avec pinacles et feuilles frisées. Au tiers à peu près
de la façade se trouve un porche en avant-corps; mais il paraît
être une addition.
« La façade postérieure, regardant le jardin disposé en ter-
rasse sur la déclivité de la côte , n'est pas moins soignée que
la façade principale. Une tourelle contient l'escalier.
« A l'intérieur, on rencontre encore dans toutes les pièces
des vestiges de carrelages émaillés ; les cheminées ont con-
servé leurs vastes manteaux. L'une d'elles est un véritable
monument et mériterait un dessin. Elle se trouve dans la
grande salle, au rez-de-chaussée. Deux colonnes cylindriques,
avec leurs bases et leurs chapiteaux bien profilés , soutiennent
la hotte décorée , sur son bord inférieur , de moulures gra-
k®U STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
cieusement courbées , qui se réunissent en accolade au
centre. Une large corniche soutient le plafond. La frise in-
termédiaire était occupée par des peintures, encore assez
visibles. Elles se partageaient en deux sujets. De l'un on re-
trouve des arbres, un personnage et quelques accessoires;
mais il est impossible de saisir la signification de la scène
figurée. L'autre représente l'Annonciation. Dans les creux
des moulures courent des rinceaux capricieux, dans les feuil-
lages desquels se jouent de petits personnages dont les poses
et les costumes, qui sentent la Renaissance, sont peu d'accord
avec le sujet religieux au-dessous duquel ils sont placés.
u L'ornementation générale de la salle correspondait à la
richesse de la cheminée. Les sommiers et les poutrelles du
plafond étaient peints de rinceaux et de cartouches. On
remarque aussi sur les murs quelques traces de décoratfon
polychrome. »
SAINT-CRESP1N.
St-Crespin, Sancius Stephanus de Laillier (1).
L'église de St-Crespin est une des plus insignifiantes de la
contrée. Elle se Compose d'une nef rectangulaire et d'un
chœur terminé en demi-cercle.
La nef paraîtrait la partie la plus ancienne , à en juger par
l'appareil et les contreforts ; mais toutes les fenêtres sont carrées
et refaites. Le mur de l'ouest paraît être du XVIIe siècle, aussi
bien que la porte arrondie et sans style qui s'ouvre au centre.
Le chœur, bâti en brique avec chaînages en pierre , paraît
dater du XVIIe siècle. Plusieurs pierres tombales existent
dans le sanctuaire.
La tour, en bois , conforme à toutes celles que nous avons
(1) V. le pouillé du diocèse de Lisieux, publié par MM. Le Prévost
et de Formevilie.
CANTON DE MÉZIDON. 605
déjà décrites, couronne l'extrémité occidentale de la nef. Elle
renferme une cloche dont l'inscription, que voici, a été relevée
par M. Pépin :
j'Ai ÉTÉ BÉNITE PAR Me JEAN HENRY DU CELLIER ET NOMMÉE PAR Me LÉON
THOMAS CHARLES DU VAL DE LÉCAUDE, SGr ET PATRON DE S1 CRESPIN, HODF.NY
ET AUTRES LIEUX, ANCIEN MAIRE DE LA VILLE DE ROUEN, ET PAR HAUTE ET
PUISSANTE DAME MADAME CÉCILE HENRIETTE DUMESN1L, FEMME DE HAUT ET
PUISSANT SEIGNEUR GUY CLAUDE NICOLAS DUVAL DE BONNEVAL , CHATELAIN
SSr ET PATRON DE LA HOULLONNlÈRE ET AUTRES LIEUX, PRÉSIDENT A MORTIER
AU PARLEMENT SÉANT A ROUEN. 1763.
Avant la Révolution, l'église était sous l'invocation de saint
Etienne ; l'abbé du Bec nommait à la cure.
CERQUEUX.
Cerqueux, Sarcophugi.
l/église de Cerqueux a été complètement démolie ; elle
était située près d'un manoir , bâti sur une éminence au
pied de laquelle passe le chemin de fer de Caen à Paris et
qui n'offre rien de remarquable. On distingue encore l'em-
placement du cimetière. Le nom latin de cette commune ,
Sarcophagi, semblerait annoncer qu'on y a trouvé des cer-
cueils en pierre.
MOUTEILLES.
Mouteilles, Monticellœ, ecclesiade Moniicellis, de Moutellis.
L'église de Mouteilles plaît par son ensemble et par ses
proportions modestes, mais harmonieuses.
Elle appartient, en grande partie, au style roman de la fin
du XIIe siècle ou de transition; elle a conservé, presque
intacte , sa corniche garnie de modifions à figures.
Ses fenêtres étaient primitivement très-étroites et cintrées;
il n'en reste plus qu'une, qui montre ce qu'étaient les autres.
Aujourd'hui, presque toutes les ouvertures appartiennent au
style flamboyant.
IM STATISTIQUE MOUMLNTALE DH CALVADOS.
Une fenêtre de ce style , beaucoup plus large que les
autres et divisée en plusieurs baies, a été ouverte à l'extré-
mité de la nef, du côté du nord, pour éclairer un des petits
autels qui accompagnent l'arc triomphal ; c'est la plus re-
marquable par ses grandes dimensions, mais ce n'est pas
la plus élégante.
Le chœur et la nef sont de la même largeur; six contre-
forts garnissent, de chaque côté, les murs latéraux.
Le portail occidental a été refait et n'est pas ancien; il est
précédé d'un porche en bois ; on y voit les traces d'une litre
ornée de deux écussons coloriés.
La tour, en bois, de forme carrée avec toit pyramidal octo-
gone, surmonte l'extrémité occidentale de la nef; elle est,
comme dans beaucoup d'autres églises du pays, portée sur
une charpente dont les poteaux sont apparents à l'intérieur
de l'église. Elle renferme deux cloches : l'une fondue en
1804, par Lavilletle, de Lisieux, Louis Turquetil étant
maire de la commune; l'autre fondue en 1854.
La voûte en bois de cette nef est parfaitement conservée et
dune grande élégance. Les douves qui forment le contour
apparent de la voûte ont reçu , près des lignes de jonction,
des peintures noires exécutées, selon toute apparence, à l'aide
d'un canon ou planchette découpée, comme on le fait encore
aujourd'hui pour certains dessins. Les lignes de jonction ont
été dissimulées par des tringles sculptées. J'ai expliqué ce
système de décoration dans mon Abécédaire d'archéologie ,
p. 657 de la /ie édition. Dans l'église de Mouleillcs, les tirants
ou poutres traversières qui portent les poinçons ont été re-
vêtus de planches qui donnent à la poutre une forme plus ré-
gulière ; ils sont décorés de caissons dans le style de la
deuxième Renaissance.
Ce système de voûtes en bois ivest nulle part mieux conservé
qu'à Mouteilles; dans le chœur, on les a malheureusement
peintes en blanc.
CANTON DE MÉZIDON. 607
11 paraît que la Fabrique est aussi dans l'intention de faire
disparaître les beaux lambris de la nef, pour leur substituer
une voûte en plâtre. Ce serait un acte de vandalisme et de
mauvais goût, contre lequel je me suis élevé très-vivement;
mais il est probable que la chose se fera plus tard , car on
m'a affirmé que le défaut d'argent a seul arrêté jusqu'ici.
On doit désirer que les Fabriques restent toujours dans la
plus grande pauvreté, quand on voit comment elles emploient
partout leurs richesses. Je désire, pour le salut des lambris
de Mouteilles, que les coffres du trésor restent toujours vides
Un autel moderne, à colonnes, garnit le fond du sanctuaire
et produit un bon effet. Une fenêtre a été bouchée, par suite
de l'établissement de cet autel à grand rétable ; elle se trouve
d'ailleurs cachée par la sacristie , qui est appliquée sur le
chevet; deux petits autels existent à l'extrémité de la nef,
des deux côtés de l'arc triompha',
L'église de Mouleilles est sous l'invocation de saint Ouen; le
seigneur nommait à la cure. Une famille de Malnouri a été
en possession de ce privilège, du XIVe au XVIe siècle et pro-
bablement plus tard.
11 existe dans le cimetière un certain nombre d'inscriptions
tumulaires , qui toutes ont été relevées par M. le docteur
Pépin. La plupart se rapportent à des membres de la famille
de Tesson, à la famille Palcrelle de Touvoye et aux curés qui
ont desservi la paroisse.
Château de M ont-à-la- Vigne. — Ce château s'élève sur
une éminence arrondie, au milieu des prairies qui occupent
la vallée de la Vie. Il n'a plus sa sévérité d'autrefois. Une
tourelle et quelques détails montrent seulement ce qu'il fut,
et les annales des guerres de religion attestent qu'il a joué
un rôle au XVIe siècle.
Ù08 STATISTIQIE MONUMENTALE DU CALVADOS.
CANTON DE MÉZiDON U09
Le plan ci-joint (Voir la page précédente) montre la dispo-
sition des bâtiments autour de la cour actuelle, les fossés,
les tours qui défendaient l'enceinte ; la plupart doivent
dater du XVIe siècle ou du XVe.
^!*,i^
AT.
UNE FENÊTRE DU CHATEAU DE MONT-A-LA-VIGNE.
Ce château appartient, depuis long-temps déjà, à la famille
de Tesson.
LIVAYE.
Livaye , ecclesia de Lxveya.
L'église de Livaye, bâtie sur le coteau qui domine la route
de Crèvecœur à Lisieux, par la Iloublormière et la Boissière,
se compose d'une nef et d'un chœur en retrait sur la nef,
avec chevet rectangulaire.
La maçonnerie de cette église n'offre pas de caractères
suffisants pour que j'en indique absolument la date , et il est
410 STAT1STIQCE MONUMENTALE DU CALVADOS.
probable que l'édifiée a été en grande partie refait , car on
distingue dans le mur nord de la nef quelques portions qui
paraissent d'une époque plus ancienne que tout le reste.
Les fenêtres ont d'ailleurs été percées ou agrandies à
diverses époques. On en voit une à deux baies avec compar-
timents flamboyants au sommet dans le mur latéral du nord,
et dans le même mur deux autres fenêtres modernes.
Du côté du sud, plusieurs fenêtres paraissent de la fin
du XVIe siècle; une autre est moderne.
Un cadran solaire incrusté dans la partie supérieure du
mur, à son extrémité orientale , et décoré de quelques mou-
lures , me paraît du XVIIe siècle : il porte un millésime
dont deux chiffres ont été endommagés ; on distingue très-
bien 25, et je suppose qu'il y avait 1G25.
La façade occidentale de l'église est du siècle dernier et
n'a pas encore cent ans, ainsi que le prouve l'inscription
suivante, gravée sur une pierre placée dans la partie supé-
rieure du fronton :
J AI ETE HEFMTE
PAR LES
CORBLINS
EN MIL SEPT
CENT SOIXANTE
SIX
La porte qui s'ouvre dans cette façade est en cintre sur-
baissé et surmontée d'un oculus.
L'intérieur de l'église de Livaye offre une particularité
que je dois signaler : c'est que la charpente de la nef et
du chœur est portée sur des poteaux apparents à l'intérieur
et détachés des murs. Ces poteaux supportent les sablières
et les tirants, de telle sorte que c'est à peine si les murs ont
à porter l'extrémité des chevrons. Ce système a-t-ilété adopté
CANTON DE MÊZIDON. Ml
en même temps que l'on a bâti les murs , ou bien a-t-il été
introduit après coup ? C'est ce que j'ignore.
Deux petits autels existent entre chœur et nef. Le maître-
autel occupe le fond du chœur, et son rétable tapisse le mur
du chevet. On lit sous un tableau, à droite du maître -ou tel :
JACQUES LE HÉRICHER ET ANNE DE LA CROIX, SA FEMME, ONT DONNÉ CE
TABLEAU. PRIEZ DIEU POUR EULX. 1670.
Une tour en bois , quadrangulaire à sa base , garnie d'ar-
doise et surmontée d'une flèche comme presque toutes celles
de la contrée, s'élève entre le chœur et la nef.
L'église de Livaye était sous l'invocation de Notre-Dame.
Le seigneur nommait à la cure. Au XIVe siècle, le présen-
tateur était Louis de ïhibouville; au XVIe, c'était le seigneur
de Thury et de Dangu.
ST-AUBIK-SUR-ALGOT.
St-Aubiu-sur-Algot , Sanctus Albinus super Algot.
L'église de St-Aubin-sur-Algol , qui offre divers sujets
d'étude , avait été l'objet d'une description de M. Billon ,
qui se retrouvera peut-être dans ses notes. J'avais visité
cette église avec lui , à l'époque où l'on reconstruisait la tour
(1853). Cette tour, que l'on distingue parfaitement du
chemin de fer , se compose d'un corps carré en pierre , élevé
sur le mur occidental ; elle se termine par une pyramide en
charpente couverte d'ardoises ; on a allongé l'église d'une
travée pour asseoir celte tour, et l'on a ouvert dans le mur
occidental une porte garnie de colonneltes à chapiteaux dans
le style du XIIIe siècle (1).
La partie ancienne de l'église se compose donc du chœur
(1; M. Nicolas, architecte, membre de la Société française d\u-
chéologie , est l'auteur de celle addition.
M2 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
et de la nef, abstraction faite de la travée qui porte le clo-
cher. Les murs de toute cette partie offrent l'appareil en
arêtes de poisson , au moins jusqu'à une certaine hauteur ;
ils sont couronnés d'une corniche avec modillons à figures ;
les contreforts sont peu saillants. Ces caractères sembleraient
annoncer que l'église appartient au style roman , et pourtant
les fenêtres les plus anciennes que l'on y voit aujourd'hui sont
des lancettes très-étroites qui, peut-être, ne datent que du com-
mencement du XIIIe siècle. Elles sont encore au nombre de
deux dans le mur septentrional de la nef ; une autre existe
dans le mur méridional. Toutes les autres fenêtres ont été
repercées. Ainsi , on en voit deux dans le mur méridional de
la nef, qui sont subdivisées par un meneau et dont le sommet
est orné d'un quatre-feuilles ; elles doivent appartenir à la
fin du XIVe siècle ou, peut-être, au commencement du XVe.
Des fenêtres moins anciennes et de proportions très-mau-
vaises éclairent le chœur, qui est plus élevé que la nef et
terminé par un chevet droit.
Plusieurs crédences existent à l'intérieur de l'église: l'une
géminée dans le chœur; deux autres trilobées au sommet , à
l'extrémité de la nef, près de l'arc triomphal : ce qui prouve
que le placement des petits autels qu'on voit de chaque côté
remonte à une époque ancienne , et que l'usage d'accoster cet
arc de deux autels n'est pas nouveau.
J'ai remarqué dans le chœur un lutrin du XVIe siècle, en
bois, dont le support est découpé à jour. L'autel offre un
grand rétable , décoré de deux colonnes corinthiennes et de
deux pilastres.
Le patronage de l'église de St-Àubin appartenait à l'abbaye
de St-Pierre-sur-Dive ; mais il y avait dans l'église une
chapellenie érigée en bénéfice, à la collation du plus proche
parent du fondateur.
St-Aubin était compris dans le doyenné de Mesn il -Manger,
et pour le civil dans l'élection de Pont-1'Évêque , sergenterie
CANTON DE MÊZIDON. M 3
de St-Julien-Ie-Faucon. On y comptait 1 feu privilégié et
60 feux laillables : 300 habitants. Le dernier recensement
en a trouvé 319.
Un if ancien existe dans le cimetière de Si-Aubin ; c'est
un des monuments végétaux les plus remarquables du dépar-
tement. Le tronc , aujourd'hui séparé en deux parties , offri-
rait peut-être 9 à 10 pieds de diamètre, si la partie cen-
trale était conservée. Il mérite d'être signalé à l'attention des
touristes.
Antiquités romaines. — Le territoire de Sl-Aubin-sur-
Algot renferme des tuiles à rebords et des vestiges d'habita-
tions gallo-romaines qui ont été reconnues, à plusieurs re-
prises et sur plusieurs points différents, par M. Delamare,
membre de l'Association normande.
SAINT-PAIR-DU-MOST.
L'église de Si-Pair , située à 1 kilomètre environ de l'an-
cienne roule royale de Paris à Cherbourg, est bâtie à l'extré-
mité d'un plateau très-élevé qui domine une immense étendue
de pays.
La construction de l'église de St-Pair remonte au XIIIe
siècle. Le chœur, plus élevé que la nef, était éclairé de
chaque côté par des fenêtres en lancettes dont une seule a
conservé sa forme primitive. Il se termine, à l'orient, par un
chevet droit, percé de trois lancettes ; la Fabrique de St-Pair
a fait rouvrir ces fenêtres, qui étaient bouchées. La nef, dont
les murs ont été repercés aux XVIe et XVI r" siècles , n'offre
aujourd'hui aucun intérêt. Le clocher , en charpente , qui
surmonte le portail , renferme une cloche provenant de
l'ancienne église de St-Laurent-du-Mont , démolie pendant
la Révolution; elle porte la date de 1780 et avait pour
parrain « haut et puissant seigneur Ilcnri-Ihomas-Iiobei t
d'Angenille , seigneur et patron de St-l.ouet-sur-Loson,
h\h STATISTIQlg MONUMENTALE DU CALVADOS.
~E!(W> S
CANTON DE MÈZIDON. l\\ 5
du tàesnil-Lfury , Hubertan-le-Vieox , Hubert an -le-Jeum»,
Colleville, Chanteloup-sur-Feugère et autres iieux; » et pour
marraine « haute et puissante demoiselle Marie-Françoise-
Julie de Francqueville , baronne de Morainville , dame et
patronne du Mesnil-sur-Blangy , Livet et la Couyère , dame
et patronne honoraire de Beuviiliers. »
Parmi les œuvres d'art que possédait l'église St-Laurent ,
on remarquait une magnifique exposition dans le style
Louis XIV, dont la forme gracieuse et la riche ornementation
faisaient l'admiration de tous les connaisseurs. Celte œuvre ,
reléguée pendant long temps dans un coin obscur de la sa-
cristie de St-Pair, a été habilement restaurée par M. Léonard
et placée dernièrement dans le chœur.
L'autel a été composé et exécuté par M. Léonard. Sur
la face principale est représenté le Christ au tombeau.
M. Le Vardois a décrit, dans le Bulletin monumental , le
vitrail qui occupait une fenêtre du chœur et qui a disparu ,
par suite de travaux faits il y a quelques années (V. la page
suivante).
Cette verrière a ait une date ; elle était, en outre, remar-
quable par le sei é $ hermines et de fers à-cheval d'or,
pièces principales des armoiries de la famille de Ferrières.
Un témoignage ir. écusable se trouvait dans l'inscription du
nom de cette famille, luxe vu 1 tins ^;« tliit^es au 1 as de la
k\ 6 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
verrière. Au centre de la vitre , on avait peint des corniches
et frontons dont quelques restes seulement subsistent. Ces
ornements servaient d'encadremeûl à un tableau. Le tout
était entouré d'une bordure hardiment exécutée. Les sujets
CANTON DE MÉZIDON. M 7
ressortent en gris sur fond jaune d'or. De la bouche de
l'ange placé au sommet descend , de chaque côté , une guir-
lande de fleurs et de fruits accostés par des oiseaux dont la
queue se termine par des fleurons recourbés; elle forme ainsi
le plus élégant cordon d'arabesques que l'on puisse imaginer.
La réouverture des trois fenêtres à lancettes du chevet est
une heureuse compensation des pertes éprouvées, pour
l'archéologie , par la destruction de ce vitrail.
L'église de St-Pair est sous l'invocation de saint Paterne.
Le seigneur nommait à la cure; le curé percevait les dîmes.
Cette paroisse faisait partie de l'exemption de Cambremer ,
et conséquemment du diocèse de Baveux.
ST-LOUP-DE-FRIBOIS ET CREVECŒUR.
L'église de St-Loup-de-Fribois est celle du petit bourg de
Crèvecœur. L'église de St-Vigor a été|démolie. Cette église (St-
Loup) offrait, il y a peu d'années , dans sa partie centrale des
détails romans, notamment, du côté du sud, une porte garnie
dezig-zag. La nef paraissait moins ancienne et peu caractérisée.
Sur la porte occidentale , qui était du XVI* siècle , on
lisait l'inscription suivante :
INTROIBO IN DOMUM TUAM
DOMINE ADORABO AD TEMPLUM
SANCTUM TUl'M ET CON
FITEBOR NOMINI Tl*0.
On voyait les deux écussons suivants dans la partie supé-
rieure.
27
418 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Des travaux considérables d'agrandissement, devenus né-
cessaires, ont modifié l'aspect de cette église. Elle se com-
pose à présent d'une nef, de deux chapelles allongées formant
transept et d'une abside semi-circulaire. Les murs de la
précédente église ne se voient plus que dans quelques parties
de la nef, à l'extérieur. Toutes ces additions ont été faites
en briques et en pierres. On a imité le style roman pour les
détails d'ornement. Les voûtes , en plâtre , ont des arceaux
que supportent des colonnes engagées à chapiteaux romans ;
les dispositions sont bien entendues pour l'accès. On entre
par une porte principale à l'ouest et par deux autres portes,
ouvertes l'une et l'autre dans le mur occidental des cha-
pelles du transept.
On lit l'inscription suivante sur une plaque de marbre
blanc incrustée dans le mur , à gauche en entrant dans
la nef :
SOUVENIR DE RECONNAISSANCE
ÉDIFICE AGRANDI ET RESTAURÉ EN 1860 SOUS
LA DIRECTION ET PAR LES SOINS DE M.
L'AÉRÉ LEGUAY ANCIEN VICAIRE GÉNÉRAL
DE L'ÉVÊCHÉ DE PERPIGNAN CHANOINE
HONORAIRE DES ÉVÊCHÉS DE BAYKIX ET DE
VERSAILLES NÉ A CREVECOEUR LE 7
AVRIL 1794.
Le clocher, couvert en ardoise, surmonte la partie occi-
dentale de la nef.
Voici les inscriptions des deux cloches de St-Loup-de-
Fribois , telles que les a transcrites M. le docteur Pépin.
1700 j'AY ESTÉ BENITE PAR Mr JACQVES HVEERT PBRE CVRE DE CE
LÏEV ET NOMMÉE PAR Mre DE OLENSON CHEVALIER ET SEIGNEYR
MARQV1S DE COVRCY.
JEAN AVBERT MA FAITS.
CANTON De mêzidon. M 9
Entre chaque mot se trouve une fleur de lis, ou une fleur
ornée de feuilles.
Voici l'inscription de la seconde cloche , qui est beaucoup
moins ancienne :
l'an 1834 j'ai été fondue et la confrérie pe la charité de
s* loup de fribois se réunit pour me paver
j*ai été bénite par m. jean b langlois curé de fribois.
Les inscriptions suivantes se lisent sur des tombes, dans
le cimetière :
CT GIT
LE CORPS DE
MONSIEUR THOMAS
MANCHON DE LÉP1NEY
DÉCÉDÉ LE \k JUILLET 1808
ÂGÉ DE 85 ANS.
CY GIT
LE CORPS DE
MADAME AÎSNE OLIVE FOUQUES DORALLE
ÉPOUSE DE MONSIEUR
THOMAS MANCHON
DE LÉPINEY DÉCÉDÉE EN 1805
AGEE DE 54 ANS.
CY GIT LE CORPS DR Mr JEAN BAPTISTE LE DARD, ANCIEN PROFESSKUR
U l'lmVKHSITÉ DR CAEN ET CURÉ DE S1 LOUP DE FRII1019 DÉCÉDÉ LE
28 JANVIER 1815 , ÂGÉ DE 55 ANS.
L'église, dédiée à saint Vigor , était du diocèse de Baveux
et comprise dans l'exemption de Cambremer, élection de Pont-
l'Évèque , sergenterie de Cambremer. On y comptait 2 feux
privilégiés et 50 feux taillablcs , soit 250 habitants. Aujour-
d'hui on en compte 346.
420 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Bourg. — Le bourg de Crèvecœur, qui renferme la po-
pulation agglomérée de la commune , se compose d'une rue
assez bien bâtie, au centre de laquelle est la halle et la
mairie. Le marché de Crèvecœur a lieu chaque semaine.
Je n'ai pas trouvé de documents sur l'origine de ce marché
aux Archives du Calvados ; mais il est probable qu'il a été
très-anciennement établi par les seigneurs de Crèvecœur ,
dont le château se trouve à 1 kilomètre du bourg.
C'est à Crèvecœur, et aux environs, que l'on élève les re-
marquables volailles (poules de Crèvecœur) qui ont tant de
réputation en France.
Il existe à l'extrémité méridionale du bourg de Crèvecœur
un manoir assez remarquable, bâti en bois et en briques, dont
voici l'esquisse ( Voir la page suivante).
Prieuré de Fribois. — Pierre de Tilly, ayant pris le parti
de Philippe-Auguste contre Jean-Sans-Terre , fut comblé de
biens par ce prince , après la conquête de la Normandie en
1204. Philippe- Auguste confisqua les terres de ceux qui
étaient restés fidèles à Jean-Sans-Terre , et les donna à ses
partisans , tantôt gratuitement , tantôt à charge de rentes à
son domaine. Pierre de Tilly en obtint plusieurs, entr'autres
celle de St-Loup-de-Fribois, appartenant à Robert de Fribois,
et celle de Mesnil-Mauger.
Ce fut alors qu'il fonda le prieuré de Notre-Dame-de-
Fribois et le donna à l'abbaye de Ste-Barbe-en-Auge.
D'autres seigneurs augmentèrent la fondation de Pierre
de Tilly. On remarque parmi eux, en 1209, Robert Mar-
mion , seigneur de Fontenay-le-Marmion et de Brelteville-
sur-Laize ; Robert, seigneur de Vendeuvre (1217); Guillaume,
archidiacre d'Angers , et principalement Richard fils Henry,
qui donna au prieuré le patronage de Hérouville ; enfin Odon
de Fribois , parent de Robert , passé en Angleterre et qui
CANTON DE MÉZIDON,
ft2l
k'22 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
était resté propriétaire d'une partie de la terre de St Loup ,
ratifia toutes les donations faites au prieuré, en ce qui con-
cerne les héritages mouvant de son fief.
Château. — Le château de Crèvecœur se compose de deux
enceintes entourées de fossés profonds, très-apparents encore.
Dans la première enceinte, est une chapelle qui paraît dater
des premiers temps de l'ère ogivale et doit conséquemment re-
monter à la fin du XIIe siècle ou au commencement du XIIIe ;
c'est ce qu'il y a de plus ancien dans le château. Dans la se-
conde enceinte, qui était séparée de la première par un fossé
particulier, se trouve le château proprement dit ou l'habitation
seigneuriale; c'est un corps-de -logis allongé, orienté à l'est et
adossé aux fossés qui entourent la place du côté de l'ouest.
La maçonnerie peut être ancienne dans quelques parties,
mais sans offrir de caractères. Des changements considérables
paraissent, d'ailleurs, avoir été faits à diverses époques. A l'ex-
trémité de ce bâtiment, vers le sud, existe une tour carrée que
l'on appelle le donjon et qui ne paraît pas très-ancienne : nous
en avons reproduit une esquisse , dans notre Abécédaire
a" archéologie , d'après le croquis de M. Bouet.
En somme , le château de Crèvecœur donne encore l'idée
d'une véritable place-forte du moyen-âge et mérite d'être
visité. Il appartient à présent à M. Lemasquerier, négociant,
membre de l'Association normande (1).
La famille à laquelle ce château appartenait au moyen-
âge était fort ancienne.
(1) Depuis que cet article a élé écrit, M. Demiau de Crouzilhac,
conseiller à la Cour impériale de Caen, a publié un article très-inté-
ressant sur le cbâteau de Crèvecœur. Ce mémoire a été lu dans une
des séances publiques de la Société des Antiquaires de Normandie.
CANTON DE MÉZIDON. £23
Jean de Crèvecœur figure dans les Rôles de l'Échiquier de
Normandie, à la date de 1195.
Hugues et Guillaume de Crèvecœur sont mentionnés dans
des chartes de la fin du XIIe siècle , intéressant l'abbaye
de Troarn (1).
Après la conquête de la Normandie par Philippe-Auguste ,
un Jehan de Crèvecœur fut mandé pour se rendre à l'ost du
Roi en 1236.
Occupé par les Anglais pendant la guerre de Cent- Ans,
le château de Crèvecœur fut reconquis sur eux par Dunois
et les comtes de Clermont et de Nevers en lkUS, Dans le
siècle suivant, ce château servit de prison à Claude de Sainctes,
évêque d'Évreux , qui avait suivi avec trop d'ardeur le parti
de la Ligue. Il avait été pris par Henri IV, dans la ville de
Louviers,le 6 juin 1591.
Alors , comme au XVIIe siècle et jusqu'à la Révolution ,
la seigneurie de Crèvecœur appartenait aux Montmorency-
Luxembourg.
BIÉ VILLE.
Biéville , Buyvilla , Boevilla, Buevilta , Buievilla.
L'église de Biéville est moderne , éclairée par de grandes
fenêtres sans caractère , et elle n'offre aucun intérêt archéo-
logique.
Le clocher s'élève au-dessus du portail et renferme trois
cloches qui ne sont pas anciennes. La paroisse de Querville
a été réunie à Biéville. L'église a été démolie ; la cloche
refondue est réunie a celles de Biéville.
(1) Voir le tome IIe de la Statistique monumentale du Calvados
p. 9/».
U2U STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Dans le chœur , du côté de l'évangile , on lit l'inscription
suivante sur une table de marbre noir portant un blason.
CY GIT
TRES HAUTE ET TRES PUISSANTE
DAME, MADAME ANNE FRANÇOISE
DE LA LONDE DHIB8RVILLE
DÉCÉDÉE A SON CUATEAU DE
RUPIERRE LE 20 OCTOBRE
MDCCLXVII
VEUVE DE TRES HAUT ET TRES
PUISSANT SEIGNEUR MESSIRE
THOMAS CHARLES COMTE
DE MORANT
MARÉCHAL DES CAMPS KT AIMÉES
DU ROI, MORT A SON CHATEAU
DE BRÉQUIGNT PRÈS RENNES LE
20 OCTOBRE MDCCLXIII
VERTUEUSE SENSIBLE ET CHARITABLE
ELLE FUT LE BONHEUR ET L'EXEMPLE DE TOUS CEUX
QUI VÉCURENT AVEC ELLE
FAISANT JOUIR SON ÉPOUX DES FRUITS D'UNE SAGESSE
DONT LES LEÇONS INSTRUISAIENT SES ENFANTS (1).
L'église de Biéville est sous l'invocation de saint Germain.
Le seigneur nommait à la cure. Biéville faisait partie de
l'élection de Lisieux : on y comptait 30 feux, environ 150
habitants.
Château. — Le château de Biéville , sur le bord de la
route impériale de Caen à Lisieux, ne consiste plus que dans
(1) Je dois la transcription de cette inscription à M. le docteur Pépin.
CANTON DE MÉZIDON. 425
un pavillon et des bâtiments disposés symétriquement autour
d'une cour carrée. Les piliers de clôture bordant la route se
composent d'assises alternatives de briques et de pierres. La
brique a été employée également dans la construction des
bâtiments dont nous venons de parler. Un vaste jardin existe
derrière le château.
L'inscription que nous avons citée prouve qu'au XV1IP
siècle ce château appartenait à la famille de Morant ; ce qui
existe est occupé par un fermier, et le domaine a passé par
succession à M. le marquis du Plessis-d'Argentré , membre
de l'Institut des provinces de France , mort il y a quelques
années. Ses héritiers possèdent encore la terre de Biéville. On
sait que la famille Duplessis-d'Argenlré est une des plus
illustres de la Bretagne.
M. le docteur Pépin annonce qu'il existe à Biéville un
champ, nommé le champ de la Bataille, dans lequel on a
trouvé des armes et des ossements, et qu'à peu de distance
il a existé une chapelle qui a été démolie. Sont-ce là des
indices du campement de Louis d'Outremer, lors de la bataille
de Groissanville ? Nous n'osons rien conjecturer à ce sujet.
QUEKV1LLE.
Querville , ecclesia de Caprea de QuerviUa.
L'ancienne paroisse de Querville , réunie à Biéville , était
de l'élection de Falaise , sergenlerie de St-Pierre-sur-Dive ,
et comptait 76 feux , environ 380 habitants.
Les deux paroisses réunies n'en possèdent plus que
276.
C'était au fief de Vaux , situé sur le territoire de Quer-
ville , qu'appartenait le patronage.
L' Armoriai de d'Hozier nous fait connaître le nom de
426 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Jacques de La Lande , seigneur de Ouerville. Il portait
d'argent au sautoir de gueules.
Au XVIIIe siècle , Querville appartenait à la famille de
Fergant, comme beaucoup d'autres terres des environs (1).
Q17LTIÉ VILLE.
Quetiéville , Quetevilla, Quetienvilla.
L'église de Quetiéville, dans la maçonnerie de laquelle
on remarque quelques pierres disposées en arêtes de poisson,
appartient pourtant au style ogival primitif. Au chevet sont
trois ouvertures en lancettes; celle du centre aiguë et plus
élevée que les deux autres qui , comme à Vieux-Fumé et
dans quelques autres églises, sont arrondies extérieurement
et tréflées à l'intérieur.
Les fenêtres latérales du chœur étaient vraisemblablement
pareilles à ces dernières, car on en voit une semblable du
côté du nord ; mais on a percé des fenêtres plus larges , de
forme ogivale , sans caractère. On a toutefois ménagé la
corniche primitive , très-élégante et composée d'arca-
tures portant , de deux en deux, sur des têtes grimaçantes
dont Tune est sculptée de trois quarts et regarde de côté.
Celte corniche à modillons se rencontre encore très-souvent
dans les monuments de style ogival, dans nos campagnes du
Calvados à l'époque de transition (fin du XIIe siècle ou
commencement du XIIIe).
La nef n'offre d'intéressant que la porte latérale , au sud,
dont l'archivolte à plein-cintre est garnie de fleurs cruci-
fères. Une arcature trilobée orne le tympan.
(1) Voir les noies historiques de M. Ch. Viseur sur l'arrondissement
de Lisieux.
CANTON DE MÊZIDOS. V27
Le côté sud est percé de fenêtres ogivales peu anciennes ,
qui ont été substituées aux fenêtres primitives.
Le mur latéral du nord est sensiblement penché et ap-
puyé par des contreforts en briques, vraisemblablement peu
anciens; le mur occidental a été refait.
La tour , en essente, occupe l'extrémité du toit de la nef,
comme dans beaucoup d'autres églises du diocèse de Lisieux.
La sacristie est une addition moderne placée au nord du
sanctuaire.
Nous ne dirons rien des décorations en plâtie faites à
l'extérieur de l'église : elles sont d'assez mauvais goût pour
être passées sous silence.
L'église est sous l'invocation de saint Martin. Au XVIe siècle,
l'abbaye de Cléry nommait à la cure ; mais , au XVIIIe , le
seigneur était en possession du patronage.
On voit, dans le cimetière, plusieurs épitaphes appartenant
à la famille de Montbrun , notamment celles de M. Le
Maistre de Montbrun, membre de l'Association normande, et
celle de son épouse, née Fergant de Vaux, décédée en 1860.
Château, — Il y avait au XIVe siècle, à Quetiéville, un
château-fort bâti par la famille de Bonenfanl , dont il sera
amplement question à l'article de Magny-le-Fkelle. En 1 363,
dit M. l'abbé De La Rue dans ses notes manuscrites, tirées
du volume V, p. 121 , de la Collection de Dom Lenoir, les
Anglais l'assiégèrent et ne purent le prendre; mais Guillaume
du Merle , gouverneur de la Basse-Normandie , et le bailli
de Caen le firent raser , afin que les Anglais, déjà maîtres de
Livarot , ne pussent s'en emparer et s'y fortifier.
Ce château se trouvait , à ce qu'il paraît, sur la terre ha-
bitée par M. Ernest de Montbrun , à Quetiéville.
428 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS,
MAGNY-LE-FREULE.
Magny-le-Freule , Magneium.
Magny-le-Freule faisait partie du diocèse de Bayeux et du
doyenné de Vaucelles. L'église appartient au style de tran-
sition , dont nous trouvons tant d'exemples dans l'arron-
dissement de Lisieux. Le chœur, en retrait sur la nef, se
compose de deux travées ; il est éclairé par des fenêtres en
forme de lancettes , avec chevet droit percé de deux fenêtres
de même forme ; la corniche extérieure est supportée par des
modillons à figures. Du côté du sud , une porte à plein-
cintre, garnie de zig-zag, donnait accès au chœur. A l'in-
térieur , les chapiteaux des colonnettes destinées à supporter
les arceaux de la voûte offrent le type du XIIIe siècle ; la
voûte actuelle, en plâtre, a été refaite il y a quelques années;
vers la même époque , on a repavé le sanctuaire et fait dis-
paraître , malgré mes recommandations , plusieurs pierres
tombales recouvrant des Bonenfant , seigneurs de la pa-
roisse (1). Sur une de ces tombes , du côté de l'évangile ,
j'avais lu :
HOMME CHARLES DE BONENFANT SEIGNEUR ET PATRON OE
MAGNY-LE-FREULE, LE BREUIL, LA BRETHF-HARENVILLIF.R, LEQUEL DÉCÉDA
LE 11 FEBVRIER L'AN 1639. PRIEZ DIEU POUR SON AME. AMEN.
Sur une autre tombe , du même côté (côté de l'évangile),
on lisait :
CY GIST MESSIBE PHILIPPE DÉ BONENFANT, CHEVALIER, SEIGNEUR DE
(1) La mère de Mme de Caumont, née de Bonenfant, étant la der-
nière de celte famille, j'avais fait des recommandations auxquelles on
avait prorais de se conformer, mais qui ont été complètement oubliées.
CANTON DE MÊZIDON.
429
MAGNY-LE-FREULE , LA BRETTE-HARENYILLIER , LA MORICIKRE, VILLERS ET
AUTRES SEIGNEURIES, DÉCÉDÉ LE 12e DE MAY 1672. PRIEZ DIEU POUR LE
REPOS DE SON AME.
Il y avait encore d'autres
tombes dans le sanctuaire
et dans le chœur ; elles
ont disparu, comme lesdeux
précédentes. Mais on voit
toujours dans le mur , du
côté de l'épître, l'encadre-
ment dont voici l'esquisse.
La table de marbre qui
était au centre de ce cadre
a été détachée, probable-
ment pendant la Révolution;
mais elle a été retrouvée au
château par M. le docteur
Pépin. Voici le texte de l'in-
scription qui la recouvre :
SUR LE TRÉPAS D?. NOBLE Dlle JEANNE DE
BONNHNFANT FILLE DE Mro PHLLIPPES DE BOXNENFANT
CHEVALIER, SKlC ET PATRON DE MAGNY-LE-FREULE,
Sonnet.
BELLE, JEUNE, CHARMANTE ET DE CORPS ET d'eSPRIT
AU PRINTEMPS DE MES JOURS JAY PARU SANS SECONDE
JAY VEU SANS LES GOUSTER LES VANITÉS DU MONDE
ET LEUR ÉCLAT TROMPEUR JAMAIS NE ME SURPRIT
PRESQUE DES LE BERCEAU MON AME COMBATTIT
CONTRE TOIS LES DÉFAUTS DONT NOTRE SEXE ABONDE
DU MONARQUE DU CIEL LA SAGESSE PROFONDE
VIERGE ME MIST SIR TERRE ET VIEI1GE MY REPRÎT
VOLS DE QUI LA BEAUTÉ REND LE MONDE IDOLATRE
SURPASSÉS EN ATTRAITS HELEYNE ET CLEOPATRE
^30 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
a l'empire des coeurs réglés tous vos désirs
belle% ayez les dons de toute la nature
malgré tous les thrésors qui charment les humains
vous irez comme moy dedans la sépulture
obiit 20 aprilis anno 1661 ^tatis 16.
On voit du même côté , près de l'autel , une ancienne
crédence de forme ogivale.
Une sacristie a été construite derrière le chevet.
La nef, plus large et plus longue que le chœur, était
éclairée par trois fenêtres au sud et au nord ; elles sont cin-
trées et garnies d'un tore sans colonnes , ce qui ne me paraît
pas annoncer une époque plus ancienne que le chœur ; elles
sont à peu près intactes du côté du sud ; deux ont été re-
faites du côté du nord , l'une à une époque peu ancienne ,
l'autre très-anciennement, car elle est subdivisée en deux
baies tréflées avec rose au sommet.
La porte d'entrée se trouvait évidemment dans le mur
méridional ; elle a dû être supprimée quand on a pratiqué ,
dans le pignon occidental , la porte moderne qu'on y voit
aujourd'hui. Ce changement a nécessité des reprises dont on
distingue encore les traces dans les murs.
Cette porte occidentale, moderne , est accompagnée de
deux fenêtres étroites s'élevant à une certaine hauteur et
terminées par un linteau horizontal, comme des meurtrières.
Au-dessus du pignon est établie une tour quadrangulaire et
peu élevée, en bois, garnie d'essente. Entre chœur et nef
on voit , au sommet du gable qui encadre l'arc triomphal ,
une petite arcade qui, très-certainement, renfermait une
cloche et qui, vraisemblablement dans l'origine, remplaçait
le clocher.
La nef est voûtée en bois avec tirants et poinçons visibles ;
toute cette boiserie a été refaite il y a peu d'années.
L'église est sous l'invocation de saint Germain. La cure
CANTON DE MÊZIDON. ^31
se divisait en deux portions , dont la première était à la no-
mination des Bonenfant. Richard de Bonefant armiger est
ainsi désigné dans le Livre Peint de Bayeux. Jean de Tilly
nommait, à la même époque , à la 2e portion.
Château. — Le château , situé tout près et au nord-est
de l'église, est moderne et n'a rien de remarquable. Nous en
donnons pourtant une esquisse, d'après le dessin qu'en a fait
VUE DU CHATEAU DE MAGNY-LE-FRBULE.
M. le docteur Pépin, parce qu'il remplace celui; que la
famille de Bonenfant habitait dans le XIVe
siècle , et probablement avant cette époque.
Il se trouve dans une île formée par la Dive.
Les bâtiments qui entourent les cours, en
dehors de l'île , sont assez vastes. Celui qui
dot cette cour , à l'ouest , paraît de l'époque
de Louis XIII (Voir la lucarne suivante).
432 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
M. le comte G. de Soultrait, qui a dépouillé dans les
archives du château de Magny un certain nombre de chartes
ou aveux , y a constaté les faits suivants :
De 1315 à 1316 , Etienne de Bonenfant était seigneur
de Magny-le-Freule ;
De 1351 à 1387 , Raoul de Bonenfant était seigneur de
Magny-le-Freule et du Breuil;
De 1387 à 1392, Jehan de Bonenfant (1) était seigneur
des mêmes paroisses ;
Le 10 mai 1418, Jean de Bonenfant, fils d'un autre Jean
de Bonenfant , fut réintégré par le roi d'Angleterre dans la
terre de Magny-le-Freule.
On trouve ensuite, de 1455 à 1458, Geoffroy de Bonen-
fant (2) ;
De 1484 à 1/j99, Jehan de Bonenfant;
En 1509 , Pierre de Bonenfant ;
En 1517 , Philippe de Bonenfant;
En 1548 , Loys de Bonenfant , conseiller du roi ;
En 1570 , Jehan de Bonenfant, qui avait pour femme
Anne Le Prévost.
(1) Nous avons vu, en parlant du château de Bonneville-sur-Touque,
qu'en 1417, Jehan de Bonenfant était le lieutenant du capitaine
commandant la place, et nous avons publié le texte de la capitulation
qu'il fit. Nous pensons que ce Jehan de Bonenfant est celui dont font
mention les pièces trouvées dans les archives de Magny-le-Freule par
M. G. de Soultrait.
(2) M. Quicherat a publié, dans le 4e volume des OEuvres de Thomas
Bazin , un aveu rendu par Guieflroy Bonenfant à cet évêque , pour le
fief de Magny-le-Freule , mouvant du comté de Lisieux. Cet acte est
daté du 2 juin 1653.
Un autre aveu rendu par le même, le 3 mai 1457, nous apprend que
la terre de Magny se composait de manoir, cour, jardins, moulin et
four à ban , pêcherie , colombier , et droit de présenter à la grande
portion de l'église dudit Magny. {Note de M. Vasseur.)
CANTON DE MÉZIDON. 433
De 1606 à 1639, Charles de Bonenfant, seigneur et patron
de Magny-le-Freule , du Breuil , de la Morinière et de Bié-
ville , gentilhomme ordinaire de la Chambre du roi. ( Nous
avions relevé l'inscription de sa tombe dans le sanctuaire
avant le pavage qui l'a fait disparaître. Voir la page 428. ) Il
eut pour fds et successeur Philippe de Bonenfant, dont j'ai
donné aussi l'inscription tombale et qui mourut en 1672.
Son fils, François de Bonenfant, prenait les titres de
seigneur et patron de Magny-le-Freule, marquis de la Per-
rière, sieur de la Brette,de la Morinière, de Hauville ,
d'Ouésy, de Biéville, de Quetiéville, et en partie de Mesnil-
Villers; il figure dans des actes de 1678. Antoinette de
Gaurault du Mont, sa veuve, vivait encore en 1747 (1).
Leur fille aînée, Bénigne de Bonenfant, épousa le marquis
de Chenault , dont la fille , Hyacinthe-Isabelle de Chenault ,
fut mariée au vicomte de Courcy. De ce mariage naquirent
(1, Parmi les documents que j'ai examinés dans le chartrier de
Magny-le-Freule, et qui font partie de mes archives de famille, j'ai
trouvé un petit nombre de sceaux passablement conservés : l'un, de
Jehan de Bonenfant, appendu à une charte de 1392, est en cire
verte et porte un écusson à six roses , 3 , 2 et 1.
Le sceau d'un autre Jehan de Bonenfant, attenant à une charle de
1484, est de même en cire verte, comme le précédent.
Parmi les pièces , j'ai trouvé le sceau d'un Thiébaut, prêtre, repré-
sentant le seigneur.
La charte commence ainsi :
• C'est ce que avoue tenir Estienne Lomme par foy et par hom-
mage de Jehan Boneffant , escuyer seigneur de Magny-le-Freulle , à
cause de son franc fieu , c'est à savoir un hébergement en la paroise
du Breuil , etc., etc » La charte finit ainsi : a A la requeste
du dit Estienne, ce présent adveu a esté scellé du scel Symon Tiébaut,
preslre, pour le seigneur du dit lieu tenant les plez que furent le 2l«
jour d'avril 1384.
(Note de M. le comte G. de Soutirait, de VInstitut des provinces.**
28
/|34 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
plusieurs enfants , parmi lesquels Hyacinthe de Courcy , qui
porta la terre de Magny au marquis de La Rivière-Prédauge,
père de Mme de Saint-Léger.
Une branche de Bonenfant , peut-être une branche ca-
dette, habitait à quelques pas de là, sur les confins de Méry-
Corbon , le fief de Montfreide , qui louche à Magny: je
vais décrire cette localité en parlant de la commune de Méry-
Corbon dont elle fait partie.
La terre et le château de Magny-le Freule appartenaient, il
y a quelques années, à Mme de Saint-Léger, née de La Rivière-
Prédauge, mère de Mme la comtesse de Soultrait , épouse de
JM. de Soultrait, receveur-général à Lyon , et mère de mon
ami le comte Georges de Soultrait , membre de l'Institut des
provinces. Mml de Soultrait a vendu ce domaine il y a cinq
ans; il a été depuis revendu en détail; mais le château fait
partie d'un des lots et existe tel que nous l'avons figuré.
Il y avait dans ce château des tableaux représentant plusieurs
Bonenfant. Les meilleurs ont été emportés par M. Georges
de Soultrait et placés dans son château deToury, dépar-
tement de la Nièvre; ils sont là un peu loin de leur pays natal,
mais bien traités et conservés par celui qui leur donne asile
et qui descend, par sa mère , de la famille de Bonenfant.
Bissières , Bisseriœ , ecclesia de Bisseriis.
L'église de cette commune , située entre la Dive et le
Laizon , près de Croissanville , au sud de la route impériale
de Caen à Paris, est moderne.
Une tour, en forme de dôme, surmonte la façade
occidentale. Tout annonce, dans l'ordonnance de l'édifice,
Une construction du XVIIIe siècle.
CANTON DE MÉZ1DON. 455
Deux vases en pierre garnissent la base du rampant de
la façade , comme à Vimont , autre église du même style
décrite dans le t. II de la Statistique monumentale.
L'église de Bissières faisait partie du diocèse de Baveux et du
doyenné de Vaucelles ; l'abbaye de Stc-Barbe nommait à la cure.
Quoique supprimée, cette église est entretenue et en bon état.
Rous en donnons un dessin, que nous devons à M. Pépin.
ÉGLISE DE BISSIÈKES.
Au siècle dernier , on comptait 36 feux à Bissières, qui
faisait partie de la sergenterie d'Argences.
Aujourd'hui , la population de la commune est de près de
200 habitants.
Depuis quelques années , les terrains communaux de Bis-
sières ont été partagés et cultivés.
MER Y-COR BON.
Méry-Gorbon , Mereinm.
La paroisse de Méry-Gorbon dépendait , comme les précé-
U6 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
dentés , du doyenné de Vaucelles et du diocèse de Bayeux.
C'est une paroisse dont le territoire' est limité par la Dive, du
côté de l'est , et dont on vient de distraire une partie pour
la réunir à Croissanville.
L'église se compose d'une nef et d'un chœur roman
ÉGLISE DE MERY-eORBON.
à chevet droit, moins élevé que la nef, et composé de
trois travées. Les fenêtres, à plein- cintre , sont ornées de
moulures de transition; on en voit deux assez bien conservées
CANTON DE MÉZIDON. 437
au chevet et une du côté sud ; les autres ont été refaites à
diverses époques.
La nef ancienne est aujourd'hui accompagnée de deux bas-
côtés, refaits et couverts par la toiture centrale, qui descend
jusque sur les murs latéraux de ces bas-côtés ; la façade oc-
cidentale a aussi été reconstruite quand on a édifié la petite
tour en pierre et en forme de dôme (Voir le dessin, p. 436).
La porte d'entrée est décorée d'un fronton.
Mais, sous cette enveloppe moderne, on trouve à l'intérieur
les murs de la nef centrale percés de trois arcades fort an-
ciennes , sans moulures , portées sur des piliers carrés et
qui paraissent du XIe siècle. Elles n'ont, en effet, pour chapi-
teaux qu'un tailloir extrêmement simple. Les claveaux des ar-
cades sont séparés les uns des autres par un ciment épais que
l'on trouve aussi entre les pièces de moyen appareil dont les
piliers et les murs sont formés.
Des ouvertures cintrées, sans moulures, et appareillées
comme les arcades , surmontent chacune de ces dernières ;
elles sont aujourd'hui sous le toit , et l'on se demande com-
ment elles ont pu être éclairées dans l'origine , à moins que le
toit n'ait été plat ou qu'il ne fût percé de lucarnes, [car elles
touchent à l'extrados des arcades inférieures.
On lit l'inscription suivante sur un marbre noir fixé à la
muraille du bas-côté méridional; elle a été composée par
M. l'abbé De La Rue :
MEMORI.U CLAUDII LEONORII DE MATH AN
QUI OBIIT DIE 17" DECEMBRIS 1812
JETATIS ANNOR lli î
ET SORORIS EJUS MARIE JOHfiC GABRIBLIS
DE MATH AN
QU.E OUIIT DIE 21a MAII 1816
-ETA TIS ANNOR 81 M EN 5
AMBO
638 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
ANTIQUO ATAVORUM NOB1LITATE
INSIGNES,
DEO, REGI, PAUPERIBUSQUE VIXERUNT
INSIGNIORES
EOQUE MAGIS DEFLENDI ,
QUOD ANT1QUA MORUM TEMPORA
VIRTUTÏBUS REPR.ESENTAHUNT
DILF.CTIS AGNATIS POSLIT GEOHGIUS MAKCHIO DE MATH AN
PAR FRANCISE ETC. ETC.
La tour, dont nous venons de produire la figure et qui
occupe l'extrémité occidentale de la nef, renferme deux
cloches dont voici les inscriptions :
L'AN 1821 IAI ÉTÉ BÉNIE ET NOMMÉE AUGUST1NE PAR NOBLE DAME
AUGUSTINE ELEONORE DE MONCABEL DE MANNOURY ET PAR MESSIRE ROBERT
CHARLES MANNOURY DE LA BRUNETIERE CHEVALIER DE L'OISDRB ROYAL ET
MILITAIRE DE S1 LOUIS MAIRE DE LA COMMUNE DE MÉRY-CORBON.
F. BAILLY FONDEUR A CAEN.
L'AN 1821 IAI ÉTÉ BÉNIE ET NOMMÉE IACQUELINE PAR NOBLE DAME
JACQUELINE BRUNET DE MANNETOT MARQUISE DE LA GOUPILLIERE ET PAR
MESSIRE ALEXANDRE MARQUIS DE DOLON.
F. BAILLY FONDEUR A CAEN.
L'église de Méry-Corbon est sous l'invocation de saint
Martin. L'abbaye de Bonne -Nouvelle de Rouen en avait le
patronage avant la Révolution; le curé percevait un tiers des
dîmes ; le reste se partageait entre la collégiale de Croissan-
ville , l'abbaye de Troarn et le collège de maître Gervais.
Le Livre pelut et le pouillé de Rouen attribuent le patro-
nage de Méry-Corbon à l'abbaye du Bec : elle en jouissait
effectivement , mais c'était au droit du monastère de Bonne-
Nouvelle, qui dépendait de cette abbaye
On trouvait, dans les chartriersdu prieuré de Bonne-Nou-
velle , des lettres de l'évêque de Bayeux qui confirment le
CANTON DE MÉZIDON. 439
patronage et les dîmes de Méry; ces lettres n'ont pas de date,
mais un acte de justice de l'an 1223 porte que celte dona-
tion est véritable (1).
Montfreule. — Propriétaire du fief de Montfreule, situé à
l'extrémité méridionale de la commune de Méry-Corbon ,
vers Magny (2) , je crois devoir présenter une esquisse de
l'ancien manoir, établi sur une motte arrondie entourée d'eau
(Voir la page suivante).
Cette maison , dont la majeure partie est en bois , remonte
au XVIe siècle, et les grandes cheminées qui surmontent
les deux bouts rabattus du toit sont construites en pierres
et en briques, disposées en damier (Voir la page 441),
système de construction très-usité à cette époque.
Le manteau de ces cheminées est porté sur des colonnettes
dont les bases et les chapiteaux sont assez caractéristiques de
la première moitié du XVIe siècle [ Voir la planche , fig. À ).
Ce fief de Montfreule était , à cette époque, en la posses-
sion de la maison de Bonenfant , qui se divisait peut-être en
plusieurs branches.
C'était un quart de fief de haubert , relevant du roi , à
cause de la vicomte de St-Sylvain.
Suivant un procès-verbal du 1er juin 1688, il consistait
en « haulte et basse court, un corps de logis manable, qui
« consiste en une salle et cuisine , quatre chambres en deux
« estages, une cave et deux aménagements avec les greniers
« de dessus; le tout couuert de ihuillc, environnée de mu-
(1) V. le Pouillé du diocèse de Bayeux , par Lamare, et VHistoirc
de la ville de Rouen , I. V , p. A 61 , édition de 1738.
(2) Le fief de Montfreule appartenait a la mère deM,nc de Caumont,
issue du dernier des Bonenfant. Voilà comment j'en suis aujourd'hui
propriétaire,
UkO STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS,
I
CANTON DE MÉZIDON.
hUl
UNE OKS GRANDES^CHEMINKES^DK HO.VTI 1WI I.F.
UU2 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
« railles et collombages avec quatre petites galleries au bout
« desquelles il y a quatre petits cabinets couuerts dessentes ;
« le tout joint audit corps de logis. »
Deux autres bâtiments rejoignaient « la porte de laditte
(( basse court sur laquelle il y a une chambre couuerte de
« thuille, » Il y avait aussi « une chapelle à dire la messe ; le
« tout enclos de fosses. »
Le seigneur se nommait alors François de Bonenfant. Il
en avait acquis la pleine propriété en constituant des rentes
au profit de ses deux sœurs, Anne-Suzanne et Catherine.
Leur père, Pierre de Bonenfant, avait été aussi seigneur de
Montfreule.
On ne pourrait, à l'heure qu'il est , retrouver toutes les
pièces indiquées dans le procès-verbal du 1er juin 1688. La
chapelle est démolie depuis longtemps et se trouvait, d'après
la tradition, entre le pressoir et la route impériale, dans
l'herbage voisin.
J'ai fait démolir un grand bâtiment du XVIe siècle, con-
struit en briques et en bois, qui fermait la basse-cour du côté
de la route ; il ne reste plus de caractérisé que le pavillon
entouré d'eau dont j'ai présenté le dessin.
On voit dans la salle du rez-de-chaussée une tapisserie
d'Aubusson, très-bien conservée et dont un des panneaux a
été dessinç par M. le docteur Pépin (Y. la page suivante).
Ces tapisseries, très-communes autrefois, deviennent de
plus en plus rares; elles méritent pourtant d'être conservées.
Je pense que celle-ci date du XVIIe siècle.
Fiefs de Mannetot et de Mathan. —Lé fief de Mannetot,
au nord de celui de Montfreule , appartient à M. le comte
Titaire de Glatigny, membre de l'Association normande,
héritier par sa femme de M. le marquis de Dollon , ancien
député de la Sarthe , et de M. le marquis de Goupillières.
CANTON DE MÉZIDON. Uli'è
Le fief de Mathan est au nord du précédent ; l'ancien
propriétaire, mort sans postérité, était un parent de la famille
P pin dl
UN PANNEAU DE LA TAPISSERIE DU MANOIR l)K MONT1 I5EI LE.
de Mathan , de Cambes et de Longvilliers ; nous avons donné
l'inscription lumulaire érigée à sa mémoire par feu le marquis
de Mathan , pair de France.
Jo n'ai pas fait de recherches sur ces deux fiofs.
kkk STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
CROISSANVILLE.
Croissanville , Cressenvilla, ecclesia de Cressenvilla.
L'église de Croissanville doit appartenir au XVe siècle
pour les parties anciennes , ou tout au plus à la fin du XIVe.
Le chœur présente une abside à cinq pans : chaque pan
est éclairé par une fenêtre à deux baies subtrilobées au
sommet et surmontées d'une rose à cinq lobes. Quoique
cette disposition se rencontre au XIVe siècle, je ne crois
pas l'église antérieure au XVe : la corniche en biseau ,
l'appareil et quelques autres caractères me paraissent indi-
quer cette date.
Des reprises considérables ont été faites dans le mur la-
téral du sud ; de ce côté se trouve la sacristie, dont le millé-
sime (1756), gravé sur le linteau d'une porte, indique la date.
La façade occidentale a été reconstruite, de fond en comble,
à une époque qui doit être assez rapprochée de nous. Les
contreforts qui existent dans les murs latéraux de la nef me
paraissent de la même époque que ceux du sanctuaire,
quoiqu'une partie des murs ait été refaite. Du côté du nord ,
une porte, bouchée aujourd'hui, accédait sur la route.
La tour renferme deux cloches , dont voici les inscrip-
tions :
m-^3* l'aN 1826 IAI ÉTÉ NOMMÉE MARIE PAR M. JEAN DAPTISTE Frg
JUMELLES CURÉ DE ST DESIR
$J§P* DE LISIElX , CHANOINE ET VICAIRE GÉNÉRAL DE BAYEUX ET PAR
DAME LUCE ÉLISABETTE :
$iW^ DE NEUVILLE EP. DE Mr ALEXANDRE FOUBKRT DE PALLIERES PRÉSI-
DENT DU TRIBUNAL DE COMERCE
&J3F' ET ADMINISTRATEUR DES HOSPICES DE LISIEUX MM F™ LESUEUR MAIRE
CH VICTOR
$J^ LENOIR ADIOINT DE CE LIEU.
CANTON DE MÉZIDON. UU5
L'AN 1826 IAI ÉTÉ NOMMÉE ISADELLE PAR M EUSTACHE DE CnEQUI
ANCIEN ABBÉ DE ST MAl'R CHANOINE
(&J^ ET VICAIRE GÉNÉRAL DE BAVELX ET PAR MADAME LA COMTESSE
DE VANEMBRAS MARIE ISABELLE NÉE DE
CHEUX DE BONNEYTLLE EP. DE FEU M DE VANEMBRAS ANCIEN OFFI-
CIER AU RÉGIMENT D'AUVERGNE , CHEVALIER
DE ST LOUIS, BENITE PAR M PIERRE BRARD CHANOINE RÉGULIER
DE L'ORDRE DE PRÉMONTRÉ CURÉ DE
CROISSANVILLE MM F" LESUEUB MAIRE ET CH VICTOR ADIOINT DU
DI LIEU.
F. BA1LLY FONDEUR A CAEN.
11 n'y a rien à citer à l'intérieur de l'église ; des boiseries
du temps de Louis XV tapissent les murs du chœur.
Voie romaine. — La voie romaine que j'ai signalée à Fre-
nouville et à Moult se retrouve, vraisemblablement, dans
l'ancien chemin de Caen à Paris qui passe au milieu du
bourg de Croissanville et entre l'église et la fdature. Ce
chemin conserve ses caractères et se prolonge au sud de la
roule actuelle jusqu'à ma terre de Monlfreule, où la route
impériale reprend l'ancien tracé avant de passer le pont de
Dives. Cette partie de l'ancien chemin que la route moderne
n'a pas suivie, j'ignore pour quelle cause, est encore assez
intéressante à examiner. On a trouvé, tout près de Croissanville,
en réparant le même chemin , des monnaies romaines qui
ont été recueillies par M. le docteur Pépin.
Collégiale, — Le pape Clément VI érigea un collège de
six chanoines dans l'église de Croissanville : la bulle est datée
du 28 février 1352. La fondation de cette collégiale avait
été faite par Jean de Pont-Audemcr , seigneur de Croissait-
km STATISTIQUE MONU MENTALE DU CALVADOS.
ville et d'Avenay. L'évoque de Baveux ratifia ces donations
en 1355. Les revenus de la maison se divisaient en sept pré-
bendes et demie : le trésorier avait deux prébendes, le chantre
une prébende et demie, et les quatre autres chanoines chacun
une prébende. On assignait une portion congrue à chacun des
vicaires perpétuels, chargés des fonctions curiales de Crois-
sanville et d'Avenay.
La présentation à tous ces bénéfices appartenait au fonda-
teur.
Château. — Le Château de Croissanville existait au nord
de la route impériale de Caen à Paris , à l'extrémité d'une
avenue qui accédait à la route ; il a été démoli depuis quel-
ques années. Heureusement M. le docteur Pépin en avait
fait une esquisse. Comme on le voit, page suivante, l'ensemble
de cette construction devait appartenir au XVIIe siècle.
J'ignore comment la seigneurie de Croissanville et les
droits de présentation aux prébendes de la collégiale passèrent
de la famille de Pont-Audemer à celle de Bailleul ; mais il
résulte des aveux rendus au roî , et que M. de Beau-
repaire , archiviste de la Seine-Inférieure , a bien voulu me
communiquer, qu'en 1610 Ives de Bailleul possédait la
seigneurie et tous les droits qui y étaient attachés. Les
archives de Rouen renferment un autre aveu de 1659,
rendu par Jacques de Bailleul; enfin on voit, par un
autre aveu du 28 juin 1691 , que ce fief avait été érigé
en marquisat : « il se composait des fiefs du Quesnay , Gla-
« ligny, le Perreux dit Breteuil, du plein-fief de haubert
« et seigneurie de Méry, du fief de Bissières, du fief et
« branche de la sergenterie d'Argences pour le haut de la
'< butte. »
Il y avait fourche patibulaire à Croissanville; on y tenait
des foires la veille St-Jcan-Baptistc, les jours St-Landry
GANTOIS DE MÊZ1DON. kkl
!|;,l|;i|;C::i
ktâ STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS,
et St-Eutrope , et marché le vendredi de chaque semaine (1).
D'après les recherches de M. de Beau repaire , archiviste
de la Seine-Inférieure, auquel j'adresse mes remercîments
pour l'obligeance avec laquelle il m'a communiqué ses notes,
le Mémorial de la Chambre des Comptes (f° 10 v°), renferme
les lettres d'union de plusieurs fiefs et érection d'iceux en
marquisat sous le nom de marquisat de Cressanville, obtenues
par Jacques de Bailleul (2).
(1) Voici le passage des lettres du roi qui autorisent la famille Bailleul
à établir les deux dernières foires :
« Nous avons de notre mesme grâce et authorité que dessus
« érigé et estably , érigeons et establissons deux foires par chacun an
« outre celles qui y sont de présent pour estre icelles tenues audit
« Cressanville : Tune le dernier avril, jour des. Eutrope,|et la deuxième
« le dixième jour de juin, jour de S. Landry, ausquels jours nous
« voulons que tous marchands puissent aller, venir et séjourner, dé-
a biler et eschanger toutes sortes de marchandises licittes et permises
« sous les privilieges franchises exemptions des autres foires de lad.
« province, permettant audit sieur de Bailleul de faire baslir halles
« bans et eschoppes pour la seurelé et commodité des marchands et
« de leurs marchandises et de percevoir les droits pour ce deubs sui-
« vant les us et coutumes, pourveu toutes fois qu'à quatre lieues a la
« ronde il ny ayt ausd. jours autres foires ausquelles ces présentes
« puissent préjudicier et qu'elles n'escheent aux jours de dimanche et
« festes solennelles, auquel cas elles seront remises au lendemain, sans
« pouvoir prétendre aucune exemption préjudiciable à nos droits. »
(2) Nous croyons devoir donner un extrait de ces lettres:
« Nous avons mis en considération ceux que l'illustre et ancienne
« famille de Bailleul en nostre province de Normandie descendue de
« Jean et Edouard de Bailleul roys d'Escosse a rendus à nos prédé-
« cesseurs soit par leurs personnes soit dans nos armées en plusieurs
« occasions considérables entre autres par Anguerand de Bailleul
« admirai de France soubs le roy Philippes, par Louis de Bailleul ,
« chevalier sr de Beauvais tué à la bataille de Coutras , envelopé
« de l'enseigne des gens d'armes qu'il portoit , qui laissa deux fds
CANTON DE MÉZIDON. UU9
Bataille de Croissanville. — M. Pépin a observé à Crois-
sanville, dans les propriétés de MmeLeraière, des mouvements
de terrain qu'il est porté à regarder comme des traces des
« l'un nommé Jacques et l'autre Robert de Bailleul, duquel Jacques
« est sortie Françoise de Bailleul sa fille et héritière qui espousa le
« sieur de Souvray , chevalier de nos ordres , premier gentilhomme de
• la Chambre et gouverneur du feu roy notre père d'heureuse mémoire ;
« et Robert de Bailleul , capitaine du fort Sc Catherine à Rouen, au-
« roit esté tué en combatant pour nostre service au siège de ladicte
« ville, et Ives de Bailleul son fds nous continua ses services en
« qualité de mareschal des logis des gens d'armes de notre compagnie
• et des gentilshommes de nostre chambre et a laissé son fils François
« de Bailleul eslevé page de nostre grande escurye aussi chevalier
« dans le service de la mesme compagnie où il a servy volontaire un
« fort long temps auquel a succédé Jacques de Bailleul chevalier,
« seigneur de Cressanville, le Quesnay , Glatigny , Coquainvillers,
« Perreux et autres lieux qui a l'exemple de ses ancêtres a servi plu-
« sieurs années en Flandre, pendant diverses campagnes soubs les
« maréchaux de la Ferlé et d'Aumont ayant mesme été choisy en
o l'année 1674 par la noblesse de la vicomte de Caen en exécution
« de nos ordres pour capitaine et commander ladicte noblesse pour
» s'opposer et empescher les descentes'que les ennemis de cet Estât
« avoient dessein de faire et pour la conservation de la coste et des
« places de la province de Normandie et Jean François de Bailleul
« son cadet servant dans la première compagnie de nos mousque-
« taires fut blessé à Marsal dont il seroit décédé et depuis le fils aisnô
« dudit Jacques de Bailleul étant page de nostre grande escurye fut
« au siège de Condé et après a servy aux sièges de Valenciennes et
« Cambray et ensuite en Allemagne en qualité de lieutenant et ayde
« major dans le régiment de Picardie et la paix estant faicte auroit
« servi par nos ordres la campagne dernière en notre armée navalle
« sur le vaisseau de Colombon, escadre du sieur de Tourville et sert
« encore en qualité de volontaire à Toulon sur le vaisseau de 'Ar-
« canciel ce que joint aux longs et importants services que les prede-
<* cesseurs desd. de Bailleul ont rendus à cet Estât pendant plusieurs
« mouvements soubs les roys Henry trois et Henry quatre notamment
« le sieur de Vignes son bisayeul maternel capitaine du c'.tnsteau
'29
650 SÎATISTIOl'E MOMMKNTALE Î>U CALVAbOS.
campements qui parent avoir lieu à l'occasion de la bataille
aVCroissanville en 965; j'ignore si cette opinion est fondée.
Quant à la bataille, on sait à quelle occasion elle s'engagea,
Louis d'Outremer, roi de France , s'était emparé du jeune
duc Richard Ier , troisième duc de Normandie, qui avait suc-
« Trompette de nostre ville de Bordeaux en laquelle qualité il auroit
« receu plusieurs ordres du feu roy Henry le Grand nostre ayeul
« qu'il auroit executtez avec une fidélité inviolable imitant en cela tes
« grands personnages sortis des maisons d'Harcourt d'Alegre et de
« Souvray avec lesquelles celle de Bailleul a faict de grandes et es-
te truites alliances et ledit Jacques de Bailleul seigneur de Cressauville
« de Vignes et autres lieux s'estanl rendu digne fils et successeur de
" leur vertu. Voulant reconnoistre en sa personne ses services et ceux
« de ses prédécesseurs et laisser a la postérité des marques de la sa-
« tisfaction que nous en avons, nous avons estimé ne le pomoir foire
- plus avantageusement qu'en lny accordant l'érection en marquisat
« de sa terre et seigneurie de Cressanville à laquelle sont unis les fiefs
« du Quesnay et de Glatigny et est attaché le droit de présenter a la
« dignité de chantres à 6 chanoines de l'église collegialle et à la cure
« parossialle dudit lieu, le droit de foire et m m relié ; consistant en
« outre iadicte terre et seigneurie en bois plants pacages bruieres ma-
« rais moulins, garennes rentes seigneuriales le tout dus aux paroisses
« de Cressanville Cleville et autres circonvoisines, à laquelle terre et
« seigneurie sont d'ailleurs unis lesdits fiefs et seigneuries du Quesnay
« Glatigny et Coquinvilliers composant un plain fief de haubert et de
« chevalier, un quart de fief de haubert nomme le fief Perreux et
« encore le fief et seigneurie de Mery dont rellevent fiefs et arrière
« fiefs situés dans les paroisses dudit Méry et de Canon apparie-
« nances et despendances d'iceux le tout rellevant de nous à cause de
« notre vicomte de Caen : toutes lesquelles terres et fiefs composent un
« revenu considérable capable de supporter le titre et dignité de
« marquisat. A ces causes et autres considérations à ce nous mouvants
« de notre grâce spécialle plaine puissance et authorité royalle nous
« avons joincl uny et incorporé , joignons, unissons et incorporons
« par ces présentes signées de notre main lesdits fiefs et seigneuries du
« Ouesnay Gialigny. »
CAYrON bÈ mùziooN. U5\
cédé à son père, à peine âgé de dix ans , et l'avait emmené
à Laon : on se rappelle comment Osmond , gouverneur du
jeune prince , parvint à l'enlever après l'avoir caché dans
une botte de foin, pris en croupe et conduit en toute hâte à
Coucy , puis à Senlis. Le roi de France, irrité d'avoir perdu son
prisonnier, envahit la Normandie avec une nombreuse armée.
Hugues, comte de Paris, auquel Louis d'Outremer avait
promis une grande partie de cette province, envahit en même
temps la Éasse- Normandie et assiégea Exmes. Tout paraissait
perdu lorsque le roi de France , qui n'avait pas trouvé de
résistance , se repentit d'avoir promis une part si belle au
comte Hugues et l'engagea à se retirer. Hugues, mécontent,
rentra en France. En même temps Herold, roi de Danemarck,
qui habitait le Colentin depuis que son fils s'était emparé de
ses Étals, informé de l'état des choses, vint débarquer avec
une armée près des salines de Corbon ; il fut rejoint par un
grand nombre de Normands et fit sa jonction avec eux près
de Croissanville. Ce fut là qu'un engagement eut lieu entre
les Normands et l'armée française.
Le roi de France était campé, à ce que l'on croit, au village
de Corbon. Hérold l'envoya sommer de restituer la Normandie
au jeune Richard. Louis demanda une entrevue pour traiter
cette affaire ; et, pendant que les deux rois étaient à conférer
dans une tente , un chevalier colentinois reconnut, au milieu
des Français, Herluin, comte de Monlreuil, au rétablissement
duquel il avait contribué sous Guillaume- Longue-Épée. Ce
chevalier lui reprocha son ingratitude de prendre parti contre
le fils de son bienfaiteur. Au même moment, un cavalier
danois fendit la tête de Herluin d'un coup de hache. Cette
action barbare devint le signal du combat. On courut aux
armes, et c'est alors que commença une affreuse mêlée. Le
roi Louis, échappant aux mains du roi Hérold par la fuite
rapide de son cheval, tomba au pouvoir d'un chevalier. Il fit
£52 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
à celui-ci toutes sortes de promesses pour n'être pas livré
à son ennemi ; le chevalier, cédant aux larmes du roi , le con-
duisit en secret et le cacha dans une certaine île de la Seine.
Bernard-le-Danois, gouverneur de Rouen et régent pour le
jeune duc, en fut informé par des rapports , envoya aussitôt
des satellites , et fit jeter le chevalier dans les fers. Forcé par
le besoin de pourvoir à sa sûreté, le chevalier découvrit enfin
malgré lui la retraite de celui qu'il voulait sauver , pour en
recevoir une récompense. Le roi fut donc enlevé de cette île,
conduit à Rouen par l'ordre de Bernard , et retenu sous une
rude surveillance (1).
Louis IV ne recouvra sa liberté qu'après avoir donné son fils
en otage et confirmé les droits de Richard à la souveraineté de
la Normandie et à la suzeraineté de la Bretagne. Il fut, de plus,
obligé de céder la ville et le comté de Laon au comte Hugues.
J'ai annoncé, il y a longtemps, mon projet de faire ériger
à Croissanville une borne monumentale avec une inscription
pour rappeler le fait historique dont je viens de parler. Ce
projet n'a pas encore été exécuté , mais il n'est pas aban-
donné et je compte toujours le réaliser.
CANON-AUX-V IGNES.
Canon-aux-Vignes , Canum, Canun.
L'église de Canon se compose d'un chœur à chevet rec-
tangulaire , d'une nef et d'une tour construite au sud entre
chœur et nef.
Le chœur présente au chevet trois lancettes ,2 et 1 ,
disposition qui se retrouve parfois et qui prouve que les
églises n'avaient pas de voûte. La lancette la plus élevée cor-
(1) Voir le récit très-détail lé de ces faits dans Guillaume de Ju-
miéges, liv. IV, ch. ni, iv, v, vi et suiv. — On en trouve un récit plus
détaillé encore dans le Roman de Rou , de Robert Wace, t. Ier, p. 186
de l'éditioh de M. F. Pluquct.
CANTON DE MÉZIDON.
45$
respondait à la partie cintrée du lambris en bois ; des cor-
beaux à figures supportent encore à Canon la corniche exté-
rieure, ce qui annoncerait la transition ou la fin du XIIe
siècle et le commencement du XIIIe ; ces modillons mé-
ritent l'attention : il y en a un qui offre trois têtes accolées ,
un autre deux têtes. Sur un autre on remarque une in-
scription en caractères du XIIIe siècle.
ict Jel.
ÉGLISE DE CANON ( CÔTÉ DU SI D ).
La lour latérale, au sud , présente un carré pesant cl pe
454 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CAL\ADOS.
élevé terminé par un toit à double égout ; la partie basse
pourrait être du même temps que le chœur ; mais la ter-
minaison doit être plus récente.
La nef offre trop peu de caractère pour être datée. Moins
ancienne que le chœur, elle doit pourtant, en partie , appar-
tenir au style ogival primitif; mais des fenêtres modernes
et diverses reprises lui donnent l'aspect moderne.
Au-dessus de la porte carrée et du dernier siècle qui
s'ouvre dans la façade occidentale , est une table de marbre
avec l'inscription Pax homïnibus bonœ voluntatis.
L'intérieur de l'église de Canon est moins intéressant que
l'extérieur; on y voit dans la nef l'inscription tumulaire du
premier bon vieillard couronné aux concours ouverts par
M. et Mmrde Beau mont, grand père et grand'mère de M. de
Beaumont, sénateur, et la représentation de la médaille qui
avait été composée pour les lauréats; l'inscription est ainsi
conçue (1) :
ICI KEPOSE
LE CCKUR DE PIERRE LE MONNIER
PREMIER BON VIEILLARD COURONNÉ
EN 1775
IL HONORA SON PAYS ET SA FAMILLE
PAR UNE VIE SANS RKPROCHK
IL MOURUT LE 13 MARS 1777
ÂGÉ DE 81 ANS.
On lit sur une autre table de marbre uiscrustée dans
le mur du chœur , côté de l'évangile :
ICI REPOSENT
LES COELUS
DE J. B. J. ELIE DE BEAU MONT
DEFENSEUR DE CALAS
fcT DE SIR YEN
MORT LE 10 JANVIER MVIltcLXXXV:
ÂGÉ DE LUI ANS.
(1) Pour bien comprendre l'inscription, il faut savoir que M. et
Mme de Beaumont, par acte de 1775, avaient institué à Canon une
CANTON DE MÉfcIDON. 455
L'église, sous l'invocation de saint Médard , était du diocèse
de Séez. L'abbaye de Ste-Barbe nommait à la cure. ?
Faits historiques. — Il y avait, au moyen-âge, des vignobles
à Canon sur les coteaux exposés au midi : c'est de là que
vient le surnom que porte encore aujourd'hui la commune :
Canon-aux- Vignes.
Canon devait avoir très-anciennement ses seigneurs. Au
XIIe siècle , Eudes de Canon et ses fils donnèrent à l'abbaye
de Ste-Barbe des terres situées à Mesnil-Mauger et ailleurs;
ces donations furent ratifiées par le seigneur de Mézulon,
leur suzerain (1).
Château. — L'époque moderne nous a laissé un château
monumental dans cette commune. Il appartient à M. Élie de
Beaumont , sénateur , membre de l'Institut.
Élie de Beaumont, célèbre avocat au Parlement de Paris (2),
le défenseur de Calas , avait épousé Anne-Louise Morin du
Mesnil , fille du seigneur de Vieux-Fumé , née à Caen en
fête appelée la Fôle des bonnes gens, et fondé quatre prix. Les habitants
de Méridon et de Vieux -Kuiné pouvaient concourir à ces récompenses
qui étaient données au bon btëiflAra, S la bonne fille, au bon chef
de fond Le et à la bonne mare. Un règlement fut fait, indiquant les
condition^ de ces quatre concours. Les lauréats recevaient une somme
d'argent et une médaille, dont la composition différait selon la nalure
du prix. Il y avait conséquemment quais e types de médailles.
M. Demiau de Crouzilliac, conseiller à la Cour impériale de Caen,
a publié tout récemment un mémoire irès-m'éress.int sur la Fêle des
bonnes gens a Canon. Nous ne pouvons qu'y renvoyer nos lecteurs.
Ce mémoire a été lu dans une des séances pudiques de la Société
des Antiquaires de Normandie.
(1) Je suppose que l'habitation des seigneurs de Canon, au XII' siècle,
pouvait exister au suJ du château actuel, en fc rapprochant du moulin.
2) Né à Carentan en 1732.
456 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
1729, femme d'esprit et de cœur , auteur des Lettres du
marquis de Rozelle , roman qui eut une certaine réputation
et qui parut en 1764.
La terre de Canon avait appartenu anciennement à la
famille] Morin du Mesnil ; elle l'avait perdue à la révocation
de l'édit de Nantes. M. Élie de Beaumont demanda à être
réintégré dans cette propriété et finit par obtenir justice
vers 1770, après avoir écrit plusieurs mémoires pour prou-
ver les droits de sa femme. Ce fut alors qu'il fit restaurer
et peut-être refaire presque entièrement le château actuel
avec le toit à l'italienne et les balustrades en pierre qui cou-
ronnent l'entablement. Des inscriptions latines , placées sur
différentes parties du château , témoignent du goût des pro-
priétaires pour les lettres et de leur douce philosophie (1) :
La vue ci-jointe du château reproduit la façade , tournée à
l'ouest vers lcLaizon, et le parc. On y a gravé les vers suivants
de Delille , auxquels on n'a fait que substituer : 0 rives du
Laizon, aux mots qui forment la première partie du premier
vers :
Ô RIVES OU LAIZON, Ô CHAMPS AIMÉS DES CIEUX ,
QUE POUR JAMAIS FOULANT VOS PRÉS DÉLICIEUX ,
NE PU1S-JE ICI FIXER MA COURSE VAGABONDE
ET , CONNU DE VOUS SEULS , OUBLIER TOUT LE MONDE.
Le parc , avec sa belle pièce d'eau , ses canaux et ses
(1) On lit dans le vestibule, au-dessus de la porte du salon :
QUOD PETIS HIC EST
EST ULUBRIS, ANIMUS SI TE NON DEFICIT EQUUS
Sous le fronton , à l'extérieur de l'entrée orientée au levant , du
côté de la cour, sont gravés les deux vers suivants de Boileau sur
une table de marbre:
LE SOLEIL EN NAISSANT LE REGARDE D'ABORD
ET LE MONT LE DÉFEND DES OUTRAGES DU NORD.
Une colline garantit effectivement le château, du côté du nord.
CANTON DE MÊZ1DON. 457
cascades , fut créé par M. et Mn,e de Beauniont. Des bustes
en marbre blanc , des pavillons portant des inscriptions dé-
corent, suivant le goût français de l'époque, les diverses
parties des allées ombragées de grands arbres.
M. Élie de Beaumont, qui était devenu intendant des
finances du comte d'Artois , mourut en 1786. Mme de
Beaumont l'avait précédé dans la tombe de trois années
( 1783). Son fils , qui lui succéda et posséda le domaine de
Canon après lui, épousa Mlle du Pâty, sœur de l'académicien :
ce furent les père et mère du célèbre géologue M. Élie de
Beaumont, sénateur, secrétaire perpétuel de l'Académre des
sciences , inspecteur général des mines , grand officier de la
Légion-d'Honneur , une de nos gloires scientifiques de
France (1).
M. le sénateur de Beaumont , et Mme de Beaumont ,
née de Quélen , habitent , chaque année , le château de Canon
une partie de l'été.
Canon a repris la splendeur qu'il avait au siècle dernier ,
et cette belle résidence est d'autant plus remarquable qu'elle
conserve le cachet des grandes habitations seigneuriales du
XVIIIe siècle avec ses belles allées droites.
Le Laizon passe à l'extrémité de l'enceinte. Un groupe en
terre cuite, faisant face au château, représente le Fleuve avec
son urne. M. de Beaumont se propose de faire réparer ce
groupe, qui a souffert depuis long-temps.
Un petit château, du temps de Louis XIV probablement,
existe au milieu du parc, à droite de la pièce d'eau. Nous
en donnons une esquisse : on l'appelle le château Béranger.
(4) M. de Beaumont a eu un frère mort juge au tribunal de la
Seine, marié à MIle Le Peltier d'Aulney , et dont le fils est aujourd'hui
procureur impérial à No^ent-sur-Seinc ( Aube ).
458 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
%^^^Rl^S:'
Boiiot dcl.
CHATEAU BÉKANGEK, DANS LE PARC DE CANON.
CANTON DE MÉZIDON. 459
Sépultures anciennes. — En 1781, M. Scrain , médecin
à Canon (1), y découvrit, sous un tertre, des ossements
humains, du charbon, des anneaux et sept squelettes; les
têtes reposaient sur des cercles de bronze , de 2 pouces de
diamètre sur 2 lignes d'épaisseur. Ces squelettes étaient
tournés vers l'orient; un seul regardait le nord (2).
SAINT-PIERRE-DU-BREUIL.
St-Pieire du-Breuil, Bruillium, Brolium.
L'église de St-Pierre du-Breuil offre encore ce style de
transition dont les campagnes de Caen et de Falaise four-
nissent tant d'exemples, et dont on ne saurait préciser abso-
lument la date : si j'adopte pour horizon chronologique de
la plupart de ces églises le commencement du XIIIe siècle,
je conviens qu'on pourrait souvent tout aussi bien les rap-
porter à la fin du XIIe siècle.
L'église du Breuil était en forme de croix, avec une tour
carrée au centre du transept terminée par une toiture en
bois. Le corps de l'église est ancien. On y a ajouté, au XVe
siècle , un porche en avant de la porte principale de la nef
qui s'ouvrait dans le mur méridional , près de l'extrémité
occidentale.
Plus tard, probablement au siècle dernier, deux petites
chapelles symétriques ont été ajoutées près du sanctuaire ,
au nord et au sud, de manière à former un second transept,
ce qui donne au plan de l'église une forme insolite ; mais,
en faisant abstraction de ces additions modernes , on re-
trouve bientôt la forme ordinaire.
(1) M. Serain avail été appelé ù Canon par If. de Beaumonl; il y
est morl en 1820. Il était de Saintes.
(2) Archives de ta Normandie, par M. Louis Di.bois. Caen, 1825.
460 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS,
CANTON DE MÉZIDOX. 661
Le chœur et les transepts sont voûtés en pierre; des
lambris en bois forment la voûte de la nef.
Deux jolies portes en ogive ornées de zig-zag , de tores
et d'une bordure de têtes de clous, s'ouvraient dans le chœur,
l'une devant l'autre , au sud et au nord , immédiatement
après les chapelles du transept : l'une d'elles (celle du nord)
est murée et cachée par un lierre ; l'autre est toujours
fermée d'une porte en bois.
A cet aperçu , j'ajouterai quelques observations de détail.
Le mur droit du chevet me paraît avoir été refait au
XIVe siècle ; plusieurs fenêtres ont été refaites à des époques
peu anciennes.
Les corniches extérieures présentent le mélange des 1110-
dillons et des dents de scie , combinaison que l'on trouve
dans nos églises de transition : on y voit aussi des modiilons
portant des arcatures géminées.
Les chapiteaux intérieurs appartiennent au style ogival le
plus ancien.
Il n'y a point de porte à l'ouest. La porte sud-occidentale,
précédée d'un porche, est ornée de cannelures , et les archi-
voltes reposent de chaque côté sur trois colonnes.
En face, du côté du nord, est aujourd'hui une porte sans
caractère et qui peut-être n'a été faite que pour les pro-
cessions , le chemin passant le long du mur occidental de la
nef : je n'oserais pourtant affirmer qu'il n'y en a pas eu
une dès l'origine , à laquelle aurait succédé celle que nous
voyons.
hbl STAilSTlntE MOMMhrsJALli DU CALVADOS.
Les toits de l'église du Breuil , qui est réunie à Mézidon ,
étaient dans le plus triste état quand la Société française
d'archéologie a volé une allocation pour aider à les réparer.
Une demande de secours a été alors adressée à M. le Mi-
nistre de l'intérieur. Les habitants ont ouvert une souscription
qui a été fructueuse. Des travaux de consolidation ont été
exécutés par M. l'architecte Vérolles. Le toit de la tour a été
reconstruit en entier : le plus pressant est fait , mais il reste
à faire encore.
L'église du Breuil était sous l'invocation de saint Pierre.
Une statue assez barbare de ce prince des apôtres se voit
encore dans une niche, au milieu du fronton du porche.
L'abbaye de S"'-B;ube possédait Je patronage.
On voit dans le cimetière un obélisque élevé à la mé-
moire du dernier prieur de celte maison religieuse , lequel
est mort curé de Mézidon.
Château. — Le château du Breuil , sur le bord de la voie
ferrée , est moderne , comme le montre l'esquisse suivante,
gravée d'après le dessin de M. Pépin; il n'est pas d'une
grande importance , mais l'ensemble des bâtiments se pré-
sente bien et la tour cylindrique à toit conique lui donne
un certain cachet; il appartient à Mme la comtesse du Moncel,
née de Revilliasc.
Gare du chemin de fer. — Je viens de parler de la voie
ferrée : c'est au Breuil qu'est établie la gare près de laquelle
s'embranche, sur la voie de Paris à Cherbourg, le chemin
de fer du Mans, Tours , etc. , etc. Cette station (station de
Mézidon) est assez importante.
Voie romaine. — Une voie romaine ou chemin haussé, que
nous avons citée tome II, page 35^ de la Statistique monumen-
tale, venait aboutir près du Breuil et passait peut-être sur le
canton de mèzidon.
ÀG3
hbk STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
territoire de la commune. Les traces n'en sont plus visibles
à partir de Percy.
MEZIDON ( CHEF-LIEU ).
Mézidon , Mansio Odonis.
Il y avait , selon toute apparence , un ancien passage de
la Dive, au lieu qu'occupe aujourd'hui le bourg de Mézidon,
mais rien avant le XIe siècle ne nous révèle l'importance
du vicus qui pouvait exister, et n'indique si la Dive
se passait à gué, dans un bac ou sur un pont. A cette
époque (XIe siècle), nous voyons apparaître Odon Stigand
comme seigneur de la localité qui constitue aujourd'hui
le bourg de Mézidon et de ce qu'on appelait , sur la rive
droite de la Dive , Escajolet ou le petit Écajeul.
Odon Stigand, déterminé sans doute par l'importance
stratégique du passage , avait établi un château sur le bord
de la Dive , dont les eaux durent lui donner les moyens de
défendre la place ; elle prit alors le nom que l'on a traduit
en latin par Mansio Odonis (habitation d'Odon), et qui
est devenu en français moderne Mézidon. A partir du XIe
siècle , Mézidon acquit une certaine importance, surtout par
la fondation de l'abbaye de Ste-Barbe sur le territoire d'Esca-
jolet , à quelques pas du bourg et du château.
Eglise. — L'église actuelle est moderne ; elle a été recon-
struite sous le premier Empire et n'a rien de remarquable.
On peut dire qu'elle ne répond guère à l'importance actuelle
du bourg; elle est rectangulaire; le portail, donnant sur la
grande rue du bourg, est surmonté d'une flèche en charpente
recouverte d'ardoises. Cette tour renferme deux cloches pro-
venant de l'abbaye de S,e-Barbe,
CANTON DE MÉZIDON. 465
La plus grosse porte l'inscription suivante :
j'ai été nommée barbe par messieurs les chanoines réguliers du
chapitre de cette église ad mois d'octobre 1739.
On y voit le blason de l'abbaye, plusieurs fois répété.
L'église moderne de Mézidon est sous l'invocation de
Notre-Dame et de saint Firrain ; l'abbaye de Ste-Barbe nom-
mait à la cure.
Filature. — La filature de lin appartenant à M. Hurel, et
qui est située sur la rive gauche de la rivière, au centre du
bourg , est ce que Mézidon offre de plus remarquable ; c'est
un établissement important, qui s'est considérablement accru
depuis vingt-cinq ans et qui occupe plus de trois cents
ouvriers.
Mairie. — L'hôtel de la mairie , comprenant la justice de
paix et l'école primaire, construit par M. l'architecte Vérolles
sous l'administration de M. Coulibœuf , est situé au-delà de
la Dive. C'est de ce côté que le bourg a pris le plus d'accrois-
sement, maison a construit aussi beaucoup depuis dix ans
dans la direction opposée, vers la gare du chemin de fer.
Emplacement du château d'Odon. — M. Coulibœuf, maire
de Mézidon, que j'ai consulté sur l'emplacement probable du
château d'Odon Stigand et qui a depuis longtemps déjà examiné
la question, pense que la place fortifiée par ce seigneur devait
comprendre la partie du bourg occupée par la cour de M. Hurel,
l'église , l'emplacement du cimetière , les halles et les hôtels
SlP-Barbe et St-Martin. Le donjon devait se trouver dans une
île formée par la Dive , au nord de la première enceinte ,
dont le périmètre vient d'être approximativement indiqué.
M. Coulibœuf se trouve, dans ses indications, d'accord avec
M. Guilmeth qui a tracé à peu près de la même ma-
30
1*66 Statistique monumentale du calvados.
nière l'enceinte présumée de la place, à l'époque d'Odon
Stigand (1).
Le château d'Odon Stigand , qui passa à la famille de Tan-
carville , comme on le verra tout à l'heure , fut assiégé et
pris, en 1137, par le roi Etienne qui le fit démolir, au
moins en partie , et dès lors Mézidon dut perdre son im-
portance comme place de guerre (2).
« Ce fut en 1347, dit M. Coulibœuf dans la note qu'il
« a bien voulu m'écrire , que Jean II de Melun , comte de
« Tancarville , chambellan héréditaire de Normandie , vendit
« cette baronnie à l'abbaye de Nolre-Dame-de-Grestain ;
a plus tard , elle fut transmise au prieuré de Ste-Barbe qui
o en exerça tous les droits seigneuriaux. »
Il se tient à Mézidon, le 12 novembre, jour de la fête
St-Martin , une foire assez importante. Chaque semaine ,
il y a marché le samedi. Ce marché existait dès le temps
d'Odon Stigand , puisqu'il avait donné le dixième des droits
qu'on y percevait à l'abbaye de Ste-Barbe (3).
On comptait 73 feUx à Mézidon.
(1) M. Guilmeth avait commencé une publication considérable sur
l'histoire de Lisieux et des bourgs de l'arrondissement ; il est à regretter
que cet ouvrage n'ait pas été continué et surtout qu'il soit aussi rare.
L'ouvrage n'a pas, à ce qu'il paraît, été mis dans le commerce après
que les souscripteurs ont reçu leurs exemplaires. Mézidon, St-Pierre-
sur-Dive, Livarot, Lisieux et Orbec ont été le sujet d'intéressants
essais historiques qui peuvent être consultés avec fruit.
(2) Ce siège fut provoqué par Rabel de Tancarville, qui s'était
révolté contre le roi Etienne.
(3) Avant 89 , les religieux de cette communauté percevaient des
droits sur les marchandises de toute espèce exposées en vente sur le
champ de foire , sur la place du marché , et sous les halles et bou-
cheries.
Quelques vieillards se rappellent que, le lendemain de la foire St-
Martin qui se tient le 12 novembre de chaque année, tout propiiè-
CANTON DE MÉZiDON.
Ù07
ECAJEUL.
Ecajeul , Scajoleium, Eescajoleium, Escajol.
La nef d'Écajeul est romane, probablement du XIe siècle,
avec maçonnerie en arête de poisson dans la façade. Des
contreforts en pierre de taille placés dans les murs du nord
église d'Écajeul (côté du sud'.
sont percés de petites fenêtres semi-circulaires , comme j'en
taire foncier de la commune était tenu d'aller payer un liard au
receveur du prieuré de S,c-Barbc, et que le marché qui se tenait
tous les samedis n'était ouvert au public que lorsque les appro-
visionnements de la communauté avaient été faits.
(Note de M. Couttbctuf,)
408 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
ai trouvé dans un petit nombre d'églises rurales du XF ou
du XIIe siècle ; mais ce fait est assez rare et n'a dû être motivé
que par économie pour la pierre de taille. Les fenêtres ac-
tuelles de l'église d'Écajeul sont presque toutes modernes.
La principale entrée de l'église est à l'ouest. C'est une
porte romane à plein-cintre avec archivolte ornée de tores
et de billettes , portée par deux colonnes à chapiteaux assez
barbares, mais dont le fût, dans sa partie supérieure, est
cannelé en spirale, chose assez rare dans nos contrées.
Le tympan a été percé ; il était plein dans l'origine , selon
toute apparence. Une autre porte romane existe dans le
mur latéral du sud : elle paraît moins ancienne que la pré-
cédente. En somme , la nef d'Écajeul , sauf la tour
carrée massive établie au-dessus de la façade occidentale et
dont l'époque est peu caractérisée, doit dater du XIe siècle,
à en juger par ses caractères architectoniques assez pro-
noncés.
CANTON DE MÉZ1DON. &69
Le chœur paraît moins ancien ; on y voit , à l'est , une
longue lancette ; au sud , une fenêtre cintrée avec chapiteaux
de transition : il pourrait donc dater de la fin du XIIe siècle
ou du XIIIe. Des fenêtres nouvellement percées ont défiguré
presque complètement cette partie de l'édifice, bien moins
intéressante que l'autre. On voit quelques moulures du XVe
siècle sur une porte latérale , au sud.
Voici les inscriptions des cloches d'Écajcul , telles que les
a relevées M. le docteur Pépin.
On lit sur la plus grosse :
L'AN J773 IAY ÉTÉ BÉMTE PAU Mc MICHEL FROMAGE CVRÉ DE
CETTE PAROISSE ET NOMMÉE MARGVERITE PAR MESSIRE
NOËL VRBAIN ANDRÉ DE LA FRESNAÏE , CHEVALIER SEIGNEVR
ET PATRON DE L'iIONNEVR DECAIEVL , CAMPIGNI, ESCVRES Sse
/^gT- 'MARGVERITE DE METTE , LA POTERIE , ERAINE , COVLONS , . . .
ET AVTRES LIEVX ET PAR NOBLE DAME
flTl^ BIARCVERITE DOVESY DAME DOLLENDON , VEVVE DE MESSIRE
CHARLES DE VAVQVELIN CHEVALIER SEIGNEVR ET
«Kpï> PATRON DE SACI
LA VILLETTE DE LISIEVX — JEAN LORIOT TRÉSORIER.
L'inscription de la seconde cloche , qui est de très-petite
dimension , est ainsi conçue :
1770. Me LEONOR FRANÇOIS FREROT PRÊTRE CVRÉ DE CE LIEV NOMMÉE
IOACHIM PAR IOACHIM MATHAN SEIGr DE SOCQVENCE.
AVBERT MA FAITE
On voit sous le toit de la tour , à gauche , un débris de
pierre tombale en beaux caractères gothiques incrustés de
plomb. C'était probablement la tombe d'un seigneur d'Éca-
jeul. On y lit seulement :
îïcc aintl Lequel Dcceùa
470 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
On voit un certain nombre de tombeaux modernes dans le
cimetière , notamment celui de :
JOSEPH MAURICE DUTHRONE DE GLATIGNY
CHEVALIER DE S1 LOUIS
4 842.
L'église d'Écajeul est sous l'invocation de saint Pierre. La
cure se divisait autrefois en deux portions ; le seigneur
nommait à la première portion. Il existait à Écajeul une cha-
pelle dite de l'Honneur, qui est détruite.
Il existe encore dans la commune d'Écajeul un manoir, du
XVIe siècle ou de la fin du XVe, appelé fort de BasseviUe.
L'Honneur d'Écajeul appartenait, en 1068, à OdonStigand,
fondateur de Ste-Barbe. Comme ses autres biens , cette ba-
ronnie passa , au commencement du XIIe siècle, à la maison
de Tancarville. Après l'extinction de cette famille, elle ap-
partint aux de Courcy et aux d'Orglandes.
Lors de l'invasion anglaise , les Paisnel étaient seigneurs
d'Écajeul. Ils combattirent contre les envahisseurs, qui,
les considérant comme rebelles , confisquèrent la terre.
Richard Wright en devint possesseur. A la fin du siècle ,
les Paisnel étaient rentrés en possession de leur bien.
En 1631 et 1646, dit M. Ch. Vasseur, on trouve, dans les
aveux, noble seigneur messire Jean de La Flèche, chevalier,
gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi , seigneur de
Grisy, ïhieuville, Brelteville, Donville , Quesnay, Escures ,
Viette , le Mesnil-Mauger et de la terre et seigneurie de
l'Honneur d'Écajeul: ce qui ne s'explique pas très-facile-
ment, car la famille de Vauquelin de La Fresnaye était dès le
XVIe siècle en possession de la terre d'Écajeul.
Au commencement de la Révolution , la terre d'Écajeul ,
en fermes louées et réserves, valait 15,665 livres de revenu,
sans parler de 492 chapons ou gélines, 20 journées de harnois
et environ 700 livres de rente dues par le domaine fieffé.
On comptait 94 feux à Écajeul, au siècle dernier.
CANTON DE MÉZIDON. 471
Abbaye de S,e-BARBE. — En suivant le joli chemin qui
passe à l'extrémité nord de la Grand' Rue de Mézidon et se
dirigeant à l'est, on arrive à la ferme qui occupe l'emplace-
ment de l'abbaye de Ste-Barbe.
L'église n'existe plus , mais on en reconnaît encore la
place ; on voit aussi la place et même les fondements de di-
vers bâtiments , et au besoin on pourrait reconstruire le plan
du prieuré s'il n'en existait aucun. Le peu qui reste d'ancien
aujourd'hui se trouve dans la ferme de l'abbaye, qui appartient
aux héritiers de M. Jonquoy , ancien membre du Conseil
général du Calvados ; on y voit quelques ouvertures ogivales
qui peuvent remonter au XIIIe siècle.
J'ai trouvé à Rouen, chez M. de Glanville, un médaillon
sur une clef de voûte qui vient de Ste-Barbe et paraît du
XIIIe siècle. La provenance est certaine , mais il n'est pas
sûr qu'il ait appartenu à la voûte de l'église. Il pourrait
provenir du cloître ou d'une autre dépendance du prieuré.
Il représente un homme, affourché sur un âne et portant
un sac sur sa tète (V. la page suivante). Le costume du
personnage est intéressant. Il porte des gamaches , espèce de
guêtres qui étaient en usage dans nos campagnes au siècle
dernier, et même il y a quarante à cinquante ans. On
trouve encore les gamaches usitées en Bretagne à l'heure
qu'il est.
La plupart des abbayes ont leur légende. Ste-Barbe, aussi,
a la sienne que voici :
Le fds d'Odon Stigand , Robert, avait rapporté de ses
voyages en Orient des reliques de sainte Barbe. A son re-
tour, il trouva son frère Maurice très-gravement malade ; les
reliques de sainte Barbe opérèrent sa guérison , et , comme
dans beaucoup de légendes, la Sainte apparut au malade et
lui ordonna d'aller trouver son père et de se rendre avec lui
à l'église St-Marlin-d'Écajcul pour y faire célébrer la messe
kl 2 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
SCULPTURE PROVENANT DU PRIEURE DE SAINTE-BARBE.
en son honneur. Odon Stigand , convaincu de la vérité de
l'apparition et frappé de la guérison de son fils , s'empressa
de se rendre à ses prières et fit transporter les reliques de
sainte Barbe dans la chapelle de St-Martin-d'Écajeul, située
sur la rive droite de la Dive , puis il institua six chanoines
réguliers. La première fondation de Ste-Barbe eut lieu vers
l'an 1055 , et la charte par laquelle Odon Stigand constitua
rétablissement est de 1058 ; elle fut approuvée par Guil-
laume-le-Conquérant en 1060.
Odon Stigand mourut à Rouen en 1066; l'archevêque
CANTON DE MÉZIDON. U1Z
Maurille assista à ses funérailles avec divers seigneurs; il fut
enterré dans le cloître de l'abbaye de St-Ouen.
Ses deux fils , Robert et Maurice , ne laissèrent pas de
postérité ; ils avaient deux sœurs, dont l'une se fit religieuse
à l'abbaye de S,e-Trinité de Caen, en 1066 (1); l'autre,
Agnès, épousa Rabel de Tancarville, fils de Guillaume de
Tancarville : elle porta à son mari tous les biens de sa fa-
mille. Les destinées deSte-Barbe furent par cela mises entre
les mains de la famille de Tancarville , et Rabel en fut en
quelque sorte le second fondateur. En effet, en 1128, il ra-
tifia toutes les donations faites à Ste-Barbe par Odon Stigand,
son beau-père (2) , puis il en ajouta beaucoup d'autres;
(1) A cette occasion, Odon Stigand donna au prieuré l'église de
Guibray avec les dîmes et les droits de sépulture, le patronage, et les
dîmes des églises de Falaise, etc., etc.
(2) Voici quelques passages de la charte de Rabel de Tancarville :
Videlicet et prata quae Odo Sligandus, qui primus ibi sex prebendas
constituit, dederat eidem ecclesie apud Mansum Odonis. Decimam
quoque ipsius ville et totius sui dominici quod est apud Mansum Odonis
in omnibus suis nummis, terris, vineis, molendinis, virgultis, vitulis,
agnis, caseis, velleribus, porcis et piscibus. Et inter Mansum Odonis
et Escajolet piscine locum. Et Willelmus de Mirbel et Osmundus Boenet
de Salcantia (Soquence) dederunt eidem ecclesie ex parte Odonis prefati
décimas suas de Mirbel et Salcantia quarum duas partes prius in suo
dominico retinebant. Dédit quoque idem Odo terram quam habebant
apud villamqua; vocatur Sancla Maria Calida (Lécaude) cnm partejmedia
ecclesie et décime ipsius ville sicut libère in suo dominico habebat. —
Serlo quoque de Manso Malgerii (Mesnil-Mauger) dédit eidem ecclesie
soceri Odonis terram quam habebat in dominico suo apud Brolium
de alodio suo. Et idem Odo ad luminare ejusdem ecclesie assignavit
décimas thelonei de Manso Odonis et terram Safredi Wambeloni de
quo très solidos annuatim habuerat et terram Anschetilli Baconis
pro qua débet ecclesiam in feslivilalibus parare et duas libras incensi
reddere, unam ad Natale et altcram ud Pascha, etc.
(Voir cette charte aux Archives du Calvados et , à la Bibliothèque im-
périale, la copie de M. Lèchaudc-dWuisy.J
U1U STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
il donna, notamment, tout ce qu'il possédait sur la rive droite
de la Dive.
Ce fut alors que Ste-Barbe devint prieuré. Guillaume
d'Évreux fut mis à la tête de la communauté.
Je n'ai pas l'intention d'écrire l'histoire du prieuré de
Ste-Barbe : disons seulement que Guillaume d'Évreux était
un des hommes les plus instruits de son temps (1). Il mourut
en 1153.
En 1135, Rabel , seigneur de Mézidon , donna une
nouvelle charte au prieuré de Ste-Barbe.
En 1137 , le roi Etienne logea à Stc-Barbe pendant
le siège de Mézidon ; ensuite il confirma à ce prieuré toutes
les donations qui lui avaient été faites anciennement par
une charte datée de Pont-Audemer.
En 1186, par une charte donnée à Bures, près Bayeux ,
Henry II , roi d'Angleterre, ratifia toutes les donations faites
au prieuré de Ste-Barbe.
Richard-Cœur-de-Lion (1196) accorde aussi sa protection
au prieuré de Ste-Barbe. Le prieuré fut visité par Jean-Sans-
Terre en 1201 et en 1203.
La même année (1203 ) , le prieuré de Graville , près du
Havre, fut donné à Ste-Barbe par Mallet de Graville qui
l'avait fondé.
Sle-Barbe possédait un prieuré , des terres et des moulins
en Angleterre (2).
Quand Odon Rigaud visita Ste-Barbe en 1254 , il y
trouva trente-quatre chanoines.
En 1292, Robert de Tancarville , seigneur de Mézidon,
approuva et ratifia les donations , échanges , etc. , opérés
(1) V. Orderic Vital , Histoire de Normandie.
(2) Voir le travail de M. Léchaudé-d'Anisy sur les archives du
Calvados, dans le t. VII des Mémoires de la Société des Antiquaires
de Normandie.
CANTON DE MEZ1DON. Zl75
dans l'étendue de la baronnie de Mézidon et des fiefs qui
en dépendent.
Les guerres anglaises du XIVe siècle vinrent désoler le
pays. Le prieur de Ste-Barbe songea alors à se fortifier, et
en 1356, le roi de France « autorisa les religieux de Sle-
« Barbe à lever un impôt sur tous les hommes et autres
« qui, pour éviter les ennemis, voudraient se réfugier eux et
« leurs biens dans la forteresse du prieuré, afin de la rétablir
« et de la mettre en état de résister à leur invasion. » Les
mêmes lettres autorisent également le prieur à « nommer
« un capitaine du dit chasteau et à le destituer quand il le
v verra bon être t ; elles ordonnent aux gens du roi de re-
cevoir et reconnaître celui que le dit prieur leur présenterait
pour occuper ladite place de capitaine.
Le 1er avril 1Zi07, le prieur de Ste-Barbe , capitaine et
garde de par le Roi, de la forteresse dudit lieu de Stc-
Barbe « établit Robert Bonenfant, escuyer seigneur de Quet-
« tiéville , son lieutenant ou conettable au dit office de capi-
« taine et lui donne la garde et gouvernement de la dite
" forteresse , ordonne de lui obéir , de lui prêter main forte
<r donner conseil , confort et aide si mettier en a .... »
Cinq ans après, en 1412, le lieutenant-général du bailli de
Caen adjugea la charge de capitaine de la forteresse du
prieuré de Ste-Barbe au prieur Michel de Bradefer , contre
Guyot de Bonenfant , qui prétendait en être titulaire et
voulait conserver son commandement.
Le Gallia chrisiiana indique les noms des prieurs de Sle-
Barbe depuis Guillaume d'Évrcux (1128) jusqu'à Robert de
La Ménardière , chantre de la Sainte-Chapelle de Paris , qui
ayant obtenu de son oncle le prieuré de S,e-Barbe , le céda
aux Jésuites de Caen en 1607, et qui obtint en 1609 l'as-
sentiment des chanoines. Louis de La Renardière , son pré-
décesseur , était en même temps abbé de Barbery. Il avait
été le premier prieur comrnendataire de Stc-Barbe.
476 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Anneaux en pierre ollaire. — On a trouvé à Écajeul des
sépultures anciennes, dont les morts avaient les extrémités
portées sur des cercles ou anneaux en pierre dure ; quel-
ques-uns de ces anneaux ont été offerts par feu M. le docteur
Le Grand à la Société des Antiquaires de Normandie.
PLAINVILLE.
Plainville, Ptevilla, Ptainvilla.
La paroisse de Plainville, située au sud d'Écajeul, sur le
bord d'un marais, est réunie à cette dernière commune.
L'église a été démolie , il n'en reste plus de traces ; elle était
sous l'invocation de saint Saturnin , et , au XVIe siècle ,
l'abbaye du Lire nommait à la cure , d'après le Pouillé du
diocèse de Lisieux publié par MM. A. Le Prévost et de
Formeville.
Guillaume de Pléville donna au prieuré de Ste-Barbe la
moitié du pré Gros-Marais, situé entre Ouville et Écajeul.
Son fils , Roger de Pléville , ajouta à ce pré , après la mort
de son père , deux acres de prairies (Voir le catalogue des
chartes du prieuré de Ste-Barbe par M. Léchaudé-d'Anisy ,
t. VII des Mémoires de la Société des Antiquaires de Nor-
mandie ).
L'inscription de la pierre tumulaire que j'ai publiée dans
le t. III de la Statistique monumentale , p. 605, et que la
Société française d'archéologie a fait transporter de l'abbaye
de Longues au musée de Bayeux , prouve qu'à la fin du XVe
siècle la seigneurie de Plainville appartenait à la famille de
Labbey : Jeanne de Labbey , qui la possédait', avait épousé
Jean d'Argouges.
Le château actuel de Plainville se compose d'un bâtiment
long et peu élevé. On y accède , du côté du sud , par une
cour carrée ; du côté du nord, la vue s'étend sur les prairies.
CANTON DE MÉZIDON. 477
Cette habitation appartient aujourd'hui à Mm0 veuve B. de
Plainville , née de Cussy, qui l'habite.
Les marais de Plainville renferment quelques plantes rares
qui ont été signalées par MM. de Brébisson et Morière.
SAINT-MACLOU.
St-Maclou, Sanctus Mackutus, Sancim Macutus in Algia.
L'église de St-Maclou est située sur une éminence argi-
leuse qui sépare le bassin de la Dive de celui d'un des
affluents de la Vie ( V. ma Carte géologique du Calvados).
Solitaire et abandonnée, car la paroisse est réunie pour
le spirituel à celle d'Écajeul, il sera probablement difficile
de la conserver.
Le chœur peut dater du XIIe siècle ; il offre encore , du
côté du nord, des modillons à figures et une porte à plein-
cintre avec archivolte ornée de tores et d'une garniture
de têtes de clous ; les modillons supportent une arcature
bilobée. Le côté sud a subi plusieurs reprises : une ouverture
à plein-cintre qui s'y trouvait a été bouchée.
La nef a été refaite en grande partie et n'offre que bien
peu d'intérêt ; les contreforts et les murs qui approchent de
la partie occidentale sont les seules parties qui puissent être
considérées comme anciennes de ce côté.
La tour , assise sur l'extrémité occidentale de la toiture ,
est de la forme usitée le plus habituellement dans le pays
d'Auge.
L'église était sous l'invocation du saint dont elle porte le
nom. Le patronage était laïque.
Château moderne. — MM. Duval, de Caen , ont fait con-
struire un château avec tourelles qui produit un certain effet
dans le paysage. Feu M. Vérolles, architecte du département
du Calvados , on avait donné le plan.
UlH STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
>iiki ni i.i.k
Mirebelle , Mirebellum.
Sur la hauteur qui sépare le bassin de la Dive de celui de
la Vie , au nord de Mézidon , s'élève l'église de Mirebelle.
Le chœur, par sa corniche garnie de modillons, par
l'ordonnance de son chevet (V. la page suivante), annonce
une construction des premiers temps du XIIIe siècle ou de la
fin du XIIe. Les églises rurales de cette contrée, comme nous
l'avons souvent dit , ont , au XIIIe siècle , bien des caractères
qui appartiennent au XIIe ( modillons à figures, appareils en
arêtes). Dans l'absence de documents, nous croyons devoir les
attribuer plutôt au commencement du XIIIe siècle qu'au XIIe ;
mais il est possible que plusieurs soient un peu plus anciennes
que nous ne l'avons pensé : c'est ce que des recherches
ultérieures pourront éclaircir.
Quoi qu'il en soit, des fenêtres ont été repercées dans le
chœur, et celles qu'on y voit sont bien postérieures aux
premières ouvertures. Mais il existe, du côté du nord, une
porte à colonnettes dont le style se rapporte à celui de la
première construction.
La nef est d'une époque beaucoup moins ancienne que
le chœur : je crois même qu'elle appartient à la période mo-
derne, c'est tout ce que j'en puis dire; les fenêtres qu'on
y voit sont carrées, larges, à linteau légèrement arqué.
Quant à la porte occidentale, on lit sur la clef qui en
ferme le cintre le millésime 1 766.
Une petite tour en bois couverte d'ardoise , conforme au
type ordinaire , s'élève à l'extrémité occidentale de la nef.
Dans le cimetière est une croix dont la colonne cylindrique
CANTON DE MÊfclDON.
479
Bouel .1.1
CHEVET DE l'BBLISB Dl MIBSBBLL1
680 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
UNE DES FENETRES DU CHOEUR.
en pierre , porte une croix de bois qui paraîtrait du XVIIe
siècle. Si elle est restée depuis cette époque exposée à la
pluie, elle montre quelle peut être la durée du bois de chêne.
L'église de Mirebelle est sous l'invocation de saint Pierre.
Le prieur de Ste-Barbe nommait à la cure.
La paroisse faisait partie de l'élection de Falaise; elle dé-
pendait de l'intendance d'Alençon et de la sergenterie de St-
Pierre-sur-Dive. On y comptait 32 feux au siècle dernier.
SOQUENCE.
Soquence, Soguentia , Salcantia, etc., etc,
La paroisse de Soquence a été supprimée et l'église a été
démolie ; elle était sous l'invocation île saint Michel. Le
prieur de S,e-Barbe possédait le patronage.
CANTON DE MÉZIDOX. ^81
Soquence est mentionné dans la charte de fondation du
prieuré de Ste-Barbe dont j'ai transcrit un passage, page 473.
LE MESNIL-MAUGER (!).
Le Mesnii-Mauger, Mesnillum-Maugerii , Mansio Mat-
gerii.
Le Mesnii-Mauger , paroisse importante de l'élection de
Falaise , sergenterie de St-Pierre-sur-Dive, était le chef-lieu
du doyenné le plus étendu du diocèse de Lisieux : il n'em-
brassait pas moins de 51 paroisses.
L'église était desservie par deux curés , l'un à la nomi-
nation de l'évêque de Lisieux ou du chapitre ; l'autre à la
présentation du prieur de Ste-Barbe. Aussi est-ce une con-
struction importante.
Le plan est un parallélogramme, sans retraits ni saillie;
mais les diverses parties sont loin d'être homogènes. Chacun
des murs latéraux est soutenu par cinq contreforts et
percé de cinq fenêtres. Me Jean Formage, curé de l'une des
portions du Mesnii-Mauger , est l'auteur de grands travaux,
dont une inscription, placée à l'intérieur , au-dessus de la
porte delà tour, rappelle le souvenir (2). Les deux pre-
(1) Notes par M. Charles Vu sseur.
(2) Voici celle inscription :
CETTE ÉGLISE A ÉTÉ RÉÉDIFlÉE
ET DÉCORÉE PAR LES SOINS ET FRAIS
DE Mlre JEAN FORMAGE PRESTRE CURÉ
DE LA SECONDE PORTION DEPUIS 56 ANS
ET DE LA PREMIÈRE DEPUIS 9 ANS , DÉCÉDÉ
i.f. 1H 91"" 1757 uns la 82' année de
31
kW2 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
mières travées , vers l'ouest , sont entièrement son œuvre ;
du moins dans leur état actuel. Il faut lui rendre cette jus-
tice, qu'il a cherché à les harmoniser avec les autres parties.
Du reste, des travaux importants avaient été déjà entrepris au
XVIe siècle, et la dernière travée et le chevet seuls remon-
taient jusqu'au XIIIe. Les deux fenêtres latérales , ogivales ,
simplement épannelées , partagées en deux lancettes par un
meneau bifurqué ; les deux larges fenêtres du chevet, éga-
lement épannelées» mais avec deux meneaux; les contreforts
à deux retraites , dont les glacis sont imbriqués , appar-
tiennent évidemment à cette dernière époque.
A l'autre extrémité , englobée dans le portail de Jean
Formage , s'élance une tour romane fort bien construite ,
dessinée et publiée déjà plusieurs fois , notamment dans
l' Abécédaire d'archéologie et dans le Bulletin monumental.
Elle est carrée , construite en pierre de moyen appareil ,
SON AGE. PRIES DIEU POUR
LE REPOS DE SON AME. REQUIESCAT IN PACB
AMEN.
Dans le chœur , près du sanctuaire , se trouve une pierre tom-
bale qui porte cette inscription :
HIC JACET
KXPECTANS BEATAM RESDR
RECÏIONKM CORPUS JOHANN1S
FORMAGE SACERDOTIS
PKR QUEM
IN HAC FXCLESIA PASTOK1S CUM
LAUDE SLBI1T MUNIA ET HANC
SACRAM .EDEM PR* M(!KO
BU M VETCSTATE
CANTON bh MfcfclDOà.
flanquée sur chaque face de deux
contreforts très-peu saillants. La
hauteur de la base atteint le niveau
du comble de l'église. Au-dessus
de la première corniche s'élève une
série d'arcatures que surmonte
l'étage du beffroi, garni aussi d'ar-
catures plus riches d'ornementation,
dont les archivoltes sont portées sui-
des colonneltes à chapiteaux cu-
biques. Deux baies très-étroites ,
pratiquées au fond de cette, arca-
ture, sont les seules ouvertures qui
donnent le jour à l'intérieur et
laissent sortir le son des cloches.
Le couronnement se compose d'une
pyramide élancée en ardoise, ac-
compagnée de quatre petits clo-
chetons.
En cherchant à reconstituer le
plan primitif de l'église , on est
étonné de trouver deux nefs pa-
rallèles, d'égale largeur, dont les
gables existent encore au chevet.
Quant à la tour, on ne voit au-
cune amorce qui puisse indiquer
la manière dont elle sa rattachait
au reste de l'édifice. Il faudrait
une étude approfondie pour se
rendre bien compte de ces dispo-
sitions insolites.
L'intérieur , transformé totale-
ment au XVIIIe siècle, ne peut
venir en aide aux conjectures.
4s:
:
~ |ii,illi^v.l
dikifez:
˱|
il .
h$ll STATISTIQUE MONUMENTALE OU CALVADOS
Neuf arcades surbaissées , portées sur des pilastres , di-
visent la superficie en trois nefs. Au bas de la nef centrale
est une tribune à plan contourné , suivant le style de
l'époque. Les stalles du chœur datent aussi du règne
de Louis XV. Le maître -autel remonte au règne de
Louis XIV. Son rétable à fronton circulaire est porté par
deux colonnes torses. Le tabernacle , en forme de pavillon
hexagonal, est garni de petites colonnettes torses dont les
chapiteaux portent un entablement surmonté d'une petite
balustrade à fuseaux renflés. L'amortissement est un dôme
doré. Dans l'entrecolonnement , des niches abritent cinq
statuettes. Sur la porte , le Sauveur du monde ; à droite et
à gauche, un moine et un prêtre, et aux extrémités, deux
diacres, dont l'un doit être saint Etienne, patron de l'église.
Deux belles statues accompagnent ce rétable , ce sont
encore deux diacres. L'un est évidemment saint Etienne ,
reconnaissable aux cinq pierres déposées à ses pieds.
La statue de la Vierge , presque de grandeur naturelle ,
placée sur le petit autel du midi , remonte au moyen-âge.
Sa robe traînante est bien drapée. Elle porte sur ses bras
l'enfant Jésus , pressant dans ses mains une colombe. Deux
anges soutiennent un diadème sur la tète de la Vierge ;
sur le fond on distingue les rayons flamboyants d'une au-
réole ovale.
Derrière l'autel , au chevet , se trouve ménagée une sa-
cristie , éclairée par les deux larges fenêtres du XIIIe siècle
déjà décrites à l'extérieur. Ces fenêtres sont en partie
remplies par des fragments de vitraux de diverses époques,
dont quelques-uns du XIIIe siècle. Parmi ces débris figurent
deux blasons du XVIe siècle ou de la fin du XVe : le premier
est écartelé aux 1er et Ue écartelé de sable et d'argent à la
croix fleurdelisée de l'un en l'autre ; aux 2e et 3e de gueules
à 6 fleurs de lis d'argent, posées 3, 2, 1 ; l'autre est d'hermine
CANTON I>K MÊZinON.
48
FRAGMENT DE VITRAIL, DU XIII* SIECLE, DANS UNE FENÊTRE DU CHEVET.
à la bande chargée de 3 coquilles d'or.
n m ILASOIfl F> ?BBRB WWT DM FF.ISF.TRFS (xvi« BIBCL1 -
486 STATISTIQUE MuM'MLJNTALh DU CALVADOS.
Un personnage de la bordure d'une des fenêtres, au midi,
représente un médecin occupé de préparations pharmaceu-
tiques , peut-êire un saint Côme. Ce fragment de vitrail
doit être du XVIe siècle ( Voir la page suivante).
Dans le mur du midi on trouve une belle piscine à deux
cuvettes, du XIIIe siècle. Elle est trilobée, avec un gros
tore cordiforme pour moulure. Les autres piscines qui
ont été conservées dans l'église ne sont que du XVe siècle.
Fonts en plomb. — Les fonts baptismaux en plomb, dessinés
il y a long-temps par M. Bouet , ont été publiés dans le
Bulletin monumental et Y Abécédaire d'archéologie ; puis ils
ont donné lieu à un mémoire de 31. Lavalley-Duperroux dans
les Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie.
Ils datent de la dernière période ogivale , sont octogones ,
et chaque panneau , séparé des autres par un contrefort ,
montre sous une accolade subtrilobée des figures de saints:
la Vierge , saint Etienne , saint Laurent , sainte Barbe ,
avec les attributs qui les distinguent.
Cimetière. — Plusieurs tombeaux assez remarquables
existent dans le cimetière.
La population actuelle du Mesnil-Mauger est de 353 ha-
bitants. Il y a là un exemple frappant de la dépopulation
des campagnes. A la fin du dernier siècle, on ne comptait
pas moins de 760 habitants dans la paroisse , et il est certain
qu'au moyen-âge la population était encore de beaucoup
supérieure.
En 1128, on trouve un Serlon , seigneur du Mesnil-
Mauger.
Au XIIIe siècle , après avoir enlevé la Normandie à Jean-
Sans-Terre , Philippe-Auguste nomma bailli de Caen un
nommé Pierre de Thillay, originaire des environs de Gonesse :
et, pour l'intéresser à raffermissement de la conquête , il
CANTON DE MÊZIDON.
/«87
/|88 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
lui concéda de vastes domaines, parmi lesquels se trouvèrent
les terres enlevées à Geoffroy du Mesnil-Mauger.
M. Léopold Delisle, dans une brochure intitulée Fi ag-
ments de Chistoire de Gonesse , a esquissé d'une manière
fort intéressante l'histoire du Mesnil-Mauger, pendant le
commencement du XIIIe siècle. Pierre deTillay n'eut qu'une
fille , nommée Héloïse, qu'il maria à un chevalier du voisi-
nage de Gonesse, Eudes de Trembley , qui dès 1225 avait
hérité des terres de sa femme. On trouve encore la famille
du Tremblay au Mesnil-Mauger en 1290. Je n'ai pu dé-
couvrir les noms des seigneurs du Mesnil-Mauger aux XIVe ,
XVe et XVIe siècles.
En 1646 , noble seigneur messire Jean de La Flèche, che-
valier, gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi , était
seigneur de Grisy , Thiéville, Bretteville, Don ville, Quesnay,
Escures, Viette , Mesnil-Mauger et Écajeul. Il est probable
qu'il ne résidait pas sur la paroisse du Mesnil-Mauger, car
ou lit sur le poinçon de la flèche de l'église :
IAY . ESTE . DONNEE . PAR .
Bf . IEAN .DE LA . FLECHE
Cr . Sr . DE GR1S1 ETC.
Des actes de 1759 et 1778 portent le nom de messire
Pierre Fergant , écuyer , conseiller du Roi et son auditeur
en la Chambre des comptes , aides et finances de Normandie,
seigneur du fief de Vaux, patron présentateur de Querville ,
seigneur honoraire du Mesnil-Mauger, des fiefs du Coin ,
Capomesnil, Vieux-Manchon et autres lieux.
Le Coin et Capomesnil sont situés au Mesnil-Mauger.
Henry de Mannoury, chevalier, dont il a été question
précédemment, était seigneur du Coin en 1555. Le manoir,
situé loin de l'église , a subi depuis , quelques mutilations ;
il avait été construit au XVIe siècle , et j'ai eu le
GANTOIS DE MËZIDON. Z|89
plaisir d'y conduire M. Parker, Mme Parker et d'autres
antiquaires.
Ce manoir , qui est construit en bois en grande partie , a
été figuré dans le Bulletin monumental, t. XV1H , p. 629.
Il est garni de fossés pleins d'eau et offre encore beaucoup
d'intérêt.
Capomesnil , ou Carouges , appartenait probablement à
Thomas et Jehan de Carouges , cités parmi les hommes
d'armes qui devaient garder la forteresse de Ste-Barbe
en 1411.
M. Louis Du Bois, dans son Histoire de Lisieux, a cherché
à rendre ce lieu célèbre en l'indiquant comme le théâtre
du viol de Marguerite de ïhibouville , femme de Jean de
Carouges, qui donna lieu à un duel judiciaire rapporté
par les chroniqueurs sous la date de 1386. Mais, au con-
traire, Froissart affirme que cette action se passa « en
« un chastel sur les marches du Perche et d'Alençon ; le-
« quel chastel on nomme , ce m'est avis , Argenteuil. »
Le château de Carouges est en partie détruit. L'exploi-
tation du domaine occupe seulement des bâtiments qui en
dépendaient.
Médaille celtique. — En faisant les terrassements du
chemin de fer, on a trouvé, non loin du carrefour des Forges,
une médaille celtique en or que j'ai achetée des ouvriers;
c'est un quart de statère , figuré par M. Éd. Lambert dans
son ouvrage sur la Numismatique gauloise, seconde partie,
pi. III, fig. 2. Le poids de cette monnaie est de 39 grammes.
Je ne serais pas surpris qu'on eût trouvé autre chose dans
le même lieu, car c'est le hasard qui m'a fait acquérir cette
médaille.
490 STATISTIQUE MONUMENTALE 1)1 CALVADOS.
PEUCY.
Pcrc'y , Perceium , Perceum , Percheum.
L'église de Percy présente un type très-simple et assez
élégant d'église rurale du [ XIJP siècle ; elle a , sous ce
rapport , intéressé tous les architectes et les antiquaires
auxquels je l'ai montrée, notamment M. Parker, d'Oxford;
M. Verdier, architecte du gouvernement, et M. A. de Blois, de
Quimper, président de la Société archéologique du Finistère.
Cette église se compose d'une nef et d'un chœur du
premier style ogival , au point de jonction desquels une
tour a été édifiée au XVIe siècle.
La façade occidentale de la nef offre aujourd'hui une porte
en ogive dont l'archivolte , ornée de cannelures profilées
comme au XIIIe siècle, repose de chaque côté sur une co-
lonnette à chapiteau garni de feuilles ; une lancette bouchée
occupe le centre du fronton au-dessus de la porte.
Du côté du nord , les murs latéraux sont couronnés d'une
corniche taillée en biseau portant, en guise de modillons, des
têtes de clous et autres figures ordinaires sur les monu-
ments du XIIIe siècle. Des dents de scie garnissant d'autres
parties de la corniche.
Le chœur est terminé par un chevet droit, percé de trois
lancettes inégales, selon la disposition assez habituelle au
XIIIe siècle dans le département : chacun des murs latéraux
du chœur est aussi percé de trois lanceurs Une sacristie
moderne est appliquée sur le mur latéral iimd, à proxi-
mité du sanctuaire.
La tour, très-lourde, est centrale, comme je l'ai dit,
terminée en bâtière et probablement du XVIe siècle ; mais
la base qui la supporte date du temps de l'église. Une cha-
pelle appliquée au sud , entre chœur et 'nef , porte les ca-
ractères du XVe ou du XVIe siècle ; les arceaux de la voûte
CAYTO-N DE MÊZIDOP. 491
sont prismatiques et présentent au point de croisement,
des écussons sans armoiries. C'était , selon toute apparence ,
une chapelle seigneuriale.
L'église avait une voûte en bois ornée de peintures ap-
pliquées; mais, depuis quelques années, on a plâtré cette jolie
voûte du chœur et refait celle de la nef en bois neuf.
On a aussi empâté sous le badigeon les moulures très-
fines qui décoraient le poinçon de la voûte du chœur et qui
peut-être dataient du XIIIe siècle, ce qui serait d'autant
plus remarquable que les boiseries sculptées de cette époque
sont bien rares.
M. Pépin a lu ainsi qu'il suit l'inscription de la cloche :
^jp^ L'AN 1786 IAY ÉTÉ BÉNIR ET NOMMÉ K JENEVIBYB PAR M,re JEAN
BAPTISTE LE CBHIST CHANOINE RÉGULIER
fl^T5, DE LA CONGRÉGATION DE FRANCE, PRIEUR DE Slc BARBE EN AIGE
ET VISITEUR DE SON ORDRE ET NOBLE DAME
fâj^ JEHKViÈVE ALEXANDRINS HENRIETTE DUPARC ROZEY PATRONNE DB
PLAIN VILLE. — PASTORE DNO ANTONIO REMIGIO
0^§?* NOUVELET CANON1CO REGULARB CONGRF-GATION1S GALLICANE
L\ VILLETTE DE LISIE» X M* A FAITE.
On conserve au presbytère une croix en bois entourée
d'une lame de cuivre et ornée de dessins ; elle a été trouvée
derrière le chœur.
On conserve aussi au presbytère un bas relief, en albâtre,
trouvé dans l'église et que M. Pépin a dessiné. Il représente
Jésus-Christ en croix. Deux anges reçoivent dans des coupes
le, précieux sang qui sort des mains.
Deux autres anges, au bas de la croix, reçoivent dans un
calice le sang qui s'écoule des pieds.
L'église de Percy est sous l'invocation de saint Gênais.
L'abbaye de Sl"-Barbe nommait à la cure. La paroisse faisait
partie du diocèse de Séez.
Château. — Tout près et à l'ouest de l'église , on voit le
M>2 STATISTIQUE .M0NU.M1-MALL L>1 CALVADOS.
château de Percy, ancienne maison seigneuriale, qui con-
serve encore un certain caractère par son architecture, de la
fin du XVIe siècle ou du commence-
ment du XVIIe. Le toit est encore cou-
ronné de deux épis assez remarquables.
Voie romaine. — Le chemin haussé,
signalé par M. Le Grand comme ve-
nant de Vendeuvre par Escures , et que
j'ai moi-même exploré plusieurs fois,
passe au milieu de la rue de Percy et
au pied du chevet de l'église, On a
trouvé à plusieurs reprises , sur le bord
de cette ancienne voie , des tombeaux
dont quelques-uns renfermaient des
armes ( sabres ) que je n'ai pas vues. Il
y a lieu de penser que ces sépultures
pouvaient remonter à l'époque carlo-
vingienne ou mérovingienne.
SAINTE-MARIE-AUX-ANGLAIS.
Ste-Marie-aux-Anglais, Sancta Maria Angtica.
L'église de Ste-Marie est, sans contredit , une des mieux
conservées et des plus curieuses de l'ancien diocèse de
Lisieux. Le chœur et la nef appartenaient en entier au
style roman et n'ont subi presque aucune altération depuis
leur origine. Le plan , conforme à celui d'un grand nombre
d'églises rurales, présente deux corps allongés : l'un (le
chœur) plus étroit que l'autre et moins long, tous deux
terminés par un mur droit. La sacristie , appuyée sur le
chevet , est , en effet , une addition très-moderne et d'une
construction fort différente du reste.
La façade occidentale de la nef présente une porte ro-
CANTON DE MÉZ1DON.
/j9/l STATISTIQUE MOAUM EttT&MS J>U CALVADOS.
mane dont l'archivolte est ornée de zig-zag multiples. Au-
dessus , trois fenêtres cintrées, sans colonnes ni moulures ,
occupent le diamètre de la façade.
Des fenêtres de même forme et de petite dimension se
voient dans les murs latéraux.
Le chœur est voûté en pierre.
Dans la nef, les planches en merrain qui forment le
contour apparent de la voûte ont été couvertes de pein-
tures, faites vraisemblablement à l'aide d'un canon , suivant
le procédé que j'ai indiqué dans mon Abécédaire d'ar-
chéologie , p. 657 de la W édition.
MIL
Si
t
ne
b.
2
l
Il r *
A i r
i 1 I
•Si
1
1
V. Petit do
ORNEMENTS PEINTS SUR LA VOUTE EN MERRAIN, A SAINTE-MAR
La disposition des charpentes de la nef est indiquée dans
l'esquisse ci -jointe.
CANTON bL MÉZIDOV,
495
COUPE DE LA CHARPENTE l>E LA NEK.
Celle du chœur, au-dessus des voûtes en pierre, par
cette autre coupe.
Dans le petit clocher en hois couvert d'ardoise , élevé
/l96 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
entre chœur et nef, existe une cloche qui a été nommée ,
au siècle dernier , par Choron , seigneur de la paroisse ;
c'était le père de l'illustre musicien Choron , qui est né à
Caen en 1771.
Dans le mur latéral du nord qui fait face à l'ancien manoir
et se trouve du côté du chemin, existe une porte très-
élégante, dont l'archivolte porte des tores conduits en zig-
zag et dessinant des losanges. Sur les pierres qui forment le
V. Petit Jel,
tympan de cette entrée on lit, en caractères majuscules go-
thiques , les mots suivants : -\- JJtfrra • iWtU'l • U. Le
même prénom, écrit en lettres absolument de même forme,
CANTON DE MÊZlÛOa* M) 7
{ piftTfô \ se trouve gravé sur le larmier qui surmonte
te chapiteau d'une des colonnes de la porte occidentale;
cette écriture paraît au moins du XIVe siècle.
Les modillons sont très-bien conservés et tout est intact du
côté du nord ; du côté du sud , on a refait deux fenêtres vers
la fin du XVe siècle : l'une dans la nef, l'autre dans le chœur.
Ce dernier offre, du même côté (sud), une porte cintrée sans
moulures, sauf pourtant la pierre formant la clef de la voûte
sur laquelle on voit une espèce de palmette perlée.
L'intérieur de l'église présente plusieurs genres d'intérêt.
D'abord , les chapiteaux des colonnes ont tous une forme
élégante et une décoration végétale annonçant le XIIe siècle ;
le tailloir qui les surmonte est , dans le chœur , orné d'une
frette élégante en zig-zag. L'arcade entre chœur et nef est
en arc brisé et dénote, comme les chapiteaux , l'époque de
transition.
Les fresques qui décoraient les murs attirent à juste titre
l'attention de l'observateur; elles ont été, comme partout,
couvertes d'une épaisse couche de chaux étendue par un bar-
bouilleur de village, dont le pinceau paraît avoir été un balai ;
mais quelques parties de cet enduit sont détachées ; d'autres
ont été enlevées par les curieux , et l'on a pu reconnaître que
toute l'église était peinte à la détrempe et présentait une
suite de sujets. Les couleurs dominantes de ces figures sont,
d'abord le rouge d'ocre, puis le jaune ; le bleu se voit
aussi dans quelques parties. Ce qui m'a paru remarquable,
c'est la simplicité du travail qui ne consiste guère , pour
quelques personnages, que dans une esquisse, et qui pour-
tant produit un certain effet.
Nous sommes parvenus, M. Pelfresnc , M. Victor Petit,
II. Renault et moi , à faire tomber la plus grande partie
de l'épais badigeon qui recouvrait les fresques que j'avais
'62
698 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
précédemment signalées dans Je chœur. — Nous avons pu
reconnaître , sur le mur du côté de l'évangile, la représenta-
tion delà Cène, et sur le mur faisant face à l'autel, au-dessus
de l'arc triomphal, le Christ et deux autres personnages.
Quoique classée au nombre des monuments historiques ,
l'église de Ste-Marie-aux-Anglais était très-compromise ; et sans
les travaux qui y ont été faits et que l'on doit au dévouement
de M. Billon et de M. de La Porte , propriétaire du château
voisin , travaux auxquels a pris part aussi la Société française
d'archéologie, un craquement considérable qui s'est manifesté
dans les murs latéraux du sanctuaire aurait fait des progrès
effrayants (1) ; nous espérons que le tirant qui a été établi
arrêtera le progrès du mal. Il reste encore des réparations
à faire.
Deux statues tumulaires se voient du côté de l'évangile ,
sous deux arcades qui semblent avoir été pratiquées après
coup dans l'épaisseur du mur ; ces statues me paraissent du
XIIIe siècle , et je n'ai aucuns renseignements sur les sei-
gneurs qu'elles représentent ; mais ce sont des seigneurs de
la paroisse. L'une offre l'image d'un guerrier vêtu de sa
cotte de mailles et de sa cotte d'armes , les jambes également
maillées , les pieds éperonnés. Il porte suspendu , à gauche ,
son écu de forme aiguë par le bas , et son glaive à deux
tranchants. Les mains sont croisées sur la poitrine ; des anges
supportent le coussin sur lequel repose la tête ; un lion est
sous les pieds.
L'autre statue est celle d'une femme, probablement l'épouse
de ce guerrier; elle porte , au-dessus de la cotte hardie, un
(1) La Société a contribué aux frais pour 200 fr. Mais M. de La
Porte a fourni une somme beaucoup plus considérable pour l'accom-
plissement de ces travaux : la Société française d'archéologie lui a voté
des remercîments.
CANTOxN DE MÊZIDON.
Z|99
V. Petit del.
LES DEUX STATIES TOMBALES DE LÏ.r.I.ISF. DE UIHTWUMI-AW-J Nf.L M S.
500 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
surcot sans manches et fendu par devant. La main gauche
tomhe le long de la taille et paraît tenir un mouchoir ou un
gant ; l'autre bras est ployé et repose sur la poitrine. Cette
statue est plus grossière que la précédente , elle dénote un
ciseau moins exercé.
Deux autels existent à droite et à gauche de l'entrée du
chœur, ils sont en pierre. L'un d'eux a son conlre-rétable
orné d'un tableau, donné en 1574 par Jacques Louvet.
Manoir, — Au nord de l'église est un manoir, dont le côté
droit est très-élégant, offrant au centre une tourelle à pans
servant d'escalier et des fenêtres à croisées de pierre. Ce
manoir, auquel la rivière deViette pouvait servir de défense
d'un côté, a appartenu à plusieurs familles ; il était, en dernier
lieu , la propriété des héritiers de Mme de Séligny , desquels
M. de La Porte , de Lisieux , membre de l'Association nor-
mande , doit l'avoir acheté.
On distingue sur la porte d'entrée de la tourelle un écusson
mutilé. Les salles du rez-de-chaussée ont été peintes au com-
mencement du XVIIIe siècle. M. Bouet a dessiné quelques
écussons, plus ou moins effacés, à l'intérieur du château.
La pièce au sommet de la tour a été pavée en briques
émaillées.
Sur l'appui d'une des lucarnes de la partie moderne du
château on a replacé cette devise , en caractères gothiques :
lliuj bon luntloir
L'esquisse (page 501) donne une idée de l'extérieur de
ce manoir, du côté le plus ancien.
CANTON DE MÊZIDON.
501
CHATEAU DE b U ME-MARIE-AlX-ANGLAIS
(Appartenant aujourd'hui à M. de La Porte).
502 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
DOUX-xMAKAIS.
Doux-Marais , Odonis Mariscvs , Dulcis Mariscus.
L'église de Doux-Marais n'a pas d'intérêt archilectonique ;
elle est de forme rectangulaire ; toutes les fenêtres sont mo-
dernes et carrées ; la porte occidentale est cintrée ; les murs
ont été enduits de mortier et l'appareil n'est pas facile à
étudier; quelques contreforts montrent que la maçonnerie
date de l'ère ogivale : à l'ouest , ils sont appliqués sur les
angles , ce qui annoncerait le XVe siècle.
La tour en bois est terminée par une flèche à six pans
couverte d'ardoise, que couronne une croix fleurdelisée.
L'inscription de la cloche est ainsi conçue, d'après la
copie de M. Pépin :
L'AN 1773 1AY ÉTÉ BÉNITE PAR ANDRE DESGENETTES CVRÉ DV
DOVX MARAIS ET NOMMEE BARBE MARIE
MAGDELAINE PAR GILLES GABRIEL DE LA ROCQIE DE BVTANVAL
CHEVALIER SEIGNEVR ET PATRON HONORAIRE
fîTj?^ DV DOVX MARAIS, DE BERNIÈRES , V1ETTE , GRESTAIN ET AVTRES
LIEVX, CONSEILLER DU ROY, RECEVEUR ANCIEN
0^1=^ ET ALTERNATIF DES TAILLES DE l/ ÉLECTION DE PONTEAVDEMER.
BAUBE MARIE MAGDELAINE DE LA ROCQVE
EPOVSE DE MESSIRE PAVL HENRY DE PCLLEGATS ÉCVYER SEIGNEVR
DE LA RIVIÈRE , LIEVTENANT DE NOS
SEIGNEVRS LES MARÉCHAVX DE FRANCE.
LAVILLETTE A LIS1EVX.
L'église est voûtée en bois. Le tabernacle est orné de
statuettes assez bien exécutées.
Cette église , qui est supprimée , mais entretenue en assez
bon état, était sous l'invocation de Notre-Dame. L'abbaye
de Ste-Barbe nommait à la cure.
CANTON DE MÉZ1DON, 503
LES âUTHIEUX-PAPION.
Les Authieux-Papion , Altaria Papion, Altaria Papionù,
L'église des Authieux se compose d'un chœur rectangu-
laire, en retrait sur la nef.
Les fenêtres ogives qui éclairent le chœur , au nombre de
deux de chaque côté , sont peu caractérisées.
Dans la nef, on remarque, à l'ouest, la porte d'entrée dont
l'archivolte est ornée de petits fleurons crucifères qui, ordi-
nairement, caractérisent le XIIIe siècle ; mais, en examinant
les colonneltes grêles qui supportent cette archivolte , on
est porté à l'attribuer plutôt au XIVe siècle. C'est donc à
cette époque que l'on pourrait rapporter l'ensemble de
l'édifice, abstraction faite des modifications qu'il a dû subir :
ainsi , on remarque au nord une ouverture en accolade,
évidemment postérieure, et des fenêtres en forme de meur-
trière rectangulaire. Des portions considérables de murs ont
été refaites.
La tour s'élève entre chœur et nef; elle est en bois et
appartient au type commun du pays , c'est un carré terminé
par une pyramide couverte en essente.
Au dessus de la porte occidentale , le fronton triangulaire
est percé de deux petites fenêtres ogivales qui éclairaient la
nef, à la hauteur des lambris qui formaient la voûte.
Sons un enfeu creusé dans le mur du chœur , au nord, ou
lit l'inscription suivante en caractères gothiques :
Cv btvawt repose le corps be noble ljome Seljan be la tJarenbe escuier en
son nioant seigneur bubit lieu be la tiarrubc be Sassie et flonncauoille patron
be reste église lequel eu la conbugte et faietz be guerre bont a eu charge
continuelle en son oivant soubz nostre sire le lio£ (Cljarle septième lequel
trespassa lan mil itij cens Ixiiij le v111' jour be juillet, juriez Dieu pour luv
pater nr are maria.
504 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Dans une des fenêtres , près de cette arcade , est un
blason d'argent à la bande d'azur au chef du même.
Le maître -autel , avec parement d'étoffe et haut rétable ,
date du règne de Louis XIV. Mais dessous se trouve con-
servée l'ancienne table de pierre , posée sur trois piliers ,
probablement du XVe siècle. Elle n'était point adossée au mur
du chevet.
L'if du cimetière a 2 mètres de circonférence dans sa
partie moyenne.
Cette paroisse tire son surnom d'une famille normande.
Dans une charte sans date, probablement de la fin du XIIe
siècle , Hugues Papion donne à Ste-Barbe et à Grestain des
terres de son domaine de Doux-Marais.
En 1463 , Jean Le Bouteiller était seigneur des Authieux ,
et dans le cours du XVIIe siècle, les Leprevost de Coupesarle
comptèrent cette seigneurie au nombre de leurs possessions.
La paroisse des Authieux faisait partie de l'élection de Fa-
laise, sergenterie de St-Pierre-sur-Dives, et comprenait, au
XVIIIe siècle, 69 feux, environ 340 habitants. La population
a diminué de plus des deux tiers.
L'église des Authieux est sous l'invocation de saint Phil-
bert. Le pouillé deLisieux indique les seigneurs de la Varende
comme nommant à la cure au XIVe et au XVIIIe siècle.
Manoir, près l'église. — Dans l'herbage situé au nord de
l'église on voit les restes d'un manoir : le puits avec mar-
gelle cylindrique en bois , couronné d'un toit conique, méri-
terait d'être dessiué, car chaque jour voit disparaître quel-
ques-uns de ces accessoires de nos puits du XVIe et du
XVIIe siècle.
CANTON DK MÉZIDON. 505
GRANDCHAMP.
Grandchamp , Grandas Campus.
L'église de Grandchamp est peu importante, mais elle est
bien entretenue aux frais de M. le comte de Montault , pro-
priétaire du beau domaine et de l'important château qui
l'avoisinent.
Les parties les plus anciennes peuvent être rapportées au
XYIC siècle. C'est au moins ce que j'induis delà forme d'ac-
colade qu'affectent deux fenêtres qui subsistent du côté du
nord et une autre du côté du sud , dans les murs de la nef.
Le chœur, en retrait sur la nef, a des fenêtres rondes qui
annoncent le XVIIe siècle au plus : il se termine par un hé-
micycle tronqué , probablement parce que la route n'a pas
permis de donner au demi-cercle son développement normal.
Diverses reprises modernes ont été faites aux murs, et la
façade occidentale porte sa date :
RETABLIE
PAR LES
GERBLINS
EN 1762.
Si tous les maçons avaient pris la peine de graver ainsi
leurs noms et la date de leurs travaux , ils nous auraient
rendu de véritables services.
La tour en bois , de la forme de celles que nous avons
citées dans les églises précédentes, est établie entre chœur
et nef, à l'extrémité de celle-ci.
Cette église est sous l'invocation de saint André. Le sei-
gneur nommait à la cure.
Château. — Le château de Gr.tnehamp est un des plus
506 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS,
remarquables et des plus considérables de la contrée. Il est
précédé d'une grande cour entourée de bâtiments; un vaste
jardin rectangulaire s'étend en arrière , et toute l'enceinte
était garnie de murs et de fossés alimentés par une déri-
vation de la Vie, qui coule tout près de là dans la prairie.
Le château proprement dit se compose de deux parties
très-distinctes : la plus ancienne , qui doit dater de la deuxième
moitié du XVIe siècle (je suppose qu'il existe quelques
dates gravées que malheureusement je n'ai pas eu le temps
de rechercher ), se compose d'un gros pavillon à toit très-
élevé, flanqué, du côté du jardin, de deux tours carrées en
saillie , d'un effet très-pittoresque par leurs quatre étages en
retrait les uns sur les autres , et par leur toit en forme de
clocher couronné d'une petite lanterne. Tout cet ensemble
est bâti en bois, avec remplis de tuiles ou de briques dont la
teinte chaude tranche sur les pièces de bois qui les encadrent.
La seconde partie est une longue façade construite en pierre
et en brique sous le règne de Louis XIV , d'après son
style , et que l'on a élevée sur la même ligne que le pa-
villon dont nous venons de parler. Des arcades cintrées,
du côté du jardin , occupent le rez-de-chaussée. Le premier
étage est éclairé par une suite de grandes fenêtres à linteau
surbaissé.
D'élégantes lucarnes , de hauteur inégale et offrant alter-
nativement des ouvertures carrées et un œil-de-bœuf, dissi-
mulent la nudité du toit et produisent un bon effet.
Je ne suis pas entré dans le château de Grandchamp ,
mais je sais qu'il était décoré , dans quelques-unes de ses
parties, de boiseries assez intéressantes pour que M. le comte
de Montault ait voulu en orner un château qu'il fait con-
struire dans l'Orne , où il les a fait transporter ; il est pro-
bable qu'il reste encore quelques décorations , c'est ce que je
me propose de vérifier.
CANTON DE MÉZIDON. 507
Le bâtiment qui était près de l'entrée principale de la cour
est flanqué d'une jolie tourelle cylindrique, avec lanterne qui
produit un charmant effet vue d'un certain côté : je sup-
pose qu'une horloge occupait l'étage supérieur. Des pavillons
existent aux deux angles du jardin qui font face au château.
En somme , nous trouvons à Grandchamp un des grands
châteaux de la fin du XVIe et du XVIIe siècle , sans aucune
des transformations qui rendent méconnaissables tant de
châteaux de cette époque.
D'après les recherches de M. Charles Vasseur, au XIVe
siècle, Jean Barate était seigneur de Grandchamp. En 1663,
Montfaut y trouva Jeand'Anesy. Aux XVII* et XVIIIe siècles,
Grandchamp appartenait, comme le marquisat de St-Julien-
le-Faucon , à la famille Le Prévost, anoblie en 1566. C'est
à un membre de cette famille qu'on doit la construction du
château, ou au moins d'une grande partie du château , qui
devint la demeure habituelle des marquis de Saint-Julien.
Noble seigneur messire Raoul Tenneguy Le Prévost,
seigneur et marquis de St-Julien le-Faucon , seigneur et
patron de Grandchamp , Mesnil-Simon , Coupesarte et autres
lieux , lieutenant pour le roi au gouvernement de Normandie,
chevalier de l'ordre royal et militaire de St-Louis , épousa
Marie-Charlotte-Josèphe-ÉIéonore de Cunighem , dame de
Caracourt. Il n'en eut point de descendants mâles, mais
seulement une fdle, Marie-Henriette-Suzanne-Perrine Le
Prévost , mariée à messire Armand de Montault , chevalier ,
seigneur, baron et châtelain de Quinzac , capitaine au ré-
giment de Royal-Piémont et lieutenant du Roy au gouver-
nement de Normandie , qui devint ainsi, vers 1769, pro-
priétaire de la seigneurie de Grandchamp.
Le château et le beau domaine de Grandchamp appar-
tiennent à son petit-fils , M. le comte de Montault , membre
de la Société française d'archéologie; mais il est inhabité
depuis longtemps.
508 STATISTIQUE MONUMENTALE DL CALVADOS.
Grandchamp faisait partie de l'élection de Pont -PÉvêque et
de la sergenterie de St-Julien-le-Faucon ; on y comptait
2 feux privilégiés et 50 feux taillables , c'est-à-dire environ
260 habitants ; on en compte aujourd'hui 15G.
SA1M-.IILI EN-LE-FAUCON.
St-Julien-Ie Faucon , Sanctus Julianus de Foulcon ,
Sanctus Julianus de Fulcone.
Le bourg de St-Julien est situé dans une charmante vallée
dont les herbages constituent toute la richesse. Au fond de
cette vallée coule la Vie. Le chemin de grande communi-
cation de Lisieux à St-Pierre-sur-Dives traverse St-Julien.
L'église , placée sur le bord de la roule , à quelque dis-
tance du bourg , est dépourvue de tout intérêt.
Le chœur et la nef sont de la même largeur. L'appareil
des murs, en cailloulis, et l'absence des contreforts qui ap-
paraissent seulement au chevet, lequel date du XVIe siècle,
portent à croire que cette église était primitivement romane.
Les fenêtres de la nef et celles du chœur ( côté nord ) sont
sans caractère. Le mur méridional du chœur montre une fe-
nêtre carrée , à moulures prismatiques , du XVIe siècle , et
une petite fenêtre surmontée d'une ogive en accolade , de la
même époque que la précédente. Le chevet , qui est droit ,
était percé d'une large fenêtre flamboyante, surmontée d'un
oculus.
Le portail, reconstruit au XVIIIe siècle, est surmonté d'un
clocher en charpente recouvert en essente. La porte prin-
cipale, voûtée en arc surbaissé, porte la date 1772.
Dans le chœur , on voit une statue de saint Julien, évêque
et patron de la paroisse ; un saint Eutrope ; la Sainte-Vierge
tenant dans ses bras l'enfant Jésus.
CANTON DE MÊZtDON. 589
Dans la nef, saint Michel foulant aux pieds un dragon.
Le retable du maître-autel est orné d'un joli tableau
moderne, donné par M. Guizot.
Le seigneur nommait à la cure.
Ancienne chasuble. — Parmi les ornements religieux on
montre une ancienne chasuble , à personnages , qui date de
la fin du XVe ou du XVIe siècle. Ces personnages sont repré-
sentés sous des niches surmontées d'ogives en accolade.
Le devant de cette chasuble est divisé en trois comparti-
ments. Dans le compartiment supérieur est représentée la
Sainte-Vierge tenant dans ses bras l'enfant Jésus. On voit au
centre saint Jean-Baptiste avec un Agnus. Dans le compar-
timent inférieur est placée sainte Catherine. Dans les angles
supérieurs sont représentés deux faucons.
Au dos de la chasuble apparaît une croix sur laquelle est
étendu le Christ. Des anges reçoivent le précieux sang dans
des calices. Dans la partie supérieure de la croix paraît
le Père éternel. Le Saint-Esprit, sous la forme d'une colombe,
est placé sur sa poitrine. Sainte Magdelai ne est prosternée au
pied de la croix qu'elle tient embrassée. Dans le compar-
timent inférieur on voit saint Julien, évêque. Quatre faucons,
insignes de la paroisse, sont placés aux quatre angles.
St-Julien-lc- Faucon avait pour patron laïque, au XIV"
siècle , Foulque du Merle ( Fulco de Merida), probablement
Foulques du Merle , maréchal de France (1295-1314 ) ; aux
XVIP et XVIIIe siècles , la seigneurie appartenait , comme
nous l'avons dit, à la famille Le Prévost.
Celte paroisse comptait , avant la Révolution , 2 feux pri-
vilégiés et 33 feux taillables.
Le sieur de Grandchamp , « advocat général en la Cour
des Aides de Rouen , obtint du roy Louis XIV des lettres ,
datées de La Fère -juillet 1657), pour lu confirmation d'une
510 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS»
foire de St-Julien-le-Faucon pour être tenue le 15 sep-
tembre, au lieu du jour et fête de l'Exaltation de la Sainte-
Croix (1).
f.OUPESARTE.
Coupesarte, Sanctus Ciricus ou Cyricus de Corbesarte,
de Curvaserta ; Courbe-Sartre, Coupe-Sartre, CoupeSarte,
Coupsartre.
L'église de Coupesarte s'élève à 2 kilomètres environ de
St-Julien, sur le bord du chemin de grande communication
qui relie ce bourg à celui de Livarot.
La construction de cette église remonte au XIIIe siècle.
Les murs étaient primitivement percés de fenêtres en lan-
cette, avec large chanfrein. Presque toutes ces ouvertures ont
été élargies et défigurées. Un chevet droit , percé de trois fe-
nêtres en lancette bien conservées, termine le chœur à
l'orient. Le portail a été modernisé.
L'inscription de la cloche a été lue et relevée ainsi qu'il
suit par M. Pannier :
IAï ÉTÉ BENIE PAR Me FRANÇOIS LECAMVS CVRÉ DE CE LIEV ET NOMMÉE
MARIE PAR MRSSIRE LOVIS ANTOINE LEPREVOST CHr SEIGr ET PATRON DE
COVPSARTE ET DE BOQVENSEÎ SEIGr ET PATRON HAVT IVSTICIER d'aNBLIE
ET DE P1ERREPONT ASSISTÉ DE NOBLE D*MB MARIE MAGDELAINE DE LA
LVSERNE SON EPOVSE. 4722.
IONCHON ME FECIT.
Le diamètre de celte cloche est de 77 centimètres.
Au milieu du chœur sont trois dalles sépulcrales qui re-
couvrent, dit-on, les dépouilles mortelles d'une même fa-
mille.
(1) Mémorial de la Chambre des Comptes de Normandie. Note
communiquée par M. de Beaurepairo, archiviste de la Seine-Inférieure.
CANTON DÉ MÉZ1DON. 511
Dans le sanctuaire, à gauche de l'autel, se trouve une autre
pierre tombale, également sans inscription.
Du côté de l'épître sont deux autres pierres tombales, cou-
vertes d'inscriptions gothiques. Sur l'une de ces pierres est
représenté un personnage. Elle porte la date MCCCCLIV
( \m ).
Au mur méridional du chœur est appendu un ancien ta-
bleau , portant la date 1621. Ce tableau, qui faisait partie
d'une ancienne bannière , représente , d'un côté , la Sainte-
Vierge ; de l'autre, sainte Judith et saint Cyr, second patron
de la paroisse. ( Le premier patron est saint Hermès. )
Sur le mur opposé on lit l'inscription obituaire suivante ,
dont M. Pannier a bien voulu m'envoyer la copie :
l'an. 4 651. LE. 7. IOVP. DE.
NOVEMBRE. IRAN. GASTEBLÉ.
A. FONDÉ. EN. CETE. EGLIZE.
6. GRANDE. MESSE. AVEC. DF.VX.
OFFICE. DES. DEFVNCTS. A.
CELEBRER. LE. PREMIER. MERCRE-
DY. DAPRES. LA. FESTE. DE. TOVS
SAINCT. ET. LE. 13. AOVST. 1605
IOVR. DE. SON. DECEDS. AVEC. VN
LIBERA. TOVS. LES. DIMANCHE.
DE. LANNÉE. TOVT. A. LA. PLV>.
GRANDE. CLOIEE. DE. DIEV. ET.
AV. SALVT. DE. SON. AME.
AINSV. SOIT. II..
On remarque, dans la nef, un ancien groupe, en pierre (une
Nolre-Dame-de-Pitié) provenant du manoir de Coupesarte.
La voûte du chœur et celle de la nef sont en lambris, avec
extraits et poinçons. Sur l'entrait placé dans le chœur on re-
marque deux écussons armoriés.
L'église est sous l'invocation de saint Cyr. Le patronage de
Coupesarte appartenait aux Mathurins de Lisieux.
51*2 STATISTIQUE MOIS l ME VI A U DU C.ALVAUOS
D'après les recherches de M. Vasseur, le patronage leur fut
donné en 1207, en même temps que les deux tiers des grosses
dîmes et un herbage, par Guillaume de Coupesarte. Son fils,
Robert, souscrivit à la charte de donation, qui fut confirmée
par les souverains pontifes et les évêques de Lisieux. ( Voyez
à ce sujet la notice sur la Maison-Dieu de Lisieux, par
M. Vasseur, publiée dans le Bulletin monumental , t. XXX ,
p. 113.)
Bocquencey est un fief situé sur le territoire de Coupesarte.
Il y avait encore la Varende et Castillon , donnés par Robert
de Lamberville à la Maison-Dieu de Lisieux.
En 1566, nous apprend M. Ch. Vasseur, Nicolas de Maduel,
sieur de Chus, né à Coupesarte, obtint le privilège de lever
la fierté de saint Romain. 11 avait tué Me Pierre Le Sauvage ,
avocat à Pont-1'Évéque , souche des seigneurs du Chesne
de ce nom , qui lui avait intenté des procès ruineux ( V.
Floquct, Privilège de saint Romain, t. Il, p. 625). Aux
XVIIe et XVIIIe siècles, la famille Le Prévost devint pro-
priétaire de Coupesarte , des Authieux , du Doux-Marais ,
etc. ; mais son principal établissement fut à St-Julien-le-
Faucon.
Manoir de Coupesarte. — Près de l'église existe un beau
manoir, composé de deux bâtiments formant équerre. Ces
bâtiments, construits en bois , avec briques entre les colom-
bages , sont entourés de fossés remplis d'eau.
Coupesarte appartenait au doyenné du Mesnil-Mauger. Il
était de l'élection de Falaise et de la sergenterie de St-Pierre-
sur-Dive. On y comptait 48 feux (environ 240 habitants). Il
n'y a que 105 habitants aujourd'hui.
CANTON HE MÉZiDON. 513
CASTILLON.
Castillon , Castitlio.
Ce nom semblerait indiquer qu'un campement, une en-
ceinte fortifiée existait sur les hauteurs boisées qui occupent
une partie de la paroisse. Les personnes que j'ai interrogées,
à ce sujet, ont fini par trouver les retranchements que je
supposais exister : je n'ai pu encore en lever le plan.
L'église de Castillon est peu intéressante ; elle se compose
d'un chœur à chevet droit , sans ouvertures. Les fenêtres
sont carrées et modernes dans le chœur et dans la nef ; le
portail est moderne , à plein-cintre ; mais quelques parties
des murs peuvent dater du moyen -âge.
Le clocher est moderne, couvert en ardoise et couronné
dune flèche à six pans. Il renferme deux cloches : la plus
grosse porte l'inscription suivante :
j'Ai ÉTÉ BENITE PAK Me JEAN BAPTISTE DE LA HAYE CURÉ DE CE LIEU
KT NOMMÉE MARIE CHARLOTTE PAR MESSIRE CHARLES ROSÉE DINFREYI I.I.E
SGr ET PATRON DE LIEL'RY, TOTES , LAMOTTE ET MONTCHAMP, ASSISTÉ DE
NOBLE DAME MARIE ANNE VICTOIRE DE BERVILLE EPOUSE DE MESSIRE JEAN
ALEXANDRE DLNOT DE SAINT MACLOU CHEVALIER BARON DE VIEUX PONT
SGr DE CASTILLON , HOULBEC ET GRANDVAL, CHEVALIER DE I.\>RDRE ROYAL
ET MILITAIRE DE S* LOUIS.
ALEXIS LAVILLETTE DE LISIEUX MA FAITE EN 1776.
La seconde cloche porte la date 1844.
L'église, sous l'invocation de Notre-Dame , était comprise
dans le doyenné du Mesnil-Mauger. Le patronage appar-
tenait à l'évêque de Lisieux. Il lui avait été donné par Robert
de Castillon, fils Robert, en 1246. Deux ans plus tard,
Nicolas de Castillon , fils du donateur , confirma la charte de
son père ; il vivait encore en 1252.
33
514 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Les évoques ne jouirent pas sans contestation de leur
droit. Il leur fut d'abord disputé par les chanoines du Sé-
pulcre de Caen : on transigea en 1325. Alors le seigneur
laïque revendiqua, àson tour, le droit de présenter à la cure,
malgré la donation formelle de son prédécesseur. Ce procès
se termina encore par une transaction, en 13^0. L'évêque
accordait à Jean de Villers , son con tendant , la faculté de
présenter à la cure alors vacante , un sujet de son choix ,
nommé Pierre Dufour ; mais à la condition de reconnaître
pour l'avenir le droit du prélat.
On trouve, aux archives du Calvados , trois provisions dé-
livrées en conséquence par les évêques de Lisieux, ou leurs
vicaires, le 18 juin 1359, à Rainulphe Baudouin; le 25
juin 1407, à Jean Bazire ; le 12 janvier 1420, à Philippe de
La Pallu.
Au XVIIIe siècle , les chanoines du Sépulcre firent revivre
leurs prétentions ; mais un arrêt du Parlement de Rouen ,
du 10 mars 1733 , les débouta et maintint dans le bénéfice
Charles Le Maignen , sieur de Houlbec , pourvu par l'évêque
de Lisieux.
En 1463 , Guillaume d'Anisy était seigneur de Castillon.
Le dernier possesseur de ce fief fut Me Jean- Alexandre de
Dunot, baron de Vieux-Pont, né en 1733 à Marie-Galante (1).
(1) V. les notes manuscrites de M. Charles Vasseur sur les anciennes
familles de l'arrondissement de Lisieux.
CANTON DE SAINT-P1ERRE-SUR-DIV1. 515
CANTON DK St-PIERRE-SUK-DIVE.
Le canton de St-Pierre-sur-Dive se compose des 2^ com-
munes suivantes :
Ammeville. St-Marlin-de-Fresnay.
Berviile. Mithois.
Boissey. Montpinçon.
Bretleville-sur-Dive. Montviette.
Carel. Notre- Dame-de-Fresnay.
Donville. Ouville-la-bien-Tournée.
ÉcOtS. ST-PlERRE-SUR-DlVE ( cllt'f-
Garnetot. lieu ).
St-Georges-en-Auge. Thiéville.
Grandmesnil. Tôles.
Hiéville. Vaudeloges.
Lieurey. Vieux-Pont.
S^-Marguerite-de-Viette.
VIEUX-PONT.
Vieux-Pont , Velus Pons.
Je commence ma revue des monuments du canton de
St-Pierre-sur-l)ive par une des églises les plus anciennes et
des plus curieuses du département , celle de Vjeux-Pont-
en-Auge, que j'ai eu le bonheur de signaler le premier, il
y a plus de trente ans.
Cette église présente un des exemples, si rares aujourd'hui,
de cette maçonnerie en petit appareil avec chaînes de briques
qui était partout en usage sous la domination romaine.
Les parties les plus remarquables sont le mur méridional
de la nef et la .façade ; mais il faut distinguer dans celle-ci
516 STATISTIQUE MOiNUMEN TALE 1)1 CALVADOS.
des reprises faites à plusieurs époques : la porte pourrait
avoir été reconstruite au XIe siècle; du côté gauche
de cette porte , l'absence de cordons en briques dans la
scr? oo oooq OpOODi 1
boOoooOQ^-Qoooi
■o ooo o <=>o oooo ' — '
FAÇADE DE L ÉGLISE DE VIEUX-PONT-EN-AUGE.
maçonnerie annonce peut-être une reprise ; la niche pratiquée
au-dessus de la porte doit être du XVIe siècle, et le gable
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-D1VE. 517
a été exhaussé pour donner au toit plus d'inclinaison.
Dans le mur méridional, on voit encore les restes des
fenêtres primitives ; elles étaient étroites, cintrées , sans co-
lonnes, et bordées d'un triple cordon de briques (1). Trois
assises de briques forment les cordons horizontaux placés ,
de distance en distance, dans la maçonnerie de petit appareil ;
ces briques ont environ 15 pouces de longueur et sont sé-
parées par une couche de mortier aussi épaisse que la brique
elle-même.
La nef forme un parallélogramme d'environ tZi mètres sur
8 hors œuvre ; le chœur, plus étroit, peut avoir 8 mètres de
longueur sur 5 de largeur.
La tour est accolée au
chœur , du côté du sud : la
partie basse paraît presque
du même temps que le mur
qui l'avoisine ; mais les bri-
ques employées dans les deux
cordons que l'on y voit sont
un peu plus courtes que les
autres; quelques-unes ne sont
(jue des morceaux retaillés.
Le premier étage de la tour ,
qu'il soit postérieur ou con-
temporain des murs du
chœur, est remarquable par
son appareil ; les pièces qui
garnissent les angles sont plus
grandes que celles du milieu
et à larges joints ; elles encadrent ainsi le revêtement du
(1) Il est fâcheux que, pour se procurer plus de jour , on ait détruit
presque toutes ces fenêtres pour leur substituer des ouvertures in-
formes.
518 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
b±
Cr
ZJZ.
ZJ
s,
^
^un
CANTON DB SAINT-P1ERRE-SUR-DIVE. 5.19
contre, dont les pièces sont beaucoup plus petites; nous
avons vu la même disposition dans l'appareil des églises les
plus anciennes de l'Anjou.
C'est sur le coté de la partie basse de cette tour, exposé
à l'est, que nous avons observé une inscription dont voici
le fac-similé et qui indique un certain Renaud cornu*
auteur de l'édifice ; elle est ainsi conçue :
VII. ID. FEBR. 'MUT
KANOLDVS.
ILLE FVIT ftATVS
DE G EST A FRAN
CORVM. ANI
MA EIVS BRQVI-
ESCAT !\ PACK.
AM. ILLS PBC. 18 1 I*
KCCLKSIA.
Celle inscription , incruslée ainsi dans le revêtement ,
520 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
ne doit pas être à sa place primitive ; mais on ne sait pas
où elle pouvait se trouver d'abord.
A partir du niveau indiqué par la lettre A , la tour de
Vieux-Pont me paraît d'une époque moins ancienne que
l'étage dont je viens de parler ; elle montre d'abord trois
arcades aveugles portées sur des pilastres, et au-dessus une
fenêtre cintrée à colonnettes, subdivisée en deux baies qui
étaient primitivement séparées par une colonne. Le dernier
étage est percé d'une fenêtre cintrée beaucoup moins large
( Voir la figure ). La tour est couronnée par une pyramide
élégante en bois , dont la forme sera mieux comprise par
l'examen de mon dessin que par la description que je pourrais
en faire , et qui se rattache aux types les plus répandus
dans le pays pour le couronnement des tours : inutile de
dire que cette construction de bois est d'une date moins an-
cienne que la tour en pierre dont elle forme la terminaison.
L'intérieur de l'église est beaucoup moins intéressant
que l'extérieur ; pourtant il nous faut citer d'abord la porte
qui communique du chœur au clocher, dont le cintre est
formé de claveaux alternativement en pierre et en brique ,
comme dans les constructions romaines.
Si la tour a été appliquée après coup contre le chœur ,
comme quelques observateurs l'ont pensé, cette porte devait
servir d'abord d'entrée au chœur, et c'est la place qu'occupent
un grand nombre de portes dans nos églises des XIe , XIIe
et XIIIe siècles.
A l'extrémité de la nef , dans le mur du nord , par con-
séquent du côté de l'évangile , on remarque une arcade
à plein-cintre et sans ornements qui recouvre une pierre
tombale sans inscription, incrustée dans le mur. Ce tombeau
arqué doit être très-ancien , et j'avais obtenu de feu Mgl
Robin, évêque de Bayeux, la permission de le fouiller;
mais j'ai craint de briser la pierre tumulaire, qui m'a paru
CANTON DE SAINT-P1ERRE-SUR-D1VE. 521
engagée dans la maçonnerie , et j'ai toujours remis cette
opération , parce qu'elle demande certaines précautions et
des ouvriers soigneux que je n'avais pas sous la main à
Vieux-Pont quand j'y suis allé dans l'intention de faire la
fouille Peut-être pourrons-nous l'exécuter plus tard, avec le
concours de MM. Pannier , Bouet et Ch. Vasseur.
J'ai remarqué plusieurs statues du XVIe siècle à Vieux-
Pont, notamment une Trinité, représentée par le Père-Éternel
coiffé delà tiare, tenant le Christ en croix et ayant sur la
poitrine une colombe figurant le Saint-Esprit.
L'église de Vieux-Pont est sous l'invocation de saint
Aubin. La cure se divisait en deux portions. L'abbé de
St-Pierre-sur-Dive nommait le curé de la première poriion,
et l'abbesse de Lisieux (St-Désir) celui de la seconde portion.
La vue générale qui suit est prise du côté de l'ouest ; elle
VL'E GENERALE DE L ÉGLISE DE VIEUX-PONT.
a été gravée par M. Godard , d'après un dessin de M. de
Brébiasoo.
Motte féodale. — - Dans le bois qui couronne le coteau ,
522 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
à peu de dislance et au sud-est de l'église , j'ai remarque
une magnifique motte féodale avec son fossé ; elle est en terre,
conique et assez élevée : peut-être était-ce là l'habitation de
ce Renauld dont il est question dans l'inscription relatée
plus haut. Je n'y ai pas remarqué de vestiges de constructions
en pierre, et la tour qui la surmontait devait être en bois.
Emplacement d'un château moderne, — On montre; dans
les herbages, au pied du coteau dont je viens de parler ,
une place où , dit-on , existait un château moderne, il n'y
a pas très-longtemps, et dont il ne reste plus de vestiges.
La famille de Vieux-Pont était très-ancienne. Kn 1161
mourut Richard de Vieux-Pont, abbé de St-Pierre-sur-Dive;
il était l'oncle paternel de Foulques de Vieux-Pont , qui
accorda à l'abbaye des droits et privilèges sur ses terres.
Poteries romaines. —Veu M. le docteur Le Grand m'a dit
avoir trouvé , à la l'auteur de Vieux-Pont , près de la roule
allant à Lisieux , quelques débris de poteries qu'il croyait
pouvoir faire remonter au temps de la domination romaine.
OUVII.LE-LA-BIEX-TOURNÉK.
Ouville-la-bien-Tournée, Ouvilla, Olvilla, (Jtvilla.
En suivant , à partir de Vieux-Pont , la rive droite de la
rivière d'Oudon jusqu'au confluent de celte rivière avec la
Dive, on arrive sur le territoire (VOuviUe-la-bienTownée,
ainsi appelée , dit-on , parce qu'elle n'est pas parfaitement
'orientée. Effectivement, le coleau qui borde, à l'est, la
rive droite de la Dive , là où se trouve l'église , présente
une pente rapide qui a fait dévier de l'orientation normale.
De là la dénomination de la bien tournée. D'autres pensent
que la dénomination la bien tournée fait allusion à l'élégance
et à la beauté de l'œuvre.
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUU-MVE. 5*23
Quoi qu'il en soit, cette église, assez vaste, dans laquelle le
style ogival primitif porte encore les moulures caractéristiques
de l'architecture romane qui l'avait précédé, est une des plus
VUE GENERALE I)K l/Kf;MSE ItOUVILI.E.
helks et des plus intéressantes du canton : en voici une vue
52Zl STATISTIQUE MONUMENTALE OU CALVADOS.
générale, dessinée du côté du sud-est par M. Pépin. On voit
qu'elle est déforme rectangulaire et qu'au centre, entre chœur
et nef, s'élève une tour massive rappelant celle d'Airan
(canton de Bourguébus), et quelques autres.
Le chevet est ajouré par deux fenêtres-lancettes très-
élégantes surmontées d'un oculus ; les fenêtres latérales du
chœur sont de même forme, accolées deux à deux dans
chaque travée et ont la tête ornée de zig-zag légers.
Une porte ogivale aujourd'hui bouchée s'ouvrait, du côté
Bouet (U
PORTE DU CHOEUR, Al'JOLRDHUI BOUCHÉE.
du sud, dans la première travée du chœur. Le bandeau
CANTON DE SA1NT-P1ERRE-SUR-DIVE. 525
de cette porte est couvert d'étoiles et porte à son centre
un écusson sans armoiries. Les archivoltes sont finement
sculptées et ornées de cannelures, sur lesquelles se détachent
des fleurons et des zig-zag. J'ai figuré cette jolie porte dans
le t. X du Bulletin monumental.
En 18^2, j'avais déterminé M. Target, préfet du Cal-
vados , à accorder à l'église d'Ouville 500 francs sur les
2,000 francs votés annuellement par le Conseil général ,
pour aider à l'entretien des églises monumentales du dépar-
tement (1).
Alors on voyait des dislocations considérables provenant
de la poussée des voûtes ou de la charpente ; elles s'étaient
manifestées il y avait , disait-on , plus de quatre-vingts ans,
et on y avait porté remède au moyen d'un tirant en fer qui
s'attachait à une poutre traversière et reliait l'un à l'autre
les deux murs latéraux. Ce moyen , tout en modérant les
progrès du mal , n'avait pu y remédier entièrement , et
l'écartement avait fait des progrès considérables.
Mais ce n'est pas là que je priais M. Target de faire em-
ployer les 500 fr. accordés: « Cette somme , disais-je dans
« mon Rapport, suffira à peine au rempiètement des murs
« et des contreforts. Un maçon intelligent peut faire con-
« venablement ces rempiètemenls; il suffira de surveiller
« l'emploi de la somme, de peur qu'elle ne soit employée à
« décorer l'intérieur de l'église ; car c'est là que toutes les
« ressources de la paroisse paraissent avoir reçu jusqu'ici
« leur application. »
le ne suis pas retourné à Ouville , je sais seulement que
les 500 fr. accordés sur ma demande ont été employés en
travaux utiles. Le pourtour de l'édifice a été dégagé des terres
(J) V. mon Rapport à ce préfet, dans le I. Vtll du Bulletin mo-
numental , p. U%'\.
5*26 STATISTIOL'I; MONUMENTALE DU CALVADOS.
qui s'y étaient amoncelées ; mais il reste toujours des répa-
rations urgentes à exécuter.
Les rempiètements n'ont pas encore été fails, et les dislo-
cations du chœur sont toujours affligeantes. La restauration
ne devrait être entreprise que par un architecte habile ; elle
entraînerait des dépenses assez considérables : aucune église,
du reste, n'est plus digne d'intérêt et ne mérite mieux les sa-
crifices d'argent qui pourraient être faits par l'Administration.
Une charmante garniture de feuilles entablées supporte
la corniche et décore l'entablement du chœur : on voit sortir
de ces feuillages des têtes d'hommes et d'animaux sculptées
avec beaucoup de délicatesse ; j'en ai fait mouler quelques
parties.
La nef est moins ornée que le chœur (Voir la planche).
Pourtant elle montre aussi de belles fenêtres, disposées deux à
deux dans chaque travée. La porte occidentale a été refaite.
Trois fenêtres en lancettes : celle du milieu , plus élevée que
les deux autres, occupe la façade au-dessus de cette porte.
La disposition binaire des belles fenêtres en lancettes de
la nef et du chœur mérite une mention spéciale : on ne la
rencontre pas ordinairement. Or, en voyant l'élégance et
l'élévation de celte remarquable église , on se demande quels
motifs ont pu déterminer à élever une pareille construction
dans une paroisse qui n'est pas plus peuplée que bien d'autres.
Je ne connais pas d'église du XIIIe siècle aussi élégante que
celle d'Ouville, dans la contrée et même assez loin à la ronde,
La cloche d'Ouville porte une inscription en lettres go-
thiques qui commence ainsi :
ir'nn mil tJc iDlIl (1508) je fus fatcte pour litostre-Bame b'flDuuHlf.
Le reste de l'inscription n'a pu être complètement dé-
chiffré.
CANTON m SAINT-P1ERRK-SUR-DIVK. 527
L'église d'Ouville est sous l'invocation de Notre-Dame. Le
prieur de Ste-Barbe nommait à la cure.
Fermes de la Croix et de Brucourt. — Sur la rive opposée
delà Dive (rive gauche), la ferme delà Croix montre un
bâtiment bien construit avec deux ouvertures en ogive, qui
paraît avoir été une grange dîmière.
J'ai pensé que cette ferme qui, aujourd'hui, appartient à
M. le marquis d'Eyragues , avait pu appartenir à l'abbaye de
Stc -Barbe , patronne d'Ouville , ou à une autre maison reli-
gieuse : c'est ce que je me propose d'éclaircir. La porte prin-
cipale de la ferme de la Croix paraît du temps de Louis X1IJ.
M. d'Eyragues possède aussi , sur la rive droite de la Dive ,
la ferme de Brucourt qui doit être un ancien fief.
THIÉVILLE.
Thiéville, Teuvilta.
J'ai cité plusieurs fois l'église de Thiéville pour l'ordon-
nance simple et gracieuse de sa faç;ide occidentale, qui offre
une porte ogivale surmontée de deux fenêtres-lancettes sé-
parées par une rose.
Cette église doit avoir été construite vers le milieu du
Xlir siècle , au moins sa jolie porte occidentale et sa rosace
entre deux lancettes sembleraient l'annoncer; mais ce sont
les seuls caractères qui nous permettent de fixer une date ;
les murs latéraux, repris en sous-œuvre ou recimentés à di-
verses reprises, ne peuvent apporter de lumière sur les dates;
toutefois, ils sont encore garnis de contreforts et doivent être
en partie de l'époque que j'indique. Le mur septentrional et
le mur méridional de la nef ont conservé chacun une des
fenêtres primitives en forme d'étroites lancettes. Toutes les
528 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
autres fenêtres sont modernes, de forme carrée. Le chœur a
été allongé du côté du chevet.
VIE DE L EGLISE DF THIEVILLE.
La porte dont je parlais est garnie de tores et d'une guir-
lande de feuilles de chêne réunies par leurs extrémités et
formant un ornement du meilleur goût. La rosace est en-
tourée d'un chapelet de fleurons crucifères hombés et d'un
assez beau relief.
Le dessin ci-dessus montre l'élévation et l'ordonnance de
la tour latérale au nord. Une tradition rapporte qu'elle a
CANTON DE SAINT-P1ERRE-SU11-DJVE. 529
été restaurée par des membres de la famille de Rouvres qui
auraient possédé la seigneurie de Thiéville.
Je pense, en tous cas , que la balustrade a été refaite. Il
est d'ailleurs douteux pour moi que la pyramide soit du même
temps que la tour qui la supporte.
On remarque dans l'église un tableau en tapisserie repré-
sentant sainte Catherine.
Manoir. — Près de l'église est un manoir appartenant a
M. Aumont-Thiéville, ancien député du Calvados : on y voit
encore des choses curieuses. En entrant , à droite , on re-
marque une arcade et un
escalier, reste d'une con-
struction plus considé-
rable et qui annonce le
commencement du XIV6
siècle ou la fin du XIIIe.
Le manoir du fond de
la cour conserve une tou-
relle que j'ai fait des-
siner.
On rapporte dans le
pays que ce manoir ap-
partenait aux Templiers ;
mais je n'ai pu me pro-
curer les documents qui,
suivant les habitants de
la commune , autorisent
cette assertion. M. Au-
mont-Thiéville m'a dé-
claré n'avoir pas conservé les vieux titres qui pouvaient
exister autrefois et j'ai renoncé , quant à présent , à
'Mi
530 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
faire des recherches que M. Pépin pourra reprendre plus
tard.
BRETTEVILLE-SUR-DIVE.
BrettevilJe-sur-Dive , Brùtavilla super Divam.
L'église de Bretteville, sur la rive droite de la Dive , est
réunie à Thiéville. Elle date en grande partie du XIIIe siècle,
ainsi que l'attestent les deux fenêtres en forme de lancette
qui éclairent le chœur du côté du nord, et celle qu'on voit du
même côté dans la nef; la plupart des autres ouvertures ont
été élargies ou refaites à diverses époques du côté du sud : les
unes au XIVe ou au XV* siècle (chœur), les autres à l'époque
moderne (nef) ; une fenêtre bouchée au chevet pouvait re-
monter au XIV* siècle.
La distribution des contreforts montre que, selon l'usage
le plus ordinaire , la nef se composait de trois travées, et le
chœur de deux seulement.
Le mur occidental paraît avoir été retouché, car la porte
en ogive surbaissée est bordée de moulures en zigzags , que
je présume provenir d'une porte antérieure, dont on aura
ainsi utilisé les débris.
Une chapelle moderne est accolée au chœur du côté de
l'Évangile : c'était probablement une chapelle seigneuriale ;
le chœur et la nef sont voûtés en merrain. La tour , en bois ,
appartient au type que nous avons déjà tant de fois décrit ;
elle est placée entre chœur et nef.
L'église de Bretteville est sous l'invocation de saint Martin.
Bretteville-sur-Dive faisait partie du diocèse de Séez , de
l'élection de Falaise, de la sergenterie de St-Pierre-sur-Dive ;
on y comptait 66 feux ; la population actuelle n'est que de
200 habitants.
CANTON DE SA1NT-P1ERUE-SUR-D1VE. 531
DON VILLE.
Donville , Donvilla , DouviLla.
L'église de Donville est moderne ; elle a été reconstruite à
peu près en entier au siècle dernier. Le chœur , cependant ,
paraît plus ancien : il a conservé des contreforts qui le di-
visent en deux travées , et quoique les fenêtres arrondies et
le revêlement des murs Annoncent le XVIIP siècle , il est
probable que Ton a conservé dans la reconstruction une
partie des murs anciens. La nef n'a pas de contreforts et
doit être entièrement moderne.
Une jolie tour de pierre , en forme de dôme , couronnée
d'un lanternon à jour, surmonte l'extrémité occidentale de
la nef.
On sait que ce type de tours a été souvent reproduit au
XVIIP siècle , dans les cantons du Calvados où la pierre de
taille existe.
L'inscription de la cloche est ainsi conçue ; elle provient
de la sonnerie de l'abbaye de Si -Pierre :
L'AN 1681 — S,C-CATHERINE.
JEAN AUBERT MA FAICTE.
Donville faisait partie du diocèse de Séez , de l'élection de
Falaise , de la sergenterie de Jumel. On y comptait 51 feux.
Les registres de Donville remontent à l'année 1580.
M. Pépin en a fait le dépouillement.
Depuis quelque temps , Donville , qui était en quelque
sorte un faubourg de St-Pierre et n'en était séparé que par
la Dive , a été réuni à cette commune.
La gare de ta station de St-Pierre est située près de l'église
de Donville.
532 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
CAR EL.
L'église de Carel est peu intéressante. Une lourde addi-
tion a été faite au chœur, du côté du midi ; c'est une cha-
pelle, mise en communication avec ce dernier par une large
arcade dont l'archivolte , à angles épannelés , repose sur des
colonnes cylindriques à chapiteaux garnis de feuilles imitées
de celles que l'on voit dans la grande église abbatiale de
St-Pierre-sur-Dive ; des colonnes pareilles, dont la décoration
est plus visiblement encore imitée de celle de St-Pierre,
supportent l'arc triomphal , qui se compose d'une ogive sans
ornements dont les angles sont épannelés. Ce sont , avec
deux ouvertures bouchées , l'une dans le chevet , l'autre
dans la chapelle du sud , les caractères qui peuvent faire
attribuer ces parties de l'église au XIIIe siècle ou au moins
au commencement du XIVe ; mais des fenêtres modernes ont
été refaites dans le chœur ; diverses parties des murs doivent
avoir été reconstruites.
Quant à la nef, elle est complètement moderne ; éclairée
par des fenêtres rondes , on y voit un plafond droit composé
de poutres et de solives ; le même système a été employé
dans la chapelle ajoutée au midi.
La voûte du chœur est en merrain , disposée en ogive.
La tour de bois , couverte en essente , se compose d'une
aiguille octogone assise sur un socle carré.
On remarque , à l'intérieur de l'église , l'autel du chœur
et deux petits autels entre chœur et nef qui paraissent du
même temps; le tableau du grand-autel porte le millésime
de 1697 (1). Ces trois autels sont élégants, à frontons coupés
(1) Ce tableau, qui représente Jésus-Christ au Jardin des Oliviers ,
est d'un peintre de Caen.
CANTON DE SATNT-PIERRE-SUR-DIVE. 533
et à moulures qui se rapportent assez à l'époque indiquée
par le tableau.
Le curé de Carel vient de faire paver le chœur et l'allée
centrale de la nef en carreaux historiés en terre cuite de la
fabrique de Beauvais ; l'effet en est bon , et ces pavés non
émaillés et très-bien cuits doivent être durables.
M. Pépin a relevé les inscriptions des deux petites cloches
de Carel ; elles sont ainsi conçues :
L'AN 1736 IAI ÉTÉ NOMMÉE MAGDELEINE PAR FRANÇOIS LAILLIER AVOCAT AV
PARLEMENT DE PARIS, SEIGNEVR ET PATRON HONORAIRE DE CAREL ET PAR DAME
MAGDELEINE JACOB VEVVE DV FEV NOËL LAILLIBR.
JEAN SIMON M'A FAITE.
L'AN 1783 IAY ÉTÉ" BENITE PAR M. FRANÇOIS CVRÉ DE CAREL ET
NOMMÉE CAMILLE HENRY PAR Mte ALEXANDRE LEFORESTIER ÂGÉ DE 10 ANS
D,le LOVISE CAMILLE LEFORESTIER ÂGÉE DE 8 ANS FILS ET FILLE DE HAVT
ET PVISSANT SEIGNEVR MESSIRE IACQUES ALEXANDRE LEFORESTIER Cte DE
VENDEVVRE , CHEVALIER SEIGNEVR ET PATRON DE CAREL ET AVTRES LIEVX
ET DE NOBLE MARGVERITE FRANÇOISE CAMILLE DKLAVNAY DETERVILLE EPOVZB
DV DIT SEIGNEVR.
LAVILLETTE DE LISIEVX m'a FAITE. ROVSSEL TRÉSORIER.
L'église de Carel est sous l'invocation de saint Sulpice.
Carel faisait partie du diocèse de Séez , de l'élection de
Falaise , de la généralité d'Alençon et de la sergenterie de
St-Pierre-sur-Dive ; on y comptait 22 feux. La population
actuelle est d'environ 130 habitants.
Château. — Le château de Carel , dont nous donnons un
dessin , est entouré de belles douves murées remplies d'eau ;
il doit avoir été bâti du temps de Louis XIV, et je ne
doute pas que notre savant confrère , M. de Brébisson ,
qui en est propriétaire, ne trouve dans ses titres la date
précise de cette construction.
53A STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Pépin del.
VUE DU CHATEAU DE CAREL.
Médailles celtiques. — Vers l'année 1820 , en travaillant à
la route départementale de Falaise à Lisieux, on trouva à
Carel une trentaine de médailles celtiques; elles ont été
examinées par M. Lambert et décrites par lui dans son grand
ouvrage sur la numismatique gauloise. On recueillit en même
temps le haut d'un vase en bronze, de U pouces de diamètre,
qui paraissait être un débris de celui qui avait renfermé les
médailles ; une de ces médailles était en electrum , les autres
en argent et en bronze.
SAINT-PIERRE-SUR-DIVE { CHEF-LIEU ).
St-Pierre-sur-Dive , Espinetum , Sanctus Petrus super
Divam , Sanctus Petrus Divensis.
St-Pierre-sur-Dive est une localité d'une certaine impor-
tance , une petite ville bien bâtie et dont les marchés sont
très-considérables. Comme je l'ai fait pour d'autres villes ,
je déclare que je ne veux que jeter un coup-d'œil sur ses
principaux édifices : donner l'histoire de la localité , nous
conduirait beaucoup trop loin. Déjà M. Hurel a publié , il y
a quelques années, un volume sur St-Pierre. C'est à M. Pépin,
CANTON DE SAÏNT-PIERRE-SUR-D1VE. 535
aujourd'hui habitant de St-Pierre-sur-Divo , que revient tout
naturellement le soin d'écrire une histoire complète de
St-Pierre et de ses monuments , et nous pouvons compter
sur son zèle pour accomplir cette œuvre.
St-Pierre doit, sinon son origine, au moins toute son im-
portance, à l'abbaye de Bénédictins qui y a existé depuis
le XIe siècle jusqu'à la Révolution.
Si l'on en croit la légende, il y aurait eu, dès le IXe siècle,
une paroisse à St-Pierre-sur-Dive : elle s'appelait alors
Lépinay ; le prêtre Vambert , qui desservait l'église , aurait
été massacré par les Normands , qui remontaient les rivières
et pillaient les villages riverains.
Pour trouver des documents certains sur l'histoire de
St Pierre, il faut se reporter à la fin du Xe siècle.
Le frère de Richard If , Guillaume, fils de Richard-sans-
Peur , était alors seigneur de St-Pierre ; il épousa Lesceline ,
fille de Turketil } gouverneur du château de Rouen , et reçut
du duc Richard, son frère, le comté d'Eu et le gouvernement
du Pays-d'Auge et du comté d'Ex mes.
Il faisait bâtir un château sur les bords de la Dive , dit la
chronique , quand une femme de Vaux , qui allait en pè-
lerinage à Courcy pour y prier saint Ferréol ? s'arrêta à
St-Pierre et déclara que le château qu'on construisait de-
viendrait bientôt une église consacrée à la Sainte-Vierge.
Celte prédiction fit une certaine sensation. Le comte d'Eu
mourut en 1011 , laissant sa femme et trois fils, dont un ,
Hugues, devait devenir évèque et gouverneur de Lisieux.
La comtesse Lesceline, peut-être influencée par le sou-
wnir de la prédiction que nous venons de rapporter, fonda
sur les bords de la Dive une communauté de religieuses bé-
nédictines , et leur abandonna le château que son mari avait
fait construire. Mais elles eurent peu à se louer de leurs
rapports avec les habitants du ,pays ; elles demandèrent , au
bout de quelques années, à être transférées à St-Désir de
536 STATISTIQUE MOiNU MENTALE DU CALVADOS.
Lisieux , où la comtesse Lesceline possédait des terrains.
Leur demande fut agréée et la translation se fit vers 10^6.
La comtesse songea ensuite à remplacer les religieuses , par
des moines. Isembard , abbé du Mont-Ste-Catherine de
Rouen , lui envoya quelques bénédictins qui , sous la di-
rection d'Ainard , s'établirent à Nolre-Dame-de-Lépinay de
St-Pierre-sur-Dive; la cérémonie de l'installation eut lieu
avec pompe en présence de Guillaume-le-Conquérant et de
Henri Ier, roi de France ; après quelques difficultés élevées
par les évêques de Séez et de Lisieux , l'établissement des
bénédictins à St-Pierre et la translation des bénédictines
à St-Désir furent définitivement approuvés par ces prélats.
La comtesse Lesceline , à la fin de sa vie , prit le voile à St-
Désir ; elle le reçut des mains de son fils Hugues , alors
évoque de Lisieux, et mourut dans ce monastère en 1058.
Elle fut enterrée dans l'église de l'abbaye , à St-Pierre ;
Hugues accompagna le corps de sa mère et l'abbé Ainard
célébra les funérailles.
En 1067, l'abbaye de St-Pierre, enrichie de nouveaux
terrains, fut établie dans des constructions plus vastes ; la
consécration de la nouvelle église eut lieu en présence de
Maurille, archevêque de Rouen, des évêques de la pro-
vince et de Guillaume-le-Conquérant.
Le mérite de l'abbé Ainard avait beaucoup contribué à
la prospérité et à l'accroissement rapide de l'abbaye ; il la
gouverna jusqu'en 1078 , époque de sa mort. Je n'ai pas
plus l'intention d'écrire l'histoire de l'abbaye de St-Pierre
que celle des autres abbayes du département. Le Gallia
christiana , les Cartulaires fournissent, à ceux qui voudront
s'en occuper, de nombreux documents ; et, pour l'histoire de
celte abbaye comme pour celle de Ste-Barbe (1), il existe une
(1) M. Guilnieth a publié, sur St-Pierre, un Précis qui n'a pas élé
achevé ; ce Précis se compose de 48 pages in-8°.
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-D1VE. 53*)
histoire manuscrite de l'abbaye, divisée eu plusieurs livres.
L'église, consacrée en 1067 , fut incendiée, en 1105, par
Henri Ier qui, trompé par l'abbé de St-Pierre et invité par
lui à souper à l'abbaye , la trouva garnie par les troupes de
Robert-Courte-Heuse , son frère , avec lequel il était en
guerre. On commença à reconstruire l'église trois ans après.
M. de Glanville a publié , avec un commentaire très-intéres-
sant , la lettre souvent citée de Haimon , abbé de St-Pierre-
sur-Dive , aux religieuses de Tenkesbury , pour leur an-
noncer avec quel zèle la foule , composée du peuple et des
personnes les plus notables , s'attelait sur les chariots pour
transporter les matériaux nécessaires à la construction de
l'église (1). Ces faits se passaient dans la première moitié
du XIIe siècle, avant 1U0.
Il est difficile d'indiquer ce qui reste aujourd'hui des
constructions d'Haimon ; au XIIIe siècle, l'abbaye fut presque
entièrement reconstruite ; les travaux étaient en grande
activité dans la seconde moitié de ce siècle , puisque l'arche-
vêque Odon Rigaud , faisant sa visite de l'abbaye (1255) ,
visite dans laquelle il trouva 38 moines, dit que la clôture
ne pouvait être observée à cause des ouvriers qui travaillaient
aux constructions : Claustrum non bene servatur propter
operarios. De grands travaux furent faits plus tard, au
XIVe siècle et au commencement du XVIe.
L'église abbatiale de St-Pierre-sur-Dive est aujourd'hui
celle de la commune. L'élévation ci-jointe ( page 538 )
montre que cette église a trois tours, deux à l'ouest et une
sur le (ransept ; que la grande nef est garnie de bas-côtés;
que les bas-côtés font le tour du chœur et donnent, à partir
des transepts , accès à plusieurs chapelles qui rayonnent
autour de l'abside. Mais le plan par terre montrera mieux
(i) V. Dom Bouquet, Uistoirc des Gaules, t. XIV.
538 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-DIVE. 539
encore toutes ces dispositions: en l'examinant, on reniai -
V. Petit del.
plan de l'église abbatiale de saint-pierre-sur-dive.
quera d'abord le peu de saillie des transepts; à l'est de chacun
5£l0 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
d'eux existe une chapelle carrée qui s'ouvrait sur le transept ;
dans cette partie, les arcades des bas-côtés ont été fortifiées
au XIVe siècle par des remplissages ou arcs destinés vrai-
semblablement à alléger le poids de la tour centrale.
Les chapelles placées autour du chœur ont une sailie
considérable, se détachent complètement les unes des autres
et se terminent par des absides garnies de contreforts.
On peut analyser ainsi l'édifice d'après ses caractères ar-
chitectoniques : la façade occidentale, en y comprenant les
tours, doit être de trois époques, en faisant abstraction de
quelques parties refaites : ainsi , la tour du sud ou de St-
Michel est du XIIe siècle probablement. Le sommet seulement
a été réparé ; la tour du nord est du XIVe siècle.
L'enlre-deux des tours, qui est du XIVe siècle, a reçu au
XVIe une niche élégante qui renfermait une statue de la
Sainte-Vierge.
Si l'on examine le même entre-deux, à l'intérieur de la nef,
on verra desarcatures élégantes dont les colonnettes à doubles
bouquets de feuillage sont tout-à-fait caractéristiques du
XIVe siècle ( V. la page suivante ). L'orgue nouvellement
placé masque aujourd'hui cette partie, qui était une des
plus intéressantes de l'édifice au point de vue de la sculpture.
On doit regretter que la grande et belle fenêtre occiden-
tale qui surmonte cette arcature soit également dissimulée
par la tribune et la boiserie de l'orgue : cet instrument eût
été mieux placé dans une arcade près du transept.
Si nous avançons dans la nef, nous verrons qu'elle ap-
partient au XIIIe siècle pour les parties basses ( 1er étage et
triforium), à la fin du XVe ou au XVIe siècle pour les parties
supérieures (clérestory et voûtes). L'élévation d'une des
travées de la nef montrera ces deux époques (V. la page 5&2 ).
Les fenêtres flamboyantes du clérestory sont toutes assez
élégantes , divisées en quatre baies ; elles présentent quelque
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-DH E.
541
SréCTMP.N DES ARCATCRF.S Qli GARNISSANT LE MUR OCCIDENTAL DE LA NP.F
A I.'iN'mill.l II.
A, B , C. Coupes des saillies des rolonues et des moulures de la frise
5^2 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
variété dans leur tracerie.
ItV'
Peut-être sont-elles dues mvm
à Jacques de Silly. JmS
Jacques de Silly fut jgj|,|
nommé abbé de St-Pierre j
en 1 5 0 1 ; il occu pa ce siège
jusqu'en 1538.
Il fit faire des travaux
d'une grande importance,
tant pour la consolidation
de l'édifice que pour son
embellissement. Aussi ses
armes se voient-elles de
tous côtés ; elles sont cinq
fois reproduites sur les i
deux premières croisées du j
clérestory de la nef; et
elles s'y trouvaient primi-
tivement huit fois; il y
avait un écusson dans cha-
que baie. On remarque
encore le même écusson
sur la clef de voûte de la
deuxième travée de la nef,
parce que ce fut lui qui fit
édifier ces voûtes. A la
troisième , quatrième et
cinquième clef de voûte ,
ce sont les armes de per-
sonnes mariées apparte-
nant à la famille de Silly ,
qui ont été bienfaitrices de
l'abbaye.
CNE TRAVEE DE LA TSEF DK SAINT-PIERRE.
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-DIVE. 5/*3
Àfrivés à l'entrée du chœur , nous verrons dans le
passage qui communique au transept du nord quelques co-
lonnes romanes , et des appareils à larges joints qui pour-
raient bien être un reste des constructions du XIe siècle. On
voit aussi , du côté opposé , des traces d'une maçonnerie à
larges joints dans les reconstructions postérieures.
Le chœur comme la nef (sauf les voûtes et le clérestory)
et les chapelles qui l'entourent , annoncent le XIIIe siècle.
Mais les voûtes du chœur , les voûtes et les fenêtres des
deux chapelles qui avoisinent la chapelle absidale , sont du
XVIe ou de la fin du XVe, et appartiennent à la grande
restauration que je signalais dans la nef.
Ce coup-d'œil général donné, nous ferons remarquer que
la tour établie sur le transept , ouverte à l'intérieur et
terminée par un toit couvert d'ardoises, appartient également
au XIIIe siècle.
On ne voit d'architecture romane que dans les piliers
qui portent la tour centrale, du côté du nord, et dans une
des tours du portail ( côté du sud).
Les colonnes qui ornent les piliers de la nef ont des
chapiteaux couverts d'une seule feuille de vigne, épanouie
sur la corbeille , système très-simple que je n'ai pas
souvent vu employé ; les chapiteaux des colonnettes sont
garnis de trois feuilles. Les sculptures ont été très-sobrement
distribuées et n'ont rien de très-remarquable à St-Pierre-
sur-Dive.
Pavé émailté. — Le magnifique pavé en briques émaillées,
qui occupe le sanctuaire ( Voir la page suivante), est peut-
être ce que l'église de St-Pierre offre à présent de plus inté-
ressant , quoique depuis trente ans il ait perdu beaucoup de
son éclat par le peu de soin qu'on a pris de le- couvrir.
Signalé d'abord par moi il y a bien longtemps , puis des-
544
PARQUET DU SANCTUAIRE M
Abstraction faite des larges bandes en pierre calcaire blanche, qi
&5
R-DII ! ' U.VAPOS ),
quatre parties et qui tont indique» s ici par de simples lignes. 55
546 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
sine par M. Victor Petit, il a depuis été étudié par plusieurs
archéologues très-instruits, notamment par M. Ramé, de
Rennes, qui lui a consacré un article dans les Annales ar-
chéologiques de M. Didron.
Des cerfs passants, des fleurs de lis, des aigles à deux têtes,
des lions, des chimères forment l'ornementation principale des
carreaux, avec des feuillages, des fleurons et d'autres figures
d'un très-beau style.
Deux couleurs existaient dans celte rosace : le jaune et le
noir; les figures sont jaunes sur fond noir, noires sur fond
jaune, et l'on a disposé avec intention ces oppositions de
teintes pour varier l'effet des mêmes formes dans les rangs
circulaires concentriques. Ainsi, les carreaux dont les fonds
sont de diverses nuances alternaient entre eux , ce que
M. Victor Petit a essayé d'indiquer dans le dessin précédent
en ombrant les fonds de couleur brune et détachant en clair
les fonds jaunes ; seulement cette alternance n'est pas régu-
lière partout à présent , et cela tient sans doute aux déran-
gements qui ont eu lieu lors du remaniement des pièces
quand le pavé a été réparé.
Pour le jaune, on a étendu sous la couverte de plomb une
couche mince de terre blanche formant transparent qui, après
l'usure de rémail , a persisté sur beaucoup de pavés; pour
le noir, le transparent est une terre qui se détache de la pâte
de la brique, quand on la regarde à l'aide d'une cassure, et
qui très-certainement a été appliquée après coup.
La rosace est coupée en quatre parties égales par deux
bandes en pierre calcaire : l'une dans l'axe du chœur, l'autre
perpendiculaire à cet axe et dont l'intersection occupe le
centre du cercle.
La rosace était au milieu d'un carré de pavés émaillés. On
retrouve, dans les pavés qui composent cet encadrement , à
peu près les mêmes sujets que ceux de la rosace : ainsi , des
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUK-EMYE. 5/l7
lions, des fleurs de lis, des cercles entrelacés, ornés de diverses
SPÉCIMEN DES CARREAUX D'UN DES COMPARTIMENTS DU PAVÉ ENCADRANT
LA ROSACE DE SAINT-PIERRE-SU R-DIVE.
figures dans leurs intersections; des chimères, des aigles à
deux têtes s'y retrouvent avec quelques autres ornements.
Stalles. — Les stalles sont remarquables par leur bel état
de conservation ; elles sont couronnées de leurs dais , et si
l'on a cru devoir les couvrir d'une couche de peinture
jaune pour masquer la couleur noire du chêne , il serait
possible de leur restituer leur couleur naturelle.
Ces stalles, qui garnissent les deux côtés du chœur jusqu'à
la belle rosace du sanctuaire dont je viens de parler, ont 8m
de longueur, lm,68 de profondeur et 2"\70 de hauteur.
Elles offrent deux rangs de sièges de chaque côté ; on
accède au rang supérieur par trois portes , une médiane et
deux latérales. Il y avait primitivement douze sièges et onze
seulement au rang inférieur. Mais, au siècle dernier, les re-
ligieux eurent la fâcheuse idée de supprimer quatre sièges
548 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALYADOS.
STALLES DE SAINT-PIERRE-SDR-MVE.
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-DIVE. 549
pour faire élever deux pyramides tronquées , surmontées de
boules , à la mémoire de leur premier abbé.
Ces applications sur les piliers qui supportent la tour, à
l'entrée du chœur , sont du plus mauvais goût et de l'effet le
plus déplorable.
On se demande ce que signifient les attributs de la mu-
sique sur ces espèces d'obélisques : il paraît que l'on a
voulu rappeler par là que l'abbé Ainard était musicien.
Les stalles sont séparées les unes des autres par des acco-
toirs. Le dossier des sièges supérieurs est orné d'une arcade
trilobée, reposant sur une colonnette carrée, qui indique la
séparation de chaque place. Les sièges des quatre extrémités
étaient autrefois plus larges que les autres, et deux arcades
trilobées étaient figurées sur un seul panneau.
Le couronnement, en forme de dais, est surmonté d'une
galerie à jour dans le style gothique flamboyant.
Les sièges inférieurs sont moins larges que les précédents :
leur séparation est la même; un animal fantastique ailé se voit
sur le premier accotoir à droite et à gauche.
Dix panneaux différents ornent les côtés des entrées. Sur
deux panneaux qui se trouvent à rentrée du chœur , on voit
les armes de l'abbé qui les fit construire ( Jacques de Silly )
surmontées d'une crosse tournée en dedans , qui sont :
d'hermine à la fasce vivrèe de gueules , surmontée en chef
de 3 tourteaux de même.
Quatre statuettes se voient aux extrémités des stalles , dans
une arcade à plein-cintre :
A droite en entrant /saint Benoît est représenté debout,
la figure austère , tenant de la main droite un livre qu'il
appuie contre sa poitrine ; de la main gauche , il lient une
crosse qui a été brisée. Il est vêtu d'une tunique recouverte
d'un manteau à larges plis.
A gauche, la Sainte-Vierge (décapitée) tenant de son
550 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
bras gauche l'Enfant-Jésus endormi sur son sein; de la
droite, elle soutient une draperie qui lui recouvre les épaules.
Dans le fond et à droite, sainte Marguerite , la tête voilée,
terrasse un dragon ailé , en appuyant son genou gauche et
le pied droit sur le dos du monstre , qui se retourne pour la
mordre ( le bras qui tenait une lance a été brisé).
La statue de saint Paul lui fait pendant , elle est de plus
grande dimension que les trois précédentes. La tête chauve
est ornée d'une longue barbe, divisée symétriquement en deux
parties égales ; il appuie ses deux mains sur une longue épée.
Les miséricordes offrent de l'intérêt par la variété de
leurs sujets ; elles ont été dessinées par M. Pépin.
Vitraux. — Il reste de curieux débris des vitraux qui
garnissaient autrefois toutes les fenêtres; ils sont de deux
époques. M. Pépin les a étudiés avec attention.
Les débris qu'on voit encore dans quatre des fenêtres du
bas-côté nord, et dans les fenêtres du transept sud, remontent
au XIIIe siècle. Ce sont des grisailles. Au bas des baies de
chaque panneau on voyait la représentation du donateur , qui
est toujours à genoux, dirigé vers le chœur, offrant pieusement
à Dieu son vitrail qu'il élève entre ses mains; une inscription
accompagnait chacun de ces donateurs. Tout ceci est bien
mutilé.
La bordure était formée de crochets jaunes, bleus ou verts
sur fond rouge , ou de fleurs de lis d'or sur fond d'azur, qui
est de France , ou de châteaux à trois tours d'or sur fond de
gueules , qui est de Castille. Une série de cercles blancs con-
tigus formait, dans la plupart des panneaux, une seconde bor-
dure concentrique à la première.
Le fond présente ordinairement , dans chaque carreau en
forme de losange, un simple trait noir reproduisant une fleur
de lis ornée , ou une branche trifurquée terminée par des
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-DIVE. 551
feuilles enroulées autour de fruits, dont la base repose sur
un espace triangulaire de couleur bleue ou jaune. Quelquefois
il existe au bas un dessin qui se correspond d'un losange à
l'autre, et au milieu une rangée verticale de roses de couleurs
variées encadrée dans un espace alternativement circulaire
et losangique.
A la première baie de la quatrième croisée du bas-côté
gauche, en commençant par l'extrémité orientale , on voit le
donateur ou la donatrice le front ceint d'un chaperon , avec
jugulaire ; le justaucorps est recouvert d'un manteau cou-
leur marron. Ce personnage est placé sous une arcade à
plein-cintre, soutenue par deux colonnes ornées de cha-
piteaux feuilles , entourée d'une muraille surmontée d'une
inscription à peu près illisible , en lettres capitales du
XIIIe siècle.
Dans des réparations maladroites , on a placé , au-dessous
de ce personnage , un autre donateur la tête en bas , sur-
monté d'une inscription sur laquelle on ne lit que :
. ERTV
. EVILA
Peut-être Robertus de Tievitla.
A la deuxième baie de la même croisée, M. Pépin, à l'aide
d'une lunette, a lu, au-dessus du donateur :
GERVASIV
EDUNVILA
Ce qui pourrait désigner un Gervais de Donville.
A la troisième travée , on reconnaît facilement un moine à
sa tête tonsurée et son froc gris.
Les lettres suivantes
DOM MCAII... o
désignent , sans doute, un Richard.
552 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
A la cinquième travée , le donateur est probablement un
moine : il a la tête et le corps recouverts d'une draperie
jaune ; une inscription mutilée indique son nom :
ROBERT PATK.
Un fragment de grisailles de la môme époque se voit en-
core dans la grande fenêtre arrondie et à trois baies qui
éclaire le bas-côté du chœur , entre le transept et les chapelles
rayonnantes de l'abside.
Dans les cinq chapelles qui rayonnent autour du chœur,
en formant autant d'absides , on ne remarque à la pre-
mière chapelle à droite , dédiée à saint Roch, qu'un fragment
de bordure formée d'une tige enroulée et feuillée.
Dans la deuxième chapelle , consacrée à saint Sébastien ,
dont les vitraux sont du XVIe siècle , on remarque dans les
trois compartiments flamboyants de la croisée du milieu , le
supplice de saint Sébastien. De chaque côté , un homme ,
le corps incliné , bande un arc pour diriger une flèche sur
le corps du Saint , qui est représenté nu , attaché à un po-
teau , les mains derrière le dos , le corps percé de flèches,
dont la plupart y sont restées fixées. Des dais gothiques sont
peints dans le haut de chaque baie.
A la troisième chapelle, celle de la Vierge, dit M. Pépin, on
voit, dans une croisée adroite, un écusson, qui est celui
du cardinal de Bourbon :
D'azur à trois fleurs de lis d'or brisé d'un lambel de
gueules.
Charles de Bourbon, cardinal de Chrisogone , fut abbé de
St-Pierre de 1558 jusqu'à 1573.
Les armes de l'abbé de Rupierre se voient dans la croisée
du fond ; il portait : paie d'or et d'azur , surmonté d'une
crosse tournée à droite.
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-DIVE. 553
Robert de Rupierre fut élu abbé au XVtt siècle, il mourut
en 1447.
La quatrième chapelle, dédiée à sainte Barbe, est ornée
de vitraux du XVI* siècle.
Le blason de Rupierre se voit reproduit une deuxième
fois dans la croisée du fond.
A gauche, on remarque l'écusson suivant, surmonté d'une
crosse : d'argent à la bande d'azur , chargé de trois che-
vrons renversés, à pointe mousse du même métal , accom-
pagnés de deux oiseaux de sable.
La bordure des vitraux est formée de^ bandelettes entremêlées
avec des feuilles découpées.
La sacristie , située à gauche, et qui autrefois était, comme
nous l'avons dit, une chapelle annexée au transept, est
éclairée par deux grandes croisées à quatre baies et à com-
partiments flamboyants , dans lesquels on voit des débris de
vitraux du XVe siècle.
Dans le chœur, quatre croisées offrent aussi des fragments
de vitraux du XVe siècle à leur partie supérieure. Ce sont
des anges qui descendent du ciel que l'on voit constellé
d'étoiles , et portant de longs phylactères.
Sur le vitrail du milieu du chœur , trois anges tiennent
chacun un phylactère écrit ; celui du milieu a la chevelure
divisée symétriquement et frisée ; une mèche de cheveux se
dresse au-dessus du front.
Sur le vitrail gauche , un ange tient aussi un phylactère
écrit; les quatre autres tiennent chacun des couronnes.
Dans une autre croisée plus à gauche , on ne voit que des
anges qui apportent des couronnes.
On remarque encore quatre blasons , reproduits chacun
deux fois sur les vitraux du chœur. L'un est : d'argent aux
trois tourteaux de gueules à la bordure chargée de onze
bcsans du même métal ;
554 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Le 2e : de sable à deux fasces d'argent , accompagné en
chef de trois étoiles du même ;
Le 3e : de sable à la bande d'or accompagnée de six co-
quilles du même , en orle ;
Le ke : de gueules à la croix d'argent cantonnée, dans
chaque quartier , de cinq étoiles d'or , dont mie au milieu.
Ces blasons existent encore sur les clefs de voûte de la
même partie de l'édifice , où ils sont sculptés et peints; mais
ils ont subi de grandes mutilations. Ce sont évidemment
ceux des personnages qui ont construit les voûtes et fait les
vitraux de cette partie çle l'église.
Tombeaux. — Dans le transept septentrional, on voit un
monument funéraire formé par une arcade à plein-cintre
trilobée , pratiquée dans l'épaisseur du mur , destinée à
recevoir une statue. Les caractères architectoniques de ce
petit monument indiquent le XIVe siècle. (V. la page suiv.)
Cette arcade est peu profonde ; la voussure est ornée
de nervures qui se croisent et retombent sur quatre colon-
nettes , deux en avant , deux en arrière. On a sculpté une
rose à pétales dans l'espace triangulaire qui existe entre les
lobes de l'arcade et le sommet du fronton.
Dans le chœur , du côté de l'évangile , on a gravé une
dalle tumulaire en l'honneur de la fondatrice de l'abbaye , la
comtesse Lesceline , pour recouvrir des ossements que l'on
a attribués à cette princesse.
Cette dalle , quoique d'une époque peu reculée , est ac-
tuellement très-fruste ; elle est entourée d'une bordure autour
de laquelle s'enroule un ruban ; des feuilles découpées or-
nent les angles et se voient aussi au milieu de chaque face.
On remarque , en tête , un blason dont on ne distingue plus
que le fond d'azur.
CANTOIS DE SAINT-PIERRE-SUR-D1VE.
555
i ]\i.
V. Petit del.
tomwkai DU xi\* SIECLB dans U transept nord DE l'église.
556 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
On trouve une deuxième dalle tumulaire qui a été refaite
nouvellement dans une chapelle , d'après un croquis de
M. Duchesne , l'ancienne ayant été brisée par un écha-
faudage. Autour du défunt, qui est représenté gravé au trait,
on lit l'inscription suivante :
% fitst
bom ÎRûbert ... en son vivant prieur et (vicaire) oe céans
lequel tresuassa le tme
tour ht tutllet lan util cinq cens bxx (juict.
Ce personnage est représenté les mains jointes ; la tête ,
couverte d'une petite calotte, repose sur un coussin carré. Un
vêtement à larges plis lui recouvre tout le corps. De chaque
côté , des colonnettes supportent un dais orné de feuillage.
Il existe aussi huit inscriptions indiquant seulement la
date de la mort des religieux , mais sans donner leurs
noms ; elles n'auraient d'intérêt qu'autant qu'un obituaire
nous ferait connaître les personnages auxquels elles se rap-
portent.
Peintures. — Les murailles de la chapelle St-Sébaslien
étaient, primitivement, couvertes de peintures remontant au
XVIIe siècle. Elles ont été cachées par une épaisse couche
de badigeon. Le Credo s'y voyait représenté en douze
tableaux.
Quant aux peintures du chœur, je m'associe complètement
à l'étonnement de M. de Glanville , quand il se demande,
dans son Introduction à l'Histoire des miracles de St-Pierre-
sur-Dive , pourquoi dans le sanctuaire ces colonnes peintes
en marbre avec des chapiteaux de bronze, qui portent des
nuages de bronze d'où s'échappent des éclairs et des ton-
nerres d'or !!! Le Christ colossal et assez beau , que l'on
attribue à tort ou à raison à Jean Goujon , et qui surgit
CANTON DE SA1NT-P1ERRE-SUR-MVE. 557
au milieu de cet appareil fantasmagorique , n'avait pas besoin
d'un accompagnement si grotesque.
Cloches. — M. le docteur Billon a donné, dans son intéres-
sante Étude sur les cloches et les sonneries françaises et
étrangères , des notes sur la sonnerie de l'abbaye de St-
Pierre que nous nous empressons de reproduire :
« Le clocher central , dit-il , renfermait six cloches, dont
on voit encore les places dans l'ancien beffroi, qui est divisé
en trois travées. Cette sonnerie devait être ravissante, car
elle avait pour auteur un praticien renommé. Nous en avons
retrouvé la tonique et la quinte. La première se fait en-
tendre encore dans le clocher de la commune de Vendeuvre.
Son diamètre est de 96 centimètres ; son poids 500 kilos ;
elle porte pour inscription :
IEHAN AVBRRT MA FAICTE. d681.
SAINT PLACIDE.
La cinquième a trouvé un asile dans le joli campanille
de Donville ; elle porte aussi celte laconique inscription ;
LAN 1681. SAINTE CATHERINE
IEHAN AVBERT
MA FAICTE.
Sur un des flancs , l'effigie de sainte Catherine. Diamètre,
64 cent. ; poids, 125 kilos.
La grande sonnerie était placée dans la tour du nord :
elle était formée de quatre cloches , dont la tonique porte
l'inscription suivante :
MESSIRE CLAVDE-IGNACE-JOSEPH DE SIMIANE , KVESQI E ET CONTE DB
SAINT-PAYL-TROIS-CHATEAVX , PRINCE DE CIIARRIERR ET CONTE DE SAINT-
PIERRE-SVR-DIVE , m'a BAPTISÉE ET NOMMÉE DV NOM DE LA PATHONNK
558
STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
DE CETTE ABBAYE , POVR LAQVELLE IL A TOVJOVFIS EV VNE DEVOTION
SINGVLIÈRE. MARIE EST DONC MON NOM.
M" CLAVDE ET LES DVBOIS M'ONT FAITE EN L'ANNÉE 1725.
Diamètre, ln\ Zi6 ; poids, 2,000 kilos.
Le timbre de cette grosse cloche est magnifique , c'est
la grosse cloche actuelle de St-Pierre: nous l'avons entendue
à deux lieues de distance. Nous sommes porté à croire que
ces dix cloches formaient une gamme diatonique non in-
terrompue , et que la plus grosse des six du clocher central
sonnait à la quinte de la grosse Marie.
Le clocher sud ( St-Michel ) servait de colombier aux
Bénédictins et ne contenait pas de cloches.
Lorsque toutes les cloches étaient lancées à grande volée ,
un bedeau se tenait , dit-on , sur la place devant l'église où
il battait la mesure. Lorsqu'une cloche déviait de sa marche
rhythmique , il rentrait
promptement pour en aver-
tir les sonneurs. Les jours
de fête , les trois cloches
de l'église paroissiale mê-
laient leurs voix à celles de
l'abbaye. Cette église, dont
il ne reste pas les moindres
traces, était sur la place de
l'Hôtel-de-Ville. »
Sceau de l'abbaye. — Le
sceau a été sauvé , à la pre-
mière Révolution, par le
dernier survivant de l'ab-
baye , le procureur Dom
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-DIVE. 559
Thinon , qui en a fait présent à M. Duchesne , libraire.
Il est en bronze , elliptique , de 40 centimètres de large
sur 70 centimètres de long; il date du XIVe siècle; son état
de conservation est parfait (Voir le dessin). Ce sceau re-
présente la patronne de l'abbaye, la Vierge Marie diadémée,
placée sous un dais gothique , assise , tenant de son bras
gauche l' Enfant-Jésus nimbé. A sa gauche se voit la clef du
Paradis, dont saint Pierre est le dépositaire; à droite, une
fleur de lis , pour désigner que l'abbaye était royale. L'in-
scription, en lettres capitales, est ainsi conçue :
S • CONVENTUS • BEATE • MARIE • DE ■ SCO • PETRO • SVPRA • D1VAM *
La planche montre la forme des caractères de cette in-
scription.
Bâtiments de l'abbaye. — Les bâtiments de l'abbaye qui
entourent le cloître au sud de l'église , avaient été retouchés
et reconstruits au XVIIe siècle; mais on avait conservé la plus
grande partie des murs inférieurs ; les fenêtres carrées avaient
été régulièrement établies , les pierres regrattées, l'étage
supérieur exhaussé ou refait. On remarque , effectivement ,
des contreforts régulièrement espacés et des pierres de moyen
appareil qui peuvent remonter au XIIIe siècle.
Si l'on pénètre dans le préau , on voit des restes de mu-
railles en blocage qui paraissent romanes, ce qui montre que
les constructions du XIIIe siècle avaient elles-mêmes été
soudées sur des constructions plus anciennes.
Satie capùulaire. — A l'est du cloître, accolée au transept
méridional de l'église (V. le plan, p. 539 ) , existe à peu près
intacte la salle capitulairc , qui doit remonter au XIIIe siècle
560 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
comme le chœur de l'église. Elle est rectangulaire. L'étage
Jl=l
V.°etit del.
VUE DE LA SALLE CAPITULAIRE , DU CÔTÉ DE L'EST.
qui surmonte la voûte est éclairé , du côté de l'est , par trois
étroites fenêtres en lancettes. Trois autres fenêtres plus grandes
et cintrées éclairent, du même côté , la salle capitulaire pro-
prement dite.
Le croquis suivant montre une partie de l'intérieur de
cette salle, qui devait accéder au cloître par une porte entre
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-D1VE. 561
deux fenêtres, comme toutes les salles capitulaires du même
Bouct del.
INTERIEUR DE LA SALLE CAP1TLLAIRE.
temps. Trois colonnes monocylindriques supportent la re-
tombée des voûtes au centre de la salle.
Je me suis proposé de jeter un coup-d'œil sur l'abbaye
de St-Pierre, d'en indiquer les dates principales , mais sans
avoir l'intention de décrire le monument dans toutes ses par-
ties ; si nous voulions en faire l'anatomie complète , il fau-
drait y consacrer cent pages au moins , ce qui nous ferait
sortir du cadre adopté pour cette statistique. Nous aurions
à indiquer un grand nombre de reprises , à signaler des
contreforts appliqués sur les angles du transept nord bien
:3()
562 statistîqul: MONUMEI\TàLE du calvados.
postérieurement à sa construction, et probablement au XV*
siècle , pour remédier peut-être à des dislocations qui avaient
donné des inquiétudes.
Nous aurions à décrire diverses moulures , à rechercher
pourquoi on a bouché une porte accédant autrefois à la nef du
côté du nord, et dont l'archivolte est ornée de bâtons rom-
pus, tandis qne les chapiteaux dénotent le premier style ogival.
FRAGMENT DES ARCHIVOLTES DE LA PORTE BOUCHÉE, AU NORD DE LA NEF.
Nous aurions à déterminer quelles parties des murs ont été
refaites à l'étage du clérestory, dont les fenêtres seules offrent
les caractères du dernier style ogival et ont probablement été
faites à l'époque que j'ai indiquée, sans que les murs qui
les renferment aient été altérés à l'extérieur.
Enfin, nous aurions à déduire quelques conclusions de
l'addition en style du XIVe siècle faite à là partie occidentale
de la nef.
Mais je me hâte de terminer en disant que la porte qui
CANTON DE SA1NT-PJERRE-SUR-DIVE. 563
fermait l'abbaye au nord-ouest, et qui existe encore, est da
XIII6 siècle, et indique de ce côté les limites de l'enceinte
abbatiale. Le pressoir et d'autres dépendances existaient à
l'ouest de l'église, près du terrain qui va être affecté à la
construction des Écoles.
Les Halles. —Les Halles, assez remarquables, qui existent
sur la grande place appartiennent à deux époques : à la
fin du XIIIe siècle , je crois , pour les parties les plus
anciennes orientées au nord ; au XVIe siècle, pour le prolon-
Bourt .1.1.
ENTREE PRINCIPALE DES HALLES DE SAINT-PIEHRF-Sl R-DIVE.
gement s'étendant du côté du sud. Des ouvertures ont été
56^1 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
percées, à diverses époques, dans les murs anciens. Toutefois,
dans leur état actuel, avec leurs charpentes et leur grand toit,
les halles de St-Pierre sont encore très-intéressantes et nous
offrent un spécimen des halles et des granges du moyen-
âge que l'on rencontre maintenant très-rarement dans un
si bel état de conservation. Elles sont divisées en trois nefs
par les deux rangs de poteaux qui portent la charpente au
centre de l'édifice.
Hospice. — L'ancien Hospice était situé près d'un bras de
la Dive, à l'entrée du bourg en venant de Caen ; j'en ai vu
détruire l'église , qui devait remonter à la deuxième moitié
du XIIIe siècle , d'après son style ; une des rosaces qui or-
naient l'intersection des arceaux de la voûte a été re-
cueillie par feu M. Legrand et placée dans son jardin , où
on a pu la voir pendant longtemps. Rien de plus hardiment
coupé, ni de plus élégant, que ce spécimen des œuvres de
nos sculpteurs du XIIIe siècle.
Il reste encore aujourd'hui quelques traces des maisons
de cet hospice , mais elles ont peu d'importance.
M. Pépin a dépouillé, dans les archives de St-Pierre (1),
les nombreuses pièces relatives à cette maison.
La plupart sont des parchemins auxquels pend un sachet
presque toujours privé de son sceau. La table de ces titres
a été dressée par M. Pépin. Le plus ancien remonte à l'an
1218. Les dernières pièces sont, de quelques années, anté-
rieures à la Révolution. On a écrit sur le dos de chaque
manuscrit l'intitulé de la pièce.
L'Hospice actuel de St-Pierre est dans la rue de Lisieux.
Anciennes maisons. — Parmi les anciennes maisons qui
(1) Les archives de St-Pierre, qui sont presque loules relatives à
Tllospice, sont renfermées dans un coffre ancien en chêne sculpté.
CANTON DE SAINT-Pn-RRE-SUK-DIYI,
565
méritent l'attention , on peut signaler la cour Lelu qui est
du commencement du XVIe siècle ou de la fin du XV.
Ce manoir , que j'ai décrit il y a plus de trente ans , est de
forme carrée : il présente plusieurs fenêtres sur chaque face,
Godard se
Boue! del.
MANOIR DIT CODH Lfl.l ;.
quelques-unes sont divisées en quatre parties par une croix
en pierre. Des aiguilles à crochets ornent les ouvertures du
premier étage. Les angles du bâtiment sont garnis de con-
566 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
treforls terminés par des pyramides à crochets. La porte
d'entrée est du côté de l'est , les angles en sont arrondis
et surmontés de plusieurs rangs de moulures; le tout
surmonté de feuilles enroulées et accompagné, de chaque
côté , d'une petite pyramide. La salle du rez-de-chaussée
présente deux poutres dont l'une est mordue, à ses deux ex-
trémités , par une tête de crocodile. De cette pièce on com-
muniquait à un escalier en pierre , construit en spirale dans
une tourelle taillée à pans (Voir la page 665). Le premier
étage renferme une chambre dans laquelle on voyait une
belle cheminée ornée de tores.
La partie principale de ce manoir , que reproduit le dessin
ci-joint , est en pierre : c'est celle qui fait face à la rivière ;
mais le reste est construit en bois , d'après le système usité à
cette époque.
La rue de Falaise n'offre qu'une maison qui présente de
l'intérêt. Les trois lucarnes du toit sont ornées de sculptures
et annoncent l'époque de Louis XIV.
Dans la rue deCaen, on remarque une ancienne maison dont
le premier étage empiète sur la rue ; elle n'a rien d'intéres-
sant. Enfin , dans la rue de Lisieux et dans la rue allant au
cimetière , on peut voir plusieurs maisons qui paraissent ,
en partie, anciennes.
Château (V HermonviLle. — Quand on est sorti du bourg,
vers Lisieux , on ne tarde pas à voir un château qui mérite
l'attention : c'est le domaine d'Hermonville , faisant autrefois
partie du territoire de la commune d'Hiéville , qui borde
celui de St- Pierre-su r-Dive ; il appartient à présent à cette
dernière commune. Ce château, dont je donne une vue d'après
les dessins de M. Pépin, appartient à M. de Lignerolles ,
membre de l'Association normande ; il occupe , à ce
qu'il paraît , le même emplacement que le château du ce-
CANTON DE SAUNT-PIERUH-SUR-DIVE.
567
568 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
lèbre Thomas Dunot, lequel fut détruit du temps des guerres
de' religion. Le domaine appartenait encore à cette famille
au siècle dernier. M. Dunot de Saint-Maclou, baron de Vieux-
Pont, le vendit en 1762 à M. de Jarry, grand-père de
M"'e de Lignerolles.
Quoique peu important , ce château , dont la date est
connue (1618), montre bien le style du XVIIe siècle. Une
de ses cheminées en brique et pierre , ses lucarnes à
frontons, sa porte et tout son ensemble caractérisent bien celte
époque. Un parc entouré de murs se développe derrière le
château. Deux portes à bossages, l'une grande et destinée
aux charrettes , l'autre plus petite et destinée aux piétons ,
s'ouvrent dans la partie de cette clôture qui borde la route
départementale allant de St-Pierre à Livarot. Un écusson est
sculpté sur la clef de voûte de la petite porte.
Un beau colombier cylindrique est compris dans l'enceinte.
Des souterrains existent, dit-on, dans la cour et se dirigent
vers l'abbaye et vers d'autres parties du bourg.
En 1562, l'abbaye fut pillée par les Calvinistes; mais la
ville, dont les habitants étaient favorables à la Réforme, fut
épargnée. Durant les guerres de la Ligue , elle resta fidèle à
Henri IV. Thomas Dunod, propriétaire du château auquel a
succédé celui que je viens de mentionner , avait fait fortifier
la ville pour la mettre à l'abri d'un coup de main (1); il la
fit respecter : elle ne fut prise que vers 1588.
M. Louis Du Bois rapporte , dans ses Recherches sur
l'arrondissement de Lisieux , qu'il était resté beaucoup de
(1) Il subsistait encore, vers 4 755, deux portes qui furent démolies.
Vers 1588 , Sl-Pierre-sur-Dive fut enlevé par une troupe de ligueurs
commandés par le capitaine d'Aigneaux. Attaqué par des forces supé-
rieures , Thomas Dunod fut fait prisonnier. Sa maison fut dévastée.
(V. Hist. de Lisieux et de l'arrondissement , par M. Louis Du Bois,
p. lihl. )
CANTON DE SA1NT-P1ERRE-SUR-DIVE. 569
protestants à St-Pierre-sur-Dive , tels que le savant ministre
Etienne Morin et son fils Henri Morin ; ils avaient dans le
voisinage du château des Dunod , aujourd'hui à M. de Ligne-
rolles , un temple dont on leur avait laissé l'usage en vertu
de l'édit de Nantes ; mais le grand archidiacre de Séez ,
Charles Dufresche, sollicita sa suppression et le fit démolir
en vertu d'un arrêt du Conseil d'État, daté de Versailles le
3 juillet 1684 , quatorze mois avant la révocation de l'édit
de Nantes.
HIÉVILLE.
L'église d'Hiéville , près St-Pierre-sur-Dive , est insigni-
fiante et n'offrirait aucun caractère s'il ne restait quelques
contreforts dont les profils annoncent au moins le XIVe
siècle. La maçonnerie pourrait donc dater de cette époque,
sauf les parties refaites.
Une sacristie moderne est appliquée sur le chevet.
A l'ouest s'élève une tour moderne en pierre , terminée
par un dôme surbaissé à quatre pans, dont chaque face est
percée d'un oculus. Un lanternon couronne ce toit de pierre.
Le mur latéral du nord est sensiblement infléchi au nord-
est.
Cette paroisse dépendait du diocèse de Séez ; elle est sous
l'invocation de saint Pierre. L'abbaye de St-Pierre nommait
à la cure. On y comptait 68 feux. Elle dépendait de l'élec-
tion de Falaise.
On voit dans le cimetière la tombe de M. Jarry, avocat.
Un tombeau ancien en forme de croix , avec toit prismatique,
a été renversé et sert de banc sous l'if.
Château.— M. le commandant du génie Rochet, inspecteur
de l'Association normande et maire d'Hiéville, demeure à
peu de distance de l'église ; un cèdre du Liban et quelques
570 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
beaux arbres méritent l'attention dans les bosquets qui en-
vironnent son habitation.
«IRVILLE
L'église de Berville a été reconstruite par parties à diverses
époques, et ses murs n'offrent pas de caractères précis ; mais
il paraît qu'une église avait existé là dès le XIIe siècle , car
la porte conservée avec quelques parties des murs primitifs
dans le mur occidental actuel annonce cette époque, et l'ar-
chivolte est bordée d'un larmier portant la moulure que voici.
Du reste, cette porte est très-simple et sans colonnes.
La plupart des fenêtres de la nef et du chœur sont
modernes et carrées ; on vient d'en refaire deux de forme
ogivale, à deux baies , dans la nef.
Une fenêtre de la nef (côté sud), quoique de forme carrée,
peut dater du XVIe siècle; elle est bordée d'un tore qui
se prolonge sur les quatre côtés de cette ouverture.
Le mur du chevet paraît plus ancien que les murs latéraux;
on y voit une fenêtre ogivale qui a été bouchée.
L'église de Berville est voûtée en bardeaux. Un clocher
en bois recouvert d'ardoise ou d'essente existait à l'extré-
mité de la nef, à l'entrée du chœur ; on vient de le supprimer,
je ne sais pourquoi , et l'église n'a plus de tour.
M. Besnou, membre de la Société française d'archéologie,
a bien voulu nous donner le texte de deux inscriptions tumu-
laires, rétablies par ses soins à l'intérieur de l'église; la pre-
mière, devant l'autel Si-Jacques, est ainsi conçue:
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR- DIVE. 571
CI GIT NOBLE DAMOISELLE CATHERINE JEAN EN SON VIVANT FEMME
D'EXMES DE MAI ECUYER Sr DES ESSARS LA QUELLE DÉCÉDA LE 2e DE
7bre 1656.
Il y a sur la tombe un écusson composé d'un lion et de
deux étoiles.
Voici la seconde , devant l'autel de la Vierge :
CI GIT EXMES DE MAI ECUVER ST DES ESSARS CONSEILLE!» DU ROI CON-
TROLEUR eleu fn l'élection de falaise le quel décéda le 6 de
9** 46x2.
Je possède, m'écrit M. Besnou, l'acte authentique passé
le 21 août 1657 devant Noël Le Poutrel et Louis Mar-
guerin , tabellions royaux pour le siège et tabellionnage de
St-Pierre-sur-Dive, par lequel « 16 paroissiens dénommés
« de Berville , pour eux et les autres paroissiens absents ,
« ont baillé en pure fieffé et à rente inéquitable, à Exmes
« de May écuyer , sieur des Essais , pour lui et ses hoyairs
« et ayant cause, une portion de terre à prendre dans l'église
« paroissiale de Berville, au costé de lepistre , vis a vis cl
« contre Ihostel saint Jacques, de onze pieds de longueur
« et huict de large , pour par le dit sieur des Essais la
« faire clore et ballustrer, et y prendre séance lui et les
« siens ; après leur deceds y être inhumés sans payer aucun
« terrage. La ditte fieffé ainsi faitle moyennant le prix et
« somme de sept livres deux sols dix deniers tournois de
m rente foncière et perpétuelle , que le dit sieur des Essars
« pour lui et les siens , c'est obligé faire et payer chacun an
« au trésor de la ditte églize. »
Il paraît, continue M. Besnou, qu'antérieurement, des
membres de la famille de May avaient déjà été inhumés dans
l'église, car j'ai, jointe à mes titres anciens, une vieille copie
de la donation d'un pré de l'Aumône d'où il résulte :
« Que toute la famille de May, dont les membres sont dé-
<>1'2 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
« nommés, donnent, pour satisfaire au vœu de feu leur frère,
« le 22 juin 1654, et afin de participer aux prières qui se
« font en l'église de Berville en laquelle sont inhumés leurs
« défunts père, mère et frère, au curé de ladite église une
« portion de terre en herbe, contenant environ trois vergées
« et jouxtant le cimetière , pour dire à perpétuité une messe
« au jour où fut inhumé feu Jacques de May , sieur de la
« Bigne, qui est le U novembre 1641 ; une le 26 février,
« jour où Charlotte Voine , leur mère , fut inhumée, et trois
« messes le 19 novembre, jour où Pierre de May, leur frère,
« fut inhumé ; la dernière doit être de Requiem, chantée en
<( plain -chant et dite par le curé de Berville ou son vicaire. »
Cette note ajoute que Jean de May ayant eu deux enfants :
le premier , Exme de Mai , sieur des Essarts , contrôleur aux
aides et tailles à Falaise, que représentent les sieurs delà
Bertrie; le deuxième, Jacques de Mai, sieur de la Bigne, que
représentaient M. Dunot-Duquesnay et autres ; les deux frères
ont partagé sa succession en 1600.
A la suite de ces copies et mentions, se trouvent copiées
les épitaphes des tombes qui sont dans la chapelle de Berville.
En 1865, l'épitaphe de la femme existait presque en entier,
et il a été facile , à l'aide de ces notes , de retrouver la trace
de quelques lettres plus ou moins altérées ou effacées par le
frottement des chaussures. Toute la partie de derrière , ga-
rantie par l'autel, était, telle qu'on la voit encore, parfai-
tement intacte.
Seulement, en 1864 et 1865, on a eu la fâcheuse
idée de recouvrir ces pierres par la première marche
d'autels en bois sans style , en plaçant ces autels en biais
au lieu de les appliquer sur le mur comme étaient les pré-
cédents. M. Besnou a profité du moment où on allait com-
pléter ce regrettable travail , pour faire rétablir les deux
inscriptions par M. Dupont, sculpteur à Caen.
Il résulte de là que l'inscription de la femme , telle qu'elle
CANTON DK SAINT-PIERRÊ-SUR-DIVE. 573
existe, est bien parfaitement authentique, sauf les quelques
lettres effacées et retrouvées à l'aide de la note dont il
vient d'être parlé. C'est de cette fidélité certaine pour l'in-
scription de la femme, que l'on est parti pour croire à la fi-
délité de celle qui concernait le mari et que l'on a fait re-
graver en entier, car il ne restait aucun vestige de l'ancienne
inscription.
Quelques tombeaux se voient dans Je cimetière. Le plus re-
marquable est celui de M. Dutilleul, décédé il y a peu d'années.
Berville dépendait du diocèse de Séez , de l'élection de
Falaise , de la sergenterie de St-Pierre-sur-Dive ; on y
comptait 60 feux.
Manoir de Berville appartenant à M. Besnou. — Le
manoir de Berville , dont je donne un croquis fait par
M. Bouet (V. la page suivante), date du XVJ Ie siècle. On
entre dans la cour par deux portes cintrées à bossages,
l'une pour les piétons, l'autre pour les charrettes ; la plus
grande a perdu son cintre : on l'a démoli, je suppose, pour
faciliter l'entrée des charrettes. Les montants ont été con-
servés et surmontés d'un couronnement semblable à celui
des piliers modernes; mais la petite porte est intacte et la
grande n'en différait que par sa hauteur et sa largeur.
D'après les renseignements que je dois à M. Besnou, cette
maison ne paraît pas sortie de la main de ceux qui l'ont
fait bâtir, ou de leurs successeurs. Elle porte sur une fenêtre
de grenier de la façade, dans sa partie antérieure, la date de
1666. J'ignore si c'est là la date de son origine ou si elle re-
monte à une époque plus reculée. Elle doit pourtant remonter
plus haut , puisque ses possesseurs se font enterrer dans la
chapelle dès 1656.
Elle est entrée par succession dans la famille Gigon , à la
date du 15 décembre 1688, en vertu d'un acte de partage que
57ft STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
CANTON DE SAINT-FJERRE-SUR-DIVE. 575
possède M. Besnou , entre « M,e Fleury Philippes , prêtre ,
« curé de St-Laurenst et maistre Ollivier Gigon, sieur de
« Livet , advocat à Falaise , héritant de maistre Sebastien
« Demay , sieur Dubut , conseiller du roi esleu à Falaize. »
Olivier Gigon eut le premier lot , et dans ce premier
lot, avec les autres bâtiments de la cour, se trouve la maison
étant le logis;
Plus la chapelle fieffée en l'église de la paroisse , parce
qu'il paiera la rente due pour icelle. (Chapelle fieffée à
Exmes de May en 1657. )
Elle est entrée dans la main de M. Stanislas Gigon La
Bertrie, par suite du partage fait entre lui et M. Alphonse, son
frère , des successions de Charles-François, leur père , et de
Sébastien Noël, leur oncle. Enfin elle est échue à Mme Besnou,
née Flavie Gigon La Bertrie, par suite du décès de son père,
mort le 9 novembre 1851, membre de l'Assemblée législative.
M. Besnou a trouvé à l'intérieur de ce manoir , près des
murs, des pavés émaillés qui avaient été garantis par les
meubles et dont il a fait paver une antichambre, en repro-
duisant le dessin primitif. On accède à celte antichambre par
un escalier en pierre, construit en spirale dans une tourelle à
pans surmontée de deux épis.
MIT BOIS.
Milhois, Miltois.
L'église de Mithois se compose d'un chœur et d'une nef
rectangulaires , qui me paraissent remonter, le premier au
XIIe siècle , la seconde au XIIIe. Les modillons bizarres et
variés qui garnissent l'entablement du chœur , du côté du
nord, paraissent en effet annoncer le XIIe siècle ; je crois
que la première moitié du XIIIe est l'époque à laquelle la
nef a été bâtie. Si l'ensemble de l'édifice remonte aux
576 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
époques indiquées, il a, comme presque tous, subi des
changements. La porte occidentale avec archivoltes à canne-
lures portées sur deux colonnes , et les fenétres-lancelles de
la nef (côté nord) offrent bien les caractères du XIIIe
siècle; mais les fenêtres ont toutes été refaites au siècle
dernier , du côté du sud. Les contreforts du chœur ont été
doublés , probablement pour résister à la poussée du mur.
Beaucoup plus anciennement, au XVe ou au XVIe siècle, une
grande fenêtre à plusieurs baies et à compartiments flam-
boyants avait été établie dans le chevet.
Ce qui est aujourd'hui le plus intéressant , c'est le porte-
cloche à deux baies qui s'élève, comme à Lieurey, entre chœur
et nef, sur l'arc triomphal. Je l'avais signalé et décrit dès l'année
1827 ; en 1848, j'ai eu la bonne fortune de le revoir, en
compagnie de M. Victor Petit auquel j'en dois un dessin
(V. la page suivante). Ce clocher-arcade est de transition ,
c'est le plus ancien de ce genre que j'aie trouvé dans le dé-
partement.
L'arc triomphal qui porte ce clocher est du même style ,
c'est-à-dire de transition ; l'archivolte n'offre pas de mou-
lures, mais il repose de chaque côté sur trois colonnes ro-
manes engagées, dont la plus saillante est plus forte que
les deux autres.
J'ai relevé, non sans peine en 18^8 et non sans laisser
encore plusieurs lacunes , l'inscription de la cloche que
l'on voit dans ce clocher-arcade ; la voici :
HAUT ET PUISSANT SEIGNEUR ABDON THOMAS FRANÇOIS LE SENS CHer
SEIGNEUR MARQUIS DE MITHOIS ET PATRON DE MORSAN ÉPINE MITHOIS
ET AUTRES LIEUX , LIEUTENANT AU RÉGIMENT DES
CHEVALIER DE L'ORDRE ROYAL ET MILITAIRE DE S1 LOUIS, COLONEL D'iN-
FANTERIE ...... ET PAR FRANÇOISE ELISABETH DE FRENELLE
VEUVE DE MESSIRE CHARLES BERNARDIN DE MESNIL MARQlIS DE MERVILLE
ET DAME DE PONTOLIN
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-DIVE. 577
CLOCHER ARCADE A L BGLISI DE MITIIOls.
31
578 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Mre ADHIEN BEAUMESNIL CURÉ
JEAN DUBOIS TRÉSORIER EN CHARGE
ALEXIS LA VILLETTE m'a FAITE EN 1776.
Il existe, dans le chœur, des tombes illisibles par suite des
mutilations qu'on a fait subir aux inscriptions à l'aide d'un
marteau, probablement pendant la Révolution.
Une crédence à deux baies , du XIII* siècle , se voit dans
le sanctuaire , du côté de Pépître.
L'église de Mithois est sous l'invocation de saint Gervais.
L'abbé de St-Pierre-sur-Dive nommait à la cure.
Mithois faisait partie de l'élection de Falaise, sergenterie de
St-Pierre-sur-Dive. On y comptait 59 feux.
Manoir. — Le manoir de Mithois se compose d'un corps
de logis dont voici un croquis. Il est entouré de fossés,
MANOIR DE MITHOIS.
Une tourelle carrée en saillie doit renfermer l'escalier.
Un château plus moderne existe à Mithois , à 600 mètres
environ à l'ouest de l'église.
CANTON DE SAlNT-PIISRRE-SUa-DlVE. 579
L'inscription de la cloche nous indique quels étaient , au
XVIIIe siècle, les seigneurs de Mithois.
Léproserie, — Une léproserie avait existé à Mithois et les
revenus en avaient été appliqués à l'hospice de St-Pierre-sur-
Dive ; elle était située à l'est-sud-est de l'église, sur le bord
d'un chemin allant vers St-Georges et montant la butte de
Queverue.
Bois de Queverue. — Le bois de Queverue est compris
tout entier dans le territoire de Mithois. Ce bois renferme
deux enceintes qui ont été regardées comme romaines.
J'ai décrit en 1830 , dans mon Cours d'antiquités monu-
mentales , l'un de ces camps que j'avais visité dans le bois ,
à quelques centaines de mètres du pavillon de M. Duchesne.
Ce camp est à peu près carré, entouré d'un vallum et de
fossés peu profonds (d'environ k à 5 pieds) , mais bien con-
servés et tracés sans interruption (V. la fig. 6 , pi. XXXI de
l'atlas de mon Cours d'antiquités monumentales). M. Du-
chesne m'a affirmé, il y a trente ans, qu'on avait trouvé
dans l'enceinte des fragments de pierres taillées (1). La di-
mension du camp est indiquée par le plan que j'ai levé et
publié dans mon Cours.
D'autres retranchements existent dans le bois de Queverue,
à 1 kilomètre de ceux-ci. La hauteur du plateau de Que-
verue, au-dessus du niveau de la mer, est de 188 mètres.
De l'extrémité de ce plateau la vue s'étend, au loin, sur les
(1) M. Duchesne, propriétaire du bois de Queverue, avait recueilli,
il y a trente ans, dans le fossé du camp le plus voisin de son
château , des débris de poteries faites au tour. Mais, comme les fossés
ont dû être remplis d'eau pendant longtemps et qu'on a dû y venir
puiser de l'eau après l'occupation romaine , rien ne prouve que ces
débris soient antiques, et j'ignore s'il en a été conservé quelques-uns
qui puissent être examinés.
580 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
vallées du Pays-d'Auge et sur les campagnes de Caen el de
Falaise ; on distingue , de là , les monts d'Éraines, Montabar,
St-Clair-la-Pommeraye et, je crois, la butte de Campandré,
également couronnée par un camp retranché de la même forme.
Le camp, figuré dans mon Cours, a été marqué sur la
Carte de l'état-major. Les autres retranchements que j'in-
diquais ont été marqués également sur cette carte. Celte se-
conde enceinte est à l'ouest sud-ouest de celle dont je viens
de présenter la description. ( Voir la Carte de l'état-major. )
J'ai interrogé dernièrement les ouvriers qui exploitent les
silex pour l'entretien des routes , à l'intérieur du camp ; ils
m'ont dit n'avoir rien trouvé dans les excavations qu'ils ont
faites depuis quelque temps.
Le bois de Queverue mériterait d'être exploré quand on
y fait des coupes. Le chemin qui vient à Mithois de St-
Pierre-sur-Dive , passe près de la IMaladrerie et se dirige vers
St-Georges , paraît très-ancien.
ESCOTS.
Escots , Escos, Ecos.
L'église d'Escots, composée d'une nef et d'un chœur rec-
tangulaires , paraît , si l'on observe quelques parties de ses
murs, pouvoir remonter jusqu'au XIIIe siècle, peut-être même
à la fin du XIIe. On entrait autrefois dans la nef par une
porte latérale, au sud, précédée d'un porche en bois: on voit
encore les supports ou corbeaux de pierre qui portaient la
charpente de ce porche. L'entrée actuelle est moderne. La
plupart des fenêtres ont été défigurées et sont également
modernes : j'en ai remarqué seulement une dont la baie est
surmontée d'un linteau trilobé.
La tour est conforme au type habituel dans le pays, c'est-
à-dire une flèche à huit pans , en bois el très-aiguë , posée
CANTON DE SÀLNT-PiliRRE-SUR-DIVE. 581
sur une tour carrée , également en bois ; le tout recouvert
d'ardoise.
Le maître-autel cache un autel en pierre plus ancien ,
supporté par deux colonnes.
La cloche porte l'inscription suivante , d'après les notes de
M. Pépin :
L'AN 1717 IAY ÉTÉ BÉNITE PAR Me DENIS TOVTAIN CVRÉ DE CE L1EV
ET NOMMÉE MARIE ANNE ROSE PAR H* ET Pl SGr LOVIS FRANÇOIS DE THI-
BOVTOT SIR DE TH<>iS .... MANQVEVILLE BARON DOVV1LLE LARIVlÈRE ET
DARM .... ET AVTRE8 LIEVX .... GÉNÉRAL DE L'ARTILLERIE DE FRANCE,
BRIGADIER DES ARMES DU ROY CHcr DB L'ORDRE ROYAL MILITAIRE DE St
LOVIS ET PAR HAUTE ET I'te DAME MARIE ANNE ROSE DE MONTGOMERY
.... ENTE PAR M DVONË DESCOTS PATRONNE HONORAIRE DE CE LIEV
SON ÉPOVSE ET REPRÉSENTÉ PAR M LEBLANC PARCLEVR INTENDANT AVOCAT
ET DEMOISELLE MARIE MAGDELEINE ANTOINE LELBLANC
Les caractères sont un peu effacés , difficiles à lire , et
quelques lacunes existent dans le texte de cette inscription,
dont nous donnons les parties principales.
La sacristie, appuyée sur le chevet du chœur, porte la
date 1775.
L'église est sous l'invocation de saint Remy. L'abbaye de
Vignats nommait à la cure.
Dans le cimetière, M. Pépin a recueilli quatre inscriptions
tumulaires.
Les deux premières appartiennent à la famille de Mosgcs :
CY GIT LE CORPS DE NOBLE DAME MARIE ADELAÏDE
JEAN DE CREVECOEUR VEUVE DE MESSIRE JEAN
BAPTISTE CLAUDE JOSEPH DE MOGES ECUÏER
DÉCÉDÉE AU CHATEAU DE HOULBEC IF. 1 5 DA
OUT 1773 ÂGÉE DE 32 ANS ET DIX JOURS PRIES
DIEU POUR LE REPOS DE SON AMF,
CY GIT
MESSIRE JEAN BAPTISTE
JOSEPH VICOMTE DR
582 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
MOUES AUTREFOIS OFFICIER
AU RÉGIMENT DU ROI
DÉCÉDÉ LE VENDREDI 28
SEPTEMBRE 4 832 A IIOULBEC
ANCIEN DOMAINE DE SA
FAMILLE
OU IL REPOSE DANS LE
SEIN DE DIEU.
Le troisième tombeau est en forme de croix ; à l'extrémité
se voient deux blasons mutilés , supportés par deux lions et
surmontés d'une couronne. On y lit :
CY GIT
LE CORPS DE MAITRE
FRANÇOIS LETELLIER
PRÊTRE CURÉ DE CE LIEU
LEQUEL APRÈS AVOIR DESSER
VI CETTE ÉGLISE AVEC ÉDI
FICATION L'ESPACE DE HUIT
ANS k MOIS EST DÉCÉDÉ LE
TROIS AVRIL 4 790 ÂGÉ DE 48
ANS. PRIÉS DIEU POUR LE
REPOS DE SON AME
REQUIESCAT IN PACE
AMEN.
L'inscription suivante a été incrustée clans le mur de
l'église :
M. N. p.
CY GIT HONNÊTE HOMME
URBAIN LE MANISSIER
ANCIEN MAITRE ES ARTS
DE L'UNIVERSITÉ DE CAEN
ABBÉ PRÉSENTATEUR DES
HÉNÉFICES DE L'ABBAYE DE
S1 PIERRE SUR DIVES CURÉ DU
MENI BACLAY ET DESS* DE
S* MARTIN DE FRESNAY ET
CANTON DE SAHNT-PIERRE-SUR-D1VE
58a
DKSCOTS ACÉ DE 76 ANS ET k
MOIS DÉCÉDÉ LE 6 Xb™ 1816 KB
QOIESCAT IN PACE. AMEN.
On conserve une riche chasuble dans la sacristie.
Motte et emplacement de château. —J'ai vu , il y a quel-
ques années, tout près et au nord-est de l'église d'Escots,
sur la rive gauche de l'Oudon , une motte arrondie et en-
tourée de fossés que j'ai citée dans le Ve volume de mon
Cours d'antiquités, p. 117.
Château de Houlbec. — Le château de Houlbec est situé
dans la commune d'Escots. Nous en donnons une vue d'après
CHATEAU DE HOULBEC, A ESCOTS.
les dessins de M. Pépin. C'est un pavillon carré, flanqué de
58/* STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
quatre tours : une de ces tours est cylindrique , construite en
pierre ; deux autres , et celle qu'on voit sur le premier plan
dans le dessin, sont construites en bois et prennent la forme
hexagone à partir du premier étage , mais sont rondes et en
pierre au rez-de-chaussée ; leurs toits sont ajourés chacun
d'une petite lucarne trilobée. Au centre de l'entablement
du fronton de la façade existe un écusson , sculpté sur une
pièce de bois. Cet écusson, surmonté d'une couronne de
marquis, est celui des Montgommery.
Ce château est entouré d'eau, à l'entrée d'un bois, tout
près et à droite de la route allant de St-Pierre-sur-Dive à
St-Martin-de-Fresnay et au Billot. Il doit remonter au XVIe
siècle et appartient à M. le marquis de Moges , membre de
l'Association normande , qui n'y vient que rarement pour ses
affaires.
D'après les renseignements qu'a bien voulu me transmettre
M. de Moges , son grand-pcre l'avait acquis de la famille de
Montgommery , qui en faisait alors un pavillon de chasse.
Ce petit château se présente d'une manière très-pitto-
resque au milieu des arbres : c'est, d'ailleurs , un des plus
anciens de la contrée.
LIEUREY.
L'église de Lieurey est assez homogène et une de celles
qu'on visitera avec intérêt dans le canton de St-Pierre. Elle
se compose d'une nef, divisée en quatre travées par des
contreforts , et d'un chœur en retrait , qui n'en avait que
deux , et dont le chevet a été masqué plus tard par une
addition à pans coupés pour la sacristie.
Une porte moderne a été percée dans le mur occidental ,
qui n'en avait pas dans l'origine ; car on voit à l'intérieur de
CANTON DE SAINT- P1ERRE-SUR-D1VE. 585
la nef, dans la première travée, côté sud, le tympan d'une
porte bouchée qui devait être l'entrée principale autre-
fois.
La nef a du reste conservé ses fenêtres primitives , com-
posées d'une petite lancette sans colonnes , ébrasées à l'in-
térieur , dont quelques-unes seulement ont été un peu
agrandies sans toutefois que l'on ait entamé le profil ex-
térieur. Cette nef , qui est voûtée en merrain avec tirants ,
poinçons, etc., communique avec le chœur par une arcade
ogivale ( arc triomphal ) ; l'archivolte de cette arcade est
portée par des colonnes dont les chapiteaux me paraissent
du XIVe siècle ; au-dessus de cette arcade s'élève un porte-
cloche à deux baies assez élégant, dont les montants sont
ornés de colonnes à chapiteaux du XIVe siècle, disposés
comme à Mithois.
Les porte-cloches sont infiniment plus élégants que ces
tours qui leur ont trop souvent été substituées. Celui de
Lieurey est une des parties les plus intéressantes de celte
église. Nous venons d'en voir un autre plus intéressant
encore et plus ancien , mais de même forme, à Mithois.
Le chœur de Lieurey a été défiguré par l'ouverture d'une
grande fenêtre carrée, du côté du sud ; le lambris, qui forme
voûte , est cintré sans poinçons ni tirants.
Le mobilier de l'église ne donne lieu à aucune observation ;
deux petits autels sont placés à L'extrémité de la nef, à droite
et à gauche de l'arc triomphal.
En voyant les fenêtres lancettes de la nef sans colonnes ,
on serait , au premier abord , porté à regarder l'église de
Lieurey comme datant du XIIIe siècle; mais si l'on considère
que les colonnes de l'arc triomphal et le clocher-arcade
paraissent du XIVe siècle, on peut croire que le reste est de
la même époque , malgré la forme étroite des fenêtres; il ne
faut pas oublier que leur forme simple ( lancettes sans co-
586 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
lonnes) a dû continuer très -longtemps d'être en usage dans
les campagnes, surtout lorsqu'il s'agissait de petits édifices
comme celui qui nous occupe.
L'église de Lieurey est sous l'invocation de saint Paterne.
L'abbé de St-Pierre-sur-Dive nommait à la cure.
On voit, dans le cimetière, la tombe d'un curé nommé
Aubin , mort en 1753 , à l'âge de 69 ans.
Château du Robillard. — Ce château , appartenant à
M. d'Inf réville , membre du Conseil général , se trouve à 1
kilomètre à l'est de l'église, dans un vallon; nous en
donnons une vue d'après le croquis de M. le docteur
Pépin. La partie du fond est la moins ancienne; les autres
parties , la grande aile droite surtout , paraissent appar-
tenir à la première moitié du XVIIe siècle. On sait, du reste,
qu'une partie de ce château a été construite sous le règne
de Louis XIV , par Pierre de Montesquiou , comte d'Ar-
taignan , maréchal de France , général des armées du roi ,
gouverneur des ville , cité et citadelle d'Arras, chevalier
des ordres de Sa Majesté, mort en 1725, sans héritiers.
Sa femme , Catherine-Elisabeth de L'Hermite d'Hiéville ,
d'une ancienne famille de la contrée , mourut quelques
années après, laissant la terre du Robillard à MM. d'In-
fréville , ses plus proches parents.
Manoir. — M. le docteur Pépin a signalé près de l'église,
dans le village, un autre manoir ; la porte d'entrée de la cour
porte la date 1622 ; au-dessous de ce millésime, on voit un
blason d'hermine au chef chargé de cinq étoiles , supporté
par deux lions et surmonté d'un casque. Ce manoir, qui ap-
partenait à la famille d'Infréville et qu'elle habitait avant l'hé-
ritage qu'elle fit du domaine du Robillard, est devenu la
propriété de M. le baron de Morell , puis de ML le marquis
CANTON DE SA1NT-P1ERRE-SUR-D1VE.
587
588 STATISTIQUE MONUMENTAL!: DU CALVADOS.
d'Eyragues , son gendre , ancien ministre plénipoten-
tiaire (1).
TOTES.
L'église de Tôles est des plus pauvres , et il serait bien
difficile d'en indiquer la date précise ; une fenêtre à deux
baies ogivales encadrées sous un arc cintré qui occupe le
chevet, et qui éclairait cette partie de l'église, avant d'être
bouchée par suite de l'établissement de l'autel à grand ré-
table , annonce pourtant le XIVe siècle.
La plupart des fenêtres ont été refaites de forme carrée.
Pour une seule , qui vient d'être terminée , on a adopté la
forme de l'ogive ; mais autant vaudrait et mieux même que
l'on eût suivi le patron des autres fenêtres , avec lesquelles
celle-ci fait le plus singulier disparate.
Les fenêtres primitives, qui restent du côté du nord,
montrent de simples meurtrières à linteau droit.
La porte occidentale est moderne ; une tour en bois
couverte d'ardoises , à pyramide aiguë , sort du toit corres-
pondant à la première travée de la nef. Les voûtes sont en
merrain. La sacristie est au nord du chœur.
M. Pépin a relevé les deux inscriptions suivantes dans le
cimetière :
CY GIST LE CORPS DE MAISTRE CLAUDE
JACQUES BLIVET PKÊTRE CURÉ DE TOTE
DÉCÉDÉ LE 18 NOVEMBRE 1782 ÂGÉ DE 60 ANS
PRIEZ DIEU POUB LE REPOS DE SON AME.
CY GIT LE CORPS DE MAITRE AUGUSTIN BES
(1) Renseignements communiqués par M. le comle d'Infréville,
membre du Conseil général du Calvados.
CANTON DE SAINT -PIERRE-SUR-DIVE. 589
NARD PRÊTRE CURÉ DE TOSTES DÉCÉDÉ
LE 20 MAY 1745 , ÂGÉ DE 50 ANS PRIÉS
DIEU POUR LE REPOS DE SON AMR
Cette église était sous l'invocation de sainte Marguerite, à
la présentation du Chapitre du Séez.
ïôtes faisait partie delà sergenterie de St-Pierre-sur-Dive,
élection de Falaise.
Grange dîmière. — A l'ouest de l'église , j'ai remarqué
tout près de la route une très-belle grange ancienne , avec
porte voûtée en cintre. Je suppose qu'elle appartenait autre-
fois au Chapitre de Séez, qui nommait à la cure et devait
posséder des dîmes à Tôles.
VAUDELOGES.
Vaudeloges, Vallis Logiœ , Vallès Logiœ.
L'église de Vaudeloges est une des plus anciennes de la
contrée, et ses murs présentent un des plus beaux appareils
en arête de poisson que l'on puisse citer dans le Calvados.
C'est là surtout ce qui la rend intéressante, et il faut espérer
qu'on n'aura pas la mauvaise pensée d'enduire ces murs de
chaux, comme on l'a fait si malencontreusement dans d'autres
localités.
Malheureusement il ne reste plus qu'une des fenêtres pri-
mitives : elle se trouve dans la nef, du côté du nord; c'est
une étroite ouverture ou meurtrière arrondie au sommet ,
fortement ébraséc à l'intérieur ; toutes les autres fenêtres
sont carrées , modernes , à l'exception de deux qui , comme
dans plusieurs autres églises, ont été établies pour éclairer
590 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
les petits autels élevés près de Tare triomphal , à l'extrémité
de la nef. Il n'est pas facile d'indiquer avec certitude l'âge
de ces fenêtres ogivales ; mais elles pourraient dater du XVe
ou du XVIe siècle.
La nef a été allongée du côté de l'ouest quand on a
établi la tour , et la première travée est moderne. Le chœur
a aussi été à moitié reconstruit; la partie orientale n'est
pas ancienne.
Les parties romanes sont donc encadrées entre deux
constructions modernes ; elles forment , d'ailleurs , les trois
quarts environ de l'édifice et se distinguent facilement du
reste.
On entrait dans la nef, avant l'allongement qu'elle a reçu,
par une porte latérale , au nord , aujourd'hui bouchée, dont
le cintre est formé de claveaux sans moulures et le linteau
horizontal de trois pièces. Les montants ou pieds-droits de
cette porte , aussi simples que tout le reste, sont formés de
plusieurs assises, et sur l'une d'elles on voit , à une certaine
hauteur, la représentation grossière d'un cerf aux longs bois
poursuivi par un personnage à cheval. Sur la pierre qui
correspond sur l'autre montant on trouve le même person-
nage à cheval; le cerf manque. J'ai vu cette représentation
du cerf poursuivi par un chasseur sur les églises les plus
anciennes, et celle que nous avons remarquée à Vaudeloges
est assez barbare pour appartenir au XIe siècle.
Une autre porte romane , beaucoup plus étroite , servait
d'accès au chœur du côté du sud; elle offre un linteau droit
couvert d'étoiles reposant sur des pieds-droits sans moulures.
L'intérieur de l'église n'a rien d'intéressant. On a substitué
dernièrement une large arcade semi -circulaire à l'arc
triomphal ancien, qui devait être curieux. Le chœur est voûté
en bois avec poinçons et tirants. La nef a reçu un nouveau
lambris, il y a peu de temps.
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-DIVE. 591
L'église de Vaudeloges est sous l'invocation de Notre-
Dame. Le roi présentait à la cure avant la Révolution.
Il est question de fondre de nouvelles cloches à Vaude-
loges ; celle qui existe date de 1822.
M. Pépin a lu les inscriptions suivantes dans le cimetière :
CY 6IST LE CORPS
DE MESSIRE CÉSAR LÉONOR
DE VALOIS SEIGNE1R
DE VAUDELOGES
ET AUTRES LIEUX
CHEVALIER DE L'ORDRE ROYAL
ET MILITAIRE DE S1 LOUIS
ANCIEN CAPITAINE
AU RÉGIMENT DE SAINTONGE
DÉCÉDÉ LE 21 NOVEMBRE \ 780
ÂGÉ DE 67 ANS PRIEZ DIEU
POUR LE REPOS DE SON AME
ICI REPOSE
LE CORPS DE JOSEPH MALHERBE
DE SAINT AIGNAN ANCIEN CHANOINE
DU CHAPITRE CATHÉDRAL OFFICIAL
ARCHIDIACRE ET VICAIRE GÉN«1
DU DIOCESE DE SÉEZ NÉ EN CETTE
PAROISSE DE VAUDELOGES LE 5 OCTOBRE ET BAPT.
LE 6 DE LAN 17A9 EN CETTE ÉGLISE
LEQUEL DÉCÉDÉ A SÉEZ LE 6 9bre
A DEMANDÉ A ÊTRE TRANSPORTÉ
DANS CETTE SUSDITE PAROISSE
COMME LIEU DE SA NAISSANCE ET
POUR ÊTRE INHUMÉ AU CIMETIÈRE
LE PLUS PRÈS POSSIBLE DE L'AUTEL
DE LA SAINTE VIERGE ET QUE LES
MOTS LATINS QUI SUIVENT SOIENT
INSCRITS SUR SA TOMBE :
MO
VIRGINI QUE MATRI
AD RF.PARANDI'M.
592 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Les anciens fonts baptismaux , en forme de cuve cylin-
drique a l'extérieur, sont quadrilobés à l'intérieur ; ils sont
jetés dans le cimetière au milieu des tombes.
Château. — Un petit château situé près de l'église ap-
partient à M. de Magny de Rapilly , qui a épousé MUe de
Valois de Saint-Léonard.
Il y avait encore un autre fief à Vaudeloges.
REVEILLON.
L'église de Réveillon est un peu plus importante que celle
de Tôtes , dont nous avons parlé et dont elle est voisine ,
sans être pourtant intéressante. La façade occidentale de la
nef et le chevet du chœur offrent : la première , une
porte cintrée surmontée d'une fenêtre cintrée , subdivisée
en deux baies en forme de lancette sans colonnes ; le second
(le chevet ) , une fenêtre pareille à la précédente. Ces fenêtres
me paraissent , à Réveillon , pouvoir remonter au commence-
ment du XIVe siècle. Des contreforts garnissent la façade.
La plupart des fenêtres de la nef et du chœur ont été
repercées et sont carrées ; il n'en reste plus que deux en
forme de lancettes-meurtrières, du côté du nord. La tour en
bois , couverte d'ardoises , est entre chœur et nef. Deux
petits autels, appliqués sur les murs nord et sud, se trouvent
à l'entrée du chœur. L'église est voûtée en bois.
Une sacristie moderne masque une partie du chevet.
L'église est sous l'invocation de saint Loup. La cure était
à la nomination de l'abbaye du Bec.
Réveillon faisait partie de la sergenterie de Montpinçon ,
de l'élection d'Argentan et du diocèse de Séez.
On y comptait Zi2 feux.
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-DIVE. 593
AMMEVILLE.
Ammeville , AumeviUa , Almevitla , Ammevilla.
L'église d' Ammeville est trop peu caractérisée pour être
chronologiquement classée; elle se compose, comme presque
toutes celles de la contrée , d'un chœur à chevet droit en
retrait sur la nef, également rectangulaire. Une flèche en bois,
couverte en ardoises, correspond à l'extrémité de cette
nef. Deux autels orientés garnissent l'entrée du chœur ; le
tout est voûté en -bois. Toutes les fenêtres ont été refaites.
La porte occidentale est moderne.
Autel revêtu de pertes en nacre. — Si cette église n'offre
aucun intérêt , elle renferme un autel extrêmement remar-
quable , cité d'abord par feu M. Billon , de Lisieux , et que
nous avons vu avec la même satisfaction que lui.
Qu'on se figure un autel dont les gradins , le tabernacle ,
l'exposition et le rétable, ornés de colonnes et d'un entable-
ment corinthien , sont tapissés de perles cylindriques creuses
fixées par des fils qui les traversent et forment un tissu nacré
qui recouvre le tout; les feuilles des chapiteaux, les rinceaux
courant sur les gradins , toutes les moulures ont été figurées
par ces perles , les unes jaunes, les autres d'un blanc nacré ;
au moyen de ces deux couleurs , on a pu broder des dessins
et des ornements qui ont beaucoup de relief.
Que de temps il a fallu pour terminer un pareil ouvrage!
Ce curieux rétable , qui provient de l'église des Capucins
de Lisieux, avait été apporté à Ammeville par un curé con-
stitutionnel , ainsi que nous l'apprend M. Billon. Il aurait
été , dit-il , si Ton en croit la tradition , donné par un pape
à un des évêques de Lisieux.
38
594 STATISTIQUE rfô^UMEIN J ALt DU CALVADOS.
Il est question d'allonger la nef et d'avancer l'autel dans
le chœur pour établir la sacristie derrière : cette combinaison
est très-mauvaise et entraînera peut-être la perte de ce
curieux autel; j'ai fait ce que j'ai pu pour en dissuader,
d'autant plus qu'il existe une sacristie accolée au sanc-
tuaire , du côté de l'évangile , et que , si elle est insuffisante ,
rien n'empêche de là reconstruire (1).
M. Billon nous apprend, dans son intéressant ouvrage
sur les cloches et les sonneries françaises et étrangères, que
là cloche d'A'mmeville est une de celles qui composaient ,
avant là Révolution , le beau carillon de l'église St-Germain
de Lisieux ; elle porte l'inscription suivante :
l'an 1738 j'ay été nommée M ARG VERITE gvillemette par GV1L-
LAVME LE FORT ET MARGVERITE LE ROY ÉPOVSE DE GVILLAVME PICQVEÏSOT
ÉCUEVIN DE CETTE VILLE.
L'église d'Ammeville est sous l'invocation de sainte Ho-
norine.
Le patronage était laïque : le baron de Courcy était seigneur
et nommait à la cure aux XVe et XVIe siècles.
J'ai remarqué dans le chœur, du côté de l'évangile , une
pierre tombale recouvrant les restes de Guillaume-Philippe
de Bernières, écuyer, prêtre-curé de cette paroisse; la date
de la mort est effacée par l'usure. Il existe encore dans le
pays une famille de ce nom.
Un if assez vieux se voit dans le cimetière.
(1) Trop souvent on sacrifie tout pour la sacristie 1! Rien n'est plus
déplorable que les travaux qui ont été faits dans plusieurs églises, pour
placer les sacristies là où elles paraissaient le plus commodes. On
oublie le principal (l'église) pour l'accessoire, et l'on mutile pour
satisfaire des besoins qui n'ont rien de réel , et n'existent le plus
souvent que dans l'imagination ou le caprice de ceux qui les réclament.
CANTON Dfc SAINT-PlKfiR£-SUfi-DIVE. SW
Manoir. — On trouve , à quelque distance de l'église , un
ancien manoir , que je n'ai pas examiné , mais dont on m'a
signalé l'existence.
Ammeville faisait partie du diocèse de Séez, de l'élection
de Falaise , de la sergenterie de St-Pierre-sur-Dive. On y
comptait 95 feux.
ABBËVILLE.
Abbeville , Abevilla.
L'église d'Abbeville remonte au XIIIe siècle, si j'en juge
par la porte du chœur, ouverte dans le mur méridional ,
laquelle est surmontée d'un segment de cercle garni de
têtes de clous, et par quelques ouvertures en lancettes-meur-
trières, ébrasées à l'intérieur; deux de ces lancettes existent
dans le mur méridional de la nef, une autre dans le mur
septentrional du chœur. Les autres ont été remplacées par
des fenêtres carrées. La porte principale est ouverte dans
le mur méridional de la nef; une autre porte, plus petite,
se trouvait en face dans le mur du nord. L'église est voûtée
en bardeaux. La tour , aiguille en bois couverte d'ardoises ,
est établie sur la première travée de la nef.
L'église est sous l'invocation de Notre-Dame. Le seigneur
nommait à la cure ; elle dépendait du diocèse de Séez et de
la sergenterie des Bruns, élection d'Argentan. On y comptait
U5 feux avant la Révolution.
If. — L'if qui existe dans le cimetière est un des plus
remarquables que j'aie rencontrés et complètement creux ,
mais vivant toujours par l'écorce et par les branches qui
couronnent le tronc. Le diamètre intérieur est tel que douze
personnes peuvents'y tenir assises. Une excroissance du tronc,
596 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
à 1 mètre environ du sol , forme un bourrelet ou banc
naturel à l'intérieur de celte chambre circulaire.
Hugues de Grandmesnii, qui vivait au XIe siècle , donna
à l'abbaye de St-Évroult des dîmes à Abbeville.
Château. — Près de l'église d'Abbeville est un château
qui peut dater du temps de Louis XIV.
GRANDMESNIL.
Grandmesnii, Grentonis Mansio, Grente Maisnillium.
L'église de Grandmesnii est sans caractère aucun , toutes
les ouvertures en sont carrées dans la nef. Le chœu r est en
retrait sur la nef; on y a fait récemment des fenêtres en
forme d'ogive. Le tout est garni d'un lambris en bois.
L'église de Grandmesnii est sous l'invocation de saint
Martin. L'abbaye de St-Évroult nommait à la cure.
Les seigneurs de Grandmesnii avaient un château situé
à Norrey , Nuceretum , localité que nous avons explorée et
décrite dans le tome II de la Statistique monumentale , en
parcourant l'arrondissement de Falaise (canton de Coulibœuf).
Le plus ancien Grandmesnii connu est Robert Ier qui ,
pendant la minorité de Guillaume-le-Bâtard , fut blessé mor-
tellement, en juin 1050, dans un combat près Bernay ;
Hugues de Grandmesnii, son fils, fut vicomte de Leycester,
gouverneur de Winchester, et mourut moine en 1093. Son fils
accouru devant le château de Courcy , assiégé par le duc
Robert, y fut fait prisonnier. £n 1096 , deux .fils de Hugues
de Grandmesnii accompagnèrent le duc Robert à la croisade.
La famille de Grandmesnii , qui fut une des bienfaitrices
de St-Évroult, a été souvent mentionnée dans l'Histoire d'Or-
deric Vital ; elle devait avoir un château dans le voisinage ,
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-DiVE. 597
et l'on m'a signalé, près de Montreuil, une motte qui pourrait
bien lui avoir appartenu (1).
Grandmesnil faisait partie de l'élection d'Argentan et de
la sergenterie des Bruns; on y comptait 100 feux. Aujour-
d'hui, la population est de 271 habitants.
Ancienne voie. — Le chemin de Lorée , très-ancienne
voie que quelques personnes ont regardée comme romaine,
vient aboutir près de la butte de Caumont , à 2 kilomètres au
sud de l'église de Grandmesnil. Il se dirige ensuite vers le
bourg de Trun ou plutôt vers Fontaine-les-Bassets.
GARNETOT.
Garnetot, Guernetot.
L'église de Garnetot, qui est des plus insignifiantes et des
plus pauvres , peut appartenir au XVIe siècle pour quelques
parties de ses murs ; mais elle a été reprise en sous-œuvre ,
et la brique a été employée dans le chœur et dans d'autres
parties. Toutes les fenêtres sont carrées, modernes; plusieurs
sont munies de contrevents en bois , parce qu'elles sont peu
élevées au-dessus du sol.
(1) Les sires de Grentemesnil étaient puissants et illustres dans le
XIe siècle ( Voii\Orderic Vital, Uist. de Normandie). Robert de Grente-
mesnil, qui avait pris parti pour Toeny de Conches , périt avec
lui dans le combat qu'il soutint contre les fils du comte de Pont-
Audemer (Dumoulin, liv. VII, page 127), et fut enterré à Norrey.
Son fils Hugues était a la bataille d'Hastings : il fut emporté par son
cheval vers les rangs de l'ennemi, et courut un grand danger ( Rob.
Wace, Roman de Rou, vers 13570 et suivants). Il obtint de Guillaume
un grand nombre de seigneuries dans les comtés iVHcivford , de Glo-
cester, de Northampton, de Leicester , de Warwick , etc. — Voirie
Doomsday-Book , tome Ier, Toi. 138 B, 224 B, 232, 262, 291 B, et
tome II, fol. 169.
598 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
La porte occidentale, moderne, est cintrée. La tour est
en bois , de la forme ordinaire , avec une aiguille couverte
en essente.
Sur la porte qui sert à accéder au chœur, du côté du sud,
sont sculptés deux écussons surmontés d'une couronne. Ils
ont été mutilés à la Révolution , et on ne distingue plus les
figures qu'ils portaient.
Deux beaux ifs précèdent le portail. Près de l'un d'eux,
j'ai observé les débris d'une pierre tumulaire cruciforme
qui peut-être recouvrait le corps d'un curé.
L'église de Garnetot était sous l'invocation de saint Deuis.
Le seigneur nommait à la cure.
Garnetot dépendait de l'élection d'Argentan , de la ser-
genterie- de Montagut ; on y comptait 71 feux. Aujourd'hui,
il n'y a que 160 habitants environ.
Château. — Le château de Garnetot est moderne ; il est situé
à Û00 mètres environ de distance au sud-est de l'église, dans la
vallée ; il appartient à M. Gauthier de Garnetot qui l'habite.
Une belle allée, de 1 kilomètre de longueur , garnie d'épicéas,
de mélèzes et d'autres arbres s'élève, par une pente bien
calculée, jusqu'au haut du coteau où elle aboutit à la grande
route de Livarot à Trun.
Faits historiques. — Un sire de Garnetot est cité par
Masseville au nombre des seigneurs qui accompagnèrent
Robert Gourte-Heuse à la croisade en 1096 ; mais comme ou
trouve une commune de Garnetot dans la Manche , il peut
exister quelques doutes sur la question de savoir si le sei-
gneur qui accompagna le Duc était de Garnetot près de St-
Pierre-sur-Dive , ce qui pourtant est probable.
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-DIVE. 599
NOTRE-DAME-DE FRESNAY.
Notre-Dame-de-Fresnay , Beata Maria de Fraxino , de
Fresneio,
L'église de Notre-Dame-de-Fresnay , composée d'une nef
à trois travées et d'un chœur à deux travées , proportion
qui s'observe presque partout , montre une façade occi-
dentale dont le pignon est couronné d'un antéfixe découpé
à jour, avec porte cintrée surmontée d'un oculus dont les
caractères annoncent le XVIe siècle. C'est , probablement ,
à la même époque qu'il faut attribuer une partie des murs
et une ouverture à linteau en accolade ( côté sud); mais
diverses fenêtres carrées sont d'une époque moins an-
cienne.
La flèche, en bois , est une des plus jolies tours de ce genre
si communes dans le Pays- d'Auge. On remarque sur quatre
de ses huit pans des lucarneaux trilobés.
L'église est sous l'invocation de Notre-Dame. L'abbaye
de St-Pierre-sur-Dive nommait à la cure ; elle dépendait du
diocèse de Lisieux. On y comptait 98 feux. La paroisse était
comprise dans l'élection d'Argentan et la sergenterie de
Montpinçon.
M. Pépin a fait le dépouillement des actes de l'état civil
de Notre-Dame-de-Fresnay, à partir de 1(380: on y trouverait
d'utiles documents pour une histoire spéciale de la com-
mune.
600 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
SAINT-MARTIN-DE-FRESNAY.
St-Martin-de-Fresnay , Sanctus Martinus de Fresneio ,
Fraxinetum , Fresneium.
Quelques parties des murs de la nef peuvent remonter
au XIIIe siècle ; mais toutes les fenêtres de cette partie de
l'église sont modernes et carrées. La porte occidentale est
neuve , et je suppose qu'autrefois on entrait du côté du sud.
Une flèche en bois et ardoise s'élève sur la première
travée de cette nef, qui est voûtée en bois avec tirants et
poinçons.
Le chœur a été tout récemment remanié intérieurement.
On y a fait des voûtes et orné les murs de colonnettes dans
le style du XIIIe siècle; des fenêtres ogivales y ont aussi
été ouvertes. Le chœur a deux travées ; la nef en a trois.
En dépavant le chœur, il y a quelques années, on a trouvé
un fragment de tombe du XVIe siècle avec inscription en
lettres gothiques, dont il ne restait plus que quelques mots.
Une autre tombe bien conservée , et qu'on se proposait de
replacer dans le chœur, portait l'inscription suivante :
CY GIST
MESSIRE FRANÇOIS
PHILIPPE DE FRES
NAY CHEVALIER
SEIGNEUR DE LA
RIVIÈRE ANCIEN
MILITAIRE AGE DE
SOIXANTE ET DIX
HUIT ANS MORT LE
44 JUILLET 1772
PRIEZ DIEU POUR
LE REPOS DE SON
AME.
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-DIVE. 601
Un écusson gravé en tête de cette pierre tombale est
surmonté d'une couronne de marquis, et porte d'azur aux
trois fers-à-cheval d'argent séparés par une fasce d'or.
L'église est sous l'invocation de saint Martin. Le seigneur
nommait à la cure ( première portion ) : c'était , au XIVe
siècle , un Richard de Tilly qui était seigneur , et alors la
cure se divisait en deux portions. Le duc de Normandie ,
puis le Roi nommèrent à la seconde portion.
St-Martin-de-Fresnay faisait partie de l'élection d'Argen-
tan et du diocèse de Séez. On y comptait 665 habitants au
siècle dernier ; il n'y en a plus que 306 à présent.
Sépulture de famille. - Derrière le chevet de l'église on
remarque un édicule élégant , de style ogival , destiné à la
sépulture de la famille Regnouf.
Château. — M. Regnouf , membre et inspecteur de l'As-
sociation normande, possède le château de St-Martin. Il
appartenait auparavant à M. d'Amfréville. Celte habitation
occupe une position fort belle, elle domine une charmante
vallée ; des bois et des promenades environnent et cou-
ronnent le coteau de la manière la plus heureuse.
Motte. —Une ancienne motte de château existe au milieu
de ces bois; elle était entourée de fossés. On voyait au-
trefois au nord-ouest de l'église, au fond de la vallée , quel-
ques traces d'une autre forteresse moins considérable (1).
SA1M-GEOKGËS-EN-AUGE
St-Georges-en-Auge, ecclesia Sancti Georgii in Algia.
L'église St-Georges est rectangulaire avec des transepts
(1) V. mon Cours tf antiquités, t. V , p. 115.
f>02 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
peu saillants. Quelques parties des murs et des contreforts
peuvent remonter au XÏIP siècle, ce qui, du reste, est
très-incertain ; mais toutes les ouvertures ont été moder-
nisées ; toutes les fenêtres sont carrées ; les murs du transept
nord sont plus anciens que ceux du transept sud, qui pa-
raissent avoir été refaits à une époque assez récente.
La tour, avec flèche en bois de forme ordinaire, cou-
verte d'ardoises , occupe la partie occidentale de la nef. La
sacristie est accolée au chevet. Les anciennes voûtes en bois
ont été remplacées par du plâtre.
Cette église est sous l'invocation du saint dont elle porte
le nom. L'abbé de St-Pierre-sur-Dive nommait à la cure.
LE TILLEUL.
Le Tilleul , TMiolum, ecclesia de TiUiolo.
L'église du Tilleul , qui n'a absolument rien d'intéressant
et qui est réunie à St-Georges , s'élève sur un mamelon qui
domine l'extrémité d'une petite vallée. On croirait, en voyant
cette éminence coupée presque à pic du côté de l'ouest,
qu'elle aurait fait partie de l'enceinte fortifiée d'un château ;
mais bien d'autres églises du Pays-d'Auge occupent des po-
sitions semblables.
Comme toujours, le chœur est moins large que la nef. La
sacristie a été prise sur la longueur du chœur et placée
derrière l'autel. Toutes les fenêtres sont carrées, avec mon-
tants en pierre de taille qui descendent au-dessous des ou-
vertures jusqu'au niveau du sol. Tout cela annonce une re-
construction peu ancienne. Je ne sais si le millésime 1776,
gravé sur un des montants de la porte occidentale , indique
la date de cette reconstruction : cela est douteux et s'applique
probablement à la porte seulement ; mais la reconstruction
CANTON DE SAINT-PIERRE-SUR-DIVE. 603
générale précède au plus de 50 années la date que je viens
de transcrire. Il y a pourtant des parties plus anciennes dans
cette pauvre église. La petite porte cintrée qui accède au
chœur du côté du sud, et qui est bordée d'un tore, pourrait
être du XVIe siècle.
La tour, en bois avec flèche, est placée à l'ouest. La nef et
le chœur sont voûtés en bois. Deux petits autels sont placés
obliquement entre chœur et nef.
Cette église est sous l'invocation de saint Aubin. Le sei-
gneur nommait à la cure.
On lit dans le cimetière, sur une pierre en forme de croix :
ICI REPOSE LE CORPS DE
M. JEAN BAPTISTE JAMAR1)
AVl ÉPOUX DE Me FRANÇOISE
DOMINIQUE DE MALHERBE
DÉCÉDÉ LE 15 OCTOBRE 1823
ÂGÉ DE 75 ANS
PRIEZ DIEU POUR LE REPOS
DE SON AME.
Plusieurs habitations , dont une est tout près el à l'ouest
de l'église et l'autre au sud-ouest , ont une certaine impor-
tance ; l'une appartient, je crois, à la famille qui porte le
nom de la commune.
MOXTPINÇON.
Montpinçon , Monte Pinchon , Mons Pincionxs , ecclesia
de Monte P inc honis , était le chef-lieu d'une sergenterie.
L'église de Montpinçon est bâtie sur une éminence de
sable vert qui domine les vallées voisines, quoiqu'elle soit
elle-même dominée par des plateaux de craie verte. Du ci-
metière on aperçoit au loin la plaine, à loues^et au nord-
60& STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
ouest. Cette église est sans intérêt ; les appareils sont trop
peu caractérisés pour permettre d'indiquer une date , et ils
ont été refaits en grande partie ; les murs paraissent avoir
été exhaussés. Une porte toute moderne s'ouvre à l'ouest,
au milieu de plusieurs contreforts ; elle est surmontée de
Pécu de France.
Cette église ressemble , du reste , à toutes les autres. La
tour est aussi en bois , couverte d'ardoises. Une sacristie en
bois avec remplissage de mortier est appliquée sur le chevet,
L'église de Montpinçon est sous l'invocation de la Sainte-
Croix. Le duc de Normandie nommait à la cure au XIVe
siècle. Depuis cette époque ce droit fut exercé par le roi
jusqu'à la Révolution , c'est pourquoi l'écusson de France a
été rétabli sur la porte occidentale.
Château. — Je n'ai pas vu les restes de l'ancien château,
mais on les signale à l'ouest de l'église , près du hameau
de la Roque. Reste à savoir si ce sont les vestiges du château
des seigneurs du XIe siècle. Quoi qu'il en soit , il y avait un
château de Montpinçon au XIe siècle. Dans une charte de
107/r et dans le livre Ier d'Orderic Vital, il est fait mention
de Raduife de Montpinçon , dapifer de Guillaume-le-Con-
quérant ; ce Raduife fut inhumé dans le cloître de l'abbaye
de St-Évroult; il laissa pour fds Hugues, également enterré
dans cette abbaye. En 1102, Hugues de Montpinçon s'opposa,
avec Robert de Courcy , son voisin , au pillage de la gar-
nison du château de Vignats appartenant aux Bellesme
(Orderic Vital , livre IX ; Dumoulin, livre VIII).
Hugues de Montpinçon avait épousé Mathilde, fille de
Robert de Grentemesnil ( Orderic Vital , livre VIII , t. III ,
p. 317 de la Traduction ) : opposé au roi d'Angleterre,
Henry Ier, il fut réduit à se soumettre à ce prince. Un de
ses fils, Guillaume de Montpinçon , défendit vigoureusement
CANTON DE SA.1NT-PIERRE-SUR-DIVE. 605
le château de Montreuil-en-Houlme et repoussa Geoffroy
Plantagenet, comte d'Anjou , qui, malgré deux assauts, ne
put emporter la place ; après la conquête de la Normandie
(1204 ), Philippe-Auguste, roi de France, donna la terre de
Montpinçon à Guérin de Glapion , grand-sénéchal de Nor-
mandie, qui avait abandonné le parti de Jean-Sans-Terre.
Voies anciennes. — Le chemin de Lorée et une autre voie,
que M. de Saint-Basile regarde comme une voie romaine
venant de Lisieux, traversent la forêt de Montpinçon et doi-
vent se réunir près de la butte de Caumonl , au sud de
Grandmesnil.
MONTVIKTTE.
Montvielte , Mons Vietœ.
L'église de Monlviette s'élève , comme la plupart des
églises de cette contrée , sur une éminence à mi-côte qui
domine la vallée voisine. Dans cette vallée coule un ruisseau,
affluent de la rivière de Viette. Comme dans beaucoup
d'autres églises de la contrée , ses fenêtres sont carrées et
modernes ; mais quelques parties des murs appartiennent à
des dates plus anciennes.
La porte occidentale cintrée, avec un vitrage au-dessus
des battants, et la plus grande partie de la façade occidentale
me paraissent du XIXe siècle et ne datent peut-être que
de quelques années. La voûte est en merrain et le clocher
en bois couvert d'ardoises , de la forme habituelle et terminé
par une flèche aiguë. Il est entre chœur et nef et repose sui-
des poutres travcrsiôres. Cette charpente à jour n'interrompt
pas complètement la vue de la voûte et est très-solide. J'en
ai trouvé plusieurs fois de pareilles dans le Pays-d'Auge ;
mais MM. les curés leur font une guerre acharnée et font
606 STATISTIQUli MONUMENTALE DU CALVADOS.
refaire les tours à l'extrémité occidentale de la nef : ce sont
pourtant des constructions en bois intéressantes et que je
regrette de voir disparaître.
Le clocher renferme deux cloches : la plus petite porte
l'inscription suivante relevée par M. Pépin :
IAY ÉTÉ BÉNITE PAR Me IVLIEN MARTIN CVRÉ DE CETTE P,e ET
NOMMÉE LOVISE PAR MESSIRE GVILLAVME DE
PANTHOV CHEVr SGr ET PATRON û'ÉCOTS, MONVIETTE , S* GEORGES E*
AUGE, S1 MARTIN DE FRESNAY , POIX , LA GRAVBLLE
HEVRTEVENT, MENIL BACLEY SGr DV FIEF DV HOMME ET AVTRES LIEVX
ANCIEN CAPITAINE AV RÉGIMENT DE PIÉMONT ET NOMMÉE PAR
NOBLE DAME LOVISE THÉRÈSE DE MARTILLIÈRE COMTESSE DE PANTHOV,
l'année 1766.
LAVILLETTE DE LISIEVX m'a FAITE , PETIT TRESr EN L'ANNÉE 1766.
Le font baptismal en pierre calcaire, de la forme d'un vase
hémisphérique, est porté sur quatre pieds contournés comme
les pieds d'un meuble. Cette forme insolite donne un certain
intérêt à ce font baptismal, qui pourrait remonter au temps
de Louis XIV.
Deux petits autels existent à l'extrémité de la nef près du
chœur , et le grand-autel est adossé au cheVet.
L'église est sous l'invocation de Notre-Dame. Le seigneur
nommait à la cure.
Plusieurs habitations existent sur le territoire de Mont-
viette , et quelques-unes , probablement , étaient d'anciens
tiefs.
Le chemin de Lorée passe à 1 kilomètre 1/2 à l'est de
l'église de Montviette.
Camp romain. — On signalait un camp romain à l'extré-
mité de là commune de Montviette , dans lés bois du Val-
Boutry ; mais ces bois sont en grande partie défrichés et je
CANTON DE SA'UN'T-PlEilRti-SUR-DIVE. 607
n'ai plus trouvé, cette année, que quelques traces très-faibles
de l'enceinte : heureusement elle a été marquée sur la
Carte de l'état-major ; c'était une enceinte carrée-longue qui
était tout près et au nord de la route départementale de St-
Pierre à Livarot ( Voir la Carte de l'étal-major ).
LES AUTELS.
Les Autels , Sanctus Georgius de Altaribus , Altaria in
Alga.
L'église des Autels est en grande partie démolie : il ne
reste plus !qu'une partie du chœur , qui ne doit pas re-
monter au-delà de la fin du XVIe siècle , d'après le témoi-
gnage de M. de Saint-Basile.
Elle était sous l'invocation de saint Georges. L'abbé de
St-Ouen de Rouen nommait à la cure. Ce lieu avait été
donné à St-Ouen par Stigaud , premier du nom , du temps
de Richard II. Il est appelé Altaria quœ sunt in Alga super
aquam Lemone dans une charte de 1063. La rivière voi-
sine porte toujours le même nom.
Cette paroisse est réunie, pour une partie, à celle de Mont-
pinçon ; le reste dépend de St-Basile et fait partie du
canton de Livarot.
LA GRAVELLE
La Gravelle , Gravalla , Gravella.
La paroisse de La Gravelle est réunie à celle de Moniviette.
L'église n'offre de digne d'être cité qu'une porte occi-
dentale à plein-cintre , dont les claveaux réguliers et bien
appareillés, en pierre de taille, reposent sur des impostes
taillés en biseau et sur des pieds-droits sans colonnes ;
608 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
la double voussure de cette porte est bordée d'une cymaise
chargée d'étoiles , ce qui indique assez le XIIe siècle.
Hormis cette partie de la façade qui se trouve encadrée
dans une maçonnerie moins ancienne , mais aussi en pierre
de taille , et le chevet dans lequel on voit une fenêtre
ogivale bouchée , l'église appartient à la période moderne.
Toutes les fenêtres sont carrées. Toutefois, les parties basses
ou fondations paraissent plus anciennes , et il est probable
que quelques parties de murs ont été ménagées lors de la
reconstruction du XVIIIe siècle.
Les voûtes sont en merrain avec entraits. Un porche en
bois précède l'entrée occidentale : il porte l'inscription
suivante :
LAN 1668
Me BERTHAVME ESTANT EN CE PAYS
AVMONA DE SON BIEN POVR ME BATIR ICY
PASSANT Dï VN PATER ET VN AVE P LVY.
On remarque, au bas du tableau qui orne le rétable du
maître-autel, un blason qui est d'or à la bande d'azur
bordée de gueules chargée de trois croix alésées d'argent.
Sur les deux tableaux du petit autel qui accompagne l'arc
triomphal , le même blason est surmonté d'un casque vu de
face et grillé.
La tour, conforme à toutes celles de la contrée et cou-
verte en ardoise , surmonte l'entrée de la nef.
Une sacristie est accolée au chevet rectangulaire.
L'église de La Gravelle est sous l'invocation de saint
Pierre. L'abbaye de St-Pierre-sur-Dive nommait à la cure.
La Gravelle faisait partie du diocèse de Lisieux et de la
sergenterie de Montpinçon ; on y comptait 51 feux.
Château, — Près de l'église est un manoir ou petit château
CANTON DE SAINT-PJERRE-SUR-DIVE. 609
qui communique avec le cimetière et qui , comme l'église,
domine la petite vallée voisine.
Chemin de Lorée, — Le chemin de Lorée passe à moins
de 1 kilomètre à Test de l'église de La Gravelle.
BOISSEY.
Boissey , ecclesia de Bouxeio, Bouxceium.
Tl est très-difficile d'assigner une époque à l'église de
Boissey, car les fenêtres sont presque toutes refaites de
forme carrée , et l'on ne voit plus qu'une seule ouverture en
ogive; elle est dans le mur méridional du chœur. Les
appareils de la façade occidentale et quelques parties
du mur septentrional de la nef sont un peu plus carac-
térisés que les autres. Quatre contreforts garnissent la
façade occidentale , au centre de laquelle s'ouvre une porte
cintrée moderne. La tour en bois , de forme ordinaire , sur-
monte cette partie de la nef.
L'arc triomphal a été récemment élargi : selon l'usage ,
deux autels, l'un dédié à la Sainte-Vierge , l'autre à saint
Pierre , occupent l'espace compris entre cet arc et les
murs latéraux de la nef, plus large que le chœur.
L'autel du chœur paraît dater du règne de Louis XV.
Le contre-rétable est orné de pilastres corinthiens et le
tableau représente l'ensevelissement du Christ.
Dans le mur du sanctuaire , côté de l'évangile , on lit
l'inscription suivante gravée sur une tablette de marbre :
A LA MÉMOIRE DE MONSIEUR HEURE-ARMAND
OIN
DÉCÉDÉ A PARIS LE 19 AVRIL 4858
LA FABRIQUE DE BOISSEY RECONNAISSANTE.
Au-dessus de cette inscription on remarque une repré-
sentation de la façade de la cathédrale de Lisieux faite avec
39
610 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
de petits coquillages de différentes formes. Cet ouvrage de
patience a été fait et donné à l'église de Boisscy par Edouard
Doucet, à l'âge de dix-sept ans, ainsi que l'apprend une
inscription.
Les voûtes étaient en bois avec tirants et poinçons. On
vient de les enduire de plâtre et de substituer des tirants en
fer ronds aux tirants en bois.
L'église de Boissey est sous l'invocation de saint Julien.
L'abbé de St-Pierre-sur-Dive nommait à la cure.
Manoir, — Le manoir de Boissey est tout près de la
route. Il se compose de plusieurs corps de logis en bois qui
peuvent remonter au XVIe siècle (2e moitié), et dont un
porte encore un épi émaillé en terre cuile , à moitié brisé.
Fontaine St- Julien. — On trouve sur le territoire de
Boissey , au sud-est de l'église , le hameau de la Fontaine-
St-Julien ; il tire son nom d'une belle source qui là ,
comme dans beaucoup d'autres localités , a été mise sous
la protection de saint Julien qui d'ailleurs , à Boissey ,
était le patron de la paroisse. Je ne serais pas surpris que
cette source, qui sort du pied des buttes deQueverue, eût eu
quelque célébrité sous la domination romaine.
D'après les recherches de M. le docteur Pépin, les registres
de l'état civil de la paroisse remontent à 1598 ; on voit fi-
gurer dans ces registres, au commencement du XVIIe siècle,
une famille du Quesnoy dont les membres se qualifient
seigneurs de Boissey.
SA1NTE-MAKGUERITE-DE-VIETTE.
Ste-Marguerite-de-Viette, Vietta, ecclesia Sancta Marga-
ritœ de Vietta.
L'église de cette commune est bien peu caractérisée.
La plupart des fenêtres ont été refaites de forme carrée.
CANTON DE SAINT-PIEKRE-SUR-D1VK. 611
La nef pourtant montre, du côté du sud, une fenêtre
en lancette et une ouverture trilobée dans le mur du nord ;
puis, au sommet de la façade occidentale qui reçoit le ram-
pant du gable , on distingue , au sud , une petite colonne
avec chapiteau à crosseltes ; les contreforts sont régulièrement
espacés : tout cela paraît prouver que quelques parties de
la nef remontent au XIIIe siècle.
La tour s'élève , à l'ouest , au-dessus du portail ; elle est
ajourée, du côté de l'ouest, par de longues ouvertures ogivales
composées chacune de deux baies surmontées d'un quatre-
feuille,que Ton a refaites en 1860 conformes à ce qui existait,
dit-on. Ces ouvertures s'agencent très-mal avec une cor-
niche moderne droite offrant une doucine assez saillante et
qui forme, de ce côté, le support de la pyramide en bois cou-
verte d'ardoise.
Il est bien probable qu'avant l'établissement de la flèche
en bois qui a été reconstruite il n'y a pas longtemps, il
existait une disposition différente : toujours est-il que ces
baies ne vont guère avec l'ordonnance actuelle. La porte
principale de l'église, placée sous cette tour, a été refaite
et est moderne.
Le chœur , en retrait sur la nef , a des murs moins ca-
ractérisés que les autres. Il est éclairé par des fenêtres
carrées et deux fenêtres ogivales sans caractère. La sacristie
s'appuie sur le chevet, elle est à pans coupés.
L'intérieur a été peint et décoré nouvellement. Les voûtes,
en merrain , ont été enduites de plâtre et les sablières de la
nef enchâssées dans du plâtre : comme cet entablement ar-
tificiel avait une saillie considérable , on a placé de chaque
côté trois colonnes de bois, peintes en marbre, qui paraissent
le supporter. Cet entablement en plâtre a moins de saillie
dans le chœur, qui est moins large que la nef, et les colonnes
ont été remplacées par des pilastres.
L'autel magistral est orné d'un tableau moderne repré-
612 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
sentant sainte Marguerite ; les colonnes ioniques qui sup-
portent le fronton couronnant ce côntre-rétable sont d'une
longueur démesurée : elles m'ont paru avoir au moins quinze
à seize fois le diamètre du fût. Mais toutes ces décorations
sont rachetées par l'intérêt qu'offre l'ancien tableau fixé sur
le mur du chœur , du côté de l'évangile.
Ce tableau fort remarquable montre, au centre, la Sainte-
Vierge et l'enfant Jésus ; puis , autour , quinze médaillons
ronds représentant chacun un des traits de la vie dû
Sauveur, à l'exception du plus élevé qui représente le cou-
ronnement de la Sainte-Vierge ; des roses garnissent les in-
tervalles compris entre le tableau central et les quinze mé-
daillons. On lit au bas :
CE TABLEAU A ESTE
DONNÉ PAR M* A
LE SASSIER PRÊT HE
§3
ET FAICT ET PAINT PAS
M' I DOUESY PAINTRE
DE FALAISE PRIEZ DIEU
Les autres lignes ont été malheureusement cachées par
le cadre quand, il y a peu d'années, on a fait restaurer la
toile. La date se trouve, bien probablement, sur la partie
cachée. M. le curé le croit , mais il n'a pu me l'indiquer.
Quatre personnages , deux debout et deux à genoux , tous
quatre les mains jointes , occupent la partie inférieure du
tableau. Trois de ces personnages portent le costume ecclé-
siastique. Je suppose que le peintre et le donateur sont les
deux personnes à genoux. Le peintre serait celui qui . est à
droite en costume civil du XVIIe siècle. Les deux ecclé-
siastiques, debout derrière le peintre et le donateur , doivent
être leurs patrons (1).
(1) M. Choisy, conservateur de la Bibliothèque publique de Falaise,
a bien voulu , sur ma demande , rechercher quel pouvait être ce
Douësy, et je suis heureux de placer ici ses conjectures :
«La tradition, dit M. Choisy, ne me fournit aucun renseigne-
CANTON DE SAINT-PIERKE-SUR-DIVE. 613
Je suppose que cel intéressant tableau ornait autrefois le
maître-autel. La Sainte- Vierge est désignée dans le Pouillé
de Lisieux- comme patronne de l'église au XIVe siècle. On
voit, près de la chaire , une statue de la Sainte-Vierge qui
a également été reléguée là , après avoir , m'a-t-on dit , fait
partie de la décoration du maître-autel.
Il existe deux cloches à S^-Marguerite-de-Viette : la plus
petite est la plus ancienne.
L'autre cloche date de 1834.
L'église de Ste-i\Iarguerite-de-Viette était sous l'invocation
de Notre-Dame et de sainte Marguerite. L'abbaye de St-Pierre
nommait à la cure.
ment sur le peintre du tableau de Ste-Marguerite-de-Viette, et l'on
ne connaît pas ses œuvres dans le pays.
« Jusqu'à présent , il est donc à croire que Douësy était un artiste
amateur. A celte circonstance est due, peut-être, la présence du portrait
du peintre à côté de celui du curé donateur. D'une part, vous
le savez, les Le Sassier, à partir de Nicolas, l'heureux délégué de
Guibray auprès de Henry IV (V. Galeron, t. I, p. 434), deviennent des
personnages et durent avoir de bonnes relations à Falaise. De l'autre,
et bien apparemment dès cette époque , il y aura eu , dans nos murs,
une famille Douësy dont plus lard , sous Louis XV ( Voir Galeron, l, 1,
p. 483 et 484), l'un des membres, Douësy, avocat, est élevé à la
dignité de maire. C'est cette même famille Douësy qui , à une époque
plus rapprochée de nous , posséda les châteaux de Carabillon et
d'Olendon (Voir Gai., t. II, p. 93). Cette famille était ancienne dans
le pays, et reconnue noble en 1667. Aujourd'hui elle est éteinte.
a Dans les papiers de la famille Boisauné , l'abbé Le Sassier est
cité en 1720 comme donnant quittance à un frère ; il ajoute qu'à
cause de son extrême grand âge> il ne croit pas devoir se charger de
dire un grand nombre de messes à lui demandées.
a Les armes de cet abbé, armes dont vous me communiquez un
dessin , sont identiquement les mêmes que celles de la famille Le
Sa s6ier- Boisa une. »
( Note He M. Choisy, inspecteur de l'Association normande. )
61 U STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
CANTON DE LIVAROT.
Grâce aux recherches étendues et consciencieuses de
M. le vicomte Louis de Neuville sur les divers fiefs du
canton de Livarot ; grâce aussi au concours de M. Ch.
Vasseur et de M. Pannier , je puis donner sur les com-
munes de ce canton des détails plus étendus que sur celles
du canton de St-Pierre-sur-Dive : j'éprouve même le re-
gret de ne pouvoir faire usage de tous les documents dont
je dois la communication à ces habiles et savants archéo-
logues.
Le canton de Livarot embrasse, dans sa circonscription, les
paroisses suivantes :
Àuquainville.
Les Autels-St-Basile.
Bellou.
La Brevière.
La Chapelle-Hante-Grue.
Cheffreville.
Fervaques.
Ste-Foy-de-Montgommery.
St - Germain - de - Montgom-
mery.
Heurtevent.
Lisores.
Livarot, chef-lieu.
Sle-i\Iarguerite-des-Loges.
Le Mesnil-Bacley.
Le Mesuil-Durand.
Le Mesnil-Germain.
St-Michel-de-Livet.
Les Moutiers-Hubert.
St-Martin-du-Mesnil-Oui y.
Notre- Dame-de-Courson.
St-Ouen-le-Houx.
Tonnencourt.
Tortisambert.
CANTON DE LIVAROT. 015
ST-MAKTIX-DES-NOY1US.
St-Martin-des-Noyers , Sanctus Martinus de Nucibus.
Cette commune est formée par la réunion des communes
de St-Martin-des-Noyers et de la Trinilé-du-Mesnil-Oury,
réunies par ordonnance royale du 19 décembre 1831.
L'église de St-Martin-des-Noyers n'a pas été démolie. Elle
offre un intérêt tout particulier pour l'archéologue ; elle est
construite en bois, sauf le portail, flanqué de deux contreforts
à retraites et percé d'une porte ogivale qui paraît dater du
XIIIe siècle. Les vantaux sont du XVIe , à panneaux plissés.
Le porche qui précède est plus ornementé qu'on ne le
trouve ordinairement. Des anges , à longue robe , portant des
instruments de musique, sont sculptés sur l'un des poteaux
corniers (1). La sablière du nord a reçu l'inscription suivante:
Ce fut fait lan mil §c et xt un par nos iîltcljelle lîlael et 3% MoU$.
Les deux murs latéraux sont construits en bois, avec rem-
plissage en argile, sauf un contrefort plat qui fait retour au-
près du portail, et le patin , peu élevé au-dessus du sol, où
l'on constate la disposition des pierres en arêtes de poisson.
Les fenêtres sont carrées.
Le chœur, plus large que la nef, appartient à la même
construction et offre les mêmes caractères.
En présence d'un édifice rustique si peu caractérisé, il
est permis d'hésiter avant de fixer une date. Lorsque , dit
M. Gh. Vasseur, nous avons visité St-Martin-des-Noyers, en
compagnie du docteur Billon , excellent juge en pareille ma-
tière, nous sommes tombés d'accord pour n'attribuer cette
église qu'au XVIe siècle. Cependant le vocable , qui doit re-
(1) Notes de M. Ch. Vasseur.
616 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
monter jusqu'aux temps carlovingiens ; l'usage, bien con-
staté par Grégoire de Tours et autres chroniqueurs des
premiers siècles, de faire à cette époque les basiliques,
comme les palais, tout en bois, peuvent donner lieu à réflé-
chir. D'un autre côté, le patronage appartenait à l'abbaye de
St-Pierre-sur-Dive , et l'on doit se demander si cette riche
abbaye aurait pu élever, à la veille de la Renaissance, une si
mesquine bâtisse pour une paroisse d'une certaine importance,
puisque le revenu de la cure est estimé dans les pouillés anciens
à 700 *, ce qui représente près de 2,000 fr. de nos jours.
Le maître-autel du chœur n'a pour rétable qu'une pein-
ture de décoration sans valeur. Le tabernacle est en forme
de pavillon hexagonal, avec dôme et colonneltes torses : type
propre à la fin du XVIIe siècle , rencontré déjà bien souvent.
Les statuettes de l'entrecolonnement représentent le Sauveur,
saint Martin et sainte Barbe.
Aux petits autels de la nef on a employé quelques pan-
neaux à traceries flamboyantes. Les deux statues qui les or-
nent datent aussi du moyen-âge.
Le clocher , en charpente, n'offre rien de particulier ; il
contient une petite cloche de 58 centimètres de diamètre ,
dont voici l'inscription :
f LAN 1734 IAY ETE BENITE PAR Me NOËL LENOIR PRÊTRE CVRE DE ST
MARTIN ET NOMMEE LOVISE FRANÇOISE PAR Mre LOVIS IOVRRAIN CHEVALIER
SGr ET PATRON PRESENTATEVR DV PONTALERY HONORAIRE DE ST MARTIN
DES NOYER ET SEVL SEIGr POSSEDANT FIEF DANS LA DITTE PAROISSE SGr
DES NOELES FIEF TERRE ET SGr DE ST MARTIN RANVILLIÈfiE CASTILLON ET
AVTRES LIEVX ET DAMOISELLE FRANÇOISE RENEE FROVDIERE DE LA CONTRIE.
On voyait naguère à St-Martin un ancien manoir seigneu-
rial du XVIe siècle, composé d'un corps-de-logis en bois et
d'un pavillon, élevé en brique et pierre, offrant les carac-
tères propres à l'architecture du temps des derniers Valois.
Ce manoir, dit de Mézerai ou de Saint-Martin, a été récem-
CANTON DE LIVAROT. 617
ment remplacé par une jolie habitation moderne qu'a fait
construire le propriétaire actuel , M. le comte de Létour-
ville. La terre de St-Martin était , au XVIIe siècle , la pro-
priété de Gabriel de Neufville, seigneur de Mazet , qui y
résidait et y fit preuve d'ancienne noblesse dans la recherche
de 1666. Passée par vente, dans la première moitié du siècle
dernier, entre les mains des Jourdain, seigneurs de Si-Martin
et de Viette, cette terre a été de nouveau vendue par les hé-
ritiers de cette famille , il y a environ trente ans ; et après
avoir été possédée par divers acquéreurs, elle est enfin
échue à Bl< le comte de Létourville , par son mariage avec
Mllc d'Osmoy ( Renseignements communiqués par M. Le vi-
comte de Neuville ).
L'église de la Trinité-du-Mesnil-Oury a été rasée il y
a trente ans. Le patronage en appartenait au seigneur qui ,
au siècle dernier, était un membre de la famille de Nonant.
D'après les recherches de M. le vicomte Louis de Neuville,
une partie des terres du Mesnil-Oury était tenue en franc-
aleu , circonstance très-rare dans nos contrées. — La pa-
roisse était comprise dans l'élection de Falaise.
Gabriel Le Loutrel, sieur de Haut-Mesnil , et Jean Totrel ,
sieur de Bocquencey, s'y présentèrent lors de la Recherche de
la noblesse en 1666; mais ils furent l'un et l'autre con-
damnés par de Marie.
La population actuelle de cette commune est de 10k ha-
bitants. Au dernier siècle, la Trinité-du-Mesnil-Oury en
comptait à elle seule 195.
SAINT-MILHEL-DE-LIVET.
St-Michel-de-Livet, Sanctus Michael de Lyveto, Sancius
Michael de Liveio.
FVaprès la description de l'église de St-Michel-de-Livet
618 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
faite par M. Ch. Vasseur, elle consiste en un chœur, une
nef et une chapelle accolée au nord , entre les deux.
La porte s'ouvre dans le pignon occidental , flanqué de
deux contreforts. C'est un arc surbaissé accompagné de deux
petits pilastres. Les vantaux sont à panneaux plissés. Un
porche protège cette entrée. Les murs latéraux , divisés en
quatre travées par des contreforts, datent du XVIe siècle ,
comme le portail.
Les fenêtres du sud sont en accolade ou en ogive avec un
meneau. Celles des deux travées restées visibles au nord ont
été refaites sous Louis XV. La chapelle, avec deux contreforts
sur les angles , doit appartenir aussi à la dernière époque
ogivale; mais toutes les ouvertures ont été refaites.
Le chœur remonte au XIIIe siècle : il est divisé en deux
travées avec chevet droit. L'unique fenêtre du nord est
moderne : les fenêtres du sud sont modernes aussi ; mais
l'appareil et les contreforts sont bien caractérisés.
A l'intérieur , la voûte de la nef mérite l'attention. Elle
est en merrain avec charpente apparente. Les trois entraits
sont ornés de rageurs , et des blasons occupent la base des
poinçons : des anges soutiennent les écussons , malheureuse-
ment mutilés pour la plupart. Sur l'un d'eux , pourtant , on
reconnaît la trace des trois fleurs de lis de France ; sur un
autre un dauphin. Les sablières sont garnies d'une série
de mascarons et d'emblèmes funèbres.
Le maître-autel date du règne de Louis XV. Le rétable
est soutenu par quatre colonnes classiques , entre lesquelles
sont des niches contenant une statue de saint Michel , et une
statue de saint Louis. Le tabernacle peut remonter au règne
précédent : il est orné de colonnettes torses accouplées et
trois statuettes occupent l'entrecolonnement : le Sauveur
du monde, saint Pierre et saint Michel. Le dôme qui servait
de couronnement a disparu.
CANTON DE LIVAROT. 619
L'autel de la chapelle montre, comme celui du chœur,
les caractères de la fin du XVIIIe siècle. La frise de l'enta-
blement porte un blason dont le champ est chargé de
l'écusson du donateur , qui était un Bonenfant (Voir la page
621 ).
Au mur opposé est appendu un tableau contenant les
Noms des Pèlerins de cette paroisse qui ont fait le voyage
du Mont-St-Michel, 22 juillet année 1753; ce sont:
Me Nicolas Peulevé, vicaire de Livet.
MM. Desfontaines-Belœil roy.
Jean Peulevé.
Mathieu Peulevé.
Pierre Lindel.
Jean de Montreuil.
François Fleuriot.
Pierre Pinel.
Pierre Jouanne.
Philippe Messan.
Nicolas Doublet.
Gabriel Perrine.
Jean Pigis.
François Doublet.
Au moment où les pèlerinages au Mont vont recommencer
avec une nouvelle ardeur , dit M. Ch. Vasseur , il nous a
semblé curieux de transcrire cette liste.
St-Michel-de-Livet a hérité d'une partie du mobilier de
l'église de la Trinité-du-Mesnil-Oury. Ce sont quelques
tableaux dont on n'a rien à dire et une Trinité en pierre
du XVIe siècle, savoir : le Père-Éternel , assis sur un trône,
soutenant des deux mains la croix sur laquelle le Fils est
attaché, tandis que le Saint-Esprit sort de sa bouche , sous la
620 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
forme d'une colombe planant au-dessus du Crucifié. Cette
sculpture n'est pas sans mérite (1).
St-Michel-de-Livet faisait partie du doyenné du Mesnil-
Mauger. Le patronage appartenait à l'abbé de St-Pierre-sur-
Dive.
Au civil, la paroisse dépendait de l'élection de Falaise,
sergenterie de St-Pierre-sur-Dive , et comptait 113 feux,
soit 565 habitants. La population est réduite à 255.
Anciens fiefs. — D'après les recherches de M. L. de Neu-
ville, St-Michel-de-Livet renfermait plusieurs circonscrip-
tions féodales. Le fief de Livet , dont le manoir était situé à
l'extrémité nord de la paroisse , non loin de la rivière de
Vie , était dans la mouvance du comté de Montgommery ; il
appartenait , au XVIe siècle , à la famille des Le François ,
qui portaient pour armes: d'argent à deux pals de sable
au chef de gueules. Vers 15*20, Jean Le François, écuyer,
était seigneur de St-Michel-de-Livel, d'Advenel, fief situé aux
Quatre-Faverils , et de la Plesse. François Le François , son
arriëre-petit-fils , était encore seigneur de Livet en 1615;
mais, peu après , ce fief était passé entre les mains de la
famille Vaumesle. Jean de Vaumesle , trésorier de France
à Alençon, était seigneur de Livet vers 1650. Ses descen-
dants ont conservé cette terre et en ont porté le nom jusqu'à
leur extinction , survenue il y a une trentaine d'années. Le
manoir, encore subsistant , paraît dater du XVIIe siècle et
n'offre pas d'intérêt.
A l'autre extrémité de la paroisse était situé le fief deMezet
qui, au XVIe siècle, était possédé par la famille de Neufville.
Robert de Neufville, écuyer, mort en 1539, était qualifié sei-
(1) Notes manuscrites de M. CM. Vassenr.
CANTON DE LIVAROT. 621
gneur de Belleau, Mesnil-Bacley , Mezet et Mesnii-Durand. Sa
postérité conserva la terre de Mezet jusqu'en 1688, époque où
elle fut vendue par Gabriel de Neufville , seigneur de Mezet
et St-iMartin, à Pierre Le Menant, sieur de Grandval. De cette
dernière famille , Mezet a passé par succession ou donation
aux familles Moulin , Deshayes, Gondeau et Le Myre de
Villers. Mme Alexandre , née Le Myre de Villers , a vendu
cette terre en 1859 à M. le vicomte Louis de Neuville , qui
vient d'y faire construire un château en brique dans le style
du XVIIe siècle. Il n'y subsistait, de temps immémorial, au-
cune trace d'ancien manoir.
Le fief de Carel , situé partie sur St-Michel-de-Livet ,
partie sur le Mesnil-Bacley, paraît être échu vers 1620 à Phi-
lippe de Neufville, l'un des fils de Gabriel de Neufville , sei-
gneur du Mesnil-Bacley. Anne de Neufville , fille tiînée de
Philippe, ayant épousé, en 1645, Georges de Bonenfant , lui
apporta le fief de Carel et fut la souche d'une branche de la
famille de Bonenfant qui a résidé pendant plus d'un siècle à
St-Michel-de-Livet , où son écusson , de gueules à la fasce
d'argent accompagnée de six roses d'or, décore les boiseries
d'un autel latéral dans l'église de la paroisse. En 1789
M. Gossey, seigneur de Livarot, était devenu acquéreur du
fief de Carel, comme de plusieurs autres terres. L'ancien
manoir a été défiguré par des travaux récents ; une partie a
pourtant conservé son caractère et peut dater du XVe siècle.
Quelques terres de St-Michel-de-Livet dépendaient au-
trefois de la seigneurie de Plainville , appartenant à la fa-
mille d'Assy. Plusieurs membres de la famille Buuot de
Saint-Maclou ont résidé depuis deux siècles dans cette
même paroisse, mais ils n'y possédaient ni fief ni manoir im-
portant.
622 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
LE MESNIL-BACLEY.
Mesnil-Bacley , Menillus Baccalerii, Maisnil Bachelarii.
L'église du Mesnil-Bacley s'élève tout près de Livarot , sur
la rive gauche de la Vie , sur le bord de la route allant à
Trun; quoique peu importante, elle offre cependant un cer-
tain intérêt.
D'abord, sa porte occidentale appartient au style ogival et
présente cette particularité , assez rare , que les tores de l'ar-
chivolte se continuent sans colonnes depuis le sommet jusqu'à
la base et qu'il n'y a pas de tympan. Cette porte , à plusieurs
tores détachés , pourrait remonter au XIIIe siècle ou au com-
mencement du XIVe ; une ouverture en forme de lancette
la surmonte.
Les vantaux de la porte ont leurs panneaux plissés et me
paraissent du XVIe siècle. Un porche en bois, formant un
vestibule , avec des bancs , en avant de cette porte, doit re-
monter au XVIIe siècle au moins , s'il n'est pas du temps
des panneaux dont je viens de parler.
Des reprises considérables et des reconstructions ont été
faites dans le corps de la nef et du chœur, mais on remarque
quelques restes d'appareil ancien dans le mur septentrional
de la nef qui approche du chœur , au lieu que des appareils
plus grands , et qui paraissent du XVIe siècle , se voient en
approchant de la façade. On trouve, du côté du nord et du
côté du sud, des lancettes dont la tête, en accolade aiguë,
annonce le XVIe siècle.
Plusieurs fenêtres sont modernes et de forme carrée. On
en voit une autre à deux baies et à compartiments flam-
boyants dans la nef , du côté du sud.
On entrait dans le chœur , du même côté , par une porte
cintrée épannelée sans caractère.
CANTON DE LIVAROT. 623
Enfin , le mur du chevet s'arrête à la hauteur des murs
latéraux, et le pignon triangulaire qui existe sous la charpente
du toit est en clayon nage.
Le rétable du maître-autel est orné de colonnes torses avec
une niche en attique ; il doit dater du règne de Louis XIV ;
le tabernacle , de forme hexagonale , a des colonnes torses
aux angles et , sur ses faces , des niches avec les statues du
Sauveur, de saint Paul et de saint Luc.
Les deux petits autels , entre chœur et nef , datent du
même temps.
Une piscine géminée, du XIIIe siècle, existe dans le chœur.
On voit dans le chœur la pierre tumulaire de Thomas
Maheult , prêtre, curé du lieu, décédé le 25 avril 1759,
âgé de 49 ans.
Le clocher , en charpente et de la forme habituelle , est
assez élégant (1).
L'église du Mesnil-Bacley est sous l'invocation de saint
Pierre. La présentation à la cure appartenait à l'abbaye de
St-Pierre-sur-Dive.
La commune du Mesnil-Bacley était autrefois comprise
dans l'élection de Falaise; mais, dans l'ordre judiciaire, elle
dépendait en partie de la vicomte d'Argentan.
On compte 248 habitants au Mesnil-Bacley. Au dernier
siècle, il y en avait plus de 500 (102 feux).
(1) La cloche, de 60 centimètres de diamètre, porte l'inscription
suivante :
f L'AN 1777 JAY ETE BENITE PAR PIER(re) COSME CVRB DE CE LIEV
ET NOMMEE FRANÇOISE TARSILLE PAR MESSIRE ANTOINE THOMAS MOVLIN
CHr DE LORDRE ROYAL ET MILITAIRE DE S1 LOVIS LIEVTENANT COLONEL
DE CAVALERIE SEIGNBVR DV MESNIL BACLEZ ET DV MEZET ET PAR DEMOI-
SELLE FRANÇOISE TARCILLE DESHAIS. PIERRE DVCHESNB TRESORIER (*),
(*) Transcription faite par M. Vasseur.
()2£» STATISTIQUE MONUMENTALE OU CALVADOS.
Anciennes familles. — D'après les recherches de M. le vi-
comte Louis de Neuville , la seigneurie du Mesnil-Bacley se
trouva divisée , il y a déjà plusieurs siècles , en diverses
portions , sans doute par suite d'un ou de plusieurs partages
successifs. Dans la seconde moitié du XVe siècle , des
membres de la famille Gouhier ont été qualifiés sieurs de
Mesnil-Bacley , et Jean Eschallart portait le même titre en
lZi.69 ; dans les deux siècles suivants la même qualification a
été donnée à des membres des familles de Neufville , Le
Fournier , Le Ghastelain , de Marguerin , de Croisilles ,
Jamot , de Costard , Le Menant et autres. Ne pouvant suivre
avec exactitude l'histoire de chacun de ces fragments féodaux,
continue M. de Neuville, nous nous contenterons d'esquisser
celle des principaux manoirs qui leur servirent de chefs-lieux.
Le nom de manoir de Mesnil-Bacley a été ordinairement
employé pour désigner le manoir de la Harderie, situé à peu
de distance de l'église paroissiale. La maison est une vieille
construction en bois du XVIe siècle , qui n'offre que les
caractères généraux des édifices de ce genre ; le colombier ,
de la même époque, est assez pittoresque. Ces lieux ont
longtemps servi de résidence à une branche de la famille
de Neufville. Jean de Neufville demeurait à Mesnil-Bacley
lors de la recherche de Montfaut en 1&63. Son arrière-
petite-fille , Jeanne de Neufville , épousa , en 1510 ,
Robert de Neufville , sieur de Belleau , issu de la branche
des Loges ; celui-ci est le premier de sa maison que nous
trouvions qualifié du titre de seigneur de Mesnil-Bacley, que
ses descendants ont constamment porté jusqu'à Robert de
Neufville, sieur de Mesnil-Bacley et de la Fressengère , qui
vendit cette terre vers 1680 pour aller résider dans la pa-
roisse d'Athis où sa branche s'est éteinte au commencement
de ce siècle , ayant toujours professé la religion protestante.
Le fief de Mesnil-Bacley, de la famille de Neufville, relevait
CANTON !)K LIVAROT. 625
par un quart de fief de chevalier de la seigueurie d;.Ailiy ,
appartenant à la maison de Courseulles au XVIe siècle.
Possédé ensuite par les familles Lemenant de Grandval,
Moulin, Deshayes, Gondean et Lemyre de Villers, le manoir
de Mesnil-Bacley a été vendu par un membre de cette der-
nière famille à M. Desgenetez : il appartient aujourd'hui à
Mme Bannier, sa fille.
A peu de distance de ce manoir se trouve une autre con-
struction de la môme époque , aujourd'hui connue sous le
uom du Rouy, mais qui se nommait autrefois le manoir de
la Brasserie. Il ne paraît pas avoir jamais été le chef lieu
d'un fief. Guy de Neufville, un des fils du seigneur de Mes-
nil-Bacley , se qualifiait cependant de sieur de la Brasserie
vers 1620. Marie de iNeufville, sa petite-fille, épousa, dans
les dernières années du même siècle, Charles Le Conte , sei-
gneur du Rouil , à Ste-Marguerite-des-Loges. C'est de cette
époque que ce domaine paraît avoir changé de nom : il a
appartenu depuis aux demoiselles Sauvai et est aujourd'hui
la propriété des héritiers Desgenetez.
Un autre manoir du XVIe siècle, celui de Mont-Audin,
a été longtemps le centre d'une portion du fief de Mesnil-
Bacley , qui a appartenu à la famille Le Fournier. Henri Le
Fournier, sieur de Sl-Martin-du-Bû , avait épousé, sous le
règne de François 1er, Jeanne de Neufville-Mesnil-Bacley , et
possédait un fief qui fut divisé en trois portions par partage
entre ses trois petites-filles. L'une d'elles, Madeleine Le Four-
nier, épousa, en 1580, Nicolas de Marguerie, seigneur de
Bretleville et de Sorleval; une autre fut mariée à Yves Le
Chastelain, sieur de Pont-Hardy. Nous ne savons à laquelle
échut le manoir de Mont-Audin ; mais, vers 1655, il fut ac-
quis par Roger Costard, sieur de la Droictière et depuis de
Mesnil-Bacley. Un de ses descendants, M. de Costard de Bur-
sard, l'a revendu en 1792, et il est aujourd'hui la propriété
40
626 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
de M. Pierre. Les constructions, bien qu'intactes, n'offrent
rien qui mérite l'attention.
Un peu plus loin , en remontant le vallon du Douet-Ho-
quiri , se trouvait, entouré de belles douves , le manoir des
Mézerets, centre d'une autre portion de la seigneurie de
Mesnil-Bacley , qui fut, vers 1580, l'apanage d'une des trois
filles de Pierre Le Fournier et de Guillelmine de Nossy :
celle-ci épousa Henri Jamot. Un de ses descendants, Nicolas
Jamot, sieur de Mesnil-Bacley, fut, en 1666, condamné à
l'amende comme ayant usurpé la noblesse. Il eut pour héri-
tier Pierre Lemenant de Grandval, chevalier de St-Louis,
possesseur de plusieurs fiefs et de terres considérables dans
le voisinage, lequel faisait sa résidence au manoir des Méze-
rets. Ce domaine passa depuis par succession à M. Moulin,
puis par vente au sieur Graverend, qui l'a transmis au pro-
priétaire actuel, M. Mignot, maire de Mesnil-Bacley ; celui-ci
a remplacé l'ancien manoir par une habitation moderne.
Une autre portion de la seigneurie de Mesnil-Bacley a
longtemps appartenu à la famille de Groisilles , peut-être
comme dépendance de son fief de Poix. Au siècle dernier ,
M. de Panthou se qualifiait de sieur du Mesnil-Bacley , pro-
bablement au même litre.
A l'extrémité de la commune de Mesnil-Bacley, vers Heur-
tevent , se trouve encore un vieux manoir du XVIe siècle ,
Belleau , qui paraît avoir été construit par Robert de Neuf-
ville , sieur de Belleau , vers 1526 , et en avoir reçu le nom.
Un des descendants de Robert, Jean de Neufville , sieur de
Saint-Rémy , baron de Fresne, gentilhomme de la chambre
du roi, le vendit, en 1605, à Michel Gostard, sieur de la
Quaize, dont les héritiers le revendirent, en 1632, à Louis
Gostard, sieur de la Moraizière. Le petit-fils de ce dernier,
Louis de Gostard , sieur de Belleau, voulant quitter la France
après la révocation de l'édit de Nantes , pour retourner à la
CANTON DE LIVAROT. 627
religion protestante qu'il avait abjurée , vendit, en 1689, ce
manoir avec le fief de Vauxmeslin dont il dépendait , à Jac-
ques Rioult, sieur d'Ouilly et de Neuville. Le fief de Vaux-
meslin, mouvant de la baronnie de Courcy , avait été acquis
par les Costard de Nicolas de Mannoury , sieur de Fribois ,
qui lui-même l'avait acquis d'un sieur Saminde LaSaminière.
Beileau -Vauxmeslin est aujourd'hui la propriété de M. le
comte de Neuville.
Le territoire de Mesnil-Bacley renfermait , en outre , le
prieuré du Val-Boutry, dépendance de l'abbaye de St-Pierre-
sur-Dive. Cet établissement religieux, dont l'origine paraît
remonter au XIIe siècle , possédait, outre des terres et des
bois assez importants , une mouvance féodale sur une partie
de la paroisse. La chapelle et les bâtiments du prieuré sont
encore subsistants , mais ils n'offrent aucun caractère digne
d'attention. Dédiée à Notre-Dame, la chapelle est encore de
nos jours fréquentée par des pèlerins (1).
HECRTEVENT.
Heurtevent , Hurtevent , Hurtevant.
En remontant le cours de la Vie , nous trouvons, sur le
coteau qui domine la rive gauche de cette rivière , l'église
d'Heurtevent qui appartenait au style flamboyant de la
dernière époque (commencement du XVIe siècle). Toutes
les fenêtres ont été refaites au siècle dernier et sont mo-
dernes ; mais la façade occidentale nous montre une fenêtre
flamboyante , et une porte en accolade encadrée dans une
ogive. Elle est précédée d'un porche en bois , de la fin du
XVIe siècle , d'un travail soigné. Le gable , qui termine la
(1) Extrait des notes manuscrites de M. le vicomte Louis de
Neuville.
628 STATlSTlQtîfe MONUMENTALE DU CALVADOS.
façacfe occidentale, est protégé par une forte saillie du 'toit
sous laquelle se dessine une ogive en charpente, comme dans
"fés maisons en bois. UHe croix de bois revêtue de plomb
couronne le faîte.
La tour , en bois , conforme à celles que nous avons
tant de fois signalées dans ce pays, précède le chœur à
l'extrémité de la nef.
Une litre funèbre peinte autour de l'église est encore visible.
On peut remarquer dans l'intérieur de l'église dn rétable
très-riche , à colonnes cannelées ; un taberharlle orné de co-
lonnes torses et de statuettes. On voit au bas du tableau &a
rétable ,'cf' un côté, l'inscription suivante :
EX DONO
I. DE MANOURY
De l'autre côté, la date 168Zi avec un écusson d'argent à
trois mouchetures d'hermine de sable, 1 et\, qui-est Manoury .
Deux autels latéraux, au haut de la nef, près de l'arc
triomphal , ont de petits rétables ornés de colonnes torses
dans le style du XVIIe siècle, comme l'autel magistral.
Le confessionnal porte la date 1667.
Il paraît que les Femmes d'Heurtevent avaient l'habi-
tude de parler à l'église, car on trouve sur le mur de la nef,
du côté de l épure , la curieuse inscription suivante que
M. Bouet a copiée avec soin, et qui n'a pas été mise la sans
motif. Elle est gravée en caractères gothiques sur une pierre
incrustée dans le mur.
<fi>ras . biables . sûmes . ennogcs oenfer
<ftost . par • nostre • gcat • maistre lurifer
JjJotir . mettre • en . ce . papier memore
l'es . famés • qui . quaquettent .en .ce lieu
JJour .leur . empescljer . ïres • cieulx . la gloVre
<£t . l'association . ou . grant HHieu
CANTON DE LIVAROT. 629
Les capitales qui commencent chaque ligue sont rouges,
ainsi que les points et les ornements.
Il existe dans la sacristie d'Heurtevent un panneau assez
curieux peint des deux côtés , représentant la légende de
saint Jacques-le-Majeur; les différentes scènes peintes de
cette légende sont accompagnées d'inscriptions explicatives.
L'église d'Heurtevent est sous l'invocation de saint Jac-
ques , ce qui explique la peinture dont nous venons de parler.
Au XIVe siècle, le patronage appartenait au duc de Nor-
mandie ; au XVIe siècle, à Robert de Livet , et au XVIIP
siècle, au seigneur de la localité.
Voici maintenant les intéressants détails que nous donne
M, Louis de Neuville :
a Cette commune, une des plus riches du canton de Li-
varot, était autrefois comprise dans les limites (\e l'élection
d'Argentan. Les plus anciens seigneurs furent les d'Ouilly ,
famille originaire d'Ouilly-le-Tesson , près Falaise , et qui
portait pour armes : d'argent à la bande de gueules. Nigel
d'Ouilly donna la dîme de la paroisse d'Heurtevent à l'ab-
baye de St-Pierre-sur-Dive vers la fin du XIe siècle : il
était frère de Robert d'Ouilly qui suivit Guillaume-le -Con-
quérant en Angleterre, où il fut fait connétable d'Oxford.
Celte famille illustre, qui s'est éteinte en France dans le
cours du XIVP siècle, subsiste encore en Angleterre dans les
maisons d'Oiley de Chislehamplon et d'Oiley de Shottisham ,
décorées l'une et l'autre du litre de baronnet.
« Soit que la terre d'Heurtevent ait été divisée en vertu
d'un parage ou autrement, il est certain que dès une époque
fort ancienne on la trouve partagée en trois fiefs, ou peut-être
quatre, en tenant compte d'une portion réunie au domaine
royal. Le principal de ces fiefs, auquel était attaché le titre
de patron de la paroisse et le droit de présenter a la cure
du lieu, était réuni et incorporé au fief et haute-justice du
C30 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Coudray , situé en la paroisse voisine de Tortisambert. C'est
comme possesseurs de ce fief que se sont successivement qua-
lifiés de seigneurs et patrons d'Heurtevent , les du Coudray ,
les de Lyée , les Le Jau et les Picot de Dampierre ; ces der-
niers en portaient encore le litre en 1789, et leurs armes
se distinguent sur la litre funèbre qui règne autour des
murs extérieurs de l'église paroissiale. A l'intérieur de la
nef on remarque encore un double écusson : c'est celui de
Jean-Henri Le Jau , seigneur de Chamberjot et du Coudray,
capitaine des gardes de la porte de Monsieur, et de dame
Angélique-Anne- Marie de La Guérinière , son épouse ; ils
vivaient sous le règne de Louis XIV.
« Le second des fiefs d'Heurtevent était une dépendance
du fief de Poix, qui s'étendait dans les paroisses voisines de
Mesnil-Bacley, Montviette, St-Martin-de-Fresnay, St-Georges,
Escots et autres. Ce fief, qui paraît avoir été aussi nommé le
fief Quesnel , a appartenu d'abord aux deux familles dont il
a porté le nom. Bertin Quesnel , écuyer , vivait à Heurte-
vent en 1400, avec Perrette de Neufville , son épouse ; il
était probablement issu de la même souche que les -Quesnel
de Coupigny et allié à la famille de Poix , éteinte au XVe
siècle. Plusieurs familles ont successivement possédé le fief
de Poix ; contentons-nous de citer celles de Moges , de La
Ménardière , d'Acher-Mesnil-Vitté et de Croisilles.
« Venait enfin le fief d'Heurtevent-Perleville. Il entra vers
la fin du XVIe siècle dans la famille de Mannoury, de la
branche des Fribois, qui avait conservé les anciennes armes
de leur nom : d'argent à trois mouchetures d'hermine ,
tandis que la branche aînée, celle des seigneurs du Mont-de-
la-Vigne, avait échangé son écusson contre celui de la maison
du Tremblay. Guillaume de Mannoury , marié à Philippe
de Tirmois , eut pour fils aîné François de Mannoury , sei-
gneur de Perteville , reçu avocat du roi à Argentan , en
CANTON DE LIVAROT. 631
1599 , mort en 1649. Celui-ci est l'auteur d'un ouvrage
intitulé: Du comté d'Alençon , récemment publié par
M. Gravelle-Desulis , et d'une Histoire d* Argentan encore
inédite. La famille de Mannoury possédait aussi les terres
de la Brunetière et de Valingou , dans la mouvance du fief de
Perteville ; établie à Heurtevent dès le XVe siècle, elle y a
eu des représentants jusque vers 1789.
« Plusieurs autres familles nobles ont résidé à Heurtevent
sans y avoir possédé de terres seigneuriales. Une branche
des Neufville a demeuré, au XVIe siècle, au hameau de Cler-
douet dont elle prenait le nom. Ce hameau, dont il ne reste
plus de vestiges, était situé dans les herbages deBelleau, dé-
pendant aujourd'hui de la terre de Neuville. Les familles de
Brossard , de La Houssaye et du Buat ont eu aussi des ré-
sidences dans la paroisse d' Heurtevent. Il ne s'y trouve
cependant aucun manoir digne d'appeler l'attention. »
De 500 habitants qu'elle comptait au dernier siècle, la pa-
roisse d'Heurtevent est réduite à 260.
TORTISAMBERT.
Tortisambert , Tort Isembert, Towtum Ysamberti.
Comme presque toutes, l'église de Tortisambert se com-
pose d'une nef et d'un chœur rectangulaires , le chœur en
trait sur la nef; une sacristie moderne s'appuie sur le chevet.
Quelques restes d'appareils dans les parties basses des
murs de la nef pourraient appartenir au XIIe siècle , mais on
a dû reconstruire l'édifice presque en entier. Les fenêtres
sont carrées, pour la plupart ; il n'en reste que deux anciennes
cintrées et épannelées, mais d'une époque peu caractérisée; le
chœur paraît en grande partie moderne.
On y voit, du cAté du sud. une grande fenêtre carrée dont
632 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
le lioteau dessine une accolade avec un écusson, et que je
crois de la fin du XVIe siècle.
La porte occidentale est un cintre surbaissé, surmonté d'un
cordon , mais le mur qui la surmonte et forme le pignon a
été refait récemment; on y a figuré, à l'aide de briques, un
ostensoir avec son pied et son soleil rayonnant. La flèche, en
bois et ardoise , est assez élégante et se compose d'une base
carrée surmontée d'une galerie de même forme en surplomb,
laquelle est couronnée d'une flèche octogone très-élancée, dont
les angles de la base font saillie sur le carré qui la supporte.
L'intérieur de l'église de Tortisambert a été fraîchement
peint. Les anciennes voûtes en bois ont été remplacées ou
masquées par des voûtes en plâtre.
Deux petits autels obliques et modernes, entre chœur et
nef, sont peints en couleur de noyer; le chœur a aussi été
peint. Les deux fenêtres qui éclairent le sanctuaire ont reçu
des vitraux peints : au centre de chacun on voit un médaillon,
de forme circulaire, encadrant des personnages; dans l'un
on dislingue l'Adoration des Bergers , dans l'autre le Christ
et les Saintes Femmes après la Descente de Croix.
L'église de Tortisambert est sous l'invocation de la Sainte-
Trinité. Le duc de Normandie, puis le roi nommait à la cure.
Nous lisons ce qui suit dans les notes de M. Louis de
Neuville :
Cette commune a fait autrefois partie de l'élection d'Ar-
gentan. Elle renfermait un fief, celui du Coudray, décoré du
privilège de haute-justice rare en Normandie, et qui avait
pour origine une concession royale dont la date ne nous est
pas connue. Cette terre paraît avoir pris son nom d'une fa-
mille du Coudray, qui l'a possédée jusque dans la seconde
moitié du XVe siècle, lorsque Jeanne du Coudray, dame de ce
lieu et d'Heurtevent, épousa Guillaume de Lyée, seigneur de
Lyée, de Tonnancourt, de Belleau et de la Fosse. Pendant
CANTON D*: LIVAROT. 633
deux siècles , la lerre du Coudray appartint à la famille de
Lyée. François de Lyée , seigneur de St-Jean -de-Livet ,
du Coudray et d'Heurtevent , cadet de la branche de Ton-
nancourt, n'ayant eu qu'une fille de son mariage avec Made-
laine de iMailloc, ses terres passèrent à d'autres maisons.
Madelaine de Lyée , héritière d'une fortune considérable ,
épousa Jean de Vieux-Pont, d'un nom illustre en Normandie;
devenue bientôt veuve , elle donna sa main à Arnoul de
Braque , seigneur de Volhard et de Châteauvert. Ce second
mariage eut lieu en 1642 . [/année ne s'était pas écoulée que
la dame du Coudray était plongée dans un nouveau veuvage.
Après un deuil de quelques années, Madelaine de Lyée con-
vola, en 1648, à de troisièmes noces. Cette fois elle épousait
un gentilhomme périgourdin de peu de fortune, mais une
des célébrités littéraires de l'époque, Gautier de Costes, sieur
de La Calprenède. Auteur de plusieurs tragédies médiocres,
La Calprenède est surtout connu par ses romans : Cassandre,
Cléopâlre et Pkaramond. Ces ouvrages témoignent à la fois
de la féconde imagination de l'auteur et de l'intérêt infati-
gable de Nés admirateurs; cependant, après avoir été en-
tourés d'une extrême popularité, ils sont tombés dans le plus
complet oubli. On en a justement critiqué le style négligé el
les sentiments peu naturels; mais peut-être aussi, par le ton
héroïque de ses écrits, La Calprenède a-t-il contribué à dé-
velopper chez ses lecteurs cette élévation morale si remar-
quable dans la société française du XVir siècle. La Calprenède
mourut aux Andelys, en 1663, de mort accidentelle: sa veuve
ne put surmonter sa douleur et le suivit de près au tombeau.
La terre du Coudray a été depuis possédée par la famille
Le Jau, puis par celle de Picot de Dampierre, maison distin-
guée de Champagne ; elle appartient encore à M. le comte
de Dampierre. lue enceinte de larges fosses entourait le
manoir seigneurial , démoli a la fin du siècle dernier, et se$
684 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
dépendances encore subsistantes, mais dénuées d'intérêt. On
a détruit, il y a une vingtaine d'années, la prison de la haute-
justice , construction fort singulière , composée de pièces de
charpente couchées horizontalement les unes sur les autres
et reliées par les extrémités.
La paroisse de Tortisambert renfermait aussi le fief du
Buisson , qui a appartenu , comme le précédent, à la famille
de Lyée. 11 était voisin de la forêt de Montpinçon , autrefois
du domaine royal , qui s'étend en partie sur Tortisambert.
Cette forêt est aujourd'hui la propriété de M. de Logivière,
dont l'habitation de Beauvoir occupe une belle position.
Signalons aussi le manoir de Buttenval , longtemps pos-
sédé par la famille Chauvel de Buttenval ; le manoir de Val-
Henry, ancienne résidence de la famille du Buat et aujour-
d'hui la propriété de M. de Chaumontel. Pierre du Bual
comparut à Tortisambert pour faire ses preuves de noblesse
dans la Recherche de 1666, de même qu'Yves Philippe,
sieur de Beaumont; Nicolas de Vigan, sieur de La Fresnaye,
et Antoine de Vigan, son fils, sieur d'Angerville.
Le colonel du génie du Buat, auteur d'un ouvrage impor-
tant sur l'hydraulique, est né à Tortisambert, ainsi que son
frère du Buat , comte de Nançay , diplomate.
ST-B ASILE.
St-Basile, Sanctus Dasilius, ecclesia Sancti Basilii.
Depuis que la paroisse de St-Basile a été réunie à Torti-
sambert , M. de Saint-Basile a acheté l'église et la conserve:
c'est un édifice pei^ important , mais qui présente encore
pour l'étude quelques détails à observer.
Comme dans les autres églises du pays, la nef et le chœur
sont rectangulaires ; mais les murs de la nef sont en pierre
jusqu'à une certaine hauteur , en bois et en clayonnage à la
partie supérieure. Celle-ci repose sur des poteaux intérieurs
CANTON DE LIVAROT. 635
qui supportent la charpente. Nous avons déjà vu de sem-
blables poteaux à Livaye , et on les retrouve dans plusieurs
autres églises; il est curieux d'examiner ce système de con-
struction, dans lequel les charpentes jouent un si grand rôle.
L'église de St-Basile nous le montre tel qu'on l'a employé
encore quand on a reconstruit les églises du Pays-d'Auge
vers le XVIe siècle ; mais je ne doute pas que dans les pre-
miers temps beaucoup d'églises ne fussent tout-à-fait en
bois. Que l'on supprime donc, par la pensée, le mur en
pierre qui forme les deux tiers de l'élévation des murs de la
nef; que l'on y substitue un remplissage en bois et en mor-
tier , et l'on aura l'image d'une église telle qu'elles devaient
exister en grand nombre autrefois dans la contrée.
Les fenêtres de l'église de St-Basile sont carrées , à l'ex-
ception de celle qui était au chevet et qui est bouchée au-
jourd'hui. Celle-ci était cintrée , subdivisée en deux baies ,
avec un oculus entre les ouvertures géminées. M. de Saint-
Basile croit , et je suis de son avis, qu'elle peut remonter au
XVIe siècle. Un porche en bois précède la porte d'entrée :
je le crois du XVIIe siècle. Quant à la porte , la date 1780
est gravée sur le linteau qui reçoit le battant , au-dessous du
tympan circulaire qui est vitré.
L'intérieur de l'église, outre les robustes poteaux qui sup-
portent la charpente , montre , entre chœur et nef , deux
petits autels à rétable de bois à jour. On voyait autrefois des
rétables pareils dans beaucoup d'églises du pays ; il n'en
reste guère, et chaque jour on en détruit quelques-uns,
quoiqu'ils dussent être conservés ; on ne les retrouve plus
que dans les églises supprimées comme celle de St-Basile. La
statue de la Sainte-Vierge qui surmonte le tabernacle, à
l'autel de gauche, me paraît ancienne relativement ; la pose
du corps et la draperie sont identiques avec celles qui dis-
tinguent quelques Vierges du XV siècle.
636 STATISTIQUE MONIJMKNTAF F T)U CALVADOS.
M... de Sainjl- Basile conserve tous ces objets, et nous l'en
remercions ; les souvenirs sont pour lui , avec son goût pour
l'archéologie, des motifs pour sauver celte pauvre église qu'il
a rachetée; une litre funèbre, dont on voit encore les traces,
porte les armes de sa famille.
Dans le chœur, une belle pierre tombale en marbre blanc
recouvre les restes de Mme de Saint-Basile, née de Foucault,
morte; il y a peu d'années.
Le fief de St-Basile , dit M. de Neuville , était dès le
XVIe siècle le patrimoine de la famille Gaultier, qui en a
pris le nom et qui a conservé cette terre jusqu'à la Révo-
lution. Cette seigueurie était mouvante du fief voisin de
Launay-Bernard. Ce dernier fief, dont le nom a été altéré
par l'usage eu celui de Launay-Besnard , était autrefois situé
dans les limites de la paroisse de Montpinçon ; mais son ter-
ritoire en a été postérieurement distrait et incorporé à la pa-
roisse de St-Basile. Launay-Bernard a appartenu , au XVe
siècle, à Jean Lenfant , chancelier du duché d'Àlençon, un
des jurisconsultes les plus éminenls de son siècle. En H75 ,
René, comte du Perche , administrateur du duché d'Alençon
pendant la captivité du duc Jean, son père , fit don du relief
du fief de Launay-Bernard à Jean Lenfant, qui mourut peu de
temps après à Angers, où il professait le Droit civil depuis la
disgrâce de son maître. En 1553, Adrien Gaultier était seigneur
de Launay-Bernard et de St-Basile, et c'est encore M. de
Gaultier de Saint-Basile qui est possesseur de la première
de ces deux terres. Il y a fait construire une habitation renfer-
mant une petite chapelle entièrement lambrissée et ornée de
sculptures et de statuettes en bois de l'époque gothique ,
réunies et ajustées avec le goût le plus parfait. Cet oratoire
est ainsi devenu un véritable bijou et offre un spécimen des
plus remarquables de l'art de la sculpture sur bois dans nos
contrées au XVe sièçje et au commencement du XVIe. Plu?
CANTON DE LiVAKOT. 657
bas, dans h fraîche et riante vallée de la Momie, se trouvait
le fief de Cropus, que Charles, duc d'Alençon, fiefla à Jean
Guérin en 1511, pour une rente annuelle de 30 livres. Cette
famille Guérin était déjà, un siècle auparavant, fixée à St-
Basile et à Tortisambert. Cropus appartenait, avant les orages
de la Révolution, à la famille Gaultier de Saint-Basile.
Enfin la terre du Tertre , longtemps possédée par la
même famille, en est sortie par le mariage de Marie- Arine-
Madelaine de Gaultier de Saint-Basile avec Jean-Félix du
Hauvel, en 1777. iMarie-Aglaé du Hauvel, leur fille, l'a
portée à la famille de Bonnechose , qui la possède aujour-
d'hui, par son mariage avec Casimir- Edouard de Bonne-
chose , fils du sieur de La Cour du Bosc. Du reste, aucun
des fiefs ci-dessus n'a conservé de manoir digne d'être
étudié. »
Les Autels. — Nous avons mentionné l'église des Autels,
en parlant de Montpinçon. La commune est réunie, pour le
civil, à St-Basile et fait partie du canton de Livarot,
Il y avait dans cette paroisse un fief noble , dit le fief
des Authieux, qui appartenait, au siècle dernier, à une
branche de la famille Gaultier : M. de Gaultier de Hauteserre
est encore possesseur du manoir des Autels. Cette famille a
donné naissance à Marie-Charlotte-Antoinette de Gaultier
des Authieux , mariée à Jacques-François de Corday d'Ar-
mont et mère de la célèbre Charlotte Côrday. C'est au
manoir du Mesnil-lmbert, situé à une demi-lieue des Autels,
dans le déparlement de l'Orne , que la famille de Corday
d'Armont faisait sa résidence et que l'héroïne a passé la plus
grande partie de sa jeunesse (1). Son portrait authentique,
(1) Noies manuscrites de M. te vicomte de Neuville.
638 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
sans analogie avec ceux qu'on a donnés au public , est con •
serve au château voisin de Garnetot, propriété de M. de
Gaultier de Garnetot, neveu à la mode de Bretagne de Marie-
Charlotte de Corday : connue dans le monde sous le nom
de Marie , elle restera célèbre dans la postérité la plus re-
culée sous son second prénom.
Signalons encore aux Autels le manoir de Ménival, qui a
servi de résidence à une autre branche de la famille Gaultier,
dite de Ménival.
LA CHAPELLE-HAUTE-GRUE.
La Chapelle-Haute-Grue, Capeila deHastegru, de Hastagou.
L'église n'est plus consacrée au culte. La commune de La
Chapelle a été réunie, pour le spirituel, à celle de Tortisam-
bert. D'après l'analyse que M. Pannier a bien voulu me
communiquer, l'église date du XVIe siècle. Les fenêtres car-
rées, à arc surbaissé, ont été ouvertes vers le milieu du
siècle dernier, ainsi que le porte l'inscription suivante gravée
sur une des fenêtres du chœur :
l'an 17A7. G. L, ROY.
Le portail occidental est surmonté d'un gable recouvert
en essente. La porte principale est placée au nord.
Le clocher, à l'extrémité orientale de la nef, est assez
élancé; il est en charpente et recouvert en essente.
On remarque à l'intérieur de l'église un autel avec rétable
d'ordre composite , style Louis XV. Le devant-d'autel repré-
sente un agneau dans les flammes. De chaque côté se dé-
roulent de gracieux rinceaux.
Des bancs en bois de chêne et à haut dossier, dans le style
Louis XII, sont placés dans le chœur.
CAMON DE LIVAROT. 639
La Chapelle est le but d'un pèlerinage très-fréquenté pour
les maladies de la peau.
L'église était placée, au XVIe siècle, sous l'invocation de
saint Pierre. Plus tard , elle fut mise sous celle de saint
Laurent. Le seigneur nommait à la cure.
Au XVIe siècle, la Chapelle-Haute-Grue avait pour patron
laïque G. de Belleau (deBella Aqua); au XVIIIe, le seigneur.
Cette ancienne paroisse comptait 52 feux , 260 habitants,
et dépendait , à l'époque de la Révolution , de l'élection d'Ar-
gentan. Sa population actuelle est de 95 habitants.
M. le vicomte Louis de Neuville fait une description très-
attrayante de La Chapelle-Haute-Grue, et nous donne d'inté-
ressants détails sur les fiefs de cette paroisse :
a La Chapelle-Haute-Grue, dit-il, occupe un promontoire
élevé qui sépare les deux jolies vallées de la Vie et de la Monne,
et les pentes qui s'étendent de chaque côté vers ces deux ri-
vières. Sur les bords de la Monne , on remarque un étang
dont l'eau reflète un groupe de constructions de divers
genres placé à son extrémité ; celle qui frappe le plus les
regards est une vieille tour à l'aspect féodal : ce n'était pour-
tant qu'un colombier dépendant du manoir de Caudemonne.
Ce fief, mouvant du comté de Montgommery , a été l'apanage
d'une branche cadette de la maison de ce nom , qui pendant
les XIIe et XIIIe siècles a été fixée sur ce coin du sol. Il
paraît avoir été aussi nommé Caudemont, du moins on trouve
Roger de Monlgommery qualifié du titre de seigneur de
Caudemont en 1201. Sa postérité directe s'éteignit vers le
commencement du XIVe siècle. Nous trouvons, en 1M7, un
Jean de Caudemonne dans la paroisse de La Chapelle-Haute-
Grue. Caudemonne fut depuis possédé par la famille Auber,
qui portait pour armes : paie d'argent et de gueules au chef
d'azur. Eustache Auber était seigneur de Caudemonne et de
la Chaquetière, vers 1600. Au XVIIIe siècle , Caudemonne
b/lO STATISTIQUE MONUMENTAL*; 1)L CALVADOS.
était la propriété de M. Le Paulmier de La Livarderie , offi-
cier de marine. Cette terre a été vendue pendant la Révo-
lution.
« Dans la même paroisse se trouvait un fief nommé La
Chapelle-Haute-Grue ; mais il devait avoir bien peu d'impor-
tance , car il fut acquis en 1617 par Guillaume de Mannoury,
sieur de Perteville, pour la modique somme de 200 livres
tournois en capital.
« Le versant opposé de la paroisse de La Chapelle-Haute-
Grue, du côté de la rivière de Vie, dépendait du fief de La
Chaquetière, qui s'étendait aussi dans les paroisses voisines
de La Brevière, de Ste-Foy et de St-Germain-de-Montgom-
mery. Ce fief, tenu du duché d'Alençon , était possédé au
XVIe siècle par la famille Auber de Caudernonne. Aux XVIIe
et XVIIIe siècles , la Chaquetière appartint à la maison
de Courseulles-Capdehoulle, aujourd'hui représentée par la
famille de Vanssay.
<( Signalons encore la terre non seigneuriale du Vaursan ,
possédée par une branche de la famille Costard sous le règne
de Louis XIV. Une vacherie modèle y fut établie il y a peu
d'années par M. Robiou de La Tréhonnais , agronome dis-
tingué : elle a depuis été transférée près de Lisieux.
« La famille de Vergeast , originaire de Condrieu-sur-le-
Rhône , a demeuré à La Chapelle-Haute-Grue vers la fin du
XVIe siècle. »
S^-FOIX-DK-MONTGOMMERY (1)
Ste-Foy-de-Montgommery , Sancta Fides de Monte Gom-
merici.
(1) Noies communiquées par M. Pannier.
CANTON DE LIVAROT. 641
L'église de Ste-Foy-de-MoiUgommery s'élève dans la vallée
de la Vie , près de la roule de Vimou tiers à Livarot ; elle est
orientée du nord au midi.
La partie la plus ancienne de celte église est le chœur,
qui date du XIIIe siècle. Le chevet, droit, présente une fe-
nêtre géminée en lancette ; une fenêtre semblable éclaire le
chœur du côté de l'évangile.
La nef remonte seulement au XVIe siècle. Les murs sont
construits en grand appareil. Des châssis garnissent les fe-
nêtres, qui sont carrées. Une seule fenêtre , à l'ouest , offre
des compartiments flamboyants.
Un gable ou fronton, revêtu d'essente, termine le portail.
La porte , à linteau , est encadrée dans une ogive et flanquée
de deux contreforts.
Le clocher, qui surmonte le portail, est moderne et se fait
remarquer par sa forme disgracieuse. La cloche a été fondue
par Lavillette, en 1816. L'ancien clocher était placé à l'ex-
trémité de la nef, près du chœur.
On remarque à l'intérieur de l'église le maître-autel à la
romaine, dont l'un des gradins est orné de deux jolis ta-
bleaux peints sur bois , représentant : l'un , Jésus-Christ ;
l'autre, la Sainte-Vierge.
Ste-Foy-de-iMontgommery avait pour patron laïque , au
XIVe siècle, le seigneur d'Harcourl ; au XVIe, le seigneur
d'Harcourt et de Longueville ; enfin, au XVIIIe, le seigneur
de la localité.
Écoutons M. Louis de Neuville sur les souvenirs histo-
riques de cette localité :
« Montgommery était , dit-il , centre d'une des princi-
pales seigneuries de la province; il a donné son nom à une
des plus illustres familles normandes. Le premier auteur
connu de cette maison est Roger de Montgommery, qui
tenait déjà un rang distingué parmi les plus grands seigneurs
41
M2 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
du pays dans les premières années du XIe siècle ; il eut cinq
fils : Hugues, l'aîné, fut sire de Montgommery ; les autres
peuvent avoir été la souche de quelques familles du même
nom qui subsistèrent en Normandie jusqu'au XIVe siècle
et s'éteignirent sans avoir jamais occupé une position mar-
quante. C'est de Roger de Montgommery , fils de Hugues ,
que date l'éminente grandeur de celte maison : il épousa
Mabile Talvas , comtesse d'Alençon et de Bellême , digne
héritière d'une race célèbre par sa puissance, mais plus
encore par ses crimes. Roger fut un des personnages les
plus habiles et les plus respectés de son temps ; Guillaume-
le-Conquérant, qu'il assista puissamment dans l'invasion de
l'Angleterre , lui donna en ce royaume des terres immenses
et les comtés de Shrewsbury et d'Arundel. Roger de Mont-
gommery mourut vers 109/*: il laissa sa terre de Mont-
gommery à son fils aîné Robert, dit de Bellême , comte
d'Alençon ; Hugues, le second, fut comte de Shrewsbury ;
Roger, dit le Poitevin , devint comte de la Marche par son
mariage avec Almodis , héritière de cette province, et fut
l'auteur d'une branche qui posséda le comté de la Marche
jusqu'à son extinction dans les dernières années du XIIe
siècle ; Philippe , quatrième fils du sire de Montgommery ,
fut tué à Antioche dans la première croisade ; Arnoul , le
cinquième, fut comte de Pembrocke au pays de Galles ; enfin
Evrard , né d'un second mariage , fut chapelain du roi
d'Angleterre.
Robert de Bellême, seigneur de Montgommery et comte
d'Alençon, épousa Agnès, héritière du comte de Ponthieu ,
et fut , comme son père , un des plus puissants seigneurs de
son temps ; mais , par son caractère , il ne démentit pas le
sang des Talvas que lui avait transmis sa mère : il fut la
terreur de ses contemporains, accablant ses vassaux comme
ses voisins de ses iniquités et de ses violences , et com-
COTON DE LIVAROT. 643
mettant plus d'actes de tyrannie que Ton ne peut en re-
procher à aucun des autres barons normands. Son fils unique
Guillaume, comte d'Alençon et de Ponthieu , épousa Alix
de Bourgogne, dont il eut deux fils, auteurs de deux
branches qui se partagèrent ses possessions , pour ne point
dire ses États. Guy, l'aîné, fut chef de la branche des comtes
de Ponthieu ; Jean, le puîné, eut en'partage le comté d'Alen-
çon , que ses descendants conservèrent jusqu'à l'extinction
de cette ligne en 1219. La baronnie de Montgommery fut
attribuée à la branche de Ponthieu. Il y a pourtant lieu de
croire que ce ne fut point sans avoir subi un démem-
brement, par suite duquel une notable portion des terres et
des mouvances féodales qui en dépendaient fut depuis
lors considérée comme faisant partie du comté, depuis duché
d'Alençon. Le dernier comte de Ponthieu, de la maison de
Montgommery, fut Guillaume III, mort en 1221, qui, de
son mariage avec la princesse Alix de France , fille du roi
Louis VII, le Jeune , ne laissa qu'une fille, Marie, comtesse
de Ponthieu et dame de Montgommery , mariée en pre-
mières noces à Simon de Dammartin , comte d'Aumale. Sa
fille aînée, Jeanne, comtesse de Ponthieu et d'Aumale , eut
aussi dans son lot la baronnie de Montgommery qu'elle ap-
porta en dot avec ses autres seigneuries à Ferdinand III ,
le saint roi de Castille et de Léon. Après sa mort , Mont-
gommery fut, de même qu'Aumale, l'apanage d'une branche
cadette de la maison royale de Castille , dite de Castille-
Ponthieu , qui tomba en quenouille à la quatrième géné-
ration. Blanche de Castille Ponthieu , comtesse d'Aumale ,
épousa en 1340 Jean , comte d'Harcourt, cinquième du
nom, et lui apporta la terre de Montgommery ; Jacques
d'Harcourt , son second fils , fut après elle baron de Mont-
gommery, et l'auteur d'une branche qui joignit à la pos-
session de cette seigneurie celle d'un autre grand fief nor-
644 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
mand , le comté de Tancarville : Marguerite de Melun ,
héritière de Tancarville , l'apporta en mariage à Jacques
d'Harcourt-Montgommery, un des plus intrépides défenseurs
du sol français. Quand les Anglais, profitant des malheu-
reuses années de la vieillesse de Charles VI et forts de
l'alliance bourguignonne , réussirent à dominer la presque
totalité des provinces du nord de la Loire , ils furent long-
temps tenus en échec par la petite place du Crotoy, dont
s'était saisi Jacques d'Harcourt , et d'où il faisait sans cesse
sur l'ennemi les plus audacieuses expéditions. Ce guerrier
mourut en 1Zi28, laissant un fils, Guillaume d'Harcourt ,
comte de Tancarville , vicomte de Melun , baron de Mont-
gommery, et une fille, Marie d'Harcourt, qui épousa le cé-
lèbre comte de Dunois , Jean , bâtard d'Orléans et auteur de
la maison de Longueville. Guillaume d'Harcourt n'eut que
deux filles : Marguerite, qui mourut jeune étant fiancée à
René d'Alençon , comte du Perche , et Jeanne , mariée à
René II , duc de Lorraine et de Bar. Celte infortunée prin-
cesse fut répudiée pour cause de stérilité , et à sa mort ,
survenue en 1488 , elle laissa l'héritage de ses nombreux
domaines à son cousin-germain, François d'Orléans, comtede
Longueville. La baronnie de Montgommery resta dans la maison
de Longueville jusqu'en 1543, époque où elle fut vendue
par François d'Orléans , marquis de Rothelin , petit-fils du
précédent. L'acquéreur de cette seigneurie en portait préci-
sément le nom : c'était Jacques de Montgommery , sieur de
Lorge , fils ou petit-fils d'un de ces aventuriers écossais qui ,
depuis le règne de Charles VII , venaient chercher fortune
au service de France. Des talents militaires et la faveur du
roi François Ier avaient fait sortir de l'obscurité le sieur
de Lorge et lui avaient procuré à la fois fortune et honneurs;
devenu capitaine des gardes, il se trouva en état de se
rendre acquéreur de la puissante baronnie dont il portait
CANTON DE LIVAROT. 645
le nom. Ce fut , croyons-nous, en sa faveur qu'elle fut érigée
en comté , titre qui ne lui avait été jusqu'alors attribué que
par abus , et parce que la plupart de ses possesseurs étaient
comtes de quelques-unes des seigneuries que nous avons
mentionnées plus haut. Gabriel, comte de Montgommery ,
fils de Jacques , fut un des seigneurs les plus brillants de son
temps; la faveur royale , une bravoure à toute épreuve , de
grands talents militaires et une indomptable énergie de ca-
ractère semblaient ouvrir à son ambition la carrière la plus
étendue ; un événement funeste vint soudain l'arrêter : ce
fut la mort du roi Heuri II , qui succomba à une blessure
accidentelle qu'il avait reçue dans un tournoi où il joutait
contre Montgommery. Auteur involontaire de la mort du
roi, celui-ci ne pouvait plus se flatter d'être traité avec faveur
par la reine Catherine de Médicis : la guerre civile vint lui
offrir une nouvelle carrière : jeté dans le parti calviniste , il
en devint le chef, non le plus influent, mais le plus audacieux
et le plus déterminé. Il se signala successivement dans plu-
sieurs provinces par d'éclatants succès , mais aussi par des
actes d'atroce barbarie. Il était réservé au sort le plus tra-
gique. Assiégé dans Domfront en 1574 par des forces royales
très-supérieures en nombre , commandées par le comte de
Matignon , Montgommery, après avoir, à la tête d'une poignée
d'hommes, soutenu leurs attaques avec une valeur déses-
pérée , fut enfin contraint de se rendre. Conduit à Paris,
un arrêt du Parlement le condamna à être décapité , ses
biens confisqués , ses maisons rasées et sa postérité dégradée
de la noblesse : il eut la tête tranchée en place de Grève,
le 26 juin 1574. Mais , en 1576 , le roi Henri III , par le
cinquième édit de pacification accordé aux protestants , ré-
habilita sa mémoire et rendit à ses (ils leurs titres et leurs
biens. L'aîné des enfants du comte de Montgommery et
d'Elisabeth de La Touche-Tranchclyon fut Jacques , comte
646 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
de Montgommery , qui se signala comme son père dans le
parti calviniste et ne laissa qu'une fille , Marie de Mont-
gommery , mariée à Jacques de Durfort , baron de Duras.
Le marquis de Duras , fils de ce dernier , vendit le comté
de Montgommery à son grand-oncle, Gabriel de Montgom-
mery, dont la postérité conserva cette terre jusqu'au XVIIIe
siècle. La seconde maison de Montgommery , originaire
d'Ecosse , s'éteignit dans la première moitié du règne de
Louis XV ; elle eut pour héritière Marie-Anne-Rose de
Montgommery, mariée en 1732 à Louis-François, marquis
de Thiboutot, De la maison de Thiboutot, la terre de Mont-
gommery a passé dans celle de Béthune-Sully, dont le dernier
représentant l'a léguée au comte de Béthune , de la maison
des Planques ; c'est un des fils de celui-ci qui en est au-
jourd'hui propriétaire.
Le comté de Montgommery était une des premières sei-
gneuries de la province, au point de vue de l'étendue de sa
mouvance féodale. Malgré le démembrement qu'elle avait
subi à la fin du XIIe siècle, cette mouvance s'étendait en-
core sur plus de quarante fiefs nobles. Les terres de St-
Sylvain et de Vignats, dans l'arrondissement de Falaise , et
plusieurs autres d'une moindre importance en étaient des
annexes. Les seigneurs de Montgommery étaient du nombre
des barons de l'Échiquier de Normandie.
Les restes de l'ancien château de Montgommery , rasé
jusqu'aux fondements en 1574, répondent mal à ce que l'on
pourrait attendre de tant d'illustres souvenirs. On n'y voit
plus qu'un monticule informe dessinant l'enceinte du château,
d'une étendue d'ailleurs médiocre , et où l'emplacement
qu'occupait le donjon a seul conservé un relief assez no-
table. Ce château-fort , qui ne paraît avoir jamais eu une
importance militaire considérable , a peut-être succédé ,
dans la seconde moitié du XIe siècle , à une place mieux
CANTON DE LIVAROT. 6^7
située dont nous retrouverons l'enceinte à 2 kilomètres plus
loin sur le territoire de St-Germain-de-Montgommery. A
une centaine de mètres de la motte où s'élevait le château
ruiné en 1574, il existe une construction de bois assez con-
sidérable, aujourd'hui nommée le château de Montgommery.
Cet édifice, d'un intérêt médiocre , paraît dater tout au plus
de la fin du XVIe siècle : ordinairement affecté au logement
des fermiers ou des régisseurs du comté , il n'a dû être
occupé par les seigneurs qu'à courts et rares intervalles A
peu de distance de là se trouvait jadis un bourg d'une im-
portance assez considérable, à en juger par l'étendue des
terres autrefois tenues en bourgage. Mais, soit par reflet des
ravages de la guerre , soit par l'accroissement progressif de
la ville de Vimoutiers et du bourg de Livarot, celui de
Montgommery a disparu sans laisser de vestiges.
Plusieurs monastères avaient , à Ste-Foy-de-Mongommery,
des possessions considérables qu'ils devaient à la munifi-
cence des anciens seigneurs et de plusieurs de leurs vassaux.
De ce nombre étaient les abbayes de St-Jean de Falaise , de
St-Marlin de Séez , mais surtout celle de St- André cn-
Gouffern, qui avait en cette paroisse un domaine étendu et
une juridiction assez importante pour donner à l'abbé de
St-André le titre de baron de -Montgommery et la Brevière.
De cette abbaye dépendait aussi le prieuré de St-Wathieu-
de-Gouffern, situé à peu de distance de l'église de Slc-Foy ,
mais dont il ne reste plus de vestiges. Dans la même pa-
roisse, l'abbaye de St-André possédait aussi le fief et manoir
des Ozillicrs que Robert de Malvoue lui vendit en \l2h9 avec
la motte, les fossés et la maison. Dans les dernières années
du XIIe siècle, Robert, comte d'Alençon , et Guillaume, son
frère, firent donation à St-André-cn-Goulfern de la dîme des
terres et des bois qu'ils possédaient à Montgommery et que
Jean', comte d'Alençon , leur père , avait recueillis dans la
$48 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
succession de Guillaume, comte de Ponthieu , leur aïeul.
Précédemment, le comte Jean avait donné à la même abbaye
la dîme de tous ses arbres à fruits et de ses vignes de Mont-
gommery. Quelque étrange que puisse sembler cette der-
nière mention , il est certain qu'au XIIe et au XIIIe siècle il
existé des vignobles dans la vallée de Livarot.
Outre les puissantes baronnies dont nous venons d'esquisser
l'histoire , il a existé un fief dit de Sle-Foy-de-Montgommery,
dans la paroisse de ce nom. Ce fief, relevant du comté
d'Alençon , devait peut-être son origine au partage déjà men-
tionné, entre les enfants de Guillaume de Montgommery ,
comte de Ponthieu. Quoi qu'il en soit , ce fief a appartenu ,
dès le XIIIe siècle , à la famille Bonnet qui le possédait
encore au siècle dernier. Cinq membres de cette famille
firent preuve d'ancienne noblesse, en 1666, devant M. de
Marie ; plusieurs autres branches existaient alors en d'autres
paroisses. Ste-Foy-de- Montgommery a aussi servi de rési-
dence à des membres des familles Le François de la Tour ,
Toustain de Billy et de Courseulles-Capdehoulle. Gratien de
Courseulles , écùyer, se qualifiait seigneur du Moncel, en
1698. Le manoir du Moncel, datant du XVIe siècle, subsiste
encore à Ste-Foy-de-Montgommery , mais cette vieille con-
struction en bois n'offre rien qui puisse fixer l'attention » (1).
C'est à Ste-Foy-de-Montgommery que naquit, en 1697,
le savant antiquaire , Augustin Belley, prêtre et membre de
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, auteur d'un
grand nombre de dissertations remarquables, imprimées
dans les Mémoires de cette Académie.
(1) V. les notes manuscrites de M. L. de Neuville.
CANTON DL LIVAROT.
649
SAINT-GERMAIN-DE-MONTGOMMERY.
St-Germain-de-Montgommery , Sanctus Germanns de
Monte Gommerici.
L'église de St-Germain-de-iUontgonimery occupe, d'une
manière pittoresque , le point culminant d'une colline qui
domine Vimoutiers et la vallée arrosée par la Vie. Son
clocher très-élancé, placé à l'extrémité orientale de la nef,
s'aperçoit de très-loin. Il est construit en charpente et re-
couvert en essente.
L'édifice date du XVIe siècle , dans son ensemble ,
Toutes les fenêtres ont été refaites, à l'exception d'une
650 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
seule placée au nord , laquelle est trilobée. Le portail est
précédé d'un joli porche qui provient de l'église de Vi-
moutiers. La porte, à plein-cintre, a été reconstruite en
1786, ainsi que l'indique une inscription.
On remarque à l'intérieur , derrière le inaître-autel, un
ancien groupe de Notre-Dame-de-Pitié, lequel forme retable.
Un joli tableau décore le dossier de la chaire (1).
St-Germain-de-Montgommery était placé, au XIVe et au
XVIe siècle, sous le patronage de l'abbesse d'A.lmenesche.
Au XVIIIe, le patronage appartenait à l'abbesse d'Argentan,
Sous le rapport administratif, St-Germain dépendait de
l'élection d'Argentan et comptait 77 feux.
Enceinte du château. — St-Germain-de-Montgommery
renferme une enceinte fortifiée des plus remarquables. Cette
ancienne forteresse occupe le sommet d'une colline com-
posée d'un banc de marne : l'enceinte, d'une forme ovale
irrégulière d'environ 80 mètres de diamètre, est formée d'un
large fossé et d'un bourrelet de marne rapportée, sans aucune
trace de maçonnerie : ce rempart , fort dégradé aujourd'hui ,
dominait le fossé d'une hauteur d'environ 20 mètres. L'in-
térieur du rempart présente , aujourd'hui , un champ la-
bouré, en contre-bas d'au moins 20 pieds de l'enceinte qui
l'environne ; on n'y voit aucun vestige de maçonnerie , de
briques ou de débris d'aucun genre; le sol est composé d'un
terreau sans mélange , dont la profondeur est inconnue et
dont le voisinage n'offre point d'analogue. La seule trace
d'habitation dont la tradition ait conservé mémoire est un
ancien puits , comblé il y a une soixantaine d'années , par
suite de plusieurs accidents qui y avaient eu lieu ; dans la
paroi de ce puits , d'une extrême profondeur , s'ouvrait
(1) Notes de M. Pannier.
CANTON DE LIVAROT. 651
une galerie souterraine , d'une étendue inconnue , où la
croyance populaire plaçait d'immenses trésors : c'est dans ce
souterrain que des explorateurs avides et imprudents trouvèrent,
dit-on , la mort : événement qui détermina le propriétaire à
le faire combler. Une autre tradition rapporte qu'on pouvait
jadis se rendre, par ce souterrain , jusque dans les ruines du
vieux château situé à Ste-Foy-de- Montgommery : cette
assertion paraît dénuée de vraisemblance, la galerie souterraine
ne pouvant s'étendre jusque-là sans traverser des terrains de
la nature la moins solide.
Il est difficile de douter que cette vieille forteresse n'ait été,
originairement, le centre de la baronnie de Montgommery et
le berceau de la famille de ce nom ; mais son abandon doit
remonter à une époque fort reculée, car, historiquement
parlant, le château de Montgommery était certainement situé
à Stc-Foy , et dans les derniers siècles la forteresse de St-
Germain ne faisait même point partie de la terre de
Montgommery : peut-être en avait-elle été distraite dans le
partage qui eut lieu entre les fils de Guillaume, comte de
Ponthieu , dans la seconde moitié du XIIe siècle. Quoi qu'il
en soit , ces retranchements durent être occupés par des
Normands, au moins dès le Xe siècle : c'est sans doute à cette
forteresse que Montgommery doit son nom , désignant un
lieu élevé, par conséquent Rappliquant mal à Ste-Foy. Notons,
sans y attacher trop d'importance, l'analogie de ce nom avec
celui de Gorm-Him-Rige, sous lequel les Scandinaves dési-
gnaient parfois Guthrum, un de leurs plus célèbres rois de
mer, qui ravagea l'Angleterre dans la seconde moitié du
IXe siècle et probablement fit aussi du sol ncustrien le
but de quelques, incursions. St-Germain-dc-Montgommery
était certainement, au commencement du règne de Guil-
laume-le-Conquérant , une des plus fortes places du duché
de Normandie. On croit que ce fut en en faisant le siège
052 STATISTIQUE MOxNUMENTALIi DU CALVADOS.
qu'Alain, comte de Bretagne et régent de Normandie pen-
dant la minorité de Guillaume, fut empoisonné et mourut à
Vimouliers vers l'an 1040. Quelques années après, Henri I",
roi de France, fit en personne le siège de Montgommery :
c'était en 1054; après une résistance acharnée que dirigeait
Gilbert , frère du seigneur du lieu, la place fut prise et ré-
duite en cendres, ainsi que le bourg et l'église qui en dé-
pendaient. Peut-être est-ce de cette époque que date l'aban-
don de cette vieille enceinte. Mais les traditions ont conservé
longtemps le souvenir des combats acharnés dont le voisinage
a été le théâtre : il n'est presque aucune des communes
voisines dont quelque localité n'ait porté le nom de lieu de la
bataille.
De nombreux fiefs nobles étaient groupés autour de
Montgommery , sans cloute par suite de la tendance des
grands barons féodaux à s'entourer de ceux de leurs vassaux
dont l'appui leur était le plus nécessaire. Signalons d'abord le
fief de St-Germain-de-Montgommery , quart de fief de
chevalier mouvant du comté d'Alençon , et qui , de
même que celui de Sle-Foy auquel il était joint, a appartenu
pendant des siècles à la famille Bonnet de Montgommery.
Le fief de la Plesse mérite une attention toute parti-
culière, comme ayant conservé intact un vieux manoir en
bois d'un style intéressant. Le corps de logis a été
allongé et modifié dans le cours du XVIe siècle, mais la
plus grande partie offre encore le cachet du genre élégant
employé au XVe siècle. Les moulures profondément évidées,
les nombreux écussons qui le décorent, l'heureuse combi-
naison des pièces de charpente en font un curieux modèle de
ce singulier système d'architecture. A l'intérieur , une salle
lambrissée en chêne et encore décorée d'un portrait du
roi Louis XIV, donne une idée de ce qu'était il y a deux
siècles l'intérieur du manoir ; aujourd'hui , il sert de
CANTON DE LIVAROT. 653
logement aux fermiers. Les écussons qui décorent extérieu-
rement la plupart des pièces de charpente sont, en partie,
devenus frustes et indéchiffrables : ceux qu'on peut encore
reconnaître n'offrent le blason d'aucune des familles que
nous retrouvons dans le voisinage ; l'un d'eux , chargé d'un
chevron, se trouve plusieurs fois reproduit. Il a existé près
de Couches une famille de La Plesse qui portait pour armes :
d'argent au chevron de gueules accompagné de trois roses
de même; serait-ce elle qui aurait élevé cette ancienne
construction ? Dans ce cas , elle ne l'aurait pas conservée
longtemps : vers 1520 , Jean Le François, seigneur de St-
iVlichel-de-Livet et d'Avenel, était aussi seigneur de la
Plesse, qui resta près de deux siècles entre les mains de ses
descendants: en 1666 , Nicolas Le François, sieur de la
Plesse, fit preuve d'ancienne noblesse à St-Germain-de-
Montgommery. Cette terre, possédée depuis par la famille de
Caqueray, a passé par alliance à celle de Porlierde Rubelles,
et est encore aujourd'hui la propriété de M. le comte de
Rubelles
Le fief voisin de la Tour , d'abord possédé par une
famille de ce nom, est entré au XVIe siècle dans la famille
Le François. Guillaume Le François, sieur du Longprey,
était seigneur de la Tour , en usufruit ; il fut père de Jac-
ques Le François, sieur de la Tour, qui épousa en 1592
Rose Héroult , fille de Guillaume Héroult, sieur de la
Rivière , à St-Martin-de-Fresnay , et de Françoise de
Neufville , et veuve de son cousin germain , Pierre Le
François , sieur de Fizemont. Jacques fut père de Marthe
Le François, dame de La Tour, mariée à François Bonnet ,
sieur de La Chcsnaye, fief situé à St-Désir de Lisieux, duquel
est issu la famille Bonnet de La Tour. L'ancien manoir de
ce nom a fait place à une maison en brique récemment
construite.
65/1 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Une autre branche de la famille Le François, issue comme
la précédente des seigneurs de Livet et de la Plesse , résidait
en la même paroisse : elle s'est éteinte dans Catherine Le
François , mariée vers 1660, à Etienne de Mannoury , sieur
de La Cressonnière , duquel sont issus les Mannoury de
St-Germain, à Putot-en-Auge.
Le fief des Champeaux, dont le manoir est situé au fond
d'un vallon solitaire , a appartenu à la famille d'Échallou ,
anoblie au XVIe siècle : cette famille a longtemps géré les
terres du comté de Montgommery , comme investie de la
confiance des Montgommery-Lorge : elle professait comme
ceux-ci le culte calviniste , de même que beaucoup de
familles nobles et bourgeoises des environs.
Enfin , la Recherche de la noblesse de 1666 mentionne
Jean des Hayes , sieur du Bois-Hue, et Jean Billard , sieur
des Vaux , comme demeurant à St-Germain-de-Montgom-
mery (1).
LfSORES.
Lisores , ecclesia de Lisoriis.
La commune de Lisores est située à la limite méridionale
du diocèse de Bayeux.
L'église, placée sous l'invocation de saint Vigor, s'élève
d'une manière pittoresque sur un coteau et domine un joli
vallon , lequel va se perdre dans la vallée de la Vie , à Ste-
Foy-de-Montgommery.
La nef, sans contreforts, remonte à la période romane.
Le mur septentrional , construit en grossier cailloutis, affecte
la disposition en feuilles de fougère. Trois fenêtres , l'une à
moulures prismatiques , autrefois partagée en deux baies par
(1) V. notes manuscrites de M. L. de Neuville.
calNton de livarot. 655
un meneau vertical (fin du XVe ou XVIe siècle) ; les deux
autres, modernes, éclairent la nef de ce côté.
On remarque surtout deux petites fenêtres cintrées, en
forme de meurtrières , qui datent de l'époque romane. Il y
en avait probablement une troisième qui aura été bouchée.
La porte latérale, à plein-cintre, aujourd'hui bouchée, date
du même temps.
Le mur méridional de la nef est entièrement recrépi. Il
est percé de trois fenêtres : l'une flamboyante , à deux baies
séparées par un meneau prismatique ; les deux autres cin-
trées, modernes.
La porte occidentale, de forme ogivale, a été pratiquée
au XVIe siècle ou à la fin du XVe. Le trumeau a été détruit ,
ainsi que l'atteste la baie actuelle, d'une largeur inusitée.
Des panneaux plissés forment les vantaux. Le mur , précédé
d'un porche en bois du même temps , est soutenu par deux
contreforts saillants.
Un clocher carré en charpente , muni de cinq évents, sur-
monte le portail. Il remplacerait un clocher plus ancien ,
lequel , d'après la tradition locale , aurait été démoli au XVIe
siècle. Deux cloches sont placées dans ce clocher. La plus
grosse, fondue en 1843, ne présente aucun intérêt. Son dia-
mètre est de 1 mètre G centimètres. La plus petite , dont
nous donnons l'inscription , a pour diamètre °4 centimètres :
L'AN 12 IAY ÉTÉ BÉNIR PAR M. NICOLAS IACQUES FRANÇOIS BOUTEILLER
DBSERVANT DE LA S€CUrsale DE LISORES ET NOMMÉE MARIE PAR Mr IACQl'ES
FAM1LE DESHAYES ET MARIE FRANÇOISE AG€>AÉ DESHA1ES, NOBL IOUANNE
MAIRE, ALEXANDRE DE LA PLESSE ADIOINT , ANTOINE BLOT TRÉSORIER EN
CHARGE PIERRE CAMUS ET FRANÇOIS FONTAINE MARGITLLIERS ET Mr PIERRE
NICOLAS DUBOS PRÊTRE.
LAVILLETTP. HE L1SIEUX M* A FAITE EN 1804.
Le chœur se termine par un chevet droit. Les deux
656 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
contreforts que l'on voit , l'un à l'orient et l'autre au
midi , ont été élevés au XVIe siècle.
Une petite chapelle mortuaire , moderne , dans le style
gothique fleuri, s'élève derrière le chevet. L'autel, formé de
panneaux flamboyants artistement sculptés , présente la
riche ornementation de la fin du XVe siècle. Il est sur-
monté d'une statue de Vierge immaculée , dont la tête est
ornée d'une couronne de roses.
On remarque à l'intérieur de l'église le rétable du maître-
autel , orné d'un tableau (style Louis XV ) représentant
la Résurrection de Notre-Seigneur. De chaque côté se voient
les patrons de l'église: saint Vigor (1er patron) et saint
Maœer. Cette toile a été retouchée par un pinceau inhabile.
Le tabernacle est dans le même style. Un dais à lambrequins
surmonte l'autel (1).
De chaque côté du tabernacle sont placées deux jolies gi-
randoles en cuivre portant les initiales entrelacées L S. Ces
girandoles, données par une dame, proviennent probablement
d'un salon.
Deux jolis autels latéraux en pierre (style Louis XIV) atti-
rent égalemeut les regards. Ces autels sont décorés de deux
colonnes à chapiteaux godronnés, supportant un entablement
dorique. Le cadre est garni de feuilles de chêne. L'enta-
blement est surmonté d'une niche.
Sur l'arc triomphal se détache un Christ qui paraît ancien.
Il est couvert d'un petit jupon qui descend presque jusqu'aux
genoux.
De chaque côté du Christ on lit :
PAVETE AD SANCTUAIUUM MEUM.
Lévit. , cap. 2G
(1) V. les notes de M. Pannier.
CANTON DE LIVAROT. 657
Deux bénitiers (style Louis XV) , pédicules en forme de
poire renversée , sont placés au bas de la nef.
La voûte de la nef était en merrain avec entraits et
poinçons. Celle du chœur , aujourd'hui couverte d'un en-
duit, était probablement semblable.
On remarque, dans la sacristie, une petite piscine en acco-
lade (1).
Manoir de Lisores. - L'ancien manoir, converti en
presbytère, se compose d'un rez-de-chaussée en bois avec
tuiles entre les colombages , surmonté d'un étage en encor-
bellement. Les poutres extérieures sont décorées de mou-
lures et terminées par des rageurs. Une grande tour en
pierre, qui renfermait l'escalier , s'élevait au centre du bâti-
ment, à l'opposé de la façade principale. Cette tour, percée
de longues meurtrières, terminée par un orifice circulaire ,
est surmontée d'un toit pyramidal couvert en essente.
La façade principale est surmontée d'une grande lucarne
qui avait pour amortissement un épi en faïence verte , dont on
voit encore des fragments au-dessus d'une tonnelle placée
dans le jardin du presbytère.
A l'intérieur, les poutres sont sculptées et peintes. Des
pavés émaillés attirent les regards. La grande salle mesure
2U pieds sur tous sens. L'une des chambres offre des poutres
avec rageurs et des rinceaux.
Lisores est une des localités du canton de Livarot les plus
anciennement mentionnées, puisque, dès la première moitié
du XIe siècle , nous trouvons que la moitié de la seigneurie ,
avec les biens et droits qui en dépendaient, fut donnée à
l'abbaye de Montivilliers : c'est en vertu de cette donation
que , jusqu'à l'époque de la Révolution , les abbesses de
(4) V. les notes de M. Panuier.
42
658 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Montivilliers ont possédé des -droits seigneuriaux sur une
partie de la paroisse de Lisorcs.
Il s'y trouvait , en outre , deux fiefs nobles ou portions de
fief portant l'un et Tautre le nom de Lisores , et situés
l'un en la vicomte d'Orbec, et l'autre en celle d'Argentan;
mais, dans les mentions qui en sont faites, il n'est pas
toujours aisé de les distinguer. Le pouillé du diocèse de
Lisieux, au XIVe siècle, mentionne Gervais Bordel comme
seigneur et patron de Lisores. En 1433, Guillemin Regnault
possédait le fief de Lisores , de même que ceux de la Motte
et de Vaudeloges, et ce même fief était encore, en 15&9,
à Jean Regnault, arrière-petit-fils du précédent; en 1595 ,
Guillaume Le Sueur était seigneur de Lisores, au droit
d'Elisabeth Le Chevalier, sa femme; mais celle-ci paraît être
morte sans postérité , car le fief de Lisores fut porté dans la
famille de Marescot par Gillette Le Chevalier , sa sœur ,
mariée à Pierre de Marescot. Le dernier seigneur de Li-
sores, cinquième descendant de celui-ci, fut Nicolas-François
de Marescot, sieur de Lisores et de l'Hôtellerie-Farou, pro-
cureur-général à la Chambre des comptes de Normandie
avant la Révolution.
L'autre fief de Lisores appartint longtemps à l'ancienne
famille de ce nom. Jean de Lisores en était encore seigneur
en 1/M6; mais, peu après, cette terre était passée à une
autre famille. Les Lisores n'étaient pourtant pas éteints,
mais bien déchus de leur ancienne fortune. En 1666 , Claude
Lisores fut encore déclaré d'ancienne noblesse par M. de
Marie, en la paroisse de Bocquencey ; néanmoins, cette
famille a été complètement omise dans les Armoriaux de la
province. Des Lisores, le fief qu'ils avaient possédé passa à
Thomas de La Reue \ sieur de Lisores et de Norolles,
lieutenant-général du bailli d'Évreux , dans la seconde moitié
du XVe siècle. En 1495 et 1567 , le fief de Lisores, vicomte
CANTON DE LIVAROT. 659
d'Orbec , appartenait à la famille Le Jumel de Lisores , une
des plus marquantes du Parlement de Rouen. Un fief du
même nom fut possédé par Eustache Duroy , qui obtint en
1612 des lettres de noblesse. Dans la seconde moitié du
XVIIe siècle , une branche de la famille de Gorday était au
nombre des seigneurs de Lisores ; plusieurs autres se succé-
dèrent dans la propriété de cette terre. En 1666, Maurice
Gaultier , frère du seigneur de St-Basile , était qualifié sieur
de Lisores.
Sur le territoire de celte commune se trouvaient encore
plusieurs manoirs, dont aucun n'a laissé de restes intéressants.
Celui du Plessis était possédé, vers 1700, par Jean-Baptiste
de Marescot, frère du seigneur de Lisores. Lors de la Re-
cherche de 1666, Eustache Bonnet, sieur des Bourdonnières,
Jean Le Normand , sieur de La Garenne , et Gratien Pépin ,
sieur de Berville-Campigny , firent preuve de noblesse an-
cienne en la paroisse de Lisores (1).
SAINT-OUEN-LE-HOULT.
St-Ouen-lc-HouIt, Sanctus Audoenus Le Lohour , Sanctus
Audoenw Le HouLt.
L'église de St-Ouen-le-Houll se trouve sur le bord du
chemin de moyenne communication d'Orbec au Billot. Elle
a été soigneusement examinée par M. Pannier.
Nous faisons remonter au XIIe siècle , dit-il , la construc-
tion du chœur. Les murs latéraux étaient primitivement
sans contreforts. Deux contreforts , du X,Vle siècle , sou-
tiennent le mur septentrional. Un autre contrefort , du même
temps, se voit à l'extrémité du mur opposé. Le chœur est
éclairé , de ce côté , par une fenêtre cintrée moderne. Un
1 V. les noies de M. !e vicomte I nuis de Neuville.
660 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
chevet droit termine le chœur, qui est en retrait sur la nef.
La nef date seulement du XVIe siècle. Trois fenêtres ,
l'une ogivale , avec moulures en gorge , les deux autres
cintrées, du même temps (la fenêtre du milieu refaite),
éclairent la nef au midi. Elle reçoit la lumière , du côté du
nord , par deux ouvertures , l'une à plein-cintre , du XVIe
siècle, entourée de moulures formées de gorges ou scoties;
l'autre également à plein-cintre , mais retouchée. Cinq
contreforts, construits en grand appareil, soutiennent chaque
mur.
Le portail occidental, soutenu par quatre contreforts sail-
lants , est percé d'une porte en anse de panier encadrée dans
un plein-cintre mal dessiné. Sur le mur apparaissent les
traces d'un ancien porche.
Au-dessus du gable s'élève un clocher en charpente , ter-
miné par une pyramide octogone couverte en ardoise. (le
clocher renferme deux cloches. La plus grosse , qui a
73 centimètres de diamètre, porte l'inscription suivante :
L'AN 1588 Me PIEKRE RIOVLT, PROCVREVR DV ROY A ARGENTAN BT
EXMES D. CATHERINE Desitltrey FEMME DE ROGER COVSIN ET ELIZABETH
LECHEVALIER FEMe DE GVILLC LESIEVR Sr DE LISORES.
IEHAN AVBRRT MA FAICTE.
De chaque côté du nom du fondeur sont figurés, en
relief , deux centaures.
La petite cloche a 65 centimètres de diamètre. Elle a
été fondue en 1822, par Lavillette.
La voûte de la nef et celle du chœur sont recouvertes d'un
enduit. La première est en lambris avec entraits et poinçons.
Toute la charpente intérieure , qui est énorme , repose sur
des poteaux placés le long des murs.
La nef montre des vestiges d'une litre funèbre. Toute trace
d'écusson a disparu,
CANTON DE LIVAROT. ■ 661
On remarque le maître-autel dont le retable , dans le style
Louis XIV, est décoré de deux colonnes torses, d'ordre
composite, garnies de feuilles de vigne et de raisins. De
chaque côté du rétable sont placées deux niches qui com-
plètent l'autel. L'une de ces niches contient la statue mi-
niaturée de la Sainte- Vierge qui tient dans ses bras l'enfant
Jésus. Sa robe est bleue ; le manteau or , avec doublure
blanche semée d'hermine. L'autre niche renferme la statue
de saint Joseph, également miniaturée ; sur le gradin, sont
placés deux jolis chandeliers en bois , style Louis XV.
Le tabernacle est du même style. Une couronne fleur-
delisée surmonte l'exposition.
Les deux petits autels placés à l'extrémité de la nef pro-
viennent de l'église de Bellouet. Le rétable , à colonnes ru-
dentées, d'ordre composite, date du commencement du
règne de Louis XIV.
Une statue de la Vierge, du XVIe siècle , décore l'un de ces
autels. La frange du manteau est garnie de petites rosaces
imitant une élégante broderie. Une couronne ducale sur-
monte la tête de la Sainte-Vierge. L'enfant Jésus paraît tenir
une poire dans une de ses mains. Sa robe est fermée par un
bouton garni de plusieurs petites perles.
L'autre autel est dédié à saint Laurent. La statue à plis
tourmentés du Saint appartient au style Louis XIII.
Les fonts baptismaux, pédicules (style Louis XV), sont
ornés de draperies.
On conserve , dans la sacristie , une curieuse chasuble à
personnages, du XVIe siècle. Dans la partie supérieure de
la croix est représentée la Vierge-Mère. A l'extrémité des
croisillons, deux anges, à genoux, balancent un encensoir.
Au milieu de la croix est représenté un évêque ; dans la
partie inférieure, saint Laurent, patron de l'église.
Le devant de la chasuble offre également l'effigie , en
662 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
pied , de saint Laurent et celle d'une Sainte. Le bas de la
chasuble est malheureusement coupé.
Tous les personnages religieux sont placés sous des
ogives en accolade et des cintres.
Faits historiques. — La seigneurie de St-Ouen , ancienne
dépendance de la baronnie des Moustiers-Hubert , fut con-
fisquée comme elle sur un seigneur anglo-normand, du parti
de Jean-Sans- Terre , et réunie au domaine royal. Mais, dans
le cours du XIIP siècle ou le commencement du XIVe, elle
fut donnée à titre de (ieiïerme, c'est-à-dire inféodée à charge
d'une rente qui en absorbait originairement presque tout
le revenu. En 13 Al , Jean Regnault était seigneur de St-
Ouen-le-Hoult ; en 1469, Collin Sauvalle et Jean Pigis
tenaient ensemble cette fiefferme. Au XVIe siècle, elle appar-
tenait aux de La Haye , seigneurs de la Pipardière à Livarot :
Guillaume de La Haye, sieur de la Pipardière et de St-Ouen-le-
Hoult, vivait en 1562 ; on ne sait si ce fut lui ou son fils qui
vendit cette dernière terre à Pierre Rioult, procureur du roi
à Argentan, qui, à son tour, l'aliéna en 1604, par un échange
conclu avec le sieur de Margeot, qui lui céda la terre et
seigneurie de Champosoult, entre Vimoutiers et Chamboy.
La famille de Margeot a conservé la seigneurie de St-Ouen
jusqu'en 1789 , et elle possède encore le manoir et les terres
qui en dépendaient. Ce manoir , dit aussi de Noiremare , est
un édifice en brique datant du siècle dernier et dénué de
toute espèce de caractère. (Note de M. L. de Neuville.)
Quoique la paroisse de St-Ouen-le-Hoult ne renfermât
aucune autre terre seigneuriale, plusieurs familles nobles y
ont fait leur résidence. Les gentilshommes qui y comparu-
rent dans la Recherche de 1666 furent Gabriel de Bonnet,
sieur de Launay-Morilière; Gilles Robine du Pommeret;
Sébastien de Margeot, sieur de Fontenelles ; Yves de Margeot,
sieur de la Guérinière , et François de Monteilles.
CANTON !>E MV'AROT.
LA BREVIERE.
663
La Brevière , Breveria.
Ma Statistique monumentale, dans les parties précé-
demment publiées, a pu conserver le souvenir de plusieurs
monuments dont il n'existe déjà plus de traces aujourd'hui;
il en sera de même pour l'église de La Brevière : elle était ,
effectivement , en démolition quand je l'ai visitée et quand
M. Bouet l'a dessinée il y a douze ou quinze ans. La vue qu'il
en a faite montre cette église, lorsque déjà elle avait perdu
son toit. ( Voir la page suivante. )
La forme de cette église était celle d'une croix, et sur le
transept s'élevait une flèche en bois très-élancée , couverte
d'essente, offrant sur chaque angle une lucarne trilobée.
Les murs étaient en grand appareil, et l'ensemble de
l'édifice annonçait le XVIe siècle.
Les fenêtres de la nef et du chœur étaient à plein-cintre ,
mais deux fenêtres ogivales à traceries flamboyantes, et di-
visées en deux baies par un meneau , éclairaient le transept
( Voir la planche ). Celle de ces fenêtres qui était ouverte
dans le transept nord était ornée de vitraux; on voyait,
dans le même transept, un support de statue, du XVIe siècle,
portant des armoiries.
M. Pannier, qui a vu cette église avant la destruction des
toits, nous apprend que la voûte du chœur était peinte et
semée de bouquets de fleurs, dans le style Louis XIII , et
que celle du transept méridional était décorée de peintures
dans le style de la Renaissance de François Ier.
Cette église était sous l'invocation de saint Pardoul;
l'abbé de St-Mariin de Sèez nommait à la cure.
Le presbytère, situé à peu de dislance de l'église, était
664 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS,
CANTON DE LIVAROT. 665
en bois avec remplis de tuiles formant des dessins, et le toit
était surmonté de trois épis en terre cuite émaillée.
PLAN DE L EGLISE DB LA BREVIERE.
La Brevière faisait autrefois partie de l'élection d'Ar-
gentan. Si le patronage de la cure appartenait à l'abbaye de St-
Martin de Séez , c'était pourtant un autre établissement
666 STATISTIQUE MONUMEVJ'ALL QQ CALVADOS.
religieux, l'abbaye (k St-Anéré-en-Goufïem, qui y occupait
le rôle prépondérant : les abbés de Si-André y possédaient
une mouvance étendue , et prenaient le titre de barons de La
Brevière. Une autre portion des terres de cette paroisse
relevait du comté de Montgommery , dont les seigneurs se
qualifiaient aussi de barons de la Brevière ; ils y avaient ,
originairement, possédé des domaines et avaient disposé de
quelques-unes de ces terres en faveur de l'abbaye de St-
André. Celle-ci avait également reçu des bienfaits de la
famille des seigneurs primitifs de la Brevière , dont l'exis-
tence ne paraît pas avoir dépassé le commencement du XIVe
siècle : cette famille de La Brevière, dont plusieurs membres
étaient chevaliers , était aussi connue sous le nom de Payen
et n'était peut-être pas étrangère à celle des Paynel, barons
des Moustiers-Hubert. Un grand nombre d'autres donateurs
contribuèrent à augmenter les possessions de l'abbaye de
St-André, dans le cours du XIIIe siècle: plusieurs d'entre
eux appartenaient à des familles distinguées et, la plupart,
attachées à la fortune des seigneurs de Montgommery. L'une
des plus notables, du nom de l'Arbalestier, en latin , Balis-
tarius , paraît avoir possédé fief à La Brevière : elle fut du
nombre de celles qui suivirent Guillaume à la conquête de
l'Angleterre. iVîais il ne nous est pas possible de préciser le
lieu qui lui servit de résidence.
Parmi les fiefs qui avaient une mouvance dans la paroisse
de la Brevière, continue M. de Neuville, se trouvait celui de la
Chaquetière, qui s'étendait aussi sur !a Chapelle-Hautegrue et
Montgommery. Les seigneurs de ce fief se qualifiaient aussi de
sieurs de la Brevière. Philippe de Courseulles, sieur de Capdc-
houlle, devint possesseur de cette terre par son mariage avec
demoiselle Bonne Bonnet, en 1652. Il laissa dix enfants, dont
l'aîné fut François de Courseulles, seigneur de la Brevière ;
celui-ci épousa Ïoussainte-Philippe de Saint-Simon et périt
CANTON DE LIVAROT. 667
d'une mort violente : il fut assassiné le 23 avril 1698. Depuis
cette époque , cette branche de la maison de Cou rseu lies a
fort peu résidé à la Brevière : elle s'est éteinte à la fin du
siècle dernier.
Une autre famille qui a porté le titre de seigneur de la
Brevière est celle de Saint-Denis, qui avait pour armes : de
sable fretté d'argent au chef d'argent chargé d'un léopard de
gueules. Charles de Saint-Denis, sieur de Vaugoust, fit preuve
d'ancienne noblesse en cette paroisse, dans la Recherche
de 1666. Le 18 décembre 1685, Joachim de Saint-Denis,
sieur de la Brevière, abjura la religion protestante, entre les
mains de François Pollin , curé de cette paroisse , de même
que Louis Coslard , sieur de Bellean , Frédéric Costard , sieur
des Manis, Judith du Val, veuve de Joachim Costard, sieur
des Aunez, et deux de leurs domestiques. Cette conversion
en masse se ressentait , sans doute , de la révocation de
l'édit de Nantes.
La famille de Margeot a aussi porté le titre de seigneur de
la Brevière. Elle y acquit une terre , située près du chemin
de Livarot à St-Ouen-le-Hoult , par le même échange qui lui
procura la seigneurie de celte dernière paroisse en 1604.
Etienne de Margeot , sieur de Noiremare , fit preuve de
noblesse devant M. de Marie , à la Brevière , dans la
Recherche de 1666. M. de Margeot, dernier seigneur de la
Brevière, ayant émigré, vit ses biens confisqués: c'est le
père de M. Maurice de Margeot , demeurant au château de
St-Germain-la-Cainpague ; il a épousé MIle de Margeot de
Saint -Ouen, sa cousine.
Aucune des terres que nous venons de mentionner n'a
conservé de manoir digne d'attirer l'attention. Sans offrir
aucune particularité remarquable, le manoir de la Finanlière,
situé près de la nouvelle route de Livarot à Vimoutiers,
frappe les regards du passant , par ses dimensions et sa bonne
608 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS,
apparence. Une partie de la construction date du XVIe siècle
et est bâtie en bois ; le reste , comprenant un corps de logis
placé en marteau , est en pierre et ne remonte qu'à la pre-
mière moitié du siècle suivant. Cet édifice paraît avoir été
l'œuvre de Marin Costard , sieur de la Finantière , riche né-
gociant en draperie , ce qui ne l'empêcha point de combattre
pour la cause royale, dans la guerre de la Ligue, comme
homme d'armes de la compagnie de Robert de Calmesnil ,
sieur de Heuguemare. Ses enfants reçurent, en 1651, des
lettres de noblesse, en vertu desquelles André Costard, sieur
de la Finantière, comparut comme noble en 1666, en la
paroisse de la Brevière. Cette famille a vendu la terre de la
Finantière, dans le cours du siècle dernier, à MM. de
Margeot; ceux-ci l'ont revendue à la famille Sauvai. Elle
appartient aujourd'hui à M. Deraine et à Mlle Sauvai (1).
Le manoir de la Finantière a été, en 1799, le théâtre
d'un combat entre une centaine de chouans , détachés de
la division que commandait M. de Verdun, et des forces,
très-supérieures en nombre , accourues des villes voisines.
LIVAROT (CHEF-LIED) (2).
Livarot, Liverotum, Livaroth.
Le bourg de Livarot a profité du mouvement qui pousse
les habitants des campagnes à déserter les champs pour
s'entasser dans les centres. De 1,100 habitants (213 feux),
au XVIIIe siècle, sa population s'élève aujourd'hui à 1,386
habitants. Ce bourg , de l'élection de Lisieux , sergenterie
d'Orbec, était le chef-lieu d'un doyenné de vingt-cinq
paroisses.
(1) Notes de M. le vicomte de Neuville.
(2) Notes de M. Ch. Vasseur,
CANTON DE LIVAROT.
669
L'église , dédiée à saint Ouen , datait du XVe siècle. On y a
fait, il y a quelques années, de grandes modifications.
Voici, d'abord, le plan de l'église telle qu'elle était en 1859.
*>lan de l'église de livahot.
M. Bouet a fait du portail un dessin qui dispense de toute
description pour cette partie de l'édifice (V. la page suivante).
Une nef de quatre travées , divisées par des contreforts ,
un chœur à chevet pentagonal, le tout éclairé par des
fenêtres ogivales flamboyantes, à un meneau, disposées à
peu près symétriquement : tel est l'aspect extérieur. A l'in-
«70 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CAt.VADOS.
Bonet ciel.
FAÇADE ET TOUR DE L'ÉGLISE DE LIVAROT,
CANTON f«. LIVAROT. 671
térieur , la nef est accompagnée de deux bas-côtés voûtés en
pierre , avec nervures prismatiques. La nef centrale est
voûtée en merrain , avec des sablières, des entraits et des
poinçons richement sculptés de torsades, d'oves, d'imbrica-
tions et autres ornements caractéristiques du règne de
François Ier.
De nombreux blasons complétaient cette décoration, et con-
servaient la mémoire des seigneurs qui avaient fait exécuter
ce beau travail.
La construction primitive de l'église remonte au XVe siècle:
elle se composait d'un chœur et d'une nef assez étroite et sans
bas-côtés ; la tour date de la même époque, de même que la
majeure partie de la façade occidentale ; mais la tour , alors
extérieure , flanquait au nord la nef qui comprenait le colla-
téral opposé et une partie seulement de la nef actuelle. Au
XVIe siècle , l'église fut considérablement agrandie ou plutôt
refaite presque en entier. On conserva le mur méridional ,
qui devint celui du bas-côté de l'épître; les arcades ogivales
portées sur des colonnes massives et le bas-côté du nord
datent de cette époque , et la tour du clocher se trouva de la
sorte enchâssée dans l'intérieur de la nef.
ce II y a cinq ans, par l'initiative de M. le Curé, dit M. Gh.
« Vasseur , le vieux chœur , construit par les barons de Li-
ce varot , fut jeté bas et remplacé par une construction eu
* briques et en plâtre, dessinant, en plan, un chœur flanqué
ce de deux bas- côtés avec trois chapelles absidales. Je ne
ce saurais dire quel style on a voulu donner à cette bâtisse :
ce il y en a pour tous les goûts , depuis le roman du XIIe
ce siècle jusqu'aux fioritures du règne de Louis XIV. On ne
ce peut louer absolument rien dans ce travail par trop
« capricieux.
« Le mobilier a été renouvelé. On voyait, auparavant,
« dans une des fenêtres du bas-côté nord , des restes d'un
672 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
« arbre de Jessé. Aux murs de la nef étaient appendus cinq
« panneaux de chêne sculpté , provenant peut-être d'un
« scamnum oblongum, seul siège permis à l'officiant par
« les règlements liturgiques. Ces panneaux représentent
« chacun un personnage en pied. J'ai cru y reconnaître : le
a Sauveur du monde, saint Pierre, saint Mathias, saint
« Barthélémy , saint Jacques-le-Majeur. »
On voyait aussi, dans la sacristie, une chaire à haut
dossier, ou siège seigneurial sculpté à panneaux flamboyants,
avec un blason parti d'Arces et de Ferrières. Il datait,
comme les voûtes du chœur et de la nef, du commence-
ment du XVIe siècle.
La cloche date seulement de 1803.
Le patronage de l'église de Livarot appartenait à l'abbaye
du Bec. Il lui avait été donné, en 4155, par Guillaume
Grespin.
Bourg et château. — Le bourg de Livarot , situé au fond
de la vallée de la Vie , sur une pente doucement inclinée
vers l'ouest, doit sa principale importance au commerce
du beurre et des fromages qui , de la plus grande partie
de l'arrondissement , affluent à son marché.
L'existence de Livarot ne nous est connue que depuis la
fin du XIe siècle. Un château-fort, dont nous aurons à
parler, semble avoir été la première cause de son développe-
ment. Pendant les siècles du moyen-âge, Livarot fut le
centre d'une industrie considérable de forges et de clouterie :
des bancs épais de mâchefer, que le sol renferme sur une
grande étendue, témoignent de l'importance qu'eurent ses
ateliers. Mais quand vinrent les longues et cruelles guerres
des Anglais, Livarot, qui paraît avoir beaucoup souffert de
leur fureur, vit décliner cette ancienne industrie, qui,
après avoir langui quelque temps, a fini par être com-
CANTON DE LIVAROT. 673
plètement abandonnée. Au XVe siècle, le bourg de Li-
varot était réduit à un nombre d'habitants peu considérable ,
comme on peut en juger par les dimensions exiguës de
l'église paroissiale, construite à cette époque, et dont les por-
tions utilisées dans les reconstructions subséquentes de cet
édifice religieux permettent de calculer les dimensions pri-
mitives. Le XVIe siècle, au contraire, fut pour Livarot une
période de prospérité et de rapide accroissement, et, depuis
cette époque , l'importance de ce bourg s'est développée à
mesure que la culture des céréales, difficile et peu productive
dans le pays accidenté qui l'environne , a fait place aux pâ-
turages qui couvrent aujourd'hui toute la vallée de la Vie. La
culture du pommier et la substitution de l'exploitation des
vaches à lait à l'engraissement des bœufs ont contribué à
augmenter cette prospérité ; et Livarot est aujourd'hui le
siège d'un commerce beaucoup plus considérable que h
nombre de ses habitants ne pourrait le faire soupçonner.
L'industrie des fromages , sans être la plus importante ,
dit M. de Neuville , est celle par laquelle Livarot est le
plus connu. On ne peut douter qu'elle ne soit fort an-
cienne : cependant , les fromages que l'on faisait autrefois
dans la vallée de la Vie étaient ceux qu'on nommait alors
angelots et qu'on connaît aujourd'hui sous le nom de fro-
mages de Pont-1'Évêque ; ce n'est que vers le commence-
ment du XVIIe siècle que les fromages spécialement
désignés sous le nom de Livarot ont été mis en vogue.
Pendant un siècle et demi, ces fromages ont été fort réputés:
sous le règne de Louis XV, M. de Maurepas était grand
amateur du Livarot. Mais, depuis cette époque , les fabri-
cants de fromage ayant sacrifié la qualité pour obtenir plus
de beurre , cette variété , tout en devenant plus répandue , a
perdu le suffrage des gourmets. Elle ne peut lutter, sous ce
rapport , avec celle des fromages dits do Camembert, dont In
W6
67'J STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
fabrication, depuis peu d'années, s'est répandue dans tous les
environs et est, en ce moment, dans l'état de prospérité le plus
brillant. On attribue à tort l'invention de cette dernière qua-
lité de fromages à Mme Harel, qui demeurait à Camembert, il
y a une soixantaine d'années ; elle a eu le mérite non moins
grand d'en conserver seule la tradition , pendant un grand
nombre d'années ; mais les fromages de Camembert étaient con-
nus au XVIIe siècle : il en est fait mention dans le Dictionnaire
géographique de Thomas Corneille, à l'article Vlmoutiers.
L'histoire de Livarot s'identifie avec celle du château-fort
qui y a existé pendant plusieurs siècles et qui était le siège
d'une baronnie. Ses plus anciens seigneurs furent lesCrespin,
alors châtelains de ïiilières ; cette maison , depuis connue
sous le nom du Bec-Crespin , a donné naissance à un ma-
réchal de France. Guillaume Crespin, premier du nom, con-
temporain de Guillaume-le-Conquérant , donna à l'abbaye
du Bec le droit de présentation à la cure de St-Ouen de
Livarot. Son petit -fils, Goscelin Crespin, confirma cette do-
nation en 1155. Le fils de ce dernier, Guillaume Crespin ,
troisième du nom, donna des propriétés à Livarot, à l'abbaye
de St-André-en-Gouffern , qui posséda aussi en cette pa-
roisse une chapelle, dite de St-André , détruite depuis trois
siècles au moins , mais dont on distingue encore l'emplace-
ment dans l'herbage dit de la Couture-St-André. La baronnie
de Livarot sortit de la famille Crespin par le mariage d'Isa-
belle, fille de Guillaume Crespin, ci-dessus nommé, et d'Eve
de Harcourt, avec Robert du Neufbourg, baron d'Asnebec.
Celui-ci appartenait à une branche cadette de l'illustre
maison des comtes de Beaumont et Meullent en France , de
Leicester , de Bedford et de Warwick en Angleterre. Les
Neufbourg conservèrent la baronnie de Livarot jusqu'à leur
extinction qui eut lieu au commencement du XVe siècle.
CANTON DE LIVAROT. 675
Le règne du roi Jean fut , pour Livarot , une époque dé-
sastreuse. Le château, étant tombé entre les mains d'un
parti d'Anglais et de Navarrais, devint pour eux une place
d'armes d'où ils sortaient pour piller et dévaster le pays
environnant. Pendant plusieurs années ils réussirent à s'y
maintenir : cette période vit la ruine et l'incendie changer
l'aspect de la contrée. On assure que Du Guesclin vint en
personne assiéger le château de Livarot , et qu'il ne put
réussir à le prendre. Quoi qu'il en soit, les Anglais s'y main-
tinrent jusqu'en 1365, et n'en sortirent que par composition
et en recevant une somme très-considérable. Soit qu'on ait
alors voulu prévenir le retour de pareils désastres, soit qu'un
second siège y ait eu lieu postérieurement , le château de
Livarot fut démantelé vers cette époque et cessa d'avoir au-
cune importance militaire. Il n'en est point fait mention
dans les guerres de la première moitié du XVe siècle.
Jeanne du Neufbourg, fille et héritière de Robert du
Neufbourg et d'Alix de Tournebu, porta la baronnie de
Livarot dans la maison de Ferrières , une des plus illustres
de la province, par son mariage avec Charles, baron de
Ferrières, de Préaux, de Thury, de Dangu , de Vibra y e et
Montforl-le-Rotrou , sous le règne de Charles VI. Les sei-
gneurs de Ferrières possédèrent la terre de Livarot pendant
environ cent ans; mais, au commencement du XIIe siècle,
ils tombèrent en quenouille. Françoise de Ferrières, une
des héritières de cette maison , eut en partage la baronnie
de Livarot; elle épousa Antoine d'Arces, seigneur delà
Baslie, gentilhomme dauphinois de la valeur la plus bril-
lante, connu, dans son temps, sous le nom de Chevalier-
Blanc. Envoyé par le roi François Ier en Ecosse , pendant
la minorité de Jacques V , Antoine d'Arces fut élevé à la
dignité de vice-roi d'Ecosse, mais une lin tragique vint
bientôt mettre un terme à ses glorieux elforls en faveur de
676 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
ce malheureux pays que le dangereux voisinage de l'Angleterre
et la turbulence de ses barons tenaient plongé dans un
état de confusion perpétuelle : tombé entre les mains d'Écos-
sais révoltés, le seigneur de la Bastie fut cruellement égorgé.
Il laissait deux fils qui possédèrent l'un après l'autre, la
terre de Livarot ; car, bien que Nicolas d'Arces, l'aîné,
seignenr de Ferrières, Livarot et Thibouville, eût laissé une
fille de son mariage avec Anne Le Veneur, des arrangements
de famille firent passer la baronnie de Livarot à Jean d'Arces,
son frère, baron de la Bastie et de Condrieu. Celui-ci
épousa Isabeau de Sillans, fille du seigneur de Creully : il en
eut un fils et une fille ; le premier, nommé Guy d'Arces,
fut compté parmi les favoris de Henri III, sous le nom
de Livarot; il mourut jeune encore, laissant, pour
Iiéritière, Jeanne d'Arces, sa sœur, mariée à André
d'Oraison, seigneur de Soleilhas, chevalier de l'ordre et
mestre de camp des vieilles bandes françaises. André
d'Oraison , fils d'Antoine d'Oraison , vicomte de Cadenet et
de Marthe de Foix Candale, était descendu de Philibert
d'Aqua , seigneur napolitain, qui, s'étant attaché à la fortune
de la maison d'Anjou , fut exilé de sa patrie et se retira en
Provence où la faveur du roi René, dont il était grand-
chambellan , lui fit épouser Louise d'Oraison , héritière d'une
famille distinguée de cette province , aux noms et armes de
laquelle sa postérité fut substituée. André d'Oraison fut l'au-
teur de deux branches de cette maison ; l'aînée , celle des
marquis d'Oraison Boulbon , resta en Provence , tandis que
la cadette , celle des barons de Livarot , vint se fixer en Nor-
mandie où elle s'éteignit dans les premières années du XVIIIe
siècle ; ses membres ont porté les titres de marquis de Li-
varot et de Longchamp, barons d'Ouillie et seigneurs de
Pontalery , Piencourt, Chiffreville et Héricourt ; deux d'entre
eux ont été successivement gouverneurs de Lisieux sous le
CANTON DE LÏVAUOT. 677
règne de Louis XIV. L'héritière des barons de Livarot, du
nom d'Oraison , fut Charlotte Elisabeth d'Oraison , mariée a
Charles Nicolle , sieur de Briqueville, fils d'un receveur des
tailles à Coutances : elle fut l'aïeule de Louis de Nicolle,
marquis de Livarot, qui vendit cette terre en 1763 , se ré-
servant le privilège d'en porter exclusivement le nom. Ce
dernier marquis de Livarot était maréchal de camp ;
il mourut à Londres , dans l'émigration , sans avoir été
marié; il laissait deux sœurs : Louise Elisabeth de Nicolle,
l'aînée , avait épousé François-Jean de Graindorge-d'Or-
geville, baron de Mesnil-Durand et maréchal de camp;
Henriette-Blandine de Nicolle, sa sœur, était mariée à
Charles Guy du Bosch. La terre de Livarot, y compris les
fiefs de Pontalery , Piencourt et autres qui en dépendaient ,
fut vendue à Mme de Lancize, pour la somme de 261,000
livres. Louis-Marc de Lauzière de Lancize était un officier
distingué , originaire de l'Avranchin ; il avait épousé , en
premières noces, en 1736, Julie-Geneviève de Lyée de
Tonnancourt, qui mourut bientôt sans postérité. M. de
Lancize suivit Charles-Edouard en Ecosse , comme capitaine
d'une compagnie de cadets gentilshommes ; puis , élevé au
grade de colonel d'infanterie, il reçut un commandement
important à la Martinique où il se remaria avec Mmc de
Ponthau, riche veuve créole. C'est au nom de cette dame,
Catherine-Elisabeth Desvergers , et de Michel de Ponthau ,
son fils, que fut acquise la baronnie de Livarot. M. de
Lancize fit construire, à peu de dislance du vieux château,
un long bâtiment en équerre, destiné à servir de dépendances
au nouvel édifice qu'il projetait de lui substituer; mais ses
plans ne furent pas mis à exécution : dès 1767 , la terre de
Livarot était de nouveau vendue, pour le prix de 310,000
livres, à Joachim- André-Louis Gossey, riche négociant et
secrétaire du roi, qui , par cette acquisition , devint seigneur
678 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
de Livarot , Pontalery , les Loges , le Quesnay , Carel et
Piencourt. Mais les événements de la Révolution ayant causé
la ruine de la maison Gossey, la terre de Livarot fut saisie par
ses créanciers et, enfin, vendue en détail en 1816. Quelques
années après, le vieux château était rasé jusqu'aux fondements :
sur le terrain qu'il occupait, s'élève maintenant l'école com-
munale des filles , tenue par les religieuses de la Providence.
Le château de Livarot, dont la construction primitive
pouvait remonter au XIe siècle , était un des édifices féodaux
les plus remarquables de la contrée : son enceinte , de forme
circulaire, bâtie en pierres du grès le plus dur, soigneuse-
ment appareillées, était entouré de fossés profonds alimentés
parla rivière de Vie : aussi, Livarot fut-il longtemps regardé
comme une place très-forte. Mais, ce vieux château ayant été
démantelé dans les guerres du XIVe siècle, il n'était resté
de ses murs primitifs que des portions de hauteurs inégales
sur lesquelles étaient venues s'appuyer plusieurs constructions
en bois, dépourvues de tout ensemble et de toute régularité.
La partie la plus remarquable et la mieux conservée de cette
ancienne demeure était un pavillon , ou tourelle, donnant
accès dans la cour intérieure et où se trouvait autrefois un
pont-levis. Suivant M. Guilmeth , la totalité de l'enceinte
avait 252 pieds de circonférence en dedans des fossés.
La Pipardière. — Le manoir de la Pipardière, dit M. Ch.
Vasseur, assis au milieu de la vallée , sur le bord de la roule
de Lisieux, ne doit pas remonter au-delà du XVIe siècle. Il est
construit en bois, avec un étage en encorbellement. Un escalier
monumental en pierre, placé en saillie sur la façade occidentale
et abrité par un auvent, conduit aux chambres hautes. Sur
le fronton de la petite fenêtre qui éclaire le dessous de
l'escalier on trouve une date un peu fruste, que j'ai cru
être 1525. (V. la page suivante.)
CANTON DE LIVAROT.
679
680 STATISTIQUE HONtJMENTâLE MJ CALVADOS.
Les sculptures des charpentes, dont voici un profil, ré-
pondent bien à cette daté.
CANTON DE LIVAROT. 6S1
Les entre- colombages sont garnis de briques , disposées en
dessins variés, et quelques fragments d'épis en terre ver-
nissée couronnent encore les pignons des combles.
La chapelle est fort bien bâtie. Quoiqu'elle soit vrai-
semblablement. du même temps que le manoir, elle offre
CHAPELLE DE LA PIPARDIÈRE.
tous les caractères du style flamboyant de la meilleure
époque. Le dessin , de M. Bouet , peut dispenser de toute
description.
Cette chapelle ne sert plus au culte, et elle a perdu tout son
mobilier. Une belle tribune, dont l'appui se composait de
panneaux sculptés, représentant les ' douze Apôtres, séparés
682 STATISTIQUE MONUMENTALE OU CALVADOS.
par des pilastres cannelés, dans le goût de la Renaissance ,
vient d'être enlevée par le propriétaire et transportée dans
l'église de Soquence; ces boiseries étaient remarquables.
La charpente , visible à l'intérieur , mérite une étude
approfondie. Les enlraits sont sculptés, sur toutes leurs parties,
d'oves, d'entrelacs, et de ces capricieuses décorations fa-
milières aux artistes du règne de François Ier. Les sablières
sont également sculptées, et quatre blochets dont l'extrémité
figure des mascarons remplacent, aux angles de l'abside, les
enrayures que l'on rencontre ordinairement. La charpente
du clocher est restée aussi visible , jusqu'au haut de la
flèche : l'œil s'égare, non sans plaisir, au milieu de ce la-
byrinte de pièces de toute dimension , dont plusieurs sont
sculptées , et dont l'ensemble est un magnifique spécimen de
l'art du charpentier II faudrait un grand nombre de dessins
pour en donner une idée (1).
Le fief de La Pipardière doit son nom à la famille Pipart ,
distinguée au XIIe siècle et qui a possédé aussi la terre
de Manneville-la-Pipard , près de Pont-l'Évêque. Gilbert
Pipart était dapifer de Milon Crespin , en 1107. Un de
ses descendants épousa une fille ou petite fille de Goscelin
Crespin, baron de Livarot, et il paraît en avoir reçu un dé-
membrement de cette terre où il fit construire un manoir ,
qui fut nommé La Pipardière. Ce fief appartenait , en 1^27,
à Jean de La Haye , descendant par les femmes des Pipart.
Un de ses successeurs , Philippe de La Haye , sieur de La
Pipardière, était en procès en 15^2, contre Nicolas d'Arces,
baron de Livarot, qui lui disputait le droit d'avoir banc et
séance dans le chœur de l'église de cette paroisse : ce
procès, porté au Parlement de Normandie, ne fut terminé
qu'en 1601 , par un arrêt favorable aux prétentions des barons
'A) Notes de M. Ch. Vasseur.
CANTON DE LIVAROT. 683
de Livarot. La famille de La Haye, alliée à celles de Hautemer,
de Tournebu , de Courseulles , s'éteignit dans le cours du
XVIIe siècle, dans la maison de Fresnel, qui a possédé la
terre de la Pipardière, jusqu'à la Révolution. Elle a appartenu
depuis à Mn,e de La Rivière, et est aujourd'hui la propriété
de ses héritiers, MM. du Val de Bonneval.
Château moderne. — Le château de Neuville , situé
sur le penchant du coteau qui domine le côté droit de la
vallée , est un des plus considérables du département et des
mieux situés: il a été construit en 1824, par feu M. le mar-
quis de Neuville, pair de France, dans le style qui était
alors à la mode : aujourd'hui on ferait quelque chose de plus
léger dans un autre style ; mais chaque époque a son goût
et son cachet.
L'ancien château , dont il reste encore quelques parties
près du nouveau , était précédé de deux tours cylindriques :
lune, destinée au colombier; l'autre était, dit-on, une
chapelle. Elles portent les dates 1677 et 1678.
Deux épis émaillés couronnent les combles de cette con-
struction et des tours.
Des sources limpides coulent de la partie supérieure du
coteau et sont amenées dans les appartements du château :
une végétation luxuriante distingue les plantations qui or-
nent le coteau. Du château , la vue s'étend sur une vallée
magnifique et sur le bourg de Livarot.
M. le comte de Neuville, gendre de M. de Villèle , qui
habite son château une grande partie de l'année , est un des
hommes les plus recommandables, les plus désintéressés et
les plus dévoués aux intérêts moraux et industriels du pays.
La population du canton lui a témoigné sa reconnaissance
en l'appelant, il y a quelques années, à siéger au Conseil
général.
686 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
M. de Neuville a deux fils qui habitent avec lui, et dont
l'un, M. le vicomte Louis de Neuville, membre de la Société
française d'archéologie, nous a fourni de précieux docu-
ments historiques sur les fiefs du canton. C'est lui, qui,
pour ne pas s'éloigner de son frère aîné, auquel appartiendra
le château de Neuville, vient d'en faire construire un autre,
sur le côté opposé de la vallée.
Le fief de Neuville , où se trouve le château dont nous
parlons, doit son nom à l'ancienne famille de Neufville qui
a elle-même pris le sien de Neuville-sur-Touque, commune
du canton de Gacé. Le fief de Neuville paraît avoir d'abord
fait partie d'un fief, nommé la Loisinière, possédé au XIIIe
siècle par une famille de chevaliers, du nom de Loison.
Un peu avant 1550, il devint la propriété de maître Guil-
laume Maquerel , avocat à St-Pierre-sur-Dive , natif de
Bellou , auquel il fut encore disputé : Robert de Neuville,
seigneur des Loges , le revendiquait en justice , en 1570;
mais il resta entre les mains de la famille Maquerel, qui prit
le nom des Mogerets et fut anoblie , en 1637, dans la per-
sonne de Pierre des Mogerets, sieur de Neuville", avocat-
général à la Table de marbre de Rouen et maître des re-
quêtes de la Reine. Les enfants de ce dernier donnèrent en
échange, en 1675, contre des herbages situés à La Brevière,
la terre de Neuville à Jacques Rioult , sieur d'Ouilly , fief
dans lequel celui de Neuville était presque complètement en-
clavé. Cette terre est restée, depuis, en la possession de la
famille Rioult de Neuville, qui y fait sa résidence. Le fief de
Neuville relevait de la seigneurie de Sle-Marguerite-des-
Loges.
Le fief d'Ouilly , dont le manoir est situé dans un vallon
au sud-est et à un kilomètre et demi du bourg de Livarot ,
doit son nom à la famille des seigneurs d'Ouil!y-le -Tesson :
aussi, ce fief était-il resté dans la mouvance féodale de cette
CAS TON OE LIVAROT. 685
seigneurie d'Ouilly , près de Falaise. Il avait originairement
porté le nom du Val-Herboult, sans doute emprunté à une
famille Herboult, qui subsistait encore à La Brevière, au
XIIIe siècle.
Dans le cours du XIVe siècle, Richard d'Ouilly était
seigneur du fief de ce nom, à Livarot. A la fin du même siècle,
la terre d'Ouilly avait été démembrée : le manoir , le bois
d'Ouilly et la plus grande partie du domaine utile étaient
entre les mains de la famille Rioult, tandis que le corps du
fief et les droits seigneuriaux étaient la propriété d'une
branche cadette de la maison de Courcy.
Gabriel Quesnel de Coupigny , marquis d'Alègre , vendit
en 1611 le fief d'Ouilly, pour /i,000' livres, à Jacques
Rioult , qui le réunit ainsi au domaine qui en avait été sé-
paré. Le manoir d'Ouilly offre les caractères généraux des
constructions en bois du XVIe siècle : son principal mérite
est de porter une date certaine, le millésime 1518 étant
gravé dans un cadran solaire en pierre se détachant en car-
touche, d'une de ses massives cheminées. L'intérieur offre
quelques traces des peintures murales qui le décoraient
autrefois.
Ce manoir a été élevé par Pierre Rioult , fils de Jean
Rioult, qui fit preuve d'ancienne noblesse devant Montfaut ,
dans la recherche de 1463 et père de Nicolas Rioult, qui de
son mariage avec Agnès de Manoury eut pour fils un autre
Pierre Rioult ; celui-ci épousa en 1567 Catherine Toustain,
des sieurs de Billy, dont il eut Jacques Rioult, devenu sieur
d'Ouilly en 1611. Les Rioult avaient succédé à la famille
d'Astin qui possédait des terres au Val-Herboult, aux XIP
et XIIP siècles ;vun de ses membres, Foulques d'Astin fut
évèque de Lisieux sous le règne de saint Louis.
Livarot a servi de résidence, aux XVIe et XVIIe siècles,
686 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
à des membres des familles Toustain de Billy , Le Vallois et
de Cintrey. C'est à Livarot qu'est né l'abbé Dufresne, curé
de Mesnil- Durand, député du clergé aux Élats -Généraux de
1789 et membre du côté droit à l'Assemblée constituante.
Pierre levée. — Les hauteurs qui s'étendent à l'est de
Livarot sont couvertes, sur une longueur de 3 kilomètres sur
1 kilomètre environ de largeur, par des bois appartenant à M. le
comte de Neuville. Il s'y trouve, tout près de l'ancien chemin
de Livarot à Fervaques, un menhir ou pierre-levée, cachée
dans l'épaisseur du taillis. C'est une roche en poudingue
siliceux, de 2 mètres de hauteur environ, d'une longueur
un peu moindre sur une largeur de 60 centimètres à peu
près. Cette pierre est complètement brute, sauf une de
ses faces latérales dont on semble avoir voulu faire disparaître
quelques parties anguleuses à l'aide d'un instrument
grossier. A une centaine de mètres plus au sud de l'autre
côté du chemin, se trouvent quelques pierres de nature et de
dimensions analogues, mais occupant une position hori-
zontale.
S"-MARGUERITE-DES-LOGES.
Ste-Marguerite-des-Loges , Sancta Margarùa de Logiis.
L'église de Ste-Marguerite-des-Loges est bâtie dans un
vallon , au pied d'un coteau marneux couronné de sapins.
Un ruisseau coule au nord de l'église ; à côté se développe
un vaste étang.
D'après les notes descriptives de M. Pannier, qui a visité
cette église plusieurs années après moi, elle était romane.
Le mur méridional de la nef offre encore une fenêtre à
plein-cintre qui a été bouchée. On remarque aussi de ce
G ANTON DE LIVAROT. 687
côté deux petites fenêtres à ogive de transition , également
bouchées.
Une grande restauration y a été faite au XVIe siècle. Les
murs , en cailloutis , ont été exhaussés de plus d'un tiers de
leur hauteur et construits en grand appareil. Les contreforts
à double glacis datent de cette époque.
La nef est éclairée, au midi , par trois fenêtres : l'une rec-
tangulaire avec moulures prismatiques, les deux autres flam-
boyantes, divisées par un meneau. Deux fenêtres cintrées,
entourées de moulures formées de gorges , laissent pénétrer
la lumière du côté du nord.
Le chœur, construit en grand appareil , est en retraite sur
la nef. Il se termine par un chevet droit soutenu par trois
contreforts : l'un placé au milieu , les deux autres sur les
angles. Une grande fenêtre flamboyante à deux baies, presque
entièrement bouchées, occupe le milieu de ce chevet. Les
murs latéraux sont percés de fenêtres à plein-cintre, mo-
dernes. La sacristie, construite en grand appareil, est placée
au nord. Elle date du même temps que le chœur.
A l'occident s'élève une tour carrée , à trois étages , non
compris le rez-de-chaussée. Celte |tour, placée en avant-
corps , est construite en grand appareil et flanquée de con-
treforts prismatiques reliés entre eux par un cordon. Elle
est surmontée d'un clocher en charpente, recouvert en
essente , terminé par une pyramide octogone très-élancée et
percée à sa base de quatre lucarnes trilobées. La cloche de
Ste-i\Iarguerite-des-Loges , dont nous donnons l'inscription ,
a 1 mètre d'ouverture :
l'an 1818, j'ai été fondue et bénite par les soins dk m. de-
lange (1), CUBÉ, KT NOMMÉE MARIE PAB NOBLE DAME MARIE DE MAR-
(1) Curé actuel de Courcy , près Jort.
t)88 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
GUERIE (1), COMTESSE DE VALMONT, ASSISTÉE DE MESSIRE LÉON A. DE
RIOULT, COMTE DE NEUVILLE, GENTILHOMME HONORAIRE DE LA CHAMBRE
DU ROI (2).
M. ALLAIRE, MAIRE. BENARD, TRÉSORIER.
REÇUS, FONDEUR.
Au midi est une tourelle en encorbellement qui renferme
l'escalier. La porte principale est à plein-cintre et ornée de
moulures en gorge. Elle est surmontée d'une statue ancienne
de sainte Marguerite. La porte, en bois, est formée de
panneaux plissés.
Autour de l'église règne une litre funèbre.
La voûte de la nef est en merrain avec entraits et poin-
çons. La voûte du chœur et celle de la sacristie sont égale-
ment en merrain.
L'arc triomphal date du XVIe siècle.
On remarque dans le chœur le maître-autel dont le ma-
gnifique rétable, d'ordre corinthien, est décoré de quatre
colonnes torses couvertes de ceps de vigne et de raisins. Le
tabernacle , également très-riche , est à pans coupés et décoré
de colonnettes accouplées placées sur les angles. Deux niches
renferment, l'une, la statue de sainte Marguerite, patronne
de l'église ; l'autre , celle de saint Pierre. Dans les panneaux
inférieurs, placés entre les piédestaux des colonnes et corres-
pondant aux niches du maître-autel, sont deux anges ado-
rateurs miniatures.
A l'extrémité de la nef s'élèvent deux petits autels. Celui
de droite, dédié à saint Sébastien, offre un joli rétable,
style Louis XIV, décoré de colonnes torses et de pilastres
avec chapiteaux corinthiens. Deux statues, supportées par
des culs-de-lampe , accompagnent l'autel.
(1) Mère de Mgr de Marguerie, évêque d'Autun.
(2) M. de Neuville, devenu plus tard pair de France. f
CANTON DE LIVAROT. 689
L'autre autel, consacré a la Sainte-Vierge, est dans le
style Louis XV. Le rétable est décoré de colonnes et de
pilastres rudentés d'ordre composite. Près de l'autel est
un joli candélabre en fer embouti destiné à recevoir un
cierge.
La chaire est dans le style Louis XV.
Près du chœur est suspendu un beau lustre doré, à quatre
rangs de bobèches supportées par des branches ornées de ro-
saces en fer embouti.
Au mur méridional de la nef est appendu un tableau re-
présentant saint Michel terrassant un dragon. L'encadrement
est dans le style Louis XV. Ce tableau a été donné par la
confrérie de Saint-Michel, Au bas sont inscrits les noms des
membres de cette confrérie.
Sur une fenêtre de la nef est peint un écusson entouré de
gracieux rinceaux. Son champ est chargé de 3 besants sous
un chef d'hermine.
La même fenêtre offre un joli médaillon, au milieu duquel
est représenté un évêque. Au-dessus du médaillon on lit, en
caractères gothiques, les mots suivants :
ÎUcgarbc m lu fin.
Une autre fenêtre de la nef a conservé ses anciens plombs,
dont le dessin est fort joli.
Sur une des fenêtres du chœur , sont peints deux
écussons qui sont renversés : l'un porte les armes de la
famille du Rouil ; l'autre ne doit pas être intact.
L'église de Ste-Marguerile-des-Loges , a environ 100 pieds
de long, y compris l'avant-corps , formé par le clocher, et
20 pieds de large. La hauteur du clocher est de 110 pieds.
Sur une pièce de bois , incrustée dans le mur du chevet ,
on lit l'inscription suivante , en caractères romains :
UU
690 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
HIC IACET
ATAV1S ARMIS VIRTUTE NOBILIS
F. C. G. DE MARGUERYE
Sti LUD. ORD. EQUES, SCELERUM IN
TURBINE DEO, REGI FIDELIS MANSIT
IMrAVIDUS, PAUPERUM PATER,
ORLITDS INJURIEE,
SUOS ADIOVANS HOSTES
OBIIT DIE 2 IANUARII
ANNO 1818 ^STATIS 98.
REQUIESCAT IN PACE
ORATE PRO ILLO.
MOERENS DICAVIT FILIUS.
M. de Marguerye était un des ancêtres de Mgr de Marguerie,
ancien évêque de St-Flour, aujourd'hui évêque d'Autun.
A ces notes , dont nous devons la plus grande partie à
M. Pannier, nous allons joindre les détails suivants, extraits
du -manuscrit de M. le vicomte Louis de Neuville.
Celte commune était autrefois comprise dans l'élection de
Lisieux et la vicomte d'Orbec. Le droit de présentation à la
cure appartenait à l'Evêque de Lisieux, au XIVe siècle, et
postérieurement à cette époque, au chapitre de la même ville.
La seigneurie des Loges a appartenu, depuis le XIIIe
siècle au moins jusqu'au commencement du XVIIe, à la
famille de Neufville, dont les armes : de gueules à trois besants
d'or au chef d'hermine , se voient encore sur un vitrail de
l'église paroissiale. Suivant un aveu rendu, en 1570, au
baron de Livarot , par Robert de Neufville , sieur des Loges,
ce fief renfermait 161 acres et demie de domaine non fieffé
et 31Zi acres et demie de domaine fieffé : le revenu
annuel était estimé 250 livres : les fiefs du Rouil,
de Neuville , de la Vallée et la Vavassorie de Beaumesnil lui
rendaient hommage. Charles de Neufville, sieur des Loges,
CANTON DE LIVAROT. 691
fils du précédent, mourut en 1599, laissant trois filles de
son mariage avec Isabeau Ménage de Cagny , et la terre
des Loges fut divisée , par parage , en trois portions : l'une
fut portée par Elisabeth deNeufville à François de Malmaison,
dont la fille Elisabeth de Malmaison , épousa , en 1617 ,
Gabriel de Rupierre , sieur de Glos-sur-Rille ; une seconde
portion appartint à Anne de Neufville , mariée à Adrien de
Boctey, sieur de la Houssaye; Marie de Neufville, qui eut
l'autre lot, épousa Jean Deshayes, auteur d'Etienne Deshayes,
seigneur des Loges, en partie, qui comparut à la Recherche
de 1666 en cette paroisse. De ces trois portions, deux furent
acquises par les seigneurs de Livarot et suivirent le sort de
cette baronnie; la troisième, après avoir appartenu à la
famille de Guyot, puis au sieur de Fréval , passa , vers le
milieu du siècle dernier, à la famille de Louis. Grégoire de
Louis , mort aux Loges en 1 755 , fut père de Grégoire-
Alexandre-Eugène de Louis, avocat au Parlement de Rouen,
seigneur et patron de S,e-Marguerite-des- Loges, en 1789.
Cette terre a été depuis vendue et morcelée; le manoir,
qui paraît ancien, a subi des remaniements qui lui ont fait
perdre son caractère.
Le fief du Rouil a donné son nom à la famille du Rouil ,
connue dès le XIIe siècle, et qui l'a possédé jusqu'au XVIIe.
Une branche de la même famille a donné son nom au fief de
la Rouillière, à Vieux-Pont, tandis qu'elle prenait elle-même
celui de sa terre de Fresnay. Cardot du Rouil , seigneur du
Rouil, de Gauville, de Mandevillc , des Retailles, d'Ouilly et
du Mesnil-Germain, était maître d'hôtel de la reine Catherine
de Médicis et vivait encore en 160Zu Dans le cours du XVIIe
siècle , la terre du Rouil passa à une branche de la famille
Le Conte de Nonant, qui a porté les noms de Le Conte du
Rouil et de Le Conte de Vallemont. Le dernier M. de Valle-
montest mort, il y a peu d'années, laissant pour héritière
692 STATISTJQlit: MONUMENTALE DU CALVADOS.
Mme la comtesse de Béranger, née de Révilliasc. Le vieux
manoir en bois peut remonter au XVe siècle : les ouver-
tures , récemment remaniées , étaient autrefois fort
étroites et éclairaient mal les deux vastes pièces qui se par-
tageaient chaque étage ; le toit n'offre point de lucarnes. On
a peine à croire, ce qui est pourtant certain, qu'une de-
meure si primitive et incommode ait servi de résidence, il y
a 250 ans, à un seigneur distingué de la cour. A peu de
distance se voit un ancien colombier en bois, surmonté
d'épis en poterie d'une grande beauté. Un château en pierre
et brique a été en partie construit au Rouil, en 1723 ; mais
cet édifice est resté inachevé et se trouve aujourd'hui dans
un grand état de délabrement. L'ensemble des constructions
et des dépendances du manoir est encore en partie entouré
de larges douves. A peu de distance du Rouil se trouvait
l'ancienne vavassorie de Beaumesnil , qui a longtemps
appartenu aux mêmes seigneurs; un partage l'a fait passer à
la fin du XVIIe siècle dans une autre branche de la famille
Le Conte de Nonanl. En 1739 , Nicolas Le Conte, sieur de
Gizay, fieffa la terre de Beaumesnil au sieur Bénard,dont les
héritiers l'ont vendue, en 1807, à M. le marquis de Neuville.
Le fief de Bellerive , quelquefois nommé Belleau , était
situé à une petite distance de l'église paroissiale de Ste-
Marguerite-des-Loges. Il a appartenu , aux XVe et XVIe
siècles, aux Neuville, seigneurs des Loges, et, au XVIIe siècle,
à la famille de Piquot. Robert de Piquot , sieur de Belleau,
fils mineur de Claude de Piquot , fit preuve d'ancienne no-
blesse en la paroisse des Loges, l'an 166G. Dans le siècle
dernier, ce fief devint la propriété de la famille de Marguerye
Sorteval. Laurent-Gabriel de Marguerye, mort en 18&0, en
était possesseur : il a laissé de son mariage avec Adélaïde-
Catherine Bonnet de Montgommery, entre autres enfants ,
jVlgr de Marguerye, aujourd'hui évêque d'Autun, né à Ste-
CANTON DE LIVAROT. 693
Marguerite-des-Loges. La terre de Bellerive a été vendue et
morcelée, il y a une vingtaine d'années. Il ne s'y trouve
aucune construction ancienne.
Il n'en est pas de même du fief de la Vallée , situé à
l'extrémité de la commune des Loges , du côté du Mesnil-
Germain. Là se trouve, au fond d'un vallon resserré, un
vieux manoir du XVIe siècle , construit en bois , auquel
un pavillon, d'une forme singulière, donne un aspect assez
remarquable. Pierre de La Chaise, écuyer, était seigneur de la
Vallée des Loges, en 1469 ; en 1562 , ce fief appartenait à
Guillaume de La Pallu, mais, dès 1567, il était devenu la
propriété de Jacques d'Escorches. Louis d'Escorches, sieur de
la Vallée etdeS,e-Croix, fit preuve de noblesse à Ste-Margue-
rile-des-Logesen 1666. Marguerite-Catherine d'Escorches de
Sainte-Croix , dame de la Vallée , ayant épousé Louis Gaston
de Bonnechose de La Boulaye, en 17&0, a porté cette terre
dans cette dernière famille , qui en a conservé la propriété.
La Recherche de la noblesse de 1666 mentionne encore
François et Pierre de Guyot comme résidant à Ste-Marguerile-
des-Loges, et Guillaume de Vergeast, sieur de Chastillon,
qui, moins heureux que les précédents, vit rejeter ses
preuves par M. de Marie.
Ml S\!I-I>UK\M> (1).
Mesnil-Durand , Mesnûlus Durandi.
L'église du Mesnil-Durand date de deux époques dis-
tinctes: la fin du XIIT siècle pour la nef et l'époque romane
pour le chœur. Le portail se présente bien , avec son gable à
rampants, percé de deux lancettes et ses deux contreforts.
La porte est ogivale , sa voussure se compose de deux tores
(i) Notes de M. Ch. Vasseur.
694 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
qui retombent sur un pilastre prismatique, dont les cha-
piteaux et les bases accusent tout au plus le XIVe siècle.
Le mur du nord est moderne ; mais celui du sud, flanqué
de cinq contreforts , a bien conservé ses caractères primitifs
du XIIIe siècle , quoiqu'il ait été repercé au XVIe de trois
fenêtres ogivales avec un meneau.
Le chœur, en retraite sur la nef, est symétriquement
percé de deux fenêtres, au nord comme au midi. Ces fenêtres
cintrées ont été élargies à l'extérieur, ce quia fait dis-
paraître en partie un cordon torique qui se profile même sur
les contreforts. On trouve, en outre, au sud, une porte
cintrée garnie de zigzags , plusieurs fois dessinée et consi-
dérée comme remarquable , alors qu'il était question , dans
une certaine classe de savants, de Y architecture saxonne.
Cette porte, comme le reste du chœur, est seulement du
XIIe siècle.
Deux contreforts plats soutiennent chaque mur latéral, et
le chevet, qui est droit, où je n'ai vu aucune trace de
fenêtres.
Ce chœur , à l'intérieur , offre un luxe d'architecture peu
commun dans cet arrondissement. Il est voûté en pierres,
avec nervures aux arceaux et aux arcs-doubleaux , dont la
retombée porte, aux angles, sur une colonnette à chapiteau à
crossettes et, au centre, sur un faisceau de trois colonnes de
diamètre inégal. Les bases sont garnies d'agrafes. L'arc
triomphal appartient au même style. L'ébrasure des fenêtres
est garnie d'un tore.
Je n'ai rien trouvé dans le mobilier qui mérite une men-
tion. Deux tableaux appendus aux murs proviennent de
l'église de Pontalery.
La nef n'a pas de voûtes; mais un simple plafond, porté
sur les entrails de la charpente , dont les profils accusent le
XVe ou le XVIe siècle.
CANTON DE LIVAROT. 695
Le clocher donne abri à deux cloches. Leurs inscriptions
méritent d'être transcrites. La première est celle du Pontalery.
f LAN 1741 IAY ÉTÉ BÉNITE PAR MES(SIRE) PHILIPPE MARTIN CVRÉ DE
CE LIEV ET NOMMÉE ANGELIQVE NICOLLE PAR MF.SSIRE IACQVES NICCLLE
CHEVALIRR SEIGNEVR HONORAIRE DE LIVAKOT CHIFFREVILLE LES LOGES
PATRON DE CE LIEV MESTRE DE CAMPS DE DRAGONS CHEVALLIER DE SAINT
LOVIS ET PAR DEMOISELLE ANGELIQVE IOVRDAIN FILLE DE LOVIS IOVRDAIN
ECVYER SEIGNEVR DVVERGER MESNIL DVRANT LA BARILHERE SAINT MARTIN
CASTILLON.
IEAN SIMONNOT MA FAITE.
On lit sur la seconde cloche :
f LAN 1806 IAI ETE BENITE PAR Mc PIERRE DUBOIS I1ESSERVANT DE SAINT
ANDRE DU MESNIL DURAND NOMMEE MARIE ELISABETH PAR Mr IEAN BAPTISTE
IOURDAIN DUVERGER ANCIENNEMENT CONSEILLER MAITRE EN LA COUR DE
NORMANDIE ET DAME MARIE FRANÇOISE NICOLE PQLLIN DU MONCIL EPOUSE DE
Mr DAM1EN ORPHÉE LEGRAND DE EOISLANDRY ANCIENNEMENT CAPITAINE DE
CAVALERIE ET CHEVALIER DE SAINT LOUIS.
NICOLAS DUBOIS MAIRE.
FRANÇOIS THEKIOT FONDEUR.
I
L'if du cimetière mesure, dans sa partie moyenne, 11
pieds de circonférence.
Cette commune a été agrandie par l'adjonction de celle de
Pontalery qui y a été réunie par ordonnance royale du 19
juillet, 1826.
La paroisse de Mesnil-Durand était autrefois comprise dans
l'élection d'Argentan, bien qu'enclavée de toutes parts dans
les élections de Lisieux , de Falaise et de Pont-1'Évêque.
Dans l'ordre ecclésiastique, elle faisait partie de l'archidiaconé
d'Auge et du doyenné de Mesnil-Mauger. Le patronage était
laïque et appartenait au seigneur qui , suivant le pouillé du
XIV,: siècle, était alors Henri des Casleliers. D'après les
recherches de M. de Neuville , il y avait deux fiefs ,
696 STAT1STIQUL MONUMENTALE DU' CALVADOS.
portant l'un et l'autre le nom de fief de Mesnil-Durand; le
principal , celui auquel était attaché le patronage de la pa-
roisse, appartenait, vers le milieu du XVIe siècle, à Pierre
de Quesnel , seigneur de Mesnil-Durand : de lui relevait le
second fief du même nom qui était, à cette époque, la pro-
priété de Jean de Neufville, sieur de Belleau, auteur de la
branche de Neufville Saint-Rémy , éteinte dans la maison du
Châtelet , sous le règne de Louis XIV. C'est de ce dernier
fief, possédé au XVIIIe siècle par la famille Jourdain, que
dépendait le vieux manoir de Mesnil-Durand que l'on voit
encore à peu de distance de la rivière de Vie , construction
ancienne , mais d'un intérêt médiocre. Le fief principal ,
donnant le titre de seigneur et patron de Mesnil-Durand,
appartenait , au siècle dernier , à la famille de Graindorge
d'Orgeville , fixée dans cette paroisse depuis le mariage de
François de Graindorge, sieur du Theil, avec Charlotte Pollin
de La Frémondière, en 1683. Son petit-fils, François-Jean
de Graindorge d'Orgeville > baron de Mesnil-Durand , se dis-
tingua par ses talents militaires : devenu officier-général , il
acquit une grande célébrité par des ouvrages sur la tactique,
où il soutenait des principes fort combattus à cette époque
et depuis généralement adoptés : il mourut à Londres dans
l'émigration, en 1799. Il avait eu deux fils, dont l'aîné, le
vicomte Gustave de Mesnil-Durand , fut, dans les premières
années de la Révolution , l'un des auteurs les plus spirituels
du célèbre recueil intitulé Les Actes des Apôtres; revenu
d'émigration dans l'espoir de sauver le roi Louis XVI , dont
il s'offrait à être le défenseur, il fut arrêté et périt sur l'écha-
faud. Un joli château, construit peu d'années auparavant, fut
vendu comme bien national et a été depuis rasé. M. le baron
de .Mesnil-Durand , le second des enfants du général , a fait
construire, à peu de distance, le château de Balthasar, au-
jourd'hui la propriété de son fils.
CANTON DE LIVAROT. 697
A Mesnil-Durand, se trouvait encore le fief du Verger, qui
appartenait, sous le règne de François Ier, h Julien Hesdiart,
sieur du Verger et de Boishébert , élu à Lisieux , anobli en
1552. Ce fief, mouvant de la seigneurie de Mesnil- Durand,
est devenu, au commencement du règne de Louis XV, la
possession de la famille Jourdain. On y voit un manoir peu
ancien et un colombier d'une construction antérieure et
d'un effet pittoresque. Cette terre est actuellement la pro-
priété de JVIme de Saint- Vulfran, née Jourdain du Verger.
Ajoutons que Jean-Baptiste de Vitray , sieur des Essards ,
et François Perrotte, prêtre , firent constater leur noblesse
en la paroisse de Mesnil- Durand lors de la recherche
de 1666.
LE MKSNIL-GERMAIN.
Le Mesnil-Germain, Ecclesia de Mesnillo Germant.
L'église du Mesnil-Germain s'élève d'une manière pittoresque
sur le sommet d'un coteau et domine un étroit vallon qui
va se perdre dans la riante vallée du Mesnil-Durand.
Cette église , que M. Pannier vient de visiter et de
décrire, était primitivement romane. La nef et le chœur
forment un long parallélogramme percé , au nord et au
midi , de fenêtres à arc surbaissé datant du siècle dernier.
Les murs, entièrement récrépis, ne laissent plus voir l'appa-
reil primitif. Le mur septentrional est flanqué de quatre
contreforts très-plats. Au midi, il y a absence de contreforts.
Un autre contrefort, placé au chevet, se voit à l'intérieur de
ja sacristie. Ce chevet était autrefois percé d'une fenêtre.
Le portail occidental , construit en grand appareil , est
flanqué de deux contreforts élevés au XVIe siècle. La porte,
à plein-cintre, ne date que de la seconde moitié du
XVIIIe siècle. Le gable était autrefois percé d'une grande
698 STATISTIOUL MONUMEVIAr.F. DU CALVADOS.
fenêtre ogivale de la dernière époque. Au-dessus du gable
s'élève un clocher en charpente, surmonté d'une pyramide
octogone en ardoise percée à sa base de quatre fenêtres.
Le chœur est orné d'un bel autel, dans le style Louis XV,
avec un grand rétable décoré de pilastres rudentés à chapi-
teaux composites, Le tabernacle mérite aussi de fixer l'atten-
tion, ainsi que le tableau qui orne le rétable.
A l'extrémité de la nef sont placés deux petits autels assez
jolis, dont le rétable seulement date du règne de Louis XIV.
L'un de ces autels, consacré à la Sainte-Vierge, est décoré
de belles colonnes torses offrant, dans leur partie inférieure
et supérieure, des grappes de raisin attaquées par des oiseaux
et des limaçons, et dans la partie moyenne une couronne
ducale formée de fleurs de lis et de fleurons. L'entablement
est composé d'un double cintre. Le cintre inférieur est
coupé et décoré d'urnes. Une croix surmonte le cintre
principal.
On a conservé trois anciens canons, dans le style Louis XV,
avec encadrement couvert de velours rouge et d'ornements
en cuivre autrefois argenté.
La voûte du chœur est en merrain, celle de la nef, égale-
ment en lambris avec enlraits et poinçons , a été badi-
geonnée.
Au fond du vallon se dresse un ancien colombier en bois,
de forme octogone, avec tuiles entre les colombages formant
des dessins variés. Ce colombier est surmonté d'un double
toit. Le toit supérieur, percé de quatre grandes lucarnes et
couronné d'un épi, fait saillie sur le toit inférieur de manière
à former une espèce d'évent qui laisse pénétrer l'air et la
lumière à l'intérieur.
A peu de distance du colombier s'élève une maison moderne
en brique, formant équerre, qui probablement remplace un
ancien manoir féodal. Derrière cette habitation s'étend un
CANTON DE LIVAROT. 699
vaste jardin potager, à l'extrémité duquel se trouve un superbe
étang. L'eau qui s'échappe de cet étang forme plusieurs
cascadelles.
Le coteau marneux qui s'élève au nord est entièrement
planté de sapins, et fait une délicieuse décoration au
paysage. Sur ce coteau on a tracé de nombreuses allées et
ménagé de belles échappées de vue.
Cette charmante propriété appartient à M. de Mesly.
Chapelle Noiremare. — La chapelle Noiremare s'élève
à un kilomètre environ de la route impériale de Honfleur à
Alençon, sur le bord du chemin de grande communication
de Moult à Fervaques.
Cette chapelle, qui était dédiée à saint Laurent, a été bâtie
dans la seconde moitié du XVIe siècle. Elle a 36 pieds de
long sur 15 de large. Ses murs, construits en grand appa-
reil et en cailloutis, sont flanqués de contreforts saillants
et terminés par une corniche en doucine. On voit du côté
du nord une fenêtre à plein-cintre, du XVIe siècle, laquelle
a été bouchée. Les fenêtres qui s'ouvrent au midi sont sans
caractère, ainsi que la porte principale qui fait face au cou-
chant. Le chevet, soutenu par trois petits contreforts, est
droit.
L'ameublement de la chapelle a entièrement disparu. Une
petite statue de saint Laurent a été transportée dans le chœur
de l'église du Mesnil-Germain.
II y avait, avant la Révolution, un chapelain dont on voit
oncore l'habitation.
Un marché se tenait autrefois, tous les dimanches, sur la
grande place du village.
L'assemblée avait lieu le 10 août.
Cette commune a fait autrefois partie de l'élection de
Lisieux et de la vicomte d'Orbec. La cure était divisée en
700 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
deux portions dont les titulaires remplissaient l'un et l'autre
les fonctions pastorales. Le droit de présentation à l'une de
ces portions dépendait de l'abbaye du Bec , tandis que le
patronage de l'autre appartenait au seigneur qui était, au
XIVe siècle, un sieur de Grandval,. et à une autre époque,
Jean de Courcy, suivant les pouillés du diocèse de Lisieux.
La seigneurie du Mesnil-Germain s'est trouvée partagée
entre plusieurs fiefs dès une époque assez reculée. En 1669 ,
dit M. de Neuville , Jean Dumaine était qualifié seigneur du
Mesnil-Germain, paroisse où les héritiers de Guillaume de
Grandval possédaient un autre fief. Au XVIe siècle, le titre de
seigneur de Mesnil-Germain était porté parles membres de la
famille Gosselin anoblie en 1519, dans la personne de Robert
Gosselin et de Jean, écuyer de la fourriérie du roi. Le même
titre était aussi donné au possesseur du fief de Grandval : ce
fief mouvant de la seigneurie de Fervaques était , aux XVe et
XVIe siècles, la propriété de la famille du Ronil : Florence
du Rouil , héritière de la branche aînée de cette maison ,
le porta dans celle de Quesnel de Goupigny. En 1616 ,
Gabriel Quesnel de Goupigny, marquis d'Allègre, vendit
le fief de Mesnil-Germain autrement dit Grandval, pour la
somme de 6,800 livres à Guillaume Anfrey, déjà seigneur en
partie de Mesnil-Germain. Le premier fief possédé en cette
paroisse par la famille Anfrey se nommait le fief de Tanney :
il appartenait, en 1669 , à Robin Le Mectoier , et, en 1523,
à Pierre Anfrey, frère du sieur de Caudemonne* dont les
descendants ayant réuni deux des portions de la seigneurie de
Mesnil-Germain en portèrent depuis le nom. Jacques Anfrey
sieur de Mesnil-Germain, y fit preuve de noblesse, en 1666.
Cette famille s'éteignit peu après dans la personne de Françoise
Anfrey, mariée à René de Bonnechose et mère de Jacques-
Charles -Henri-Guy de Bonnechose, seigneur du Mesnil-
Germain , qui épousa, en 1717, Charlotte de Graindorge.
CANTON DE LIVAROT. 701
de Mesnil- Durand, dont il eut plusieurs fds, morts sans
postérité, et une fille, Agnès-Charlotte-Françoise de Bonne-
chose Mesnil-Germain , mariée à Guillaume-Louis- Félix de
Bonnechose, sieur de Malouy. Le manoir de Mesnil-Germain,
construction du XVIIIe siècle dépourvue de caractère et
d'intérêt, est aujourd'hui la propriété de M. Demély.
La famille de Bonnechose a possédé aussi dans la paroisse
de Mesnil-Germain , le manoir de Hamars. Gabriel de
Bonnechose, sieur de Hamars, vivait sous le règne de Louis
XIII. Dans la recherche de 1666, François de Bonnechose
fil preuve d'ancienne noblesse à Mesnil-Germain , de même
que Gilles Corday, sieur du lieu.
AUQUA IN VILLE.
Auquainville , Aucainvilla, Auquevilla, Aucainville.
Cette commune a été explorée par M. Ch. Vasseur.
L'église d'Auquainville est située à mi-côte, sur la rive
gauche de la Touque. Son chevet, environné d'arbres, se
présente dans la vallée d'une manière assez pittoresque.
La nef remonte à l'époque romane.
On peut constater, du côté du nord, des traces de l'appareil
en feuilles de fougère ; le reste des murs est crépi , et il ne
subsiste aucune ouverture ancienne.
Au sud , on trouve quatre fenêtres cintrées de la Renais-
sance. Deux fenêtres modernes sont percées dans le mur
du nord. Le portail est moderne.
Le chœur, plus large que la nef, contrairement à l'usage,
appartient tout enlier au XV ou au XVIe siècle.
Le chevet est pentagonal , avec contreforts sur les angles.
Toutes les fenêtres sont ogivales avec un meneau ; les pierres
de grand appareil, qui forment le parement des murs,
portent, en grand nombre, des marques de tâcherons.
702 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Le clocher , en charpente , recouvert d'ardoise , n'offre
aucune particularité.
L'intérieur a été assez mal traité , sous prétexte d'em-
bellissements.
Les charpentes apparentes de la voûte en merrain de la
nef ont été coupées , et la voûte du chœur est enfouie sous
un épais plâtras. Il n'y a point d'arc triomphal. Les sablières
moulurées de la corniche ont disparu sous des planches de
sapin tout unies , qu'on a peintes en faux marbre.
Les trois autels datent du règne de Louis XIV.
Le maître-autel a peut-être été modifié, car il n'a plus de
colonnes. Un entablement semi-circulaire protège le cadre à
feuilles de chêne , qu'accompagnent des paquets de fleurs.
Le tabernacle est hexagonal , avec colonnettes torses sur les
angles et statuettes dans l'entrecolonnement : le Sauveur, saint
Pierre et saint Paul. Il est surmonté d'un dôme, terminé par
une petite croix fuselée.
Le tombeau est garni d'un parement en cuir gaufré riche-
ment doré et peint.
Deux statues accompagnent cet autel: saint Mathurin,
et un diacre qui pourrait peut-être remonter jusqu'au
moyen-âge.
Les deux petits autels sont semblables entre eux. Deux
colonnes torses portent un entablement trapézoïdal avec un
vase pour amortissement. Tombeau droit, dont les angles sont
ornés de têtes de chérubins et de caryatides avec des paquets
de fleurs.
Dans une fenêtre du chœur subsistent quelques fragments
de vitraux fort en désordre , au milieu desquels paraît un
blason de gueules à ta bande d'argent accompagnée de 6
merlettes de même, mises en orle ; à la crosse d'or brochant
sur le tout. Je ne connais pas d'évêque de Lisieux auquel
puissent convenir ces armoiries.
CANTON DE LTVAROT. 703
Le patronage était laïque.
L'église, sous l'invocation de Notre-Dame, dépendait du
doyenné de Livarot.
Bien que de ce siècle seulement , l'inscription de la cloche
offre un certain intérêt. On y lit :
f LAN 1803 OU LAN ONZE DE LA REPUBLIQUE IAI ETE BENIE PAR
Mr LOUIS IOSEPH FLEURIEL PRETRE DESSERVANT NOMMÉE MARIE PAR
MT CESAUD AUGUSTIN CHASTAN DE LA FAIETTE PRÊTRE CI DEVANT DOYEN
de l'église de lisieux et par Bme marie an ne leras de frêne veuve
DE f IEAN B,e SERGIIS CHASTAN DE LA FAIETTE LES S" PIERRE MATHIEN
MAIRE ET PIERRE BREAVOINE ADIOINT.
IEAN CONARD
FECIT.
Tout près de l'église , au sud-ouest , c'est-à-dire un peu
plus haut sur le coteau , se trouve une grande motte
féodale.
Un aveu de la baronniede Ferrières, de 160fr, nous apprend
que « le manoir sieurial et place et chasteau d'icelle terre
d'Auquainville est de présent en ruine , advenuz par les an-
ciennes guerres , comme dict est »...
Maintenant il n'existe plus un seul pan de mur ; les sub-
structionsont été même enlevées, il y a quelques années.
Suivant l'aveu déjà cité, il y avait, à Auquainville, marché
le samedi, et foire la veille de la Chandeleur.
Comprise dans l'élection de Lisieux , sergenterie d'Orbec ,
la paroisse d'Auquainville possédait, au milieu du dernier
siècle, une population de 525 habitants ( 105 feux) ; elle est
aujourd'hui réduite à 371.
Caudemonne. —A l'ouest de l'église, au sommet de l'un
des coteaux qui suivent les sinuosités de la rive gauche de la
Touque , on aperçoit les futaies qui entourent le manoir de
706 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Caudemonne. Adossé aux bois, accompagné, à droite, et à
gauche, de belles avenues d'ormes taillés laissant devant la
façade une grande pelouse , dont le centre est occupé par
un bel étang d'eaux vives , ce manoir est dans une des plus
belles situations qu'on puisse voir.
Les constructions ne présentent pas tout l'intérêt auquel on
pourrait s'attendre.
La façade accuse des remaniements qui appartiennent à
trois époques différentes et font soupçonner des déplacements,
si faciles, du reste, avec les maisons bâties en bois. Ainsi la
moitié au moins du manoir est construite sans encorbelle-
ments, et ne peut guère remonter au-delà du règne de
Louis XIII. Le reste, par ses encorbellements, ses sculptures
et ses caractères bien accusés , appartient évidemment au
XVIe siècle; mais certaines pièces, hors de place, font voir
que la charpente a été démontée et remontée à une époque
où l'on ne comprenait plus le système des charpentiers du
moyen-âge. Des tuiles , disposées de manière à former des
dessins géométriques, remplissent les entre-colombages. Il
subsiste au rez-de-chaussée une porte en accolade avec feuilles
frisées et potelets imbriqués, surmontés de pinacles qui vont
se perdre sous l'encorbellement. Tous les poteaux corniers et
les poteaux d'huisserie sont également sculptés de potelets
avec blasons , malheureusement bûches. Toutes les fenêtres
sont modernes. A l'étage supérieur , les sculptures sont plus
rares ; on y voit quelques potelets qui recevaient l'appui des
fenêtres primitives , et un bout de filière garni d'oves.
L'intérieur offrait une pièce garnie de tapisseries , et une
belle bibliothèque , vendue il y a un an.
Le colombier, octogone, à toit conique, surmonté d'un
petit clocheton recouvert d'essente, ne porte pas de sculptures.
Il date aussi du XVIe siècle. Cette résidence appartenait au
commencement de ce siècle, à M. Chastant de La Fayette,
CANTON DE LIVAROT. 705
dernier haut-doyen de la cathédrale de Lisieux. Elle est
passée ensuite à M. de Sapandré , dont Tune des filles l'a
portée en mariage à M. le comte de Pardieu.
Cette commune, à laquelle celle de St-Aubin-sur-Auquain-
ville a été réunie le U décembre 1831 , faisait anciennement
partie de l'élection de Lisieux et de la vicomte d'Orbec,
comme toutes les autres communes du canton de Livarot,
situées dans le bassin de la Touque.
Auquainville était autrefois le siège d'une baronnie et
haute-justice : il s'y trouvait un chàteau-fort qui paraît avoir
été détruit dans les guerres des Anglais. Cette Vieille forteresse,
dont on peut encore reconnaître l'emplacement immédiate-
ment au-dessus de l'église paroissiale, avait, jusqu'à ces
derniers temps, conservé des restes de murailles, assez im-
portants. On a malheureusement voulu extraire, il y a peu
d'années, les matériaux que renfermaient ces ruines et il
n'en est plus resté qu'un monticule informe. La baronnie
d'Auquainville était mouvante de celle de Ferrières : l'histoire
de ses premiers seigneurs est peu connue ; les grands rôles
de Normandie mentionnent Robert d'Aucainville, en l'an
1195 : on peut douter cependant qu'il fût seigneur de ce lieu,
car Hugues de Brucourt possédait cette terre à l'époque de
la conquête du duché par Philippe-Auguste. Auquainville
fut réuni postérieurement à la baronnie de Ferrières, dont
les divers seigneurs le conservèrent jusque dans le siècle
dernier : cette baronnie en fut alors démembrée par la vente
que le duc de Broglie, seigneur de Ferrières, en fit au marquis
Bonnelles, déjà seigneur de Fervaques, fief qui relevait
féodalement de celui d'Auquainville. Les terres dépendantes
de cette dernière seigneurie ont été vendues en détail, au
commencement de ce siècle. Suivant des traditions populaires,
pn souterrain creusé sous la vallée mettait le vieux château
d'Auquainville en communication avec celui de Fervaques.
65
706 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
La paroisse d'Auquain ville renfermait encore plusieurs
fiefs nobles. Celui de Caudemonne a conservé un ancien
manoir en bois, dont une partie peut dater de la fin du XVe
siècle, et qui, par le relief des moulures qui en décorent les
sablières, par les restes des sculptures et des écussons qui L'ont
autrefois orné , offre le caractère intéressant et pittoresque
des constructions de cette époque. Le reste de l'édifice,
ajouté postérieurement , ne mérite aucune attention. Le fief
de Caudemonne a appartenu à Raoul Anfrey, que le roi
Charles VII anoblit en 165&, pour les services qu'il avait
rendus en contribuant à expulser les Anglais de Normandie.
Sa postérité conserva cette terre pendant un siècle environ ;
mais alors ce fief passa entre les mains de Jean de Bonne-
chose, seigneur d'Hieu ville, du Breuil et de St-Martin. Sa
petite-fille, Madeleine de Bonnechose, porta la terre de
Caudemonne à David de Bernières , sieur de Percy , qu'elle
épousa en 1573 : elle fut l'aïeule d'Anne de Bernières, sieur
de Caudemonne , qui fit preuve d'ancienne noblesse en la
paroisse d'Auquainville, en 1666. Peu d'années après, la
terre de Caudemonne était vendue à Jean -Baptiste Le Bas ,
sieur du Coudray , conseiller en la Chambre des comptes de
Normandie : elle a appartenu à Jean-Baptiste-Remi Le Bas
de Fresnes , conseiller au Parlement , chanoine et haut-doyen
de Lisieux, mort en 1773, puis à sa sœur Marie- Anne Le
Bas de Fresnes , mariée à Jean-Baptiste-Sergius Chastan de
La Fayette ; la fille de ce dernier l'a portée à la famille de la
Rouvraye de Sapandré , qui la possède aujourd'hui.
Beaucoup plus près, et au nord de l'église paroissiale d'Au-
quainville , se trouvait le manoir de la Boulaye , dont il ne
reste plus de vestige. La terre de la Boulaye a donné son
nom à une branche de la famille de Bonnechose , dont l'au-
teur, François de Bonnechose , sieur de la Boulaye, était un
des six fils de Jean de Bonnechose , sieur de Hieuville et de
CANTON DE LIVAROT. 707
Caudemonne , sous le règne de François Ier. Ses descendants
ont habité le manoir de la Boulaye, jusqu'à la fin du siècle
dernier. Guy de Bonnechose , sieur de la Boulaye , fit preuve
d'ancienne noblesse, en la paroisse d'Auquainville, l'an 1666,
de même que Nicolas de Bonnechose , sieur de la Fleurielle ;
Thomas de Bonnechose , sieur de Bonneville , et Thomas de
Bonnechose, sieur de Vaudecourt.
Le fief voisin de Lortier, mouvant de la seigneurie de
Courson, était, vers le milieu du XVe siècle, divisé par
suite d'un ancien partage entre Jean Amiot et Jean Cuillier.
La famille Cuillier, ayant réuni entre ses mains les deux
portions, posséda intégralement cette terre jusque dans les
premières années du règne de Louis XIII , qu'elle aliéna le
manoir et le domaine, en faveur de Pierre Le Bas du Cou-
dray et , peu après , le fief et les droits seigneuriaux en
faveur de Jacques de Bernières, sieur de Percy , dont les
héritiers le revendirent , un peu plus tard, à Rémi Le Bas ,
sieur de Fresnes , conseiller à la Chambre des comptes de
Normandie, déjà possesseur de la terre; la fille de ce
dernier , Marie-Catherine-Geneviève Le Bas de Fresnes , en
ayant hérité en 1773, par la mort de son frère, apporta
Lortier à Louis-Fraijçois-Alexandre-Léopold de Bernières,
qu'elle avait épousé en 1751 ; elle fut l'aïeule de Françoise-
Charlotte-Henriette de Bernières , mariée à Charles-Etienne
de La Rouvraye, et mère des demoiselles de La Rouvraye, qui
en sont aujourd'hui propriétaires. Le manoir de Lortier,
restauré avec goût , est une construction ancienne, mais dont
l'extérieur a peu de caractère.
Le manoir de la Pommeraye, situé à l'extrémité de la
commune, du côté de St-Germain-de-Livet, a, comme le
précédent , appartenu , pendant le XVII* et le XVIIIe siècle ,
à la famille Le Bas du Coudray. Il n'offre qu'un intérêt
médiocre.
708 STATISTIQUE MONUMENTAtE DU CALVADOS.
La Recherche de la noblesse, faite en 1540 par les élus
de Lisieux , mentionne, comme demeurant en la paroisse
d'Auquainville, Philippin de La Mondière, sieur du Val-
Combert. Nous ignorons le lieu où il avait son manoir,
SAIXT-AUBIN-D'AUQUAISVILLG (1). ,
St-Aubin-d'Auquainvilie, Sanctus Albinus super Auquain-
ville.
Petite paroisse d'une quarantaine d'habitants, St- Aubin
n'a pas conservé son autonomie : elle a été réunie à Au-
qua inville.
On y trouve un manoir du XVIe siècle , n'offrant de re-
marquable qu'un grand nombre de pavés émaillés de la
même époque; manoir que menace une prochaine destruc-
tion , et une petite église, qui doit sa conservation au choix
qu'en avait fait M. le marquis de Custine , comme chapelle
funéraire pour sa famille.
Tous les membres caractéristiques de l'architecture ac-
cusent le XVIe siècle. La plupart des ouvertures ont été
repercées sous le règne de Louis XV.
Un petit clocher en charpente , assez obtus , est assis sur
le pignon occidental.
Les trois autels sont en chêne et peuvent dater du règne
de Louis XV. La chaire, de même style, est assez élégante.
Au milieu du chœur, sur deux tables de marbre, on lit
les inscriptions suivantes :
ICI REPOSE
DAME LOUISE DELPHINE ELEONORE MELANIE DE SABRAI*
VEUVE DE MONSIEUR
AMAND PHILIPPE LOUIS FRANÇOIS MARQUIS DE CUSTINE
(1) iNoies de M. Ch. Vasseur.
CANTON D£ LIVAROT. 709
NÉE A PARIS LE 18 MARS 1770
DECEDEE A BEX EN SUISSE
LE 13 JUILLET 1826.
ICI REPOSENT
DAME AIMÉE LF.ONTINE DE S. SIMON DE COURTOMEK
M^E LU 12 FEVRIER 1803
MARIÉE LE 15 MAI 1821 A
ASTOLPHE LOUIS LEONOlt MARQUIS DE CLSTINE
ET
LOLIS PHILIPPE ENCUKRRYND DE GUST1NE LEUR FILS UNIQUE
NÉ LE 19 JUI\ 1822
DÉCÉDÉ LK 2 JANVIER 1826.
M. de Custine, dont les ouvrages littéraires sont connus
de tous ceux qui lisent , est décédé en octobre 1857 , à son
château de St-Gratien , prèsd'Engliien. Je ne crois pas qu'on
ait réalisé le projet qu'il avait formé de partager la sépulture
du reste de sa famille.
La cloche de St-Aubin est déjà ancienne ; l'inscription est
ainsi conçue :
f LAN 1739 GVILLAVME PIERRE MILLECENT DE LA BEVVIN.MÈRE CVRE
DVDIT LIEV f HAVT ET PV1SSANT SEIGNEVR MESSIRE AVGVSTE LEON DE
HVLION CHEVALIER M'.RQVIS DE BONNELLES, ShIGNEVR ET PATRON DE Sl-
AVBIN ET AVTRES LIEVX. JACQVtS LEMIÈKE TRESORIER EN CHARGE.
C'est seulement au X\'IIlr siècle que les pouillés attribuent
le patronage de St-Aubin au seigneur laïque : auparavant , il
appartenait au chapitre de Lisieux. Je suis porté à voir là
une confusion entre St-Aubin et Notre-Dame d'Auquainville.
l'un et l'autre du doyenné de Livarot. St-Aubin faisait partie,
pour le civil , de l'élection de Lisieux, sergenterie d'Orbec.
Cette ancienne paroisse, de l'élection de Lisieux, était fort
peu peuplée. En 1720 on n'y comptait que 9 feux. Elle
paraît avoir donné son nom à une famille de St-Aubin , qui
710 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
a existé dans les environs, jusqu'au XVIe siècle. A cette
époque, les seigneurs de cette paroisse étaient les de Belleau,
possesseurs du fief de ce nom , à Notre-Dame-de-Courson.
La seigneurie de St-Aubin, acquise depuis par les seigneurs
de Fervaques, est restée réunie à cette dernière terre jus-
qu'à l'époque de son démembrement. L'ancienne église pa-
roissiale est devenue la sépulture de la famille de Custine.
Gabriel de La Haye, sieur de Coulonces, fit en 1666,
preuve d'ancienne noblesse , en la paroisse de St-Aubin-
d'Auquainville. Il demeurait au manoir de Villaunay, devenu,
au commencement du siècle suivant , la propriété de Jean -
Louis Rioult, sieur de Marencourt , père d'Isaïe-Louis
Rioult , sieur de Villaunay et d'Avenay, aïeul, lui-même, de
Mme de Caumont et de Mnie du Moncel , née de Magneville.
Cette terre appartient aujourd'hui à M. le comte du Moncel,
connu par d'importants travaux scientifiques.
FERVAQUES.
Fervaques , Favanchiœ , Farvachiœ , Favarchiœ , Far-
vaques.
Cette commune , de l'élection de Lisieux , sergenterie
d'Orbec, renfermait autrefois 250 feux ou environ 1,300
âmes. On n'en compte plus que 787 à l'heure qu'il est.
Le bourg de Fervaques a toujours été important ; il est
bien situé, dans la vallée, sur les bords de la rivière de
Touque.
L'église n'offre aucun intérêt ; les murs sont sans carac-
tères et toutes les ouvertures sont modernes; mais la tour,
placée au midi, entre chœur et nef, mérite l'attention. C'est
une massive construction carrée, de hauteur médiocre, flan-
quée , sur chaque face , de deux contreforts peu saillants.
Elle est parementée en grison bien taillé de moyen ap-
CANTON DE LIVAROT. 711
pareil; elle appartient au style roman. Les ouvertures sont
placées au midi , et une seule est primitive : c'est une petite
fenêtre cintrée , étroite , portant pour toute moulure un
biseau sur l'angle.
Sur ce massif s'élève le beffroi , revêtu d'ardoise , cou-
ronné par une flèche peu gracieuse qui paraît dater de
la fin du XVIe siècle.
L'intérieur ne mérite pas plus l'attention que l'extérieur.
Les voûtes de merrain ont été plâtrées, et les charpentes
apparentes coupées au risque de faire écrouler l'édifice.
Les trois autels, à colonnes torses, datent du règne de
Louis XIV. Des autels de ce genre ont été décrits dans la
Statistique , et on a pu se rendre compte du bon effet qu'ils
produisent avec leurs reliefs accentués et leurs dorures. Cer-
tainement ils valent mieux , dit avec raison M. Ch. Vasseur ,
que le pseudo-gothique que certains curés, ignorants en fait
d'art, font confectionner pour les remplacer. Sur l'autel du
midi est placée une petite châsse contenant des reliques de
saint Just. On invoque ce saint enfant pour développer les
forces des enfants chétifs et pour conserver l'activité des
jambes aux vieillards. Il en résulte, à Fervaques , un con-
cours énorme de pèlerins pendant tout le mois de mai.
L'inscription de la cloche est intéressante :
f LAX 1785 JAY ETE BENIE PAR Mc LE VAVASSEUR CUKÉ DE S* AUBIN
ET NOMMÉS HORTENCE PAIS TRES HAUT ET TRES PLISSANT SEIGr MONSBIG*
GUY ANDRE PIERRE DUC DE LAVAL SEIGr PATRON DE FARVACQUE ET AUTRES
LIEUX ET PAR TRES HAUTE ET TRES PUISS,e D* MADe JACQUELINE HORTENCE
DE BULIO.N DE FARVACQUE DUCHESSE DE LAVAL De BARONNE DAUQUAINVILLE
ET AUTRES LIEUX. — M" Pre PILON TRESORIER N" PAIN ET ETC LE BOUR-
GEOIS DÉPUTÉS EN 1782 Me C* GIOT SINDIC.
IEAN CHARLES CAVILL1ER.
Sur les flancs sont les blasons accolés de Montmorency -
Laval et de Bullion.
712 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
L'église de Fervaques est sous l'invocation de saint Ger-
main. Elle dépendait du doyenné de Livarot. Les pouillés
indiquent comme patrons : au XIVe siècle , l'évêque de
Lisieux; au XVIe, le chapitre; au XVIIIe, le seigneur
laïque.
Château. — M. Ch. Vasseur décrit ainsi qu'il suit le châ-
teau de Fervaques. Ce château, dit-il, se composait encore, au
commencement du siècle, d'une masse de constructions impo-
santes , assez irrégulièrement disposées, avec cours et basses-
cours; le tout entouré de fossés remplis d'eau courante, et
longé par la Touque. Après en être devenu propriétaire ,
M. le marquis de Porte a fait démolir plusieurs corps-de-
logis , et il ne reste plus que deux des côtés de l'enceinte.
On entre par l'ancienne tête de pont , heureusement con-
servée. C'est un gros pavillon carré, construit en briques
avec chaînes de pierres, tel que nous en avons déjà rencontré
à Bouttemont, à Ouillie-la-Ribaude et ailleurs. La porte, à
arc surbaissé, est accompagnée d'une étroite poterne à la-
quelle correspond , du côte opposé , une niche cintrée.
L'étage supérieur n'offre , en fait d'ouvertures , que les
rayères par lesquelles passaient les chaînes du pont-levis. La
corniche à corbeaux saillants, avec mâchicoulis, reçoit un
comble rapide en ardoise , ajouré d'une belle lucarne. La
face intérieure présente à peu près la même ordonnance :
seulement , en regard de la poterne , on trouve une petite
porte, laquelle donne accès à l'escalier conduisant au corps-
de-garde du premier étage qu'éclaire une petite fenêtre. On
ne distingue sur les murs latéraux aucune amorce qui puisse
donner des indications sur la hauteur et la disposition des
constructions adjacentes, actuellement disparues. On pourrait
faire des observations curieuses sur la disposition intérieure ,
au point de vue stratégique. Avant d'envisager la façade du
CANTON DE LIVAROT. 713
château , arrêtons-nous; à gauche, devant une tourelle ronde
qui formait l'angle oriental de l'enceinte. Elle servait de
colombier; mais l'extérieur avait néanmoins un air militaire.
La brique et la pierre s'y mélangent, comme au pavillon
d'entrée, et l'un et l'autre datent évidemment du même
temps. Pour transformer en orangerie cette tourelle , on a
effondré toute la partie qui regarde le jardin.
La façade du château consiste en une longue galerie
flanquée de deux pavillons carrés. On y accède paru» perron
double , orné de quatre lions, La galerie centrale n'a qu'un
rez-de-chaussée élevé sur les offices, et son toit d'ardoises est
rompu par des lucarnes de maçonnerie. Elle est construite
tout en bossages ou têtes de diamants entremêlées de briques
rouges qui produisent un bon effet. La corniche à modillons
classiques rappelle la Renaissance.
Les deux gros pavillons carrés sont élevés d'un étage. Ils
ont, du côté de la campagne, un aspect assez élancé à cause
du fossé encore subsistant qui dégage les bases. Les fenêtres
sont hautes et étroites , quelques-unes pourtant ont été élar-
gies postérieurement. Deux corps-de-logis en équerre, faisant
ailes en avant de la façade , s'appuient sur les deux pavillons
dont ils sont contemporains. J'attribue aux dernières années
du XVIe siècle toutes les constructions que je viens de dé-
crire. Entre l'aile de l'est et le pavillon d'entrée s'élève un
corps-de-logis d'un style plus ancien ayant encore tous les
caractères de la période ogivale. Les deux extrémités, légère-
ment en saillie , sont tout en pierre de taille. Des fenêtres à
croix, à double accolade au linteau, garnies d'une grille
anneléeen fer rond, au rez-de-chaussée, éclairent l'intérieur.
Ces deux corps avancés sont couronnés par des gables dont les
rampants, garnis de feuilles frisées, se terminent par des
panaches (V. p. suivante).
Entre deux, le corps-dc-Iogis est bâti en pierre de taille,
74 k STATISTIQUE MONUMENTALE. DU CALVADOS.
avec briques disposées en chaînes horizontales, comme à
St-Hippolyte-du-bout-des-Prés , disposition qui rappelle la
manière de bâtir des Romains. Les ouvertures consistent ,
au rez-de-chaussée, en une petite fenêtre en accolade, garnie
d'une grille annelée, et en une porte, aussi en accolade,
avec feuilles frisées, panaches et pinacles sur les pieds-droits.
La retombée porte sur deux petits contreforts. Sous l'acco-
PARTIE ANCIENNE DU CHATEAU DE FERVAQUES.
lade est la trace d'un blason bûché qu'on a cherché à ré-
tablir, en y peignant les armes de Guillaume de Hautemer
maréchal de France. Cette porte est défendue par un mou-
CANTON DE LIVAROT. 715
charabys. Le derrière de ce bâtiment , vers la rivière , offre
deux ailes en saillie, qui probablement rejoignaient primi-
tivement un autre corps-de-logis disparu ou une courtine
nécessaire pour clore l'enceinte de ce côté. A.u centre s'élève
une tourelle polygonale à toit pyramidal couveit en ardoise.
L'appareil est le même que sur la face opposée.
Il est de tradition que le roi Henri IV séjourna au château
de Fervaques. Est-ce en 1 590 , pendant qu'il assiégeait
Lisieux ? Est-ce dans le voyage qu'il fit en Normandie , avec
la Reine , en 1603 ? Je ne connais pas de document propre à
résoudre la question. On montre encore, dans une mansarde,
le lit et les meubles de la chambre qu'il dut occuper; mais
on peut fort bien en contester l'authenticité. Du reste , rien
dans l'intérieur du château et dans son ameublement ne re-
monte à une époque déterminée.
M. le comte de Montgommery , membre de la Société
française d'archéologie, qui possède aujourd'hui Fervaques et
qui l'habite, y a réuni quelques objets d'art et des antiquités.
Fervaques possède encore sa halle en charpente , au centre
du bourg: c'est une preuve de son ancienne importance que
les habitants feront bien de conserver.
La seigneurie de Fervaques, dit M. de Neuville, n'était, au
moyen-âge , qu'un simple fief relevant de la baronnie d'Au-
quainville ; mais ses seigneurs y ayant successivement adjoint
un grand nombre de domaines et de fiefs limitrophes, elle
était devenue, à la fin du siècle dernier, le centre d'une
terre des plus importantes.
Les premiers seigneurs de Fervaques que l'on connaisse
appartenaient à la famille de Brucourt qui , aux XIIe et
XIIIe siècles , était au nombre des plus considérables de la
province. Gislebert de Brucourt donna à l'abbaye du Val-
716 STATISTIQUE MONUMEM ALE DU CALVADOS.
Richer une terre située à Fervaques avant l'année 1155.
Geoffroy de Brucourt, chevalier, seigneur de Fervaques,
vendit en 1260, au chapitre de Lisieux, une maison située
en ce lieu par une charte dont l'original scellé est conservé
aux archives du Calvados. La terre de Fervaques passa , dès
le commencement du XVe siècle, dans la famille de Hau-
temer, peut-être par l'intermédiaire de la famille Bardou.
Gérard de Hautemer , seigneur du Fournet, du Mesnil-ïison
et de Manneviile , vivant en 1M/j, épousa Jeanne Bardou
dont il eut trois fils : l'aîné fut Jean de Hautemer, seigneur
du Fournet et de Fervaques. Ses descendants , s'étant alliés
aux maisons d'Annebaut , de Betheviîle et de Montlandrin ,
tinrent un rang honorable, mais non marquant, jusqu'au
XVIe siècle. Une plus grande fortune entra dans la famille
de Hautemer, sous François Ier, par le mariage de Jean de
Hautemer, sieur de Fervaques, la Croupte et Bois-Droulin ,
avec Anne de La Baume- M onlrevel , dame de Grancey, du
chef d'Anne de Ghâleauvilain, sa mère. Dé cette union naquit
Guillaume de Hautemer, célèbre sous le nom de maréchal de
Fervaques. Après s'être distingué dans les guerres du règne
de Henri II, le seigneur de Fervaques se fit encore plus con-
naître dans les guerres de religion où il joua, d'ailleurs, le
rôle le plus odieux. Sans faire profession du culte calviniste ,
il se joignit d'abord au parti protestant et se signala par des
actes d'audacieuse rapine et de révoltante cruauté : il figura
au premier rang dans la troupe criminelle qui saccagea la
cathédrale de| Lisieux en 1562, et des traditions populaires
généralement répandues, mais dont il n'est plus possible de
contrôler l'exactitude , l'accusent de s'être livré à toutes
sortes de forfaits. Cependant, par son adroite politique autant
que par des talents militaires incontestables , il parvint à
faire oublier ses tristes antécédents et à obtenir le pardon et
même la faveur de la cour. Devenu le principal conseiller du
CANTON DE LIVAROT. 717
duc d'Alençon, frère du roi Henri III, il l'accompagna apx
Pays-Bas où l'avaient appelé les Flamands révoltés contre la
domination espagnole , et il y a lieu de croire que la rapacité
et la violence de son caractère ne contribuèrent pas peu à
aliéner les esprits de ces peuples de l'alliance française. Fer-
vaques resta fidèle à son devoir pendant les guerres de la
Ligue : il semble que la maturité ait eu une action favorable
sur son caractère , et ses dernières années furent exemptes
des fautes déplorables qui avaient souillé sa jeunesse. Créé
successivement par le roi Henri IV chevalier du St-Esprit,
lieutenant-général au gouvernement de Normandie et ma-
réchal de France, Guillaume de Hautemer reçut le titre de
duc de Grancey et pair de France de la faveur de la reine-
régente, Marie de Médicis, en décembre 1611. Mais cette
érection de duché-pairie ne fut jamais enregistrée, le nouveau
titulaire étant mort à son château de Fervaques le 11 no-
vembre 1613. Il laissait trois filles de son premier mariage
avec Renée Lévêque de Marconnay : Louise de Hautemer ,
l'aînée, eut en partage les terres de Fervaques et de Plasnes.
Elle avait épousé, en premières noces, Jacques de Hellen-
villiers ; mais, étant devenue veuve au bout de peu de
mois, elle convola à de secondes noces avec Aymar de Prie,
marquis de Toucy, en 1593. Louis de Prie, marquis de
Toucy, l'un de ses (ils, fut après elle seigneur de Fervaques,
terre qui échut ensuite en partagea Charlotte de Prie, sa
fille. Celle-ci épousa, en 1639, Noël de Bullion, sieur de
fionnclles, d'une famille considérable dans la finance et sur
laquelle cette illustre alliance vint jeter un nouveau relief.
Charlotte de Prie mourut en 1700 : deux de ses fils portèrent
le litre de marquis de Fervaques. L'un, Alphonse de Bullion,
fut gouverneur des provinces du Maine et du Perche et
mourut sans postérité en 1698. L'autre, Charles-Denis de
Bullion T marquis de Galardoo et de Fervaques, prévôt de
718 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Paris et gouverneur du Maine et du Perche, épousa, en
1677, Marie-Anne Rouillé de Meslay, qui lui donna cinq fils
et quatre filles, dont une fut mariée au duc d'Uzès et une
autre au prince de Talmont. La terre de Fervaques échut à
son second fils , Anne-Jacques de Bullion , marquis de Fer-
vaques, gouverneur du Maine et chevalier du Si-Esprit. Ce
dernier épousa , en 1708, Marie-Madeleine-Horlense Gigault
de Bellefonds et en eut trois filles : Marie-Anne-Étiennette de
Bullion, l'aînée, épousa en 1734 Charles-Anne-Sigismond
de Montmorency Luxembourg, duc d'Olonne; la seconde,
Jacqueline-Horlense de Bullion , fut mariée à Guy-André-
Pierre, duc de Montmorency Laval ; et la troisième, Auguste-
Léonine-Olympe Nicole de Bullion, fut la femme de Paul-
Louis, duc de Beauvilliers. Après la mort du dernier marquis
de Fervaques , qui avait considérablement augmenté et orné
cette terre , elle échut au duc de Montmorency Laval , et le
château cessa d'être ordinairement habité. En 1803,. les
héritiers du duc de Laval aliénèrent la terre de Fervaques :
le château , avec la plus grande partie des domaines qui en
dépendaient, fut acquis par Mélanie de Sabran, veuve du
marquis de Custine, une des victimes de 1793. Après elle,
Fervaques fut possédé par son fils, le marquis de Custine ,
auteur de plusieurs livres de littérature et de voyages : ce
dernier , ayant perdu sa jeune femme et son fils encore au
berceau , abandonna le séjour de cette terre et bientôt après
la vendit en détail. Le château , avec quelques domaines
voisins, fut acheté, en 1831 , par Mme la marquise de Portes
et appartient aujourd'hui à Mme Alfred de Montgommery , sa
fille (1).
La paroisse de Fervaques renfermait plusieurs autres fiefs.
Celui du Verger a conservé un ancien manoir qu'un barrage
(4) Notes de M. le vicomte Louis de Neuville.
CANTON DE LIVAROT. 719
permettait autrefois d'entourer d'eau de tous côtés. Ce vieil
édifice est connu aussi sous le nom de Maison-aux- Anglais ,
parce que, suivant les traditions locales, il aurait servi de
demeure à un des envahisseurs de la province, au XVe siècle.
Si cette tradition a quelque fondement réel, elle ne peut
s'appliquer au manoir tel qu'il existe actuellement. La plus
grande partie, construite en bois, annonce par l'absence des
saillies , le faible volume des pièces de charpente et le carac-
tère des sculptures qui les couvrent, une époque qui ne peut
remonter au-delà du XVIe siècle. La partie de la construction
qui forme l'angle occidental, bâtie en pierre de marne et
offrant une fenêtre avec croisée de pierre , pourrait être un
peu plus ancienne, ainsi que les cheminées de quelques-unes
des chambres. Sur les bois qui surmontent la porte se trouve
sculpté un écusson qui paraît être celui de la famille Anfrey ,
chargé pourtant d'une bande qui a pu servir à distinguer une
branche cadette. Raoul Anfrey était seigneur du Verger et
de Caudemonne vers 1&60. Un siècle après, ce fief appar-
tenait à la famille de Louvières. Réuni postérieurement à la
terre de Fervaques , le Verger a été vendu par M. le marquis
de Custine à M. le comte de Neuville, il y a une trentaine
d'années , de même que les bois de Fervaques et la terre de
la Maignerie. Ce dernier fief, donné à l'abbaye du Val-Richer
par Gislebert de Brucourt avant l'an 1155, fut cédé par
elle, en 1579, a Guillaume de Hautemer, seigneur de Fer-
vaques , en échange d'une terre située à Fourches.
Le fief des Castelets , qui se trouve à l'extrémité du terri-
toire de Fervaques, du côté de Cermiy, était possédé, en
H69, par Jean du Vieu, aussi seigneur de la Cauvinière.
Aux XVIe et XVIIe siècles, la famille de Pommolain en eut
la propriété. François de Pommolain, sieur des Castelets,
comparut devant M. de Marie dans la Recherche de la no-
blesse de 1 666.
720 STATfSTJOOI- MONUMENTALE DU CALVADOS.
CUEFPREVILLE.
Cheffre ville , Esprevilla , Chiffreville.
L'église n'offre aucun intérêt. Quelques restes d'appareil
en feuilles de fougère, dans le mur nord de la nef, attestent
qu'elle a été construite à l'époque romane ; mais elle a subi
des retouches très-considérables. Les ouvertures les plus
anciennes ne peuvent être antérieures à la fin du XVIe siècle.
Le clocher est assis entre chœur et nef.
Les voûtes sont en menai n avec charpentes apparentes.
Le maître-autel, à colonnes torses, du règne de Louis XIV,
mérite une mention. Le reste du mobilier est insignifiant.
Cette commune a fait autrefois partie de l'élection de
Lisieux et de la vicomte d'Orbec. L'abbé du Bec nommait
à la cure.
M. L. de Neuville pense que la seigneurie de Cheffreville
fut, par suite d'anciens parages, divisée dès une époque fort
ancienne en plusieurs portions, dont quelques-uns des pro-
priétaires , étrangers aux environs, n'ont laissé aucun sou-
venir. La famille Cuillier paraît cependant en avoir possédé
aux XVe et XVIe siècles , le manoir principal , tandis qu'une
autre portion appartenait à la famille Amiot dont un membre
y fut trouvé noble par Monlfaut, en 1563. Jean Cuillier était
seigneur en partie de Cheffreville en 1^69, et son petit-fils,
qui portait le même nom , y comparut dans la noblesse de
1540. C'est sans doute un membre de celte famille qui y a
fait construire le manoir encore existant , bâti en pierre
de taille. Il est du X\T siècle ; à l'intérieur , une pièce qui
passe pour la chapelle est voûtée en pierre avec arceaux ,
liernes et tiercerons dans le goût de la Renaissance. Du
reste, ce manoir, d'assez bonne apparence, fut prom-
CANTON DE LIVAROT. 721
ptement réuni, ainsi que le fief dont il était le chef-lieu,
à la terre de Fervaques , dont il a depuis suivi les diverses
vicissitudes.
Une autre portion du fief de Cheffreville a appartenu,
pendant les XVIe et XVIIe siècles , aux barons de Livarot ,
des maisons d'Arces et d'Oraison : elle fut postérieurement
réunie , comme la précédente , à la terre de Fervaques.
Il y avait encore à Cheffreville un fief nommé la Fosse ,
lequel était possédé, au commencement du XVe siècle, par
la famille de Belleau. Jean de Belleau y fit preuve d'ancienne
noblesse devant Montfaut, dans la Recherche de l/*63. Mais,
dès l'an 1469, Robert de Lyée , sieur de Tonancourt, était
aussi seigneur de la Fosse au droit de Perrette de Belleau ,
sa femme, qu'il avait épousée en 1426. Depuis cette époque,
le fief de la Fosse , longtemps uni à celui de Tonancourt , a
cessé de servir de résidence à ses propriétaires ; il appar-
tenait , au siècle dernier , à une branche de la famille de
Vaumesle. La Recherche des élus de Lisieux, en 1540, men-
tionne encore Jean Blanchet , sieur de La Mote , comme de-
meurant en la paroisse de Cheffreville.
TONANCOURT.
Tonencourt, Tonnencourt, Tornecort.
L'église de Tonancourt ne date que du XVIe siècle , et sa
construction n'offre aucune particularité à signaler. Les murs
sont régulièrement munis de contreforts. On y a fait des re-
prises assez notables à la fin du XVIIIe siècle. Le chœur est
tout entier de cette dernière époque. Un clocher en char-
pente assez élancé , placé sur la partie occidentale de la nef ,
renferme une cloche du célèbre fondeur Jean Aubert , de
Lfeieux. Elle porte l'inscription suivante :
f 174 3 M"re IVI.ES LR LIRE PBr< CVRE DF NOSTRE DAME DE CO\ RSON ET
46
722 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
NOBLE DAME GENEVIEVE DE DROVLIN EPOVSE DE Msre GABRIEL DE LIEE ESCer
SErG. "DE BELLEAV MONT NOMMEE ET BFNITE PAR Mre THOMAS DE LA MARE
PBre CVRE DE CHKFFREVILLE.-
IEAN AVBKRT MA PAITE.
Rien à signaler dans le mobilier du chœur. La nef n'est
pas voûtée. Un simple plancher porte sur les entraits , ornés
de rageurs.
Les retables des deux petits autels datent du XVIe siècle.
Leur lambris formé de panneaux à compartiments flam-
boyants , surmonté d'un dais en quart de cercle garni d'une
galerie, avec pinacles feuillages, peut être signalé.
Le crucifix de l'arc triomphal est protégé par un dais
semblable.
Une statue de la Vierge peut remonter au XVIe siècle.
Dans le cimetière est un if, rameux dès le sol, qui me-
sure 10 pieds et demi de circonférence.
Manoir. — Tout près de l'église, à l'ouest, se trouvait le
manoir, construction du XVIe siècle, dont le pignon en
pierre de taille était flanqué de deux contreforts. Une porte
cintrée à moulures prismatiques donnait accès aux caves.
L'autre pignon était en briques et pierre, bien que de la
même époque. Les deux façades étaient en bois , sans sculp-
tures , si ce n'est un grand écusson chargé d'un bar con-
tourné. Quelques clous à plaques découpées à jour restaient
aux vantaux des portes.
Ce manoir était bâti sur une motte féodale.
Cet ancien manoir de Tonancourt vient d'êlre démoli.
Si l'extérieur n'offrait rien de remarquable , il n'en était
pas de même de l'intérieur où l'on voyait encore des pein-
tures murales du plus haut intérêt, notamment une repré-
sentation contemporaine de la bataille de Marignan où Guil-
laume de Lyée , seigneur de Lyée , de Tonancourt ,
CANTON DE LIVAROT. 723
d'Heurtevent et du Coudray , avait figuré avec honneur. Des
inscriptions gothiques, portées par des phylactères, servaient
d'explication au tableau. On ne saurait trop déplorer la des-
truction d'un si rare monument du commencement du XVIe
siècle.
La paroisse de Tonancourt est réunie à Cheffreville pour le
culte. On y comptait 65 feux, soit un peu plus de 300 ha-
bitants. La population actuelle est de 101 habitants.
Cette commune, dit M. de Neuville, une des moins con-
sidérables du canton , faisait autrefois partie de l'élection de
Lisieux et de la vicomte d'Orbec. Le patronage de la pa-
roisse était laïque et appartenait au seigneur.
Le nom primitif de ce lieu paraît avoir été Tornencourt.
Hugues de Tornencourt vivait en 1184. En 1213, Guillaume
de Tornencourt fit donation à l'évêché de Lisieux du patro-
nage de l'église de Notre-Dame de Courson , qu'il tenait de
Hubert de Courson. Mais cette famille ne tarde pas à dis-
paraître et nous retrouvons la seigneurie de Tonancourt
divisée, sans doute par suite d'un partage, entre les familles
de Lyée et de Sâane. Richard de Sâane était seigneur en
partie de Tonancourt en 1469, et Geoffroy de Sâane y fit
preuve de noblesse devant les élus de Lisieux, en 1523. Mais
cette ancienne famille ayant, à ce qu'il semble, aliéné sa
part de fief en faveur des de Lyée, se trouva réduite à un état
de fortune précaire , perdit la possession de la noblesse et vit
son nom même altéré par l'usage en celui de Sennes.
Geoffroy de Sennes était assis au rôle de la taille en 1540,
et Nicolas # de Sennes, un de ses descendants, fut déclaré
roturier par M. de Marie , en 1666, en la paroisse de Chef-
freville.
La famille de Lyée, originaire du Vexin , vint se fixer, au
XIVe siècle, dans la paroisse de Tonancourt où elle pos-
séda , outre le iief de ce nom , le fief de Lyée et le lief de la
72fr STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Rue, plus lard confondus dans la seigneurie principale.
Robert de Lyée, seigneur de Lyée et de Tonancourt, vivait
en 13/i5 et fut le point de départ de la filiation prouvée par
ses descendants dans les diverses Recherches de la noblesse.
La branche aînée de cette famille a possédé sans interruption
la seigneurie de Tonancourt jusqu'à la fin du siècle dernier,
qu'elle s'est éteinte dans la personne de Henri-César- Auguste
de Lyée de Tonancourt et de sa sœur Louise-Aimée de
Lyée de Tonancourt, mariée au marquis de Caruel Mérey (1).
BEIXOU.
Bellou , Bellou, Berlou.
L'église de Bellou , dédiée à Notre-Dame , présente peu
d'intérêt: elle est en grande partie moderne; mais on a
cherché, dans cette reconstruction . à imiter les parties an-
ciennes que l'on prétendait conserver. Ces parties sont les
quatre travées et le chevet droit du chœur , bâties au XVIe
siècle ( murs en blocage , flanqués de contreforts en pierre
de taille, peu saillants). Encore ces murs ont-ils été percés
en 183/tet 1836, d'ignobles fenêtres avec linteau en briques ;
une seule ouverture ancienne a échappé à cette restauration.
A l'intérieur , la voûte en merrain du chœur a été con-
servée. Le rétable du maître-autel est à colonnes torses, en-
tourées de ceps de vigne.
Les deux statues des petits autels, la Vierge et saint Laurent,
peuvent remonter au XVIe siècle.
La petite cloche vient de l'abbaye de Ste-Barbe, en Auge ;
on lit au pourtour :
f J*AI ÉTÉ NOMMÉE MARIE PAR MRSSIEUBS LES CHANOINES RÉGULIERS DU
CHAPITRE DE CETTE ÉGLISE AU MOIS D'OCTOBRE DE l'an 1759.
(1) Notes de M. le vicomte Louis de Neuville.
CANTON DE LIVAROT. /25
Au dessous, sont les armoiries du monastère.
La commune de Bellou a été agrandie par la réunion de la
commune voisine de Bellouet, par ordonnance du \k avril
1836.
De l'élection de Lisieux, sergenterie d'Orbec, cette localité
comptait, il y a 100 ans, 62 feux ou 300 habitants. On en
compte aujourd'hui 320, y compris son annexe , de popu-
lation au moins égale au XVIIIe siècle. La dépopulation des
campagnes est constante ; mais elle atteint rarement une
pareille proportion.
Le nom de Bellou est une corruption de celui de Berlou
que portait, au XIIe siècle, cette localité. Warin de Berlou
vivait en 1186. Guillaume de Bellou, chevalier, donna en
1213, à l'évêché de Lisieux, le droit de patronage de l'église
de Bellou; cette donation fut confirmée, en 1250 , par Guil-
laume de Friardel, chevalier, seigneur de Bellou. La sei-
gneurie de Bellou paraît s'être peu après fractionnée par
parage en plusieurs membres de fiefs, dont un fut possédé
par la maison du Merle et un autre par celle d'Astin. Nicolas
du Merle, archidiacre de Lisieux, frère ou proche parent
de Guy du Merle, évoque de celte ville de 1267 à 1285,
fonda un obit dans cette cathédrale d'un tiers de la dîme de
Bellou, à l'exception d'une rente de 15 livres constituée en
obit pour Nicolas d'Astin , chevalier et frère de Foulques
d'Astin, évêque de Lisieux, de 1250 à 1267. En 1669, une
portion du fief de Bellou était possédée par Gervais Four-
mentin et une autre par Guillaume Michel. La famille Michel,
nommée aussi Le Michel , ne tarda pas à réunir entre ses
mains la totalité de la seigneurie de Bellou. Ce fut un membre
de cette famille qui y fit construire, dans le cours du XVIe
siècle, le manoir actuel , une des constructions en bois les
plus considérables de la contrée , et dont M. Bouet a fait un
excellent dessin (voir la page suivante): la façade septentrionale,
726 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
construite en pierre jusqu'à la hauteur du premier étage, est
flanquée de deux tourelles rondes d'un très-bon effet; à peu
de distance se voit un colombier ancien , d'un aspect pitto-
resque, que surmontent de beaux épis en poterie; ce manoir
paraît avoir été autrefois entouré de douves. La terre de Bellou
a passé, au siècle dernier, de la famille Le Michel à celle de
La Pallu ; Mme la marquise de Mirville , née de La Pallu, l'a
laissée à Mme Hocquart, sa fille.
Philippe Le Michel , sieur de Bellou , et Philippe Hardy ,
sieur de Chanvallon, firent preuve de noblesse à Bellou, dans
la recherche de 1666. Gabriel Le Michel, sieur du Hamel, et
François Le Michel, moins heureux , furent condamnés par
M. de Marie.
BELLOUET.
Cette ancienne paroisse s'est d'abord nommée Berlouet.
Le patronage appartenait à l'évêque de Lisieux. Après la
réunion de Bellouet à la commune de Bellou, son église a été
complètement rasée , malgré la résistance des habitants qui
ne put être vaincue que par la force publique.
Sous le règne de Philippe-Auguste, Hugues Paynel était
seigneur de Bellouet. Cette terre paraît avoir été possédée
depuis par la famille d'Astin, puis par celle de Lisores. Jeanne
de Lisores épousa Jean de Cintray , seigneur de Bellouet et
de Friardel, en 1431. En 1569, la seigneurie de Bellouet ap-
partenait encore à la famille de Cintray ; mais elle fut portée
peu après dans une branche de la famille de Bonnechose, par
le mariage de Charles de Bonnechose avec Marie de Cintray ,
dame de Bellouet. Son arrière-petit-fils , Claude de Bonne-
chose, sieur de Bellouet, épousa, en 1697, Marie de Lyée de
Tonancourt , dont il eut un fils, Étienne-Louis de Bonne-
chose, sieur de Bellouet, mort sans postérité, et une fille
CANTON DE UVAKOT
727
728 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
mariée à Jean Lambert , sieur de Janville. De ce mariage ,
naquit Charles Lambert, sieur de Bellouet, conseiller au Par-
lement de Normandie , et Charlotte-Jeanne Lambert de Jan-
ville, mariée à Pierre Labbey de La Roque , sieur de la Bois-
sière et d'Écajeul, dont une des filles, Marie-Charlotte Labbey
de La Roque épousa Auguste de Lyée de Belleau. La terre de
Bellouet , récemment possédée par M. de Lyée de Belleau , a
été laissée par lui à Mme de Fontenay, sa fille. Elle vient
d'être vendue. Le manoir de Bellouet, d'ailleurs peu ancien ,
n'offre rien qui mérite l'attention.
Manoir de Cintray. — Il n'en est pas de même d'un
charmant petit manoir datant du XVe siècle ou des pre-
mières années du XVIe , et connu sous le nom de manoir
de Cintray. Ce fut, sans doute, la résidence de quelques-uns
des seigneurs de Bellouet, du nom de Cintray; puis, après
l'extinction de la branche aînée de cette famille, le siège
d'une branche cadette qui y subsistait encore au commen-
cement du siècle dernier. Charles de Cintray , sieur du Mont,
fit preuve d'ancienne noblesse à Bellouet, en 1666.
Le manoir de Cintray , situé sur
la pente et presque au fond d'un
étroit vallon, est, malgré l'extrême
exiguité de ses proportions indi-
quées par ce plan (A) , remarquable par l'élégance et la re-
cherche de son ornementation. Il est construit en bois, complè-
tement sculpté avec un goût exquis. De gracieux rinceaux se
profilent le long de toutes les pièces de charpente; des fleurs
et des feuillages couvrent l'encorbellement des sablières;
de nombreux écussons décorent les poteaux : les volets des
fenêtres ont été chargés de sculptures , aussi profondément
fouillées que celles des plus beaux bahuts de cette époque.
Malheureusement ce bijou de l'art ogival^flamboyant a
CANTON DE LIVAROT. 729
beaucoup souffert des injures du temps , et la main de
l'homme s'y est jointe à l'époque de la Révolution en
faisant disparaître , par un grattage systématique, les ar-
moiries de ses nombreux écussons. Tel qu'il est, le manoir
de Cintray reste un des édifices les plus curieux de la
contrée , et mérite , de la part des archéologues , un examen
approfondi.
SERRURE DU MANOIR DE CINTRAY.
A Bellouet se trouvait aussi le fief de la Houssaye, qui
devint, à la fin du XVe siècle , la propriété de la famille de
Boctey, par le mariage de Jean Le Boctey avec Guillemctte
Berthelot, dame de la Houssaye. Cette terre appartenait encore
à la même famille dans le cours du XVIIe siècle.
730 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
COURSON.
Courson, Coure hon , Cor con , Curson.
Courson possédait deux églises , construites dans le même
cimetière, et qui n'étaient séparées l'une de l'autre que par
une allée de 20 pieds environ. L'une d'elles, dédiée à saint
Pierre, a été démolie en 1846. Toutes les ouvertures pa-
raissaient dater du XVIIe ou du XVIIIe siècle ; cependant il
ne serait pas impossible que les murs fussent plus anciens.
Le clocher était assis sur le portail , à l'ouest. On a transporté
la cloche dans l'église voisine. Le roi nommait à la cure, à la
représentation du duc de Normandie. La population était
d'environ 300 habitants (62 feux). Cette paroisse était com-
prise dans l'élection de Lisieux , sergenterie d'Orbec ; elle
relevait, pour les matières ecclésiastiques, du doyenné de
Livarot.
L'église de Notre-Dame, comprise aussi dans le doyenné
de Livarot, subsiste encore. Elle remonte, dans ses parties
les plus anciennes, à la fin du XIIe siècle; mais on y a
exécuté , après la démolition de St-Pierre , des travaux
d'agrandissement tout-à-fait déplorables. Le portail occi-
dental , flanqué de quatre contreforts à deux retraites avec
une porte en accolade , date du XVe siècle. Le clocher en
charpente qui le surmonte est de la même époque. Le mur
méridional de la nef appartient aussi, avec toutes ses ouver-
tures, moins une, au style flamboyant. Le mur du nord et
ses fenêtres sont du style de transition : on y a ajouté , au
XVe siècle , des contreforts à deux retraites. Le chœur est
moderne.
Les voûtes sont en merrain, avec charpentes apparentes.
CANTON DE LIVAROT. 731
Le rétable du maître-autel remonte au règne de Louis
XIV ; mais le tombeau a été refait sous Louis XV.
Les deux cloches datent du XVIe siècle, et leurs inscrip-
tions , bien que déjà publiées par M. le docteur Billon , dans
son Epigraphie campanaire , méritent de trouver place ici.
Cloche de Notre-Dame :
f LAN 4 595 1EHAN GALLET PBRe CVRÉ DE CEANS j CATHERINE DE
NEVFVILLE Fe DV Sr DES MAIGNIENS f ET MARGVERITE Fe DE JEHAN
MARTE.
Cloche de St- Pierre :
IE FUST FAICTE EN LAN MIL V° LI POUR NOSTRE DAME DE COURSON
IESUS MABIA AU MOYS DE MAY NOUS FDMMES FAICTES.
ROGIEK FAREAV ; MA FAICTE.
La paroisse, comprenant 170 feux ou 850 habitants,
faisait partie de l'élection de Lisieux , sergenterie d'Orbec.
La population actuelle de Courson est de 871 habitants. Elle
a donc perdu près de 300 âmes depuis cent ans , comme il
est facile de le voir par les chiffres que nous avons donnés.
Cette commune , dit M. de Neuville , celle du canton qui
possède le territoire le plus étendu, a été formée de l'ad-
jonction de la petite commune de St-Pierre-de -Courson à
celle beaucoup plus considérable de Notre-Dame-de-Courson,
par ordonnance du k décembre 1831. Du reste, le même
village servait de centre aux deux communes, el leurs églises,
presque conligué's, produisaient de loin l'effet le plus pitto-
resque. On a malheureusement rasé , il y a peu d'années ,
l'église de St-Pierre pour en employer la valeur à rebâtir le
chœur de l'église do Notre-Dame dans le goût le plus déplo-
rable. Courson est, de tout le pays environnant, le lieu le plus
anciennement mentionné, puisqu'il fut du nombre des terres
732 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
données à l'abbaye de St-Germain-des-Prés par Wandemir,
seigneur Franc, et Ercamberte, sa femme, par charte en
date de l'an 690. Cette donation cessa, d'ailleurs, d'avoir effet
par suite de la conquête de la province par les Normands.
Le droit de présentation à la cure de Notre-Dame-de-
Courson appartenait à l'église cathédrale de Lisieux depuis la
donation qui lui en fut faite, en 1213, par Guillaume de
Tonancourt, donation ratifiée, en 1225, par Hubert de
Courson, chevalier, seigneur de ce lieu. Celui-ci descendait,
sans doute , de Robert de Courson , un des compagnons de
Guillaume-le-Conquérant , dont le nom se retrouve dans les
pages du Doomsday-Book. Cette famille de Courson s'étei-
gnit bientôt. Nous ignorons quels furent ses successeurs im-
médiats ; mais, en H28 , Jean de Neuville était seigneur de
Courson. Il était issu de la même souche, mais d'une autre
branche que les seigneurs des Loges ; ses descendants possé-
dèrent la terre de Courson, de père en fils, jusqu'en 1662,
que Gabriel de Neuville, sieur de Courson , étant mort sans
postérité , sa succession fut recueillie par ses cinq tantes ,
Barbe, Marguerite, Florence, Charlotte et Renée de Neu-
ville , mariées , la première , à Louis Le Prévost , sieur de
Perrières ; la seconde , à Denis de Pommelin, et la troisième,
à Jean Le Loutrel, sieur du Pommier Enté. Elles vendirent
la terre de Courson, en 1663, à Nicolas du Houlley, con-
seiller au Parlement de Normandie ; celui-ci étant mort en
1682 eut pour héritier son neveu, Adrien du Houlley,
seigneur de Courtonne et de Courson, qui mourut au manoir
de Courson, en 1724, laissant pour héritière sa fille Cécile-
Adrienne du Houlley , mariée, en 1714, à Nicolas Rioult,
seigneur de Neuville, Ouilly et Belleau-Vauxmeslin. La famille
Rioult de Neuville a possédé depuis la terre de Courson,
mais le manoir et une partie des domaines sont sortis de ses
mains en 1797.
CANTON DE LIVAROT. 733
La seigneurie de Courson relevait de la baronnie de Fer-
rières et elle avait elle-même dans sa mouvance les fiefs de
Poix à Prêtreville et St-Mards-de-Fresnes ; de Lortier, à
Auquainville ; de la Cauvinière, des Hayes et de Cedouet , à
Courson.
Manoir de Courson, — Le manoir de Courson est une
construction en bois assez singulière, et qui paraît dater de la
fin du XVe ou du commencement du XVIe siècle : une tou-
relle de forme bizarre , recouverte en essente , se remarque
du côté du nord. Cette construction s'appuie, à son extrémité
orientale, sur un vieux mur en pierre et cailloutis d'une grande
épaisseur et qui est, sans doute, un reste d'une construction
plus ancienne. Nous pouvons constater ici que nos plus an-
ciens manoirs en bois ont quelquefois remplacé des édifices
construits en pierre ou cailloutis, mais auxquels la mauvaise
qualité des mortiers employés dans ce canton n'a pas donné
la durée qui est ordinairement le partage des anciennes ma-
çonneries de ce genre.
Mais la paroisse de Courson renferme le modèle le plus re-
marquable et le plus connu des vieilles constructions en bois
du Pays -d'Auge dans le charmant manoir de Belleau-la-
Chapelle, situé à 2 kilomètres du village de Courson et à peu
de distance de la route de Livarot.
Manoir deBelleau. — «Le manoirdeBelleau,ditlVI. Pannier,
« offre deux belles façades couvertes de bas-reliefs, d'arabesques
« et d'écussons sur lesquelles le ciseau naïf du sculpteur s'est
<t plu à reproduire tous les caprices de son imagination. Sui-
te l'encorbellement du rez-de-chaussée de la façade méri-
<c dionale est représentée une chasse au cerf, dont les diffé-
« rents épisodes sont retracés avec cette naïveté charmante
« qui caractérise les œuvres des artistes de la dernière pé-
« riode ogivale. Dans sa simplicité, l'artiste, manquant de
736 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
« hauteur pour placer ses figures debout, a levé cette petite
« difficulté en mettant tout bonnement à plat ventre les
ce chasseurs et piqueurs qui poursuivent la bête. Parmi les
u curieux bas-reliefs qui décorent les poteaux ou pieds-
ce droits , on remarque Adam et Eve au pied de l'arbre de la
(i science du bien et du mal. Eve tient dans ses mains une
« pomme. A travers le feuillage apparaît le serpent à tête
« humaine , qui se réjouit malicieusement d'avoir trompé la
« première femme. La sablière , couverte de gracieux rin-
<t ceaux , se termine à ses extrémités par des têtes de
« monstres grimaçantes, auxquelles les archéologues ont
« donné les noms significatifs de rageurs et avales-poutres.
« Les potelets qui garnissent les colombages sont décorés de
« légers contreforts surmontés de pinacles. Les tuiles in-
(t clinées, placées entre les
« colombages , étaient de
« deux couleurs différentes ,
« rouges et noires , alternant
ce entr' elles.
« Deux jolies portes à arc
« surbaissé, flanquées de grâ-
ce cieux contreforts et surmontées d'ogives en accolade ,
« s'ouvrent vers les extrémités de la façade. L'étage supé-
« rieur, construit en encorbellement , est surmonté de trois
« belles lucarnes festonnées qui font saillie sur le toit.
« En démolissant un petit bâtiment en charpente adossé
CANTON DE LIVAROT. 735
« contre la façade septentrionale , on a mis à découvert un
« bas-relief dont M. Bouet a fait un dessin. Ce bas-relief,
« parfaitement conservé , représente deux oiseaux fantas-
« tiques buvant dans un vase dont la forme est celle
« d'un calice. Les cous de ces oiseaux, que l'on pourrait
« prendre, à première vue, pour des cygnes, sont passés
« dans une couronne formant collier. Une jolie tourelle
« octogone , renfermant l'escalier, est appliquée contre cette
« façade où était placée autrefois l'entrée principale. Une
a galerie , à gauche de l'escalier , précède les pièces du rez-
« de-chaussée , dont les poutres saillantes étaient autrefois
« couvertes de peintures. » Nous donnons , page suivante ,
le plan du château de Belleau.
« Parmi les armoiries qui décorent l'une des façades ,
ce nous avons remarqué celles de Bretagne , un écusson
« chargé d hermines, qui fixe la date de ce manoir, l'un
« des plus curieux spécimens des constructions en bois
« élevées sous le règne de Louis XII. »
Toutes les sculptures du premier étage sont empruntées
au règne végétal. Il s'y trouve aussi un grand nombre de
blasons qui méritent d'être étudiés ; car, sans nul doute, c'est
Tarbre généalogique du membre de la famille de Lyée à qui
est due la construction de cette splendide demeure.
Trois belles lucarnes à bordures dentelées mouvementent
les grands combles. Leur poinçon porte la salamandre , in-
dice certain que leur construction date du règne de
François Ier.
La décoration n'est pas moins riche du côté opposé. Bla-
sons, rinceaux grotesques , oiseaux , quadrupèdes , masques
humains s'y disputent les sablières , les poteiets , les poteaux
d'huisserie . les poteaux corniers et les linteaux des baies.
Parmi les blasons , nous en avons remarqué deux , l'un
portant la panetière et les coquilles de saint Jacques , avec
736 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
tf "ci OÇ
CANTON DE MVAROT. 737
le bourdon et un bâton croté en sautoir ; l'autre , des outils
de charpentier accompagnés des lettres $ B X
Le fief de Belleau-la-Chapelle , mouvant de la seigneurie
de Carel , est entré dans la famille de Lyée par le mariage de
Robert de Lyée, seigneur de Tonancourt, avec Perrette
de Belleau, dame de Belleau et de la Fosse, l'an 1426.
Depuis cette époque , cette terre n'a cessé d'appartenir à
leurs descendants. Après la mort, survenue en 1505, de
Robert de Lyée , petit-fils du précédent et sieur de Lyée ,
Tonancourt , Belleau , la Fosse , le Coudray et Heurtevent ,
le fief de Belleau tomba en partage à René de Lyée , l'un des
quatre fils qu'il avait eus de son mariage avec Catherine de
Querville. C'est probablement de celte époque que date la
construction du manoir. On trouve cependant sur un des
écussons qui le décorent les armes de Marie de Martainville ,
dame de Bigars-sur-Risle , que René de Lyée épousa en
1518 : mais il y a lieu de croire que cet écusson, laissé brut
au moment de la construction , fut blasonné après coup par
l'ouvrier. Le manoir de Belleau , si digne de l'intérêt des
amis des arts comme de ceux du pittoresque , était encore
il y a peu de temps la résidence de la famille de Lyée de
Belleau; mais, à la suite d'un projet de restauration qui
n'a pas encore reçu son exécution, il a cessé d'être habité et,
kl
738 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
les intérieurs en ayant été démontés , il est resté dans un état
précaire qui inspire des craintes pour sa conservation. Ce-
pendant M. de Lyée, membre du Conseil général, nous
affirme qu'il se propose de le faire consolider , et nous es-
pérons que ce charmant manoir continuera à faire l'orne-
ment de la vallée dont le gracieux aspect puise un mérite
de plus dans la présence de ces vieux restes d'un autre âge.
Derrière le manoir, une jolie futaie couvre de son ombre un
sol rapidement incliné : un colombier aussi ancien que la
maison elle-même l'accompagne. A quelques pas se trouve
aussi une chapelle du XVIe siècle qui ne manque pas
d'intérêt , mais qui ayant perdu sa destination primitive , a
souffert dans son ornementation.
Presque en face de ce manoir, de l'autre côté de la vallée ,
on voit un château du XVIIe siècle en pierre et brique :
c'est un autre Belleau, distingué du premier par le surnom de
Belleau-Belleau. Ce fut sans doute dans l'origine une portion
du même fief, séparée depuis par un parage; elle est restée
dans l'ancienne famille de Belleau , tandis que l'autre frag-
ment entrait dans la famille de Lyée. Guy de Belleau vivait
en 1184; sa descendance s'est éteinte, de nos jours , dans la
personne de M. de Belleau-Courtonne ; mais celui-ci appar-
tenait à une autçe branche de la même famille : celle de
Belleau-Belleau n'a pas survécu à la première moitié du
siècle dernier. La propriété a passé dans les mains de la
famille Deshayes de Bonneval et d'Apremont, qui l'a re-
vendue il y a peu d'années. Le château, d'ailleurs bien
construit, est d'un intérêt médiocre, de même qu'une petite
chapelle qui se trouve à peu de distance.
Le manoir de la Cauvinière, situé dans la plaine qui
s'étend du côté de Cernay, n'offre guère plus d'intérêt,
quoique plus ancien. Le fief de la Cauvinière appartenait , en
1469, à Jean du Vieu; il entra dans la famille Deshayes,
CANTON DE LIVAROT. 739
en 1520, par le mariage d'Alix du Vieu avec Pierre Des-
hayes, seigneur de la Chapelle- Yvon : celui-ci est l'auteur
des Deshayes de Forval, de Gassart et de Launay : c'est
l'aînée de ces branches , celle de Forval , qui a possédé la
terre de la Cauvinière jusqu'au milieu du siècle dernier, et a
porté le titre de baron de la Cauvinière. Cette terre a appar-
tenu depuis à la famille Riquier , puis à la famille Ribard, qui
en est encore propriétaire.
Le fief des Hayes, autrefois nommé les Grandes et les
Petites-Hayes , s'étendait dans la partie du territoire de
Courson qui se rapproche de celui de Préaux. Il a longtemps
appartenu à la famille Deshayes. Ce fief a passé depuis dans
la famille de Mailloc des Éteux, et il fut vendu, en 1764,
par Nicolas-François de Mailloc , seigneur de Familly. Il s'y
trouvait une chapelle , dite la chapelle des Hayes.
Le fief de Pohyer, situé entre Courson et Bellou, a appar-
tenu, en l/*69, à Nicole Huet, prêtre, et aux XVIe et
XVIIe siècles à la famille Le Michel , qui possédait la sei-
gneurie de Bellou. Il lui fut porté par le mariage de Jac-
queline de Malherbe , fille de Guillaume de Malherbe , sieur
du Bouillon, et de Robinette de Grieu , avec Denis Michel f
sieur de Bellou, sous le règne de Louis XII.
Signalons encore à Courson le manoir de Beyville, aujour-
d'hui dépendant de la terre de Belleau , et qui a appartenu ,
depuis le XVI' siècle jusqu'à nos jours , à la famille Des-
hayes de Bonneval et d'Apremont ; puis le manoir de Valsery,
encore subsistant , et qui a servi de résidence à une branche
de la famille de Bonnechose. Voici, du reste, le nom des
gentilshommes qui ont fait preuve de noblesse à Notre-Dame-
de-Courson, en 1666 : Thomas de Bonnechose , sieur de
Valsery; Marguerite de Nourry, veuve de Charles de Belleau,
sieur de Canapville, tutrice de François et Charles de Belleau,
ses fils ; Jean-Baptiste Deshayes , sieur de la Cauvinière ;
740 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Philippe Deshayes , sieur de Beyviiie ; Jean Le Michel , sieur
de La Babouelle , et Guillaume de Lyée, sieur de Belleau.
LES MOU TIERS-HUBERT (t).
Les M ou tiers-Hubert , Monasterium Huberti.
Le nom de cette paroisse indique une origine monastique;
et peut-être faut-il regarder comme le continuateur du mo-
nastère mérovingien ou carlovingien, l'humble prieuré de
Notre-Dame-des-Houlettes, dépendant de l'abbaye de Hambie ,
qui subsistait encore à la fin du dernier siècle sur la lisière
du Buisson-Pesnel , autrement foret de Moutiers-Hubert.
Le prieur des Houlettes avait droit d'herbage pour douze
vaches et un taureau , dans la forêt.
L'église paroissiale , sous l'invocation de saint Martin ,
remonte à la période romane pour tout le gros œuvre. Au
sud comme au nord , au chœur comme à la nef, on con-
state parfaitement les caractères de cette époque: appareil
en feuilles de fougère, contreforts plats. Toutefois , aucune
des ouvertures ne date de la construction primitive. La fenêtre
du chevet est à lancette. Les fenêtres latérales du chœur
sont modernes. Pour la nef, au nord, l'unique fenêtre est
une baie carrée du XVIe siècle. Les ouvertures pratiquées
dans le mur du sud sont ogivales flamboyantes. Les con-
treforts ont été ajoutés en même temps. La partie supérieure
du portail, à l'ouest, est revêtue d'cssente. La base seule est en
pierre , et tous les caractères accusent le XVIe siècle. Le
clocher est assis à l'extrémité orientale de la nef. Il doit
dater du XVe ou XVIe siècle.
(1) Notes de M. Charles Vasseiir.
CANTON DE LIVAUOT. 741
On le voit, cette église est petite et fort ordinaire à l'ex-
térieur ; mais l'intérieur présente un grand intérêt. Elle est
CHEVET DE I, EGLISE DE MOI1TIERS-H UBEKT.
la seule que nous connaissions jusqu'à présent dans l'arron-
dissement de Lisieux, où l'on trouve des vestiges bien con-
servés de peintures murales anciennes.
Ces peintures occupent le tympan qui surmonte l'arc
triomphal et représentent le Christ sortant triomphant du
tombeau, la tète entourée du nimbe crucifère et la main
droite bénissante , tandis que la gauche soutient la croix de
Résurrection. Cette peinture a du style. Malheureusement
elle est, en grande partie, masquée par les dais des deux petils
autels.
Ces dais, eux-mêmes, méritent l'attention. Avec celui qui
7^2 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
ombrage le crucifix, ils forment un ensemble bien entendu et
qu'on rencontre rarement. Leur exécution ne remonte qu'au
XVIe siècle ( V. la page suivante ).
Chacun de ces baldaquins offre la forme d'un quart de
cercle , terminé par une petite galerie flamboyante évidée à
jour , reliée par de petits pinacles que supportent des têtes
d'anges. Il s'appuie sur un lambris qui forme rétable. Cette
surface curviligne a été couverte de peintures. L'autel du
sud n'en laisse plus voir que des vestiges inappréciables. Le
sujet en était sans doute tiré de la Vie de saint Martin ,
patron de l'église, auquel il devait être consacré selon l'usage.
L'autel du nord est encore assez bien conservé. Il représente
le couronnement de la Vierge. Les franges des vêtements
des trois personnages ( le Christ , Marie et le Père-Éternel )
sont chargées d'inscriptions tirées de l'Écriture et en rapport
avec le sujet. Le dais qui abrite le crucifix, la Vierge et saint
Jean , au-dessus de l'arc triomphal, est garni des instruments
de la Passion et de quelques scènes corrélatives ; mais la con-
servation laisse beaucoup à désirer.
Je n'ai pas la prétention de donner une idée suffisante de
l'effet et de la valeur de cette décoration par la description
qui précède : il faudrait des dessins à une assez grande
échelle. Alors , on pourrait se convaincre que les décorations
adoptées par nos ancêtres parlaient plus à l'esprit et à
l'imagination que les misérables pastiches dont on est si
engoué aujourd'hui.
L'église de Moutiers-Hubert n'a plus de desservant. C'est
certainement à cette circonstance qu'on doit la conservation
des précieux objets d'art qu'elle renferme.
La table primitive de l'autel de la Vierge subsiste encore,
emprisonnée sous la charpente de l'autel moderne. C'est un
cube de pierre, autour duquel court une riche garniture de
CANTON DE LIVAROT.
743
ABC TRIOMPHAL ET UN DES PETITS AITELS DE l/ÉGLISE DE MOUTIERS-HUBEBT.
Ikk STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
feuilles frisées. On y constate aussi des traces de peinture à
la cire. Tous les caractères sont ceux du XVIe siècle.
Le maître-autel du chœur porte la date de 1668, et il a
tous les caractères des hauts-rétables de cette époque , sans
être un travail hors ligne. Les sièges du chœur sont anciens ,
c'est-à-dire du XVIe siècle. Ce sont des bancs à panneaux
plissés ou à balustres , avec un simple fauteuil de bois pour
le célébrant ; point de stalles. On peut voir là encore un
modèle pour disposer liturgiquement un chœur d'église ru-
rale ; mais il pourrait se faire que les curés actuels n'y trou-
vassent pas assez d'effet.
On doit signaler encore, dans une des fenêtres flam-
boyantes du sud , quelques fragments de vitraux : une Cru-
cifixion et un Agnus Dei ; et dans le chœur une statue go-
thique de saint Agapit, vulgairement saint accroupi , objet
d'un pèlerinage encore suivi.
La cure était divisée en deux portions , à la nomination
du roi. Elle dépendait du doyenné de Livarot. Au civil, la
paroisse était comprise dans l'élection de Lisieux , sergen-
terie d'Orbec , et comptait 61 feux, ou 300 habitants. Ce
nombre est réduit aujourd'hui à 101.
Faits historiques. Château. — Cette commune, dit M. de
Neuville , aujourd'hui peu importante , l'a été beaucoup plus
au moyen-âge. Elle était alors le siège d'une importante ba-
ronnie ; il s'y trouvait aussi un bourg et un labellionage
royal.
La baronnie de Moutiers-Hubert appartenait, au XIe siècle,
à la puissante famille Paynel , qui possédait dans le Cotentin
les baronnies de Hambye, Moyon , Bréhal, la Haye-Paynel et
autres. La terre de Moutiers-Hubert paraît avoir été son ber-
ceau , et son nom s'est conservé dans celui du Buisson-Paynel,
sous lequel on connaît la forêt qui couvre une partie considé-
CANTON DE LIVAROT. 745
rable du territoire de cette commune. Guillaume Paynel était
contemporain de Guillaume-le-Conquérant : il fut l'auteur de
deux branches dont Tune , fixée en Cotentin , subsista avec
honneur jusqu'à la fin du XVe siècle; l'autre, que l'on croit
l'aînée, eut, avec la baronnie de Mou tiers- Hubert, de vastes
domaines en Angleterre, où elle fonda les prieurés de Dudley
et de Tickford et donna son nom à la ville de Newport-Pay-
nell. En 1136 , le seigneur de Moutiers-Hubert, ayant suivi
le parti du roi Etienne, fut assiégé dans ce château par l'armée
de Geoffroy, comte d'Anjou, qui s'empara de la place et mit
à rançon le baron vaincu et trente chevaliers, compagnons de
son infortune. Un de ses successeurs, ayant embrassé la cause
de Jean-sans-Terre, fut encore plus malheureux : il vit con-
fisquer par le roi Philippe-Auguste sa baronnie de Moutiers-
Hubert qui, réunie au domaine royal, n'a pas cessé d'en faire
partie jusqu'à la Révolution. La branche aînée des Paynel,
définitivement fixée en Angleterre , s'y est éteinte au com-
mencement du XIVe siècle.
L'emplacement de l'ancien château-fort des Paynel est
encore reconnaissable. Un monticule, de forme circulaire,
situé sur le bord de la Touque et élevé de 3 mètres en-
viron au-dessus du sol voisin , en dessine l'enceinte ; mais il
n'y reste aucune trace de maçonnerie ni de fossés. Cette
vieille motte est aujourd'hui vouée à la destruction, les terres
qui la composent ayant été jugées utiles h des remblais voisins,
et dans peu d'années on cherchera en vain le lieu où s'élevait
cette antique forteresse.
Sur le territoire de Moutiers-Hnbert se voyait encore , il y
a peu d'années, le manoir des Maignans, un des plus intéres-
sants du voisinage : il a été démoli il y a environ vingt ans.
Philippot Hardy possédait ce fief en 1469. Il a appartenu
depuis à la famille Georges, puis à celle de Malart au
XVIIe siècle.
1U 6 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Le manoir de Launay-Chiffretot subsiste encore , c'est une
construction en bois à laquelle une tourelle ronde donne
un aspect pittoresque ; elle est d'ailleurs peu ancienne : cette
terre a appartenu , pendant les XVIIe et XVIIIe siècles ,
à une branche de la famille Deshayes. Jean-Baptiste Des-
hayes , sieur de Launay , fit preuve de noblesse à Moutiers-
Hubert dans la recherche de 1666.
La paroisse de Moutiers-Hubert possédait autrefois, sur son
territoire , le prieuré de Notre-Dame-des-Houlettes , dépen-
dance de l'abbaye de Hambye , et comme elle fondé par un
Paynel. Ce prieuré occupait l'extrémité solitaire d'un petit
vallon qu'entoure la forêt ; aucun lieu ne pouvait offrir un
séjour plus retiré et plus digne d'être la demeure d'un er-
mite. La chapelle des Houlettes a été détruite , de même que
le prieuré, pendant .la Révolution ; mais le sol qu'elle occu-
pait est encore l'objet de la vénération du peuple des cam-
pagnes voisines.
Il a existé aussi, dans la paroisse de Moutiers-Hubert,
une chapelle dite de Sl-Glair , dont les anciens pouillés du
diocèse de Lisieux ne font d'ailleurs aucune mention.
CANTON D'ORBEC.
7^7
CANTON D'ORBEC.
Le canton d'Orbec comprend les vingt communes dont les
noms suivent :
Bienfaite.
Cernay.
Cerqueux.
La Chapelle- Yvon.
Cordebugle.
Courtonne-la- Ville.
La Cressonnière.
Le Croupte.
St-Cyr-du-Ronceray.
St-Denys-de-Mailloc.
Familly.
La Folletière-Abenon.
Friardel.
St-Julien-de-Mailloc.
Meulles.
Orbec (chef-lieu).
St-Paul-de-Courtonne.
St-Pierre-de-Mailloc.
Préaux.
Tordouet.
La Vespière.
PREAUX (1).
Préaux , Ecclesia de Pratellts.
La commune de Préaux est réunie , pour le culte , à celle
de Meulles. L'église s'élève dans une plaine , à 2 kilomètres
du bourg de Meulles et à 1 kilomètre seulement de la route
d'Orbec à Livarot. Cette église, placée sous l'invocation de
saint Sébastien, appartient à la dernière époque de l'ogive.
Le mur méridional de la nef est percé de trois fenêtres
dont deux , divisées par un seul meneau , présentent dans
leur partie supérieure des compartiments flamboyants. La
fenêtre du milieu a été refaite. Au nord, il n'y a que deux
(1) Notes par M. Pannier, de la Société française d'archéologie.
748 STATISTIQUE MONUMENTALE OU CALVADOS.
ouvertures : l'une trilobée , l'autre partagée par un meneau
prismatique. Les fenêtres du chœur sont modernes et con-
struites sans goût. Celle du chevet a conservé sa forme pri-
mitive et offre une grande ogive qui a été bouchée lorsqu'on
a placé le rétable du maître-autel. La sacristie, placée au
nord , date de la fin du XVIIe siècle , ainsi que l'indique le
chiffre 1680 gravé au-dessus de la porte.
Le portail s'élève à l'occident. La fenêtre qui surmonte la
porte est cintrée et à moulures prismatiques. La tour , située
au nord-ouest , est terminée par une pyramide à quatre pans
et à double épi : cette pyramide est couverte en essente et
offre sur chacune de ses faces une petite lucarne. La base
de la tour était construite en damier ; la pierre alternait avec
le caillou et la brique vernie (verte). Cette base , qui a été
réparée sans aucun goût, doit remonter à la fin du XVIe
siècle. Elle supporte une poutre sur laquelle est marqué le
chiffre 1599, qui indique l'époque de la construction de
tout le clocher. Sur une pièce de bois plus élevée on lit
l'inscription suivante qui , sans doute , fait connaître le nom
du charpentier :
MAS • IOVIS • CAIONNVI CAISI DE CE LIEV •
La cloche porte l'inscription suivante :
SOVS LA PROTEXTION DE SAIM SÉBASTIEN IAY ÉTÉ BÉNIK DV VEV GÉNÉRAL
ET EN PRÉSENCE DE LA MUNICIPALITÉ ET DE TOVS LES PAROISSIENS DE
PRÉAVX.
LA VILLETTE DE LISIEVX DE PRÉSENT A SAINT MARTIN DE LA L1EVE MA
FAITE AN 1792.
Diamètre : 96 centimètres.
L'intérieur de l'église est bien décoré. Le maître-autel ,
d'ordre corinthien , a un beau rétable orné de quatre co-
lonnes rudentées. Les deux petits autels placés à l'entrée du
chœur sont du même style.
CANTON D'ORBËC. 7&9
Au-dessus de Tare triomphal est une toile peinte appliquée
contre le mur. La partie inférieure de cette toile , qui re-
présente le Jugement dernier , a été déchirée ; on nous en
a montré les débris qui ont été relégués dans la tour. La
partie supérieure, qui seule a été conservée, montre les élus
dans le Paradis.
Dans la nef, on remarque une jolie chaire dans le style
Louis XIV. Sur celte chaire est gravée , en caractères ro-
mains , l'inscription suivante :
IEAN LEERON TRÉZORIER A FAICT
FERRE LA CHER RE EN L'AN 1669.
Sur un vitrail de la nef se voit un écusson d'azur au
soleil d'or sortant d'wie fleur . . . aussi d'or , feuillée de
k feuilles de sinople.
On voit , dans le cimetière , un très-bel if qui a U mètres
20 centimètres de circonférence.
Château. — Le château de Préaux, situé en face du portail
de l'église , est appelé par les habitants de la commune la
Moinerie , ce qui fait supposer que c'était un ancien prieuré.
Ce château appartient à deux époques différentes. Le corps-
de-logis principal . construit en pierre et surmonté d'un
fronton , a dû être élevé sous Louis XV. Ce bâtiment est
flanqué , au nord , de deux jolies tourelles en pierre percées
chacune d'une fenêtre carrée avec nervures prismatiques.
L'une des fenêtres est garnie d'une belle grille en fer dont
les barreaux offrent des annelures, alternativement horizon-
tales et verticales, artistemenl entrelacées (même disposition
que la grille d'une maison située à Lisieux , a l'angle de la
rue du Paradis et de la Grand'Rue). Ces tourelles sont plus
anciennes que le corps-de-logis et doivent remonter au XVIe
siècle. Le tout est surmonté de belles cheminées en briques
750 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
présentant , dans la partie inférieure , une série d'arcatures.
Dans la cour s'élève un beau colombier décoré de pilastres.
On remarque dans sa construction des assises alternatives
de brique et de pierre.
MEULLES (1).
Meulles , Molce , Mollce , M oeles , Meules.
La paroisse de Meulles s'étend dans la plaine qui sépare
la vallée de la Touque de la vallée de l'Orbiquet. Son ori-
gine est fort ancienne , car on la trouve mentionnée dans
des chartes dès le commencement du XIe siècle. Toutefois ,
jusqu'à présent , on n'a pas trouvé sur son territoire de ves-
tiges de l'occupation romaine. "
L'église est un grand vaisseau largement éclairé ; le chœur
forme une très-légère retraite sur la nef. On y entre par
une porte moderne , ouverte dans le mur de l'ouest et pré-
cédée d'un appentis en briques qui joue le rôle de porche.
Au-dessus , dans le triangle du pignon , s'ouvre une fenêtre
également moderne. L'amortissement du gable est une croix
de fer dont le pied sort d'une gerbe de lis emboutie : je ne
crois pas que cette œuvre de ferronnerie puisse remonter
jusqu'au XVIe siècle.
La tour flanque l'angle nord, au niveau du mur du portail ;
mais elle fait complètement saillie sur le mur latéral. Elle
offre les caractères de l'époque romane. Deux contreforts
très-plats en grison buttent chaque face ; les murs sont en
blocage de silex. La seule ouverture qu'elle possède est une
petite fenêtre cintrée ouverte à la base , vers l'ouest. Le cou-
(i) Notes par M. Gh. Vasseur.
CANTON D'ORBEC. 751
ronnement consiste en une pyramide carrée servant de base
à une flèche couverte d'ardoise.
Les murs latéraux sont d'époques diverses. Celui du nord,
divisé en travées régulières par des contreforts peu saillants
et parementé en pierre de marne de grand appareil , date du
XVI0 siècle. Les fenêtres ont été repercées postérieurement,
sauf une. Au midi , la première travée , près du chœur , est
seule du XVIe siècle ; le reste est moderne , comme toutes
les ouvertures.
Le chœur tout entier appartient au XIIIe siècle , mais il a
subi des remaniements considérables ; les seules parties
restées caractérisées sont les deux contreforts du chevet , la
corniche en quart de rond des murs latéraux. Les fenêtres
sont du XVIIIe siècle , ou même plus récentes du côté du
nord ; mais dans la travée centrale du midi subsiste une belle
ogive à moulures prismatiques, avec un meneau et une tra-
cerie flamboyante; les autres sont, comme au nord, sans
caractère.
Une sacristie en pierre, du XVIIIe siècle, d'assez bonne
construction, cache la plus grande partie du chevet; on con-
state pourtant encore qu'il était presque tout entier occupé
par une large fenêtre.
Les combles sont couverts en ardoise, ce qui leur ôte
beaucoup d'ampleur et d'effet.
L'intérieur, modernisé , peut se décrire en quelques
lignes. Voûtes plâtrées, après enlèvement des charpentes
apparentes. Maître-autel insignifiant, avec un tableau daté
de 1821. Le tabernacle, de forme ovale, avec trois niches,
offre des peintures intéressantes.
Dans la seconde fenêtre, au nord, il subsiste quelques
fragments de vitraux , entre autres un petit sujet, venant
d'un couronnement de fenêtre flamboyante, représentant le
Christ en croix avec la Vierge et saint Jean.
752 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Indiquons encore, comme méritant un coup-d'œil , six
stalles en chêne sculpté style Louis XV, d'un bon travail.
L'arc triomphal consiste en une ogive à moulures pris-
matiques portées sur deux pieds-droits semi -cylindriques ,
disposition propre au XVIe siècle.
Les deux petits autels qui l'accompagnent doivent remonter
au règne de Louis XIV. Ils sont à tombeau droit. Leur ré-
table se compose de deux colonnes corinthiennes cannelées,
rudentées, portant un fronton cintré coupé en volute, avec
un cartouche au centre pour amortissement. Une niche oc-
cupe l'entrecolonnement.
La tour était autrefois en communication avec l'église au
moyen d'une arcade légèrement ogivale, à large voussure
sans aucune moulure , appareillée en grison. Ce caractère
fixerait la construction de la tour à l'époque de transition ,
bien que son aspect extérieur accuse une époque un peu an-
térieure.
Les amateurs d'ancienne liturgie trouveront, dans la sacristie
de Meulles, une petite bibliothèque digne de fixer l'attention.
Nous citerons seulement :
1° Un Missel de 1672. Lyon , Antoine Beaujollin ;
2° Un Antiphonarium. Parisiis, ve Hérissant, 1695;
3° Missale Romanorum ex decreto sacrosanai Concilii
Tridentini restitutum, etc. Lutetiae Parisiorum, sumptibus
Joannis Henault , JV1DGLV.
Le frontispice représente saint Pierre et saint Paul et deux
anges au pied d'une croix.
M. Bouet a dessiné un lutrin qui pourrait être contem-
porain de ces vieux livres, et qu'en cette qualité, sans doute/
on a relégué dans un magasin humide.
La Confrérie de charité a été érigée, en 1552 , sous l'ad-
ministration du cardinal Jacques- d'Annebaut. Elle obtint
une bulle d'Urbain VIII en 1637. Supprimée, à la Révo-
CANTON D'ORBEC. 753
lution , au nom de la liberté, elle s'est reconstituée en 1803;
elle remplit encore ses fonctions.
Les statuts n'offrent rien de particulier. On trouve son
blason dans V Armoriai de d'Hozier.
L'église de Meulles fait partie du doyenné d'Orbec : elle
est dédiée à saint Pierre. Le patronage appartenait à l'abbaye
de St-Pierre-sur Dives. Primitivement, Beaudouin de Meulles,
fils du fameux comte Gillebert de Brionne , en avait aumône
la moitié à l'abbaye de St-Amand de Rouen , pro maire sua.
Ce monastère a conservé dans la paroisse des biens taxés à
50* de décimes.
S'il faut en croire Farin, les religieuses Emmurées de
Rouen reçurent aussi de saint Louis, au moment de leur
fondation , une masure et jardin à lui appartenant a Meulles ,
diocèse de Lisieux, pour en faire une grange.
La croix de cimetière date du dernier siècle. L'if situé à
l'angle nord-ouest de l'enclos est magnifique ; son tronc me-
sure 1 1 pieds de circonférence.
Renseignements historiques. — Le plus ancien seigneur
de Meulles mentionné dans l'histoire est Beaudouin, deuxième
fils du comte Gillebert de Brionne , issu des ducs de Nor-
mandie ; il prit part à la conquête de l'Angleterre , et obtint
du Conquérant la ville d'Exeter et la vicomte de Devonshire.
Il mourut en 1091. Il eut un lils , nommé Robert, et une
fille qui épousa Guillaume d'Avranches.
Un seigneur de Meulles se battit à Brenneville , en 1119,
du côté de Guillaume Cliton , dernier rejeton des ducs de
Normandie.
Vers 1207 , Nicolas de Meulles fit des donations à l'abbaye
de St-Pierre-sur-Dives ; enfin , en 1366 , Guillaume de
Meulles aumônait aussi des biens à l'hôpital d'Orbec.
Le registre des dons de Henry V, roi d'Angleterre, parle
&8
754 STATISTIQUE MONUMENTAL? DU CALVADOS.
de damoiselle Catherine de Meulles , veuve de feu Renard de
Chambray ; mais je n'ai pu établir une filiation suivie pour
ces divers personnages qui , probablement , n'appartiennent
pas à la même famille.
A la fin du XVe siècle et au XVIe , on trouve mention
d'un certain nombre de fiefs situés sur le territoire de
Meulles : le Hamel-Crossart, appelé par Cassini le Hameau-
Boissard, possédé, en 1469, par Robin des Landes; —
firionne , qui fut longtemps dans la maison d'Harcourt ; —
les Esteux , dont on trouve en possession, en 1469, un
nommé Pierre La Perque; en 1524 , Marc de Malenoue; et,
au commencement du XVIIIe siècle , Philippe de Mailloc ,
d'une autre famille que les titulaires de la baronnie de
Mailloc; — enfin la Cousture, dont jouissait, en 1562,
Julien Cruerin , escuyer.
La paroisse de Meulles dépendait de l'élection de Lisieux ,
sergentcrie d'Orbec. Elle ; comptait 220 feux ou 1,100 ha-
bitants. La population actuelle est de 780.
Maistre Pierre Després, régent au collège Dubois vers
1517, docteur en théologie et très-grand prédicateur, a vu
le jour au village de Meulles.
FAMILLY (1).
Fami lly , Famille yum.
Comme Meulles, cette paroisse occupe une plaine, au milieu
de laquelle s'élève l'église isolée , sans agglomération de
maisons. Le château, situé un peu plus loin au nord de
l'église , occupe seul la ligne d'horizon ; sa silhouette est peu
mouvementée.
(1) Notes de M. Ch. Vasseur.
CANTON D'ORBEC. 755
L'église est sans importance et sans valeur architecto-
nique. Le portail pratiqué dans le pignon occidental est mo-
derne. La porte d'entrée se trouvait autrefois dans la dernière
travée du côté du sud. On en voit encore la trace : elle
avait un linteau droit sur lequel on avait tracé légèrement en
creux une accolade. Un porche , dont on trouve encore les
arrachements, la protégeait. Les fenêtres sont régulièrement
disposées sur les deux murs latéraux, divisés en quatre travées
par des contreforts. Ces fenêtres, ogivales ou cintrées sublri-
lobées , accusent la fin du style ogival tertiaire. En effet, la
construction ne doit pas être antérieure au XVIe siècle, car
les murs et les contreforts sont bâtis en grès, et l'exploitation
de ces roches n'a pas dû se faire avant la fin du XVe siècle.
Le clocher, en ardoise, n'offre rien à signaler; seulement,
au lieu d'être à cheval sur le faîte , suivant l'usage, il s'élève
sur l'angle sud-ouest, et sa base forme saillie à l'intérieur,
au-dessus de la porte primitive.
Le chœur , en retraite sur la nef, n'a aucun caractère qui
puisse mettre à même de déterminer l'époque de sa con-
struction ; les murs sont en blocage de silex non taillé , avec
angles en grès grossier, sans contreforts. Les ouvertures sont
du XVIIe siècle.
Le maître-autel à haut rétable, à tombeau droit , revêtu
d'un parement de toile peinte , peut remonter au XVIIe
siècle , mais il a certainement été retravaillé à une époque
récente.
La voûte a été blanchie , et on a coupé les entraits qui la
maintenaient.
Lare triomphal est ogival avec moulures prismatiques por-
tant sur des pieds-droits semi-cylindriques.
La voûte de la nef, assez bien conservée, accuse le XVe
ou le XVI* siècle. Ses sablières sont soutenues par des cor-
756 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
beaux de pierre fort saillants , comme nous en avons déjà
rencontré à Ouillie-du-Houlley , et au Mesnil-Guillaume.
Les deux petits autels dédiés à saint Jean-Baptiste et à la
Sainte- Vierge datent du règne de Louis XIV. Ils ont été
enlevés à l'église supprimée de la Halboudière. Leurs re-
tables se composent de deux colonnes torses avec ceps de
vigne , portant un fronton coupé en volute , avec une niche
en amortissement. Un tableau
occupe le centre.
Deux petites piscines ac-
compagnent ces autels.
Il reste aux fenêtres quel-
ques lambeaux de vitraux
dans le style de la Renaissance.
Les fonts baptismaux sont
en grès , de forme octogone ;
sans la date 1696 qu'on voit
sur une des faces, on les attribuerait facilement au XVIe
siècle.
La sacristie est surmontée d'une croix
en fer assez curieuse, dont nous croyons
devoir donner le dessin.
L'église de Familly est sous l'in-
vocation de saint Jean-Baptiste. Elle
était comprise dans le doyenné d'Or-
bec. Le patronage appartenait à l'évêque
de Lisieux. Suivant un acte des archives
du Calvados , du 5 septembre \kkk ,
ce droit lui fut contesté par le cha-
pitre , et en 1451 l'un et l'autre pré-
sentèrent de concert.
CAKTON d'oKBF.C. 757
Château — Le château est situé au nord de l'église, dans
une ligne parallèle, au milieu d'un vaste enclos et sans aucun
entourage. On peut considérer que ce qui existe actuelle-
ment n'est qu'une aile du château primitif, soit qu'il ait été
terminé , ou qu'il soit resté en projet. Un fossé devait en-
tourer le pied des murs : on en voit encore quelques traces
devant la façade du nord. L'architecture, dans ses princi-
pales parties , rappelle l'évêché de Lisieux. Toutefois , la
brique seule a été employée et d'après un système tout par-
ticulier.
Dans l'état actuel , la principale façade regarde le nord.
Elle est flanquée à ses extrémités par deux pavillons. Les
angles sont à refends ; les trumeaux , dans l'intervalle des
fenêtres, sont occupés par des cartouches ménagés en re-
creusant tout autour le parement de la muraille , enduit
ensuite d'un crépi jaunâtre qui fait ressortir la couleur rouge
de la brique. On a , par ce même procédé , tracé, au-dessus
du cordon de séparation des deux étages , une balustrade à
fuseaux renflés d'un galbe Jéger et délicat. Des lignes de
briques noires forment zigzag sur la frise de la corniche,
et dessinent des losanges sous l'appui des fenêtres (V. la
page suivante).
Le corps central compte cinq fenêtres et sa décoration est
semblable à celle des deux pavillons. Les combles sont en
ardoise , coupés harmonieusement par des lucarnes à fronton
alternativement triangulaire et circulaire. Ce motif est imité
certainement de la partie de l'évêché de Lisieux qui date du
règne de Louis XIII.
La façade du sud présente une disposition analogue dans
la moitié de son étendue ; l'autre moitié offre des amorces et
des remaniements confus qui indiquent évidemment qu'un
corps-de-logis, maintenant détruit, s'appuyait sur cette partie.
Ce devait être le corps principal.
758 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
PARTIE DE LA DÉCORATION EXTÉRIEURE DU CHATEAU DE FAMILLY.
CANTON D'ORBEC. 759
« Dans son état actuel , » dît M. Ch. Vasseur , « ce châ-
« teau n'est pas encore dépourvu d'importance. Le procédé
« employé pour sa décoration , avec une seule sorte de ma-
« tériaux vulgaires, en même temps ingénieux et écono-
« mique, indique un architecte consommé dont on doit
« regretter d'ignorer le nom. Est-il permis de faire une
« conjecture ? Cet architecte serait celui que Léonor de
u Matignon, évêque de Lisieux, employa à la reconstruction
(( de son palais épiscopal à la fin du XVIIe siècle. J'en trou-
« verais la preuve dans un même procédé de décoration
« employé pour transformer les murs du XIIe siècle , de
a l'aile occidentale , et dans les hardis emprunts faits par
et le constructeur de Familly au vieux bâtiment Louis XIII ,
« qui fait façade sur la place Royale. Le hasard , des re-
« cherches postérieures , viendront, j'espère , confirmer mes
« présomptions. Familly était un demi-fief de haubert
« d'abord possédé par des seigneurs du nom. En 1241 ,
« Nicolas de Familly renonce à toute prétention sur le pa-
« tronage. »
La Recherche de la noblesse, faite en 152&, trouva à
Familly Nicolas Lecourt , sieur du lieu , ennobli par le roi
Louis XI.
En 1562 , cette terre appartenait à Loys d'Irlande.
Un siècle après, en 1662, on la trouve entre les mains
de messire Adrian de Maintetcrnes , escuier , conseiller du
roy, vicomte enquesteur et commissaire examinateur en la
vicomte du Sap. Il vivait encore en 1676. C'est à lui, sans
aucun doute , qu'on doit la construction du château.
En 1789, I\l . d'Avernes était seigneur de Familly. Le
château est actuellement habité par M. le comte de Pardicu,
membre de l'Association normande.
La paroisse de Familly était comprise dans l'élection de
Lisieux , sergenterie d'Orbec. Elle comptait 61 feux ou 300
760 STATISTIQUi MONUMENTALE DU CALVADOS.
habitants. On y a réuni la Halboudièrc , dont nous allons
parler tout à l'heure , qui comptait également 300 habitants.
Aujourd'hui, ces deux paroisses réunies sont réduites à 277
âmes.
LA HALBOUDIERE (1).
La Halboudière , Halebouderia , Halbouderia.
La commune de la Halboudière a été réunie à celle de
Familly le 31 mars 1825.
L'église, supprimée, sert de grange. Le clocher a été
démoli.
La nef porte tous les caractères des XVe et XVIe siècles.
Elle est construite en grès taillé , de très-grande dimension.
Le portail, placé à l'ouest, est accompagné de quatre con-
treforts ; ceux du centre plus élevés. La porte est à linteau
droit. Les murs latéraux ont quatre gros contreforts sans re-
traites. Des fenêtres s'ouvrent dans chaque travée ; elles sont
toutes cintrées avec voussures à moulures prismatiques , et
celles qui occupent la travée la plus rapprochée du chœur
possèdent seules un meneau. On les avait faites plus larges ,
sans doute pour éclairer les petits autels.
La fenêtre intermédiaire , du côté du nord , est protégée
par une grille annelée en fer rond.
Le chœur est presque aussi long que la nef , en blocage
recrépi. A l'angle nord-est, on trouve les amorces d'un
contrefort qui n'existe plus. Ce chœur doit dater du XIIIe
siècle ; mais il a été repercé de fenêtres carrées au XVIIIe.
Alors on a bouché la grande fenêtre ogivale du chevet et
une lancette aiguë , placée au sud , dans la première travée.
Bien que divisé par des* cloisons , l'intérieur a gardé un
(1) Notes de M. Ch. Vasseur.
CANTON D'ORBEC. 761
aspect encore assez pittoresque , capable d'inspirer un artiste
ou un poète. La voûte de la nef , dont les douvettes étaient
bordées d'ornements dessinés en noir sur fond blanc , était
maintenue par deux fermes apparentes. La base du clocher
faisait saillie à l'ouest , au-dessus de la porte d'entrée.
Il n'y avait point d'arc triomphal ; la délimitation du chœur
et de la nef était indiquée par le retrait , et la voûte du
chœur ayant une base moins large était plus aiguë , afin
d'arriver a la même hauteur de faîte.
Le maître -autel est resté en place dans un délabrement
fort pittoresque ; il était conçu dans de petites proportions.
Le rétable consistait en deux colonnes torses portant un
entablement en trapèze. Des ceps de vigne courent du haut
en bas des colonnes , reliées au tiers inférieur par une cou-
ronne fleurdelisée.
La décoration de la voûte doit être contemporaine de cet
autel. Deux cartouches contiennent des inscriptions qui nous
font connaître la date exacte et le nom de l'auteur de ces
travaux.
M. P.
M. P. M.
MORIN
PBrc Curé
De • ce • Li
1639.
EU.
Il paraît qu'au moment de la Révolution les gens de la
Ilalboudière se distinguèrent par leur zèle pour le progrès et
Ils idées nouvelles , car ils firent un feu de joie de toutes les
statues de saints de leur église ; nous en avons retrouvé ,
sous l'autel, les tronçons informes et à demi brûlés, sauvés
762 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
par une main pieuse. On doit regretter , entre autres , une
Vierge qui devait avoir quelque mérite.
Les deux petits autels de la nef ont été transportés à Fa-
milly. Us étaient contemporains de celui du chœur.
Du côté du sud, on voit des vestiges de peinture
murale cachés autrefois par l'un d'eux. On ne distingue
plus que les contours d'un personnage esquissé à l'ocre
rouge, peut-être un saint Michel, avec quelques vestiges
d'ornementation architecturale. Cette peinture remonte au
moins au XIVe siècle. Sous la fenêtre voisine est une
petite piscine en accolade.
On trouve dans l'ébrasure d'une autre fenêtre le blason
d'une litre funèbre : trois croissants sur champ de gueules.
La croix du clocher , gisant parmi les débris , doit re-
monter au XIVe siècle. Elle est assez richement travaillée ,
comme le fait voir le dessin de M. Bouet. (V. la page 763.)
L'if du cimetière subsiste encore , vis-à-vis du portail ; il
mesure un peu plus de 7 pieds de circonférence.
L'église de la Halboudière , dédiée à Notre-Dame , faisait
partie du doyenné d'Orbec. Le patronage en appartenait à
l'évêque de Lisieux ; mais il lui fut plusieurs fois disputé
par les seigneurs temporels du lieu. On a une sentence des
assises du bailliage d'Orbec , du 29 juin U87» qui met à
néant les prétentions de Thomas Thiesse , qui regardait le
droit de présentation comme un privilège de son fief du
Trembley.
Au XVIIIe siècle , les pouillés attribuent le patronage au
seigneur.
D'après les recherches de M. Ch. Vasseur , la Halbou-
dière était un huitième de fief relevant de la baronnie d'Orbec,
et pendant tout le XVIe siècle les barons d'Orbec se quali-
fièrent seigneurs du lieu , de Bienfaite et de la Halboudière.
Néanmoins cette terre avait , dans ce temps-là même , des
CANTON D'OKBEC.
763
r 3
nOJX DK LA HALBOUDIÈBE.
764 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
seigneurs particuliers. On trouve parmi les nobles du bailliage
d'Évreux, en 1469, « maistre Guillaume Myée , prebtre ,
seigneur de la Halboudière et de Beauvoir. »
Un ancien a registre de la Recepte de la sieurie de
Beauvoir », de la Si-Michel 1476 à 1479, le mentionne
encore comme seigneur du même lieu avec ce protocole :
vénérable et discrète personne Guillaume Mièe , officiai de
Lisieux.
Il paraît probable qu'après lui le fief tomba en quenouille.
En 1524, on trouve en possession] de ce fief Guillaume
Thiesse, qui fait apparoir aux élus de Lisieux , comme il fut
déclaré noble par les commissaires des finances.
En 1562, Charles Thiesse, écuyer , se qualifie seigneur
du fief du Trembley , de la paroisse de la Halboudière. Un
acte de 1573 parle de Anthoine Thiesse, sieur de La Fon-
taine et de la Halboudière.
Avec le XVIIe siècle paraît une autre famille , celle
d'Epinay. En 1641 , Jean d'Epinay , seigneur de Campigny,
Grandval , la Halboudière , etc. , et Madeleine Ozanne , sa
femme , marient leur fille à Gabriel des Hays de Forval ,
seigneur de La Cauvignière. En 1697, les d'Épinay en jouis-
saient encore , et la litre funèbre signalée dans l'église doit
porter leurs armes.
LA FOLLET1ÈRE-ABENON (1).
La Folletière-Abenon.
Sur le penchant d'un coteau qui regarde le couchant, et
près des sources de l'Orbiquet , s'élève la petite église de la
Folletière dont la construction remonte à l'époque romane
(XIe ou XIIe siècle).
(1) Notes de M. Pannier.
CANTON D'OttBEC. 765
Les murs de la nef, dépourvus de contreforts, affectent la
disposition en arêtes de poisson.
Le chœur est en retraite sur la nef.
Toutes les fenêtres sont modernes, deux ouvertures éclai-
rent la nef, de chaque côté. Une fenêtre cintrée en brique
est percée dans chacun des murs latéraux du chœur.
Le clocher, autrefois couvert en essente, s'élève à l'extré-
mité occidentale de la nef. Deux petites fenêtres trilobées
s'ouvrent dans le mur occidental , dans lequel est pratiquée
une petite porte en brique sans caractère.
Une litre funèbre (avec écusson) apparaît sur les murs.
Les voûtes sont en lambris.
Le maître-autel, dans le style Louis XIV, est à colonnes
torses entourées de pampres.
Les deux petits autels latéraux , placés à l'extrémité de la
nef, datent du XVIIe et du XVIIIe siècle. L'entablement d'un
de ces autels est supporté par des colonnes cannelées.
Devant le portail se dresse un bel if.
Dans un pré , on voit la source principale de l'Or-
biquet ( V. la page suivante ) , qui est considérable , sort
de la craie verte et forme au pied d'un coteau une belle
nappe d'eau. J'en ai parlé dans ma Topographie gèognos-
lique du Calvados. Près de ces eaux croît le Phalaris arun-
dinacea , var. variegata , qui est cultivée dans nos jardins
anglais et fait l'ornement de nos pelouses.
A peu de distance de l'église , au midi , jaillit une autre
source en forme d'entonnoir , à laquelle on accède par un
escalier en pierre. Cette source , d'un effet pittoresque ,
est entourée d'arbres de haut jet qui la dérobent aux
regards.
Ça et là apparaissent, dans les vergers en côte qui bor-
dent le chemin, d'énormes blocs de grès.
La Molletière et Abenon , réunies par ordonnance du 22
706 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
CANTON d'orbec. 767
juin 1825 , formaient, avant cette époque , deux communes
distinctes.
ABENON (1).
Abenon, Abernon , Abernwn^ Abesnon.
La paroisse d'Abenon est réunie pour l'administration
civile et pour le culte à la Folletière. L'église est rasée. J'ai
été assez heureux, en 1851, pour la visiter et en faire un
croquis.' Elle était située dans la vallée , sur la rive droite de
la rivière , et dominée par un coteau boisé. Elle appar-
tenait à trois époques distinctes. La partie sud-est de h nef,
construite en blocage avec un large contrefort plat, était
romane. Le reste ainsi que le mur latéral du nord et le
pignon de l'ouest , construits en grand appareil , dataient du
XVIe siècle. Le chœur ne devait pas être plus ancien que le
XVIir siècle. Les ouvertures étaient contemporaines des
parties dans lesquelles on les avait pratiquées.
Le clocher consistait en un corps carré portant une pyra-
mide octogone , recouverte d'essente. Il était assis à peu près
au centre de la nef.
L'intérieur, ouvert à tout venant, n'avait conservé aucun
mobilier. Les voûtes , cintrées et lambrissées en sapin ,
s'effondraient , et les murs verdis laissaient à peine voir les
traces d'une litre funèbre aux armes de la famille d'Irlande ,
qui possédait le fief au dernier siècle. Pourtant le patronage,
d'après les pouillés , appartenait à l'abbaye de l'Isle-Dieu.
L'église était dédiée à saint Barthélémy.
Administrativement, elle dépendait de l'élection de Lisienx,
sergenterie d'Orbec. On y comptait 55 feux , environ 275
(i) Noies de M. Ch. Vasscur.
778 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
tretenue avec soin. C'est une simple nef en moellon avec
chaînages de pierre de marne et corniche classique, qui doit
dater seulement du dernier siècle. Six fenêtres cintrées, dis-
posées symétriquement, l'éclairent. Le chevet est droit, sans
ouvertures. Le portail consiste en une grande porte cintrée.
Au-dessus du pignon s'élance le petit clocher, d'une forme
assez élégante, autrefois revêtu d'essente. La croix et le coq
paraissent anciens. Rien à remarquer à l'intérieur. La voûte
est en bois.
Le domaine seigneurial de la Vespière est attenant à l'église.
Une belle habitation moderne s'élève au milieu d'un parc
frais et riant sillonné par de belles eaux. C'est la demeure
de M. le comte du Merle, dont les ancêtres étaient seigneurs
de la Vespière. La Vespière était un quart de fief de haubert,
dans lequel était comprise la sergenterie noble de Chambroys.
Guillaume Fouquet en était seigneur en 1^63 et 1A69.
A la fin du même siècle, on le retrouve aux mains de la
famille de Myée, d'où il passa par alliance dans la famille
de Franqueville. Au XVIIe siècle, il appartint aux Le Michel,
puis dans le XVIIIe aux du Merle.
Le patronage de l'église appartenait au trésorier du
chapitre de Lisieux ; cependant , au dernier siècle , il fut
exercé par le chapitre et le seigneur laïque alternativement.
Dédiée à saint Ouen, l'église faisait partie du doyenné
d'Orbec.
Il existe en outre, sur le territoire de la Vespière, un
fief nommé Mervilly. C'est la propriété de M. le comte de
Graveron. Des plantations d'arbres résineux entourent l'ha-
bitation, qui est moderne.
Le Bulletin monumental de 1863 contient une notice de
M. de Toulmon sur l'ermitage, devenu plus tard prieuré
de St-Chrislophe de Mervilly. Une partie de la chapelle
subsiste encore.
CANTON d'orbec. 779
Le litre le plus ancien, relatif à cet établissement religieux,
est une charte de 1208, souscrite par Jehan de Thanney et
Erernbour, sa femme. En 1210, Jourdain du Hommet,
évêque de Lisieux, en disposa en faveur de la Maison-Dieu
de Lisieux. Le domaine se composait alors de ZiO acres de
terre. En 1688, Mervilly fut érigé en prieuré. Il fut supprimé
en 1790.
La paroisse de la Vespière compte 409 habitants. Au der-
nier siè'cle, elle n'en possédait que 300 (62 feux). Elle faisait
partie de l'élection de Lisieux, sergenterie d'Or bec.
CERQUEUX (1).
Cerqueux, Sarcophagi.
L'église de Cerqueux est placée sous le vocable de saint
Pierre.
La nef, dont les ouvertures ont été refaites au XVIe siècle ,
était primitivement romane et dépourvue de contreforts. Un
seul contrefort saillant , du XVIe siècle , est placé vers l'ex-
trémité orientale. La corniche a été détruite. Le mur mé-
ridional , en cailloutis , laisse voir un appareil grossier en
feuilles de fougère.
Quatre fenêtres, deux grandes et deux petites, dont une
du XVIe siècle, éclairent la nef de ce côté. L'une des grandes
fenêtres ,est ogivale et formée d'une seule baie trilobée ;
l'autre a été refaite anciennement.
Le mur septentrional , recrépi , offre des chaînages en
pierre indiquant une reconstruction. Il est percé seulement
de deux fenêtres dont une ogivale , trilobée , est entourée
d'une large gorge ou scolie. Il était primitivement roman ,
(1) Noies de M. Pannier.
770 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
plâtrée : elle s'appuie sur
des pièces de bois placées ver-
ticalement le long des murs.
On voit encore les mortaises
dans lesquelles s'engageaient
les poteaux sur lesquels porte
la sablière.
La voûte du chœur est en
cul-de-four. L'écusson du
Chapitre de Lisieux {une clef
en sautoir , cantonnée de
quatre étoiles ) se détache de
la voûte du chœur.
Lji poutre crucigère qui,
dans les anciennes églises ru-
rales sépare le chœur de la
nef, a été conservée.
La baie cintrée placée à
gauche du chœur offre des
fragments de vitraux de la
Renaissance. La partie infé-
rieure de la fenêtre repré-
sente le Christ en croix , ac-
compagné de la Vierge et de
saint Jean ; dans le fond est
peint le château de Castille.
La bordure est semée de co-
quilles.
A côté de la large fenêtre
que l'on voit à droite est placé
un beau cadre quadrangu-
laire renfermant un riche mé-
daillon entouré de feuilles
CANTON D'ORBEC. 771
de chêne et de raisins. Des têtes d'anges sont placées dans
les angles. La toile a été enlevée du cadre.
Les fonts baptismaux à huit pans, d'une forme sévère,
datent du XVIe siècle, selon toute apparence.
Nous avons trouvé dans l'église un coffre dont nous
offrons un dessin.
Prieuré. — Il existait à Friardcl, avant la Révolution ,
un prieuré conventuel de l'ordre des chanoines réguliers de
St- Augustin. Ce prieuré , placé sous le vocable de St-Cyr,
a été fondé vers la fin du XIIe siècle , ou dans les premières
années du XIIIe, par Isabelle d'Orbec et Gilbert deSaussaye,
son époux.
Cette fondation , ainsi que les donations qui l'accompa-
gnèrent, furent confirmées par le pape Honorius III en 1222.
772 STATISTIQUE MONUMElNTAi.E OU CALVADOS.
Vers 1231 , Guillaume de Friardel , chevalier, concéda aux
moines du prieuré le droit de patronage sur les églises de
St-Martin-de-Friardel et de St-Pierre de Grandcamp.
D'autres seigneurs firent des donations au prieuré en
125&, 1302, 1368 et U18. Au commencement du XVe
siècle , les immeubles possédés par le prieuré s'étendaient
sur les paroisses environnantes (la Goulafrière, Cerqueux ,
Préaux , St-Pierre-des-Essarts , etc. ).
Au XVIIe siècle, le prieuré de Friardel vit naître dans son
cloître la Réforme de Bourg-Achard , dont parle Héliot dans
son Histoire des ordres monastic/ues. Cette réforme fut
embrassée , peu de temps après , par cinq abbayes et six
prieurés importants.
L'église de l'ancien prieuré est bâtie dans un vallon , au
pied d'un coteau couvert de bruyères.
La construction de cet édifice remonte au XIIIe siècle.
Du côté septentrional, les murs latéraux, d'une grande élé-
vation et dépourvus de contreforts , sont construits en gros-
sier blocage que recouvre un ancien crépi*
CANTON D'ORBEC. 773
Quatre fenêtres ogivales, à une seule baie, se montrent
dans la partie supérieure du mur septentrional. La forme de
ces fenêtres, aujourd'hui bouchées et plus apparentes à l'in-
térieur du vaisseau, accuse le XIIIe siècle.
Le mur méridional, élevé au XIVe siècle, offre quatre
fenêtres ogivales élancées, partagées en deux baies par un
meneau vertical. Le tympan est percé d'un large oculus. Un
simple chanfrein entoure ces fenêtres, d'un travail rudi-
menlaire. Des contreforts à plusieurs retraites, terminés dans
la partie supérieure par un fronton triangulaire, soutiennent
le mur.
Deux contreforts saillants de hauteur inégale, dont l'un à
double glacis, sont appliqués contre la façade de la chapelle
qui regarde l'Occident. Une fenêtre ogivale très-grande et
une fenêtre moins large, à deux baies en forme de lancettes,
avec moulures en chanfrein , renfermée dans la première ,
s'ouvraient au-dessus de la porte. Le cordon extérieur est
terminé par des têtes grimaçantes. A gauche de cette fe-
nêtre est pratiquée une ouverture carrée du XVIe siècle, en-
cadrée de moulures toriques. On voit, de chaque côté, deux
consoles qui supportaient un petit toit en encorbellement.
Au-dessous s'ouvrait une autre fenêtre carrée, plus grande
que la précédente.
La porte est à plein -cintre et date du XVIIe siècle. Elle
est enroulée de moulures toriques très-petites.
De chaque côté de cette porte se détachent des pierres en
forme de consoles, lesquelles probablement servaient de
supports à la toiture d'un ancien porche.
La partie supérieure du gable, dans laquelle sont prati-
quées de petites ouvertures en forme de meurtrières , offre
alternativement des assises ou chaînes horizontales de pierres
de taille et de silex.
Un clocher en charpente s'élevait au-dessus du gable,
ainsi que l'atteste l'abaissement du toit à cet endroit.
11U STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Cette chapelle, qui se terminait à l'orient par un chevet
circulaire ou à pans coupés, qui a été détruit lorsqu'on a
bâti la maison de maître actuelle, mesurait 100 pieds de lon-
gueur sur 30 de largeur.
Les murs de la nef offrent à l'intérieur de curieuses fres-
ques ( V. la page suivante ) et de nombreux écussons dont
M. Bouet, membre de la Société française d'archéologie,
a fait plusieurs dessins.
Sous les arcades cintrées, pratiquées dans les murs laté-
raux, étaient placés autrefois des tombeaux.
La voûte est en merrain , avec entrails et poinçons dé-
corés de sculptures.
Bâtiments de l'ancien prieuré. — En face le portail de
l'abbaye s'élève un long bâtiment , construit en bois avec
tuiles entre les colombages , formant des dessins variés. Ce
bâtiment mesure 18 mètres de longueur. L'étage supérieur,
revêtu de planches, est ancien et en retraite sur le rez-de-
chaussée. Les planches sont embrevées dans les montants.
CANTON DOKBEC.
775
776 STATlSTIQUi: MONUMENTALE DU CALVADOS.
La sablière est très-belle. Le poteau cornier est décoré , dans
la partie supérieure , de petits pendentifs. L'écusson suivant
se voit sur un des poteaux.
Ce bâtiment, qui date de la fin du XVe siècle ou du com-
mencement du XVIe, était autrefois à usage de grange.
Un second bâtiment moins ancien , et dont la longueur est
seulement de 9 mètres, se relie au premier.
On a exagéré la valeur des tableaux qui ornaient la ga-
lerie du château et provenaient de l'ancien prieuré. La plu-
part étaient des copies de bons tableaux, entre autres la
toile représentant La Vie humaine et plusieurs jolis la-
CANTON D'ORBEC. 777
bleaux d'après l'Albane, célèbre peintre italien qu'on a sur-
nommé avec raison le peintre des Grâces.
Le 16 juin, l'Église de Lisieux faisait office de saint Cyr
et de sainte Julitle , sa mère , qui étaient patrons du prieuré
de Friardel. ( Vies des saints patrons du diocèse de Lisieux,
par l'abbé Le Provost.)
Voici les noms de quelques-uns des prieurs de Friardel :
Gilbert, qui vivait en 1231 ;
Guillaume Canu, 16e prieur, en 1317 ;
Guy Pichot, en 1^50 ;
Guillaume , évêque de Porphyre , commendataire en
1685 et 1&98;
Marin Labbé, en 1539;
Robert Boullene, premier aumônier de la reine-mère,
en 1625 ;
Guillaume Bochard de Champigny, docteur en Sor-
bonne, en 1685.
De Cambon, vicaire-général de l'archevêque de Tou-
louse, était titulaire de Friardel depuis 1775, lorsque la Ré-
volution éclata.
On trouve dans les archives du Calvados un grand nombre
de pièces, de différentes dates, qui concernent ce monastère.
Le cartulaire du prieuré existe à la Bibliothèque impériale
de la rue Richelieu.
LA VESPIÈRE.
La Vespière, Vesperia, Wasperia, Guespere, la Vcspière.
La Vespière peut être considérée comme un faubourg
d'Orbec, et dès le XVIIe siècle, beaucoup de magistrats
du bailliage y avaient établi leur résidence.
L'église de la Vespière est supprimée ; mais elle est en-
778 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
tretcnue avec soin. C'est une simple nef en moellon avec
chaînages de pierre de marne el corniche classique, qui doit
dater seulement du dernier siècle. Six fenêtres cintrées, dis-
posées symétriquement, l'éclairent. Le chevet est droit, sans
ouvertures. Le portail consiste en une grande porte cintrée.
Au-dessus du pignon s'élance le petit clocher, d'une forme
assez élégante, autrefois revêtu d'essente, La croix et le coq
paraissent anciens. Rien à remarquer à l'intérieur. La voûte
est en bois.
Le domaine seigneurial de la Vespière est attenant à l'église.
Une belle habitation moderne s'élève au milieu d'un parc
frais et riant sillonné par de belles eaux. C'est la demeure
de M. le comte du Merle, dont les ancêtres étaient seigneurs
de la Vespière. La Vespière était un quart de fief de haubert,
dans lequel était comprise la sergenterie noble de Chambroys.
Guillaume Fouquet en était seigneur en 1^63 et 1&69.
A la fin du même siècle, on le retrouve aux mains de la
famille de Myée, d'où il passa par alliance dans la famille
de Franqueville. Au XVIIe siècle, il appartint aux Le Michel,
puis dans le XVIIIe aux du Merle.
Le patronage de l'église appartenait au trésorier du
chapitre de Lisieux ; cependant , au dernier siècle , il fut
exercé par le chapitre et le seigneur laïque alternativement.
Dédiée à saint Ouen, l'église faisait partie du doyenné
d'Orbec.
Il existe en outre, sur le territoire de la Vespière, un
fief nommé Mervilly. C'est la propriété de M. le comte de
Graveron. Des plantations d'arbres résineux entourent l'ha-
bitation, qui est moderne.
Le Bulletin monumentale 1863 contient une notice de
M. de Toulmon sur l'ermitage, devenu plus tard prieuré
de St-Christophe de Mervilly. Une partie de la chapelle
subsiste encore.
CANTON iVORBEC. 779
Le litre le plus ancien, relatif à cet établissement religieux,
est une charte de 1208, souscrite par Jehan de Thanney et
Erembour, sa femme. En 1210, Jourdain du Hommet,
évêque de Lisieux, en disposa en faveur de la Maison- Dieu
de Lisieux. Le domaine se composait alors de U0 acres de
terre. En 1488, Merviliy fut érigé en prieuré. Il fut supprimé
en 1790.
La paroisse de la Vespière compte 409 habitants. Au der-
nier siè'cle, elle n'en possédait que 300 (62 feux). Elle faisait
partie de l'élection de Lisieux, sergenterie d'Orbec.
CERQUEUX (1).
Cerqueux , Sarcophagi.
L'église de Cerqueux est placée sous le vocable de saint
Pierre.
La nef, dont les ouvertures ont été refaites au XVIe siècle ,
était primitivement romane et dépourvue de contreforts. Un
seul contrefort saillant , du XVIe siècle , est placé vers l'ex-
trémité orientale. La corniche a été détruite. Le mur mé-
ridional , en cailloutis , laisse voir un appareil grossier en
feuilles de fougère.
Quatre fenêtres , deux grandes et deux petites , dont une
du XVIe siècle, éclairent la nef de ce côté. L'une des grandes
fenêtres ,est ogivale et formée d'une seule baie trilobée ;
l'autre a été refaite anciennement.
Le mur septentrional , recrépi , offre des chaînages en
pierre indiquant une reconstruction. Il est percé seulement
de deux fenêtres dont une ogivale . trilobée , est entourée
d'une large gorge ou scolie. Il était primitivement roman ,
(1) Notes de M. Pannier.
780 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
sans ouvertures et dépourvu de contreforts. Un porche
élancé, du XIVe siècle , précède le mur occcidental qui est
sans caractère. Sur l'un des montants ou pieds-droits du
porche est sculpté l'écusson de la famille de Lalande , com-
posé de trois étoiles.
Le clocher , revêtu d'essente et percé d'ouvertures ,
présente une base carrée en charpente surmontée d'une
pyramide octogone , garnie sur les faces principales de
lucarnes cintrées, avec abat-sons, et couronnées d'un fronton
triangulaire correspondant aux angles de la base (commen-
cement du XVIe siècle).
Le chœur , en retraite sur la nef, est construit en grand
appareil et date du XVIe siècle. Il se termine, à l'orient, par
un chevet droit percé d'une longue fenêtre cintrée , masquée
par une petite sacristie en bois. Aux extrémités du mur
oriental s'élèvent deux contreforts saillants à glacis très-
inclinés.
Une grande fenêtre ogivale géminée , partagée en deux
par un meneau prismatique , s'ouvre dans le mur septen-
trional. Deux larges compartiments en forme de flammes
décorent le tympan.
Le mur méridional est percé de deux larges fenêtres sem-
blables à la précédente. L'une de ces fenêtres a perdu son
meneau et sa tracerie flamboyante: ils auront probablement
été coupés afin de laisser pénétrer plus de jour dans le
chœur. ,
L'arc triomphal , déforme ogivale, date du XVIe siècle.
Les chapiteaux qui terminaient les colonnes sur lesquelles il
s'appuyait ont été détruits.
La voûte du chœur est en merrain. Elle repose sur une
jolie sablière, décorée de losanges garnis de feuillages et d'en-
trelacs.
La voûte de la nef est également en merrain.
CANTON D'ORBEC. 781
Une piscine , surmontée également d'une ogive en acco-
lade , se voit aussi dans la nef.
Au midi se dresse un bel if.
La commune de Cerqueux a été réunie à Friardel.
Cerqueux-la-Campagne avait pour patron , aux XIVe et
XVIe siècles, le prieur de St-Cyr-de -Friardel; au XVIIIe,
le seigneur.
ORBEC (chef- lieu) (i).
Il n'entre pas dans le plan de cette statistique de s'étendre
sur l'histoire des villes et localités importantes. Tôt ou tard il
se trouvera , sans doute , des écrivains pour entreprendre
ces travaux , qui ne sont pas'dépourvus de charme. Orbec,
chef-lieu d'un des grands bailliages de Normandie , domaine
royal et baronnie possédée successivement par les plus puis-
santes maisons , exigerait plus d'un volume. Cette ville, qui
compte aujourd'hui 3,266 habitants (un cent de moins qu'en
1760), est construite sur la rive droite de l'Orbiquet , et
s'étage sur la pente assez raide du coteau qui circonscrit la
vallée. La difficulté opposée aux constructions par cette pente
rapide fait que la ville a pris surtout son extension du nord
au sud, parallèlement à cette vallée. C'est dans cette direction
que se développe la grande rue, autrefois le Pavé du Roy ,
qui doit avoir suivi le tracé de la voie romaine de Lisieux.
Au centre de cette large voie étaient bâties les halles, sur-
montées de la cohue ou salle commune pour les délibérations
des habitants. Mais l'administration très -progressive de la
ville d'Orbec a fait jeter bas ces vieilleries , que remplace un
coquet Hôtci-de- Ville en briques et plâtre, établi dans les
quartiers neufs.
Cette artère principale partage la ville en deux parties à
(4) Noies de M. Ch. Vasseur.
782 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
peu près égales. A droite, l'église, les Augustins , le bailliage
et quelques maisons qui ne sont pas dépourvues d'intérêt ; à
gauche, le château, l'hôpital, la geôle, les Capucins.
Eglise paroissiale. — L'église paroissiale d'Orbec est sous
l'invocation de Notre-Dame. Les curés étaient à la nomina-
tion de l'abbé du Bec-Hellouin ; mais les seigneurs d'Orbec
y avaient une chapelle particulière, dédiée à saint Jean, dont
ils s'étaient réservé le patronage. Le plan de cet édifice est
fort irrégulier. La construction n'est pas homogène : l'ana-
lyse fait voir que les diverses parties appartiennent à des
époques fort différentes. L'intérieur se décompose en une
nef centrale, flanquée de deux collatéraux de largeur inégale:
au midi, une chapelle en transept ; au nord , une chapelle
irrégulière et une tour massive.
Dans le pignon occidental, flanqué de trois contreforts,
s'ouvre la porte principale , à double baie carrée divisée par
un trumeau central que surmonte une fenêtre ogivale à trois
meneaux, dont la tracerie se compose de trois rangs de
quatre-feuilles. Une autre fenêtre ogivale éclaire le bas-côté
nord. Au sud, la nef est régulièrement divisée, par des
contreforts , en cinq travées percées de fenêtres ogivales
flamboyantes. La chapelle , en saillie sur ce bas-côté , ap-
partient également au style ogival tertiaire. Le mur latéral
du nord, qui comprend deux travées, n'a aucune ouverture.
A la suite vient la tour carrée, à la base massive et «ans ou-
vertures , à l'exception d'une porte à deux baies carrées
garnies de vantaux à panneaux flamboyants. Deux contre-
forts placés d'angle buttent les murs, d'une épaisseur très-
considérable. Sur ce corps carré se trouve en retraite un
second étage plus svelle, percé sur chaque face de fenêtres
cintrées et orné de tous les détails usités à la Renaissance,
par conséquent un peu postérieur à la première partie. Un
CANTON D'OKBEC. 783
toit à double épi, en ardoise , ajouré sur chaque face d'une
petite lucarne trilobée surmontée d'un épi en plomb, ter-
mine cette tour, qui des coteaux voisins produit un effet assez
bon , malgré sa robuste structure , rappelant le donjon.
Entre la tour et le chœur se développe une très-vaste cha-
pelle à angle coupé, percée de quatre fenêtres flamboyantes.
Le chœur peut remonter au commencement du XIIIe
siècle; ses contreforts sont construits en poudingue, avec
deux retraites ; malheureusement les ouvertures primitives
ont été dénaturées.
L'irrégularité du plan produit à l'intérieur un effet peu
agréable ; mais dans les détails on trouvera de curieux sujets
d'examen.
Six arcades ogivales, portées par des colonnes sans chapi-
teaux, font communiquer la nef avec les bas-côtés et le
transept.
Toutes les voûtes sont en merrain , avec charpentes ap-
parentes, excepté celle de la base de la tour.
Les fenêtres conservent encore des restes notables de leurs
magnifiques verrières : la restauration en serait facile. J'y ai
reconnu, parmi des fragments moins importants, une Vierge-
Mère, une sainte Anne, un saint Louis, un arbre de Jessé,
et dans la chapelle du nord, dédiée à saint Jean-Baptiste, le
martyre du Saint en plusieurs tableaux.
Deux pierres tumulaires se trouvent dans la chapelle du
sud et -dans l'extrémité du collatéral, devant l'autel. Voici
les inscriptions qu'elles portent :
ICI REPOSE
MESSIRE CLAUDE DU MERLE
ECUYER SEIGNEUR DE
5. GERMAIN DE LA CAMPAGNE
d'orbec EN PAKTIE
ET DE LA VESPIERRE
784 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
DÉCÉDÉ LE 28 AVRIL 1758
ÂGÉ DE 69 ANS
PRIEZ DIEU POUR LUI.
ICI REPOSE
MESSIRE PIERRE DU MERLE
ECUYER SEIGNEUR DB
S. GERMAIN DE LA CAMPAGNE
ET D'ORBEC EN PARTIE
DÉCÉDÉ LE 28 AVRIL 4 720
PRIEZ DIEU POUR LUI.
Les boiseries de l'orgue, dans le style de la Renaissance,
soni assez remarquables , ainsi que celles de la porte du nord
qui sont en style gothique.
Le chœur est entouré d'une grille en fer contourné du
dernier siècle.
Le maître-autel, style Louis XIV, est d'une très-belle exé-
cution. Le ré table consiste en quatre colonnes torses à ceps
de vigne d'ordre composite portant un entablement, à arc
surbaissé , surmonté de volutes sur lesquelles sont assis des
anges qui tiennent les instruments de la Passion. |Un cadre
sculpté, à angles rentrants concaves , entoure une toile re-
présentant l'ensevelissement de Notre-Seigneur. Ce tableau a
de la valeur.
Le tabernacle, semi-hexagonal, est cantonné sur les angles
de colonnettes en faisceau. Les cinq niches abritent ies sta-
tuettes du Sauveur et des quatre Évangélistes. Enfin, trois
médaillons renferment le Père-Éternel, N. -S. Jésus -Christ
et la Sainte- Vierge.
Cet autel est presque identique à celui de St-Martin-de-
Bienfaite, et son exécution est due incontestablement au
même ouvrier. Il occupait, avant la Révolution, le fond de la
chapelle des Dames Augustines. L'ancien maître-autel, moins
CANTON D'ORBEC. 785
important , a été reporté dans la chapelle du sud. Égale-
ment du règne de Louis XIV, M. Raymond Bordeaux l'avait
signalé dans ses Excursions archéologiques dans la vallée
d'Orbec, en 1851. Il est, dit-il, « décoré d'un tableau
malheureusement très-altéré par des retouches grossières,
mais qui peut avoir encore quelque intérêt pour l'histoire
de la peinture provinciale au XVIIe siècle. — Il est signé
ainsi :
a 16M. G. Rugé pingebat. »
Nous plaçons ici un dessin de la clanche d'une des
portes de l'église , que nous devons à M. Bouet.
50
786 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
On trouve dans la sacristie deux statues du moyen-âge :
saint Louis et saint Eloi, et une chasuble dont les broderies
datent du XVIe siècle.
La cloche principale est ancienne et fort belle. Elle ne
porte que cette courte inscription :
f IAY
. ESTE • FAICTE
. EN • l'hONNEVR
TRINITE
• AV • MOIS • DE
. IV1N . 1700.
1EAN AVBERT
DE LISIEVX
MA FAICTE.
Les trois autres cloches de la sonnerie datent de 1819 et
1866.
Hôtel-Dieu. — L'Hôtel-Dieu d'Orbec offre un intérêt tout
particulier. Il date du XVIe siècle et on peut retrouver en-
core ses dispositions primitives.
Malheureusement l'administration
municipale va porter la sape au
pied d'une partie de ces curieuses
constructions , pour mettre mieux
en évidence une bâtisse neuve des-
tinée à loger le personnel.
En dégageant l'édifice primitf des
additions pratiquées aux XVIIe et
XVIIIe siècles, on trouve une cha-
pelle avec nef à double étage et une
vaste salle qui s'appuie sur le mur
latéral du nord. La façade se développe sur la grande rue.
Elle est construite en briques (V. la page suivante), butée
par deux contreforts très-saillants. La porte est une ogive
obtuse à deux voussures en retraite , biseautées. Un léger
CANTON D'ORBEC. 78
encorbellement, au niveau du plancher de l'étage supé-
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SPÉCIMEN DES MURS EN BRIQUES.
rieur, a permis de placer une corniche sculptée en relief. Au
centre s'offre un blason dont la forme accuse le XVe siècle.
Il est parti au premier de deux fasces et d'une pièce ondulée
en pointe; au deuxième peut-être d'un lion. A droite est un
autre blason incliné sur le flanc dextre , soutenu par deux
anges et sommé d'un casque à lambrequins. Il est meublé
des mêmes pièces que la première partition du précédent.
L'autre extrémité de la frise , fort dégradée , représentait
des personnages en ronde-bosse , peut-être la Vierge Mère-
de-Douleurs et un personnage debout.
On a incrusté dans le contrefort du sud une autre compo-
sition en bas-relief, où j'ai cru reconnaître le baptême de
Nôtre-Seigneur. Évidemment ces sujets ne sont pas à leur
place, et leur style indique une époque antérieure à la con-
struction dans laquelle ils sont encastrés. Ce petit portail est
couronné par un campanille garni de plombs repoussés, dont
nous offrons un croquis fait par M. Bouet ( V. la page sui-
vante). Ce clocher a l'apparence d'un beffroi et peut-être
en avait la destination. On voit que ces ornements portent
les caractères de la Renaissance.
Vers le nord, adossée au portail que je viens de décrire, se
trouve la salle de l'Hôpital, bâtie également en briques. Ses
fenêtres sont carrées, avec croisées de pierre. Une porte par-
788 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
O— - ^H *A O
CANTON D'ORBEC. 789
ticulière s'ouvre sur la rue dans le rez-de-chaussée. Le mur
commun à la nef de la chapelle et à cette salle est percé
d'arcades surbaissées, maintenant bouchées, mais dont on re-
connaît parfaitement la situation. On les avait sans doute,
dans l'origine, garnies de châssis ou d'une clôture mobile
que l'on ouvrait pendant les offices, afin de permettre aux
malades et à leurs infirmiers d'assister aux cérémonies du
culte.
Comme la nef est dans une proportion fort restreinte, on
l'a partagée dans sa hauteur par un plancher qui forme une
vaste tribune ouverte sur le chœur , avec une balustrade
à fuseaux au-dessous de laquelle règne une frise sculptée
de rinceaux. Cette boiserie , d'une bonne exécution, peut
remonter au règne d'Henri III. L'escalier en vis qui y
donne accès est construit en briques , il est curieux à
étudier.
Le chœur , bâti en pierre de taille, se compose de trois
travées ; la dernière en pan coupé , avec contreforts sur
les angles et fenêtres à traceries flamboyantes. Les voûtes en
pierre, à arceaux prismatiques, sont reçues par des faisceaux
de colonnettes garnies d'un listel, mais sans chapiteaux. Ces
faisceaux sont coupés par des niches avec consoles et dais
gothiques, privés de leurs statues. En 1851, M. R. Bor-
deaux y avait vu des « statuettes peintes et dorées, qui étaient
incontestablement supérieures à ces banales figures de plâtre
blanc, aujourd'hui devenues de mode dans les églises » et
qu'on finira probablement par y mettre. Deux des clefs de
voûte portent des figures singulièrement groupées , où l'on
reconnaît les instruments de la Passion.
Signalons enfin le bel épi en plomb , du XVe siècle , qui
surmonte le poinçon du chevet (V. la page suivante).
On parle de changements notables projetés pour mettre
790 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS
cette chapelle intéressante plus en har-
monie avec le nouvel Hospice. Espérons
qu'il n'en sera rien.
Dédiée à saint Rémi ; la nomination
du titulaire appartenait à l'évêque de
Lisieux.
Les fenêtres possèdent des débris de
leurs anciennes verrières. Deux vitres
neuves , dans le style du monument ,
ont été tout récemment exécutées par
M. Duhamel, d'Évreux.
Outre son Hôpital, Orbec possédait
encore, au moyen-âge, une Léproserie ;
mais j'en ignore l'emplacement.
Capucins. — Le couvent des Ca-
pucins a disparu aussi à peu près. Il
fut établi en 16&6, grâce aux généro-
sités de la maison de Melun , qui pos-
sédait le domaine de la Cressonnière.
A l'entrée de la ville, sur le chemin de
Lisieux, ses beaux jardins en amphi-
théâtre servaient de gradins à la maison,
construite, comme celle de Lisieux, avec
un préau central entouré d'un cloître. Derrière se trouvait
un vaste verger , puis un bois percé de belles allées , qui
occupait le sommet du coteau. Ce vaste enclos était en-
touré de murs.
Augustines. — Le couvent des Augustines a été divisé, et
c'est sur une partie des terrains qu'il occupait que s'élève le
nouvel Hôtel -de-Ville. L'église a été transformée en halle
après la destruction de l'édifice alîecté à cet usage. Nous allons
CANTON D'ORBEC. 791
laisser , pour sa description , la parole à M. Raymond
Bordeaux , qui s'exprimait ainsi il y a quelques années :
« Il eût fallu certainement comprimer nos instincts d'ar-
chéologue pour ne pas faire le tour de cette ancienne église
des Augustines, dont le clocher d'ardoise et les ogives effon-
drées attiraient notre curiosité. L'architecture en est d'ail-
leurs fort simple et sans aucunes sculptures ; et, bien que
les fenêtres soient ogivales , celte chapelle ne nous parut
point remonter plus loin que les premières années du XVIIe
siècle.
« Ce fut dans cette église qu'on déposa les restes d'un des
plus illustres jurisconsultes normands. Josias Bérault, né à
Laigle, en 1563, avocat au Parlement de Rouen et conseiller
à la Table de Marbre, vint habiter à la Vespière, village qui
forme en quelque sorte un faubourg d'Orbec On dit qu'il y
travailla à ses Commentaires sur la Coutume de Normandie.
Mort vers 1667, il eut pour dernière demeure cette chapelle
des Augustines, où sa cendre repose peut-être encore sous
quelque dalle effacée. »
Les dames Augustines, sous l'invocation de saint Joseph,
furent fondées en 1632, par Mme Claude Alexandre, veuve
de Jacques Le Portier de La Surière. Chassées par la Révo-
lution, elles sont revenues à leur berceau après la tourmente,
et elles possèdent de l'autre côté de la ville un pensionnat
prospère.
Maisons. — Les rues sont encore bordées de vastes hôtels
du XVIIe ou du XVIIIe siècle, sévères comme les magistrats
du bailliage auxquels ils servirent de demeure. Malheureuse-
ment , trop vastes pour les habitudes rétrécies de notre
époque, ils auront bientôt disparu. Leur description entraî-
nerait loin, et exigerait, pour être complète, des détails his-
toriques trop abondants pour entrer dans cette statistique.
792 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Indiquons seulement, dans la grande rue, une maison de
bois de la fin du XVIe siècle : on y lit la date de 1568. Les
entrecolombages sont garnis de tuiles inclinées ; les sablières
étaient couvertes de fleurons, d'oves et de godrons, tandis
que les poteaux se chargeaient de larges feuillages en con-
soles. La lucarne, aussi richement ornée, est aujourd'hui
découronnée. Sur un des poteaux corniers on voit une en-
seigne dessinée par M. Bouctv et
représentant un apothicaire pré-
parant ses drogues dans un mor-
tier.
La maison voisine date du XVe
siècle. Elle est sans sculptures ;
mais ses moulures , bien profilées ,
méritent un coup-d'œil.
Au bas de la ville, non loin de la
route de Livarot et du point où
les anciens plans placent le Bail-
liage , existe encore une tourelle
de pierre octogone , ornée sous le
larmier d'une frise de feuillages
gothiques fortement fouillés. Des
pinacles feuillages font contreforts
sur les angles. Les baies, largement
ouvertes , sont carrées , entourées
d'une gorge où l'on a ménagé des
guirlandes du même genre. Le toit était pyramidal , couvert
en ardoise. Cette tourelle , œuvre du XVe siècle , dépendait
d'une maison en bois assez importante , qui s'est trouvée
modifiée au XVIIe siècle.
La ville d'Orbec n'a jamais été close de murs. <c II [est
vray, dit un ancien document, qu'en 1534, les habitants du
lieu obtinrent permission du roy de faire des fossez... qu'ils
CANTON D'ORBEC. 793
commencèrent à les fouiller ; mais ils en discontinuèrent
bien tost le travail à cause que le seigneur d'Orbec dont re-
leuent tous les héritages scituez dans les lieux qu'on auoit
désignés pour les fossez et les remparts dud. bourg , em-
pescha qu'on ne passast outre jusqu'à ce qu'il eust este in-
demnisé des cens et rentes qui lui étaient detis »
Des procès pendants, en 1657 et 1698, ralentirent le zèle
des habitants pour un pareil objet, d'ailleurs peu utile.
« De là il suit qu'il n'y a point encore eu de fossez ny de
remparts ny de portes au lieu d'Orbec. »
Par contre, il y avait deux châteaux-forts : l'un entre les
mains du seigneur, l'autre réservé aux apanagistes ou enga-
gistes du domaine royal
Le château royal , le plus
important , occupait le coteau
au levant , au bout de la rue
de Geôle. On en voit encore
de notables débris. Il a déjà
été décrit par M. Raymond
Bordeaux dans son excursion
de 1851. Il était composé de
deux enceintes , comme tous
les châteaux du moyen-âge.
La plus vaste et la plus voi-
sine de la ville était de forme
ovale et mesurait environ U5 toises à son plus |grand dia-
mètre , du nord au sud. Il subsiste encore^quelques pans
de mur dont il est difficile d'indiquer l'époque.
La seconde enceinte, plus haut sur le coteau, ;,'devait™con-
tenir le donjon. C'est une motte presque ronde ; on la
nomme le Bonnet- Carré. Un fossé profond la séparait de la
première enceinte.
794 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Cette place a eu une certaine importance. D'abord apa-
nage de la maison d'Orléans, elle fut cédée, en 1353, au roi
de Navarre, en échange du comté de Champagne. Les ré-
voltes de ce prince amenèrent la destruction de ses places
fortes de Normandie, vers 1378. Orbec fut rétabli, car en
1418 le roi d'Angleterre en gratifia le duc de Clarence.
Conquis de nouveau en 1448 , il rentra dans le domaine
royal pour être, au XVIIe siècle, engagé à la dame de Ba-
lagny. Enfin, par lettres-patentes du mois d'avril 1777, en-
registrées au Parlement de Rouen le 14 novembre suivant,
les domaines d' Orbec et de Falaise furent donnés par
Louis XVI à Monsieur , son frère , depuis Louis XVIII, en
remplacement de St-Sylvain, le Tuit et Alençon.
Le château, que je regarde comme ayant appartenu aux
barons d'Orbec, est situé à une petite distance de la ville,
sur la route de Lisieux, à peu près en face de Bienfaite. On
en voit encore quelques pans de murs qui couronnent le
coteau au pied duquel passe la route.
Les seigneurs d'Orbec prétendaient tirer leur origine de
Richard Ier, duc de Normandie. Richard de Gère, seigneur
d'Orbec et de Bienfaite, suivit le duc Guillaume en Angle-
terre. Ce sont ses fils qui désunirent les deux terres ; car, on
trouve dans la liste des compagnons de Robert II, pendant
son voyage en Terre-Sainte, Jean de Bienfaite, Guillaume et
Jean d'Orbec. On n'a pas la filiation suivie de celte famille,
qui tint toujours un haut rang parmi les nobles de Nor-
mandie et s'allia aux d'Harcourt, aux Giffart et autres mai-
sons considérables. Du reste, ce n'est pas ici le lieu de s'en
occuper : il suffit de citer les plus connus de ses membres.
Saint Louis érigea la terre d'Orbec en baronnie. Confisquée
par le roi d'Angleterre après son invasion de la Normandie,
elle fut restituée le 9 octobre 1419 à Pierre d'Orbec; mais
c'est alors vraisemblablement que fut démantelé le château
CANTON D'ORBEC. 795
baronnial , car Jean d'Orbec ayant épousé Marie de Bien-
faite, vers le milieu du XVe siècle, s'établit dans cette terre,
où depuis lui presque tous les barons d'Orbec ont fait leur
résidence. Son petit-fils , Guy d'Orbec , suivit le roi
Charles VIII dans son expédition d'Italie, et le 6 juillet 1495,
à la bataille de Fornoue, il se comporta si bien , que le roi
le fit chevalier de sa main et lui octroya un don de 1,100
livres, qui n'était pas une mince somme pour cette époque.
Plus tard, il obtint du roi Louis XII la création de deux
marchés par semaine et deux foires par an au bourg de
Bienfaite. A la fin du XVIe siècle, Louis d'Orbec était bailli
du grand bailliage d'Évreux. Il se mit à la tête des huguenots
du pays et il encourut la responsabilité des dévastations com-
mises dans la ville et la cathédrale de Lisieux , au mois de
mai 1562.
En 1612, il ne restait plus que deux filles de cette puis-
sante et antique maison : Louise et Esther d'Orbec. La pre-
mière avait épousé en 1600 Jean du Merle , seigneur de La
Motte ; Esther s'unit à Jean de Bouquetot, seigneur du
Breuil. 'Les terres composant la baronnie furent divisées
entre les deux sœurs, dont les descendants prirent conjoin-
tement le titre de barons d'Orbec. La famille du Merle en a
joui jusqu'à la Révolution ; elle est encore représentée au-
jourd'hui par M. le comte du Merle, qui habite le château
de la Vespière. Esther d'Orbec n'eut qu'une fille, nommée
Louise par sa tante, qui épousa Henri de Chaumont, baron
de Lecques, dont la descendance mâle subsiste encore.
Orbec a vu plusieurs fois des rois dans ses murs. Jean-
sans-Terre y séjourna du 5 au 6 décembre 1201, le 15 mars
et le 3 novembre 1203.
Louis XIII y coucha le 2U juillet 1620, dans ce voyage
qu'il entreprit pour pacifier la révolte suscitée par la reine-
mère et Richelieu.
796 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
LA CRESSONNIÈRE (1).
La Cressonnière, Cressonerya ; Cressoneria ; La Cres-
sonere.
L'église de la Cressonnière, bâtie dans une contrée ac-
cidentée et pittoresque, à U kilomètres d'Orbecà vol d'oiseau,
domine un frais vallon arrosé par une petite rivière qui donne
son nom à la commune.
Cette église , qui porte le titre de Notre-Dame , présente
peu d'intérêt au point de vue architectural. La nef date du
XVIe siècle. Elle est éclairée du côté nord par deux
fenêtres sans caractère. Le mur méridional, construit en
grand appareil, est percé d'une fenêtre cintrée, partagée en
deux baies également cintrées par un meneau prismatique.
Des contreforts saillants butent les murs latéraux.
Le portail occidental est soutenu par quatre contreforts ,
dont deux moins élevés sont placés aux extrémités. La porte ,
de forme ogivale , est moderne et percée d'un oculus dans
le tympan. Le linteau supérieur est formé de deux arcs sur-
baissés qui reposent sur un fleuron à leurs points de jonction.
Un clocher carré , en charpente , recouvert en essente
et peu élevé, forme saillie à l'extrémité occidentale de la nef.
La cloche , dont le diamètre est de 62 centimètres , porte
l'inscription suivante :
f l'an 1836 j'ai été bénite par Mr PIERRE le boucher curé
d'ORBEC ET NOMMÉE LOUISE AMBROISINE PAR Mr LOUIS PIERRE BONAVEN-
TURE JOSEPH COMTE DU MERLE ET Mclle AMBROISINE JEANNE PAULINE DE
NOINVILLE.
F. COLLARD FONDEUR A FALAISE.
Le chœur, bâti en retraite sur la nef, offre des murs en
(1) Notes de M. A. Pannier.
CANTON D'ORBEC. 797
blocage récrépis. Il est éclairé au midi par une fenêtre ogivale
à meneau prismatique, partagée en deux baies à arc surbaissé,
et par une grande fenêtre carrée sans caractère. Une fenêtre
ogivale à un meneau qui correspond à la précédente, mais qui
est d'un travail plus grossier, existe du côté nord. Le chevet,
masqué par la sacristie, était percé d'une fenêtre ogivale.
Deux pierres tu mulaires, avec inscriptions, sont placées
dans le chœur. La seconde porte un blason chargé de
7 besans ou tourteaux rangés ,3,3,1, avec la devise :
A QUI TIENS- JE ?
CY • GIST •
TRÈS • HAUTE • ET •
TRÈS • PUISSANTE • DAME •
MADAME • RENÉE • DE • RUPIERRE •
VEUVE • DE • TRÈS • HAUT • ET . TRÈS •
PUISSANT • SEIGNEUR . MONSEIGNEUR .
CHARLES • DE - MELEUN • ET • COMTE «DE
SEIGNEUR • DES • TERRES •
ET . PAIERIES • DE • DOMPVAST •
VALLENCOCRT • SURVIE •
LA • CRESSONNIÈRE . ET . AUTRES .
LIEUX • LAQUELLE . DÉCÉDA .
1751 • ÂGÉE •
DE • 53 • ANS -
PRIBS • DIEU •
POUR . SON • AME .
CI • GIST •
TRÈS • HAUTE . ET . TRÈS • PUISSANTE •
DAME • MADAME - LOUISE • ELISABETH *
DE • MELUN • DES . PRINCES • DEPINOY .
MARQUISE • DE • LANGHAC • ETC •
VEUVE • EN • PREMIÈRE • NOCE • DE • TRÈS • HAUT •
ET . TRÈS . PUISS1 • SEIGeur . MONSEIGClir . ALEXANDRE
THÉODOSE . COMTE • DE . MELUN • DES • PRINCES •
798 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
DE PINOYS • MARIÉE • EN • SECONDE . NOCE • A •
THES • HAUT . ET • TRÈS • PUISSANT • SEIGNEUR •
MONSEIGNEUR • GILBERT • ALLIRE . MARQ» •
DE LANGHAC . GRAND . SÉNÉCHAL • DAUV-
ERCNE • DÉCÉDÉE • AU • CHAT •
DE • LA • CRESSONNIÈRE . LE • 28 • NOV
EMBRE • 1755 • ÂGÉE • DE • A3 • ANS •
PRIEZ • DIEU • POUR • LE . REPOS •
DE • SON • AME (1) .
Le rétable du maître-autel a conservé ses peintures pri-
mitives; il offre un véritable intérêt et peut servir de type
pour la décoration des meubles du même genre qui ornent
encore le sanctuaire d'un grand nombre d'églises rurales.
Ce rétable date de la fin du règne de Louis XIII ou des
premières années du règne de Louis XIV.
Deux colonnes corinthiennes , cannelées dans la partie in-
termédiaire et garnies, dans le tiers inférieur et la partie su-
périeure , de guirlandes de roses dessinant des rinceaux ,
supportent le fronton qui est coupé et surmonté d'un attique
composé d'une niche avec entablement trapézoïde. Le tableau,
placé entre les colonnes , est cintré dans le haut avec angles
rentrants. Au milieu de la corniche et au-dessus du tableau,
se détache un cul-de-lampe servant de support à une statue
de la Vierge-Mère , placée dans la niche dont nous avons
parlé. Les deux niches cintrées qui accompagnent le rétable
sont décorées de pilastres offrant des pentes de fruits , ces
niches sont surmontées d'un fronton en forme de trapèze.
(1) Le Dictionnaire historique de Moréri ( t. III, p. 739 ) contient
la généalogie de la maison de Melun. Cette ancienne famille, qui
compte un grand nombre de hauts personnages, plusieurs officiers
de la couronne et des prélats , se divise en deux branches. A la se-
conde branche, celle des princes d'Espinoy , appartient Mme Elisabeth
de Melun , inhumée dans le chœur de la Cressonnière.
CANTON D'ORBEC. 799
Celle de droite renferme la statue de sainte Marguerite ; dans
l'autre niche est placée la statue de saint Charles. Au-dessous
sont des portes cintrées avec moulures du temps. Au centre
de ces portes est peint un grand médaillon entouré de
feuilles de chêne, lequel représente un ange à genoux sur un
nuage et balançant un encensoir.
Ce médaillon est surmonté d'un magnifique vase formé
de rinceaux.
Le tabernacle , de forme hexagonale , offre deux étages. Le
premier étage est décoré de colonnes torses, dont deux
placées sur la face principale et deux autres en retraite. Sur
la porte est représenté le Père-Éternel bénissant de la main
droite et tenant dans l'autre un globe surmonté d'une croix.
Les autres statuettes, placées dans des niches cintrées, repré-
sentent les quatre évangélistes avec leurs attributs. Chaque
niche est surmontée d'un fronton trapézoïde sous lequel se
détache une petite tête d'ange. Ce premier ordre est sur-
monté d'un second orné de bouquets de fleurs. Le dôme
supporte une petite lanterne , terminée par une croix
formée de petits fuseaux renflés et tournés. La base de la
coupole est composée de trois panneaux à, angles rentrants.
Le fond est semé de jolis bouquets. La partie supérieure des
panneaux est décorée de médaillons en forme de cartouches.
Ces rétables sont décorés de peintures polychromes , or ,
rouge, bleu , vert, blanc, qui, sont bien conservées et très-
intéressantes à observer.
Les deux petits aqtjels.de la nef sont du même style et du
même ordre d'architecture que celui du chœur. Ils sont
terminés par un fronton circulaire. Le centre est occupé par
une niche avec cul-de-lampe, rouge et or, entourée de
bouquets de fleurs; l'un des deux pendentifs représente un
ange entouré de guirlandes. Les colonnes de l'un de ces
autels sonl rudentécs; celles de l'autre sont décorées de
800 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
feuilles de vigne dans le tiers inférieur. L'autel , placé au
sud, est décoré d'une statue du moyen-âge représentant
saint Claude.
Les couleurs de ces autels ont subi des restaurations qui ,
cependant, n'ont point altéré l'ordonnance primitive.
Les voûtes de la nef sont en merrain , avec entraits et
poinçons.
On lit dans les Rôles de l'Échiquier de Normandie de
1184:
« Gillebertus de Cressoneria reddit compotum de 70 lib.
quia interfuit sponsalii uxoris Roberti de Sakenvilla. »
En 1195 :
ce Engerrannus de Cressonaria. »
La Cressonnière faisait partie , avant la Révolution , du
doyenné d'Orbec et de l'archidiaconé de Lisieux. La cure
valait 600* et était à la présentation du seigneur laïque et du
gouverneur d'Orbec. Le curé Chéradame, dans sa déclaration
du 30 mars 1751 , en vertu de l'ordonnance royale de
Tannée précédente , mentionne , comme bienfaitrice de la
paroisse, la princesse d'Épinoy de Langhac. Il donne aussi
le détail des dîmes qui formaient son revenu , savoir :
250 gerbes de blé ;
80
— de seigle ;
80
— d'avoine;
90
*— de pois ;
80
— de vesce ;
70
— d'orge , etc. , etc.
(Arch. Calv.9 Bénéf.),
Château. — A peu de distance de l'église , au fond du
vallon , s'élève un vieux bâtiment en pierre dont la construc-
tion remonte à la fin du XVe siècle ou aux premières années
du XVIe. Ce bâtiment, seul vestige encore debout de l'ancien
CANTON D'ORBEC. 801
château de la Cressonnière , offre des ouvertures surmontées
d'ogives en accolade. Il est entouré de douves, autrefois
remplies d'eau vive.
Le château moderne , bâti sur une éminence et couronné
de bois, appartient à M. le comte Durey de Noinville. Il
est entouré d'un beau parc dessiné à l'anglaise.
CERNAY.
Cernay , Cernaium , Sarnaium , Serneium.
L'église de Cernay , dans son état actuel , peut se décom-
poser en constructions de différents âges, par suite des
reprises qui ont été faites à diverses époques.
La partie occidentale de la nef, si l'on excepte quelques por-
tions refaites du mur de la façade et des murs latéraux, appar-
tient au style de^transition, caractérisé dans les campagnes de
Lisieux par des lancettes étroites et courtes , dans lesquelles
se dessine l'ogive. On voit dans le mur du nord , qui a con-
servé ce caractère, près de l'extrémité occidentale, une de
ces fenêtres primitives intacte dans sa forme , mais bouchée ;
le contrefort voisin montre des joints de mortier assez épais et
un appareil se l'apportant aussi à la deuxième moitié du XIIe
siècle ou au commencement du XIIIe. Le mur latéral sud ,
en regard , renfermait la porte principale , dont on distingue
très- bien les traces dans la maçonnerie récrépie de chaux.
La porte occidentale actuelle ne doit effectivement dater
que du siècle dernier , d'après sa forme ; le mur avait été
auparavant percé d'une fenêtre qui pourrait appartenir à la
deuxième moitié du XVIe siècle et qui surmonte cette porte
moderne. Si nous revenons au mur latéral de la nef, côté
nord , nous y voyons vers le centre une partie moderne en
briques avec fenêtres modernes, puis, à l'extrémité qui
avoisine 1*' < IxBur , une maçonnerie tir grand appareil »'ii
51
802 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
craie , qui nous paraît du XVIe siècle , aussi bien que la
fenêtre et le contrefort qui s'y trouvent.
Du côté du sud , le mur latéral a été refait en grande
partie et toutes les fenêtres appartiennent à la période moderne.
Le chœur , en retrait sur la nef , devait être aussi primi-
tivement du XIIIe siècle ou de la fin du XIIe ; mais il a subi
les mêmes transformations que la nef , par suite de reprises
dans les murs dont quelques parties cependant montrent
l'appareil ancien , et par suite du remplacement des fenêtres
par des ouvertures modernes plus larges; le chevet a été
complètement masqué par l'application d'une sacristie ; on
voit, sur une porte moderne à pilastres ouverte près du
chevet du côté du sud, la date 1678.
La tour quadrangulaire en bois , revêtue d'ardoise, s'élève
à l'extrémité occidentale de la nef ; un assez bel if , remar-
quable surtout par sa forme régulière , existe dans le cime-
tière au nord de la nef.
Intérieur. — A l'intérieur, celle-ci a conservé sa voûte en
bois, une partie avec traverses et poinçons, le reste sans entraits ;
celle du chœur a été plâtrée. Dans la nef, on a figuré des
pilastres modernes le long des murs ; enfin , dans le chœur ,
l'autel est couronné d'un entablement en fer-à-cheval porté
par des colonnes, comme quelques églises en ont eu au
siècle dernier. C'est , à ce qu'il paraît , un don de l'abbaye
du Bec, qui nommait à la cure , percevait les dîmes et pos-
sédait à Cernay un manoir dont nous allons parler tout à
l'heure. Le patron de la paroisse est saint Aubin.
L'église et la terre de Cernay faisaient partie du domaine
d'Ansgot, père d'Herluin de Conteville. Ce dernier, en fondant
l'abbaye du Bec , l'aumôna à son monastère, et depuis cette
époque jusqu'à la Révolution , les moines du Bec en ont
conservé la possession.
Cernay faisait partie de l'élection de Lisieux, de la sergen-
CANTON D'ORBEC. 803
terie d'Orbec ; on y comptait 90 feux ; la population actuelle
est de 250 habitants environ.
Manoir. — A six ou sept cents mètres environ au nord de
l'église existe le manoir de Cernay , qui offre un certain
intérêt, parce qu'il est construit complètement en pierre et
qu'il remonte , je crois, ûu XI Ve siècle, peut-être même à
la fin du XIIIe.
Ce manoir montre encore aujourd'hui un corps-de-logis
principal, dont toutes les fenêtres étaient à croisées de pierre
surmontées d'un tympan* et d'une voûte surbaissée ; les
croisées de pierre ont été coupées, mais les traces en sont
toutes apparentes. La porte d'entrée, du côté de la cour, était
couronnée d'un cordon dessinant aussi un cintre surbaissé.
Du côté de l'est, un bâtiment un peu moins élevé fait suite
au précédent; il est garni . à son extrémité, de contreforts
étages qui ont le galbe des contreforts du XIIIe siècle , et me
paraît , du reste , du même temps que le précédent.
Un bâtiment moderne accompagne, du côté opposé (côté
de l'ouest), le bâtiment central; il est très-possible qu'il
n'ait fait que remplacer une construction ancienne ; quel-
ques restes de maçonnerie, sur lesquels on paraît avoir
soudé les murs modernes en briques, sembleraient l'indiquer.
Ce manoir appartenait à l'abbaye du Bec, et devait être
habité , au XIVe siècle et longtemps après, par les religieux
qui administraient le prieuré ; ils y avaient , m'a-t-on dit ,
une chapelle. Le jour où je suis allé visiter ce manoir , les
fermiers étaient absents, et il ne m'a pas été possible de
visiter l'intérieur ; la distribution ancienne a , d'ailleurs, été
modifiée pour approprier les pièces à l'exploitation rurale
qui dépend du manoir.
Les granges dîinières du prieuré s'élèvent au nord du
manoir et servent , de ce côté , de clôture à la cour. Elles
oui été reconstruites nouvellement.
80£» STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Cernay est au milieu d'une plaine qui a dû , anciennement
comme aujourd'hui , produire des céréales et la dîme
devait être assez importante , si l'on en juge par l'étendue
des bâtiments qui remplacent les anciens.
Ce fief étant purement ecclésiastique, peu de gentilshommes
s'établirenl sur son territoire. Monifaut y trouva, en 1463,
Cardin Le Forestier ; mais les Recherches faites par les élus
en 1524 et 1560 restent muettes. Un titre authentique
donne le nom de Charles d'Autigna, écuyer, sieur de Courlon
demeurant à Cernay , en 1651. En 1666, Julien de L*
Londe résidait aussi dans cette paroisse.
BIENFAITS.
Bienfaite, Benefacta , Bonefacta, Bienfatcte.
Bienfaite est une localité ancienne et importante. Si elle
ne compte plus aujourd'hui que 690 habitants, malgré ses
établissements industriels , elle en avait au milieu du dernier
siècle plus de 800 ; et les documents anciens qui la con-
cernent portent à croire qu'au moyen-âge ses paroissiens
étaient encore plus nombreux.
L'église , comprise dans le doyenné d'Orbec , était dédiée à
saint Martin. C'est un édifice assez vaste, bâti d'un seul jet, au
XVe siècle, sur la pente du coteau, presque en face du château.
Le plan , régulier , comprend un chœur et une nef en
pierre de taille. Des contreforts indiquent les travées. Six
belles fenêtres flamboyantes éclairent la nef. La porte d'entrée
principale s'ouvrait autrefois dans la première travée, au
nord. C'était une baie cintrée à moulures toriques ,
qu'abritait un porche en charpente. Une petite niche en
accolade était pratiquée au-dessus, sans doute pour recevoir
une statue du saint patron.
Cette porte a été bouchée à une époque moderne, et on
CANTON D'OHBEC. 805
a pratiqué une nouvelle entrée , sans caractère , dans le
pignon occidental , qui surplombe le chemin. Ce pignon ,
flanqué de quatre contreforts puissants , lance son rampant
de pierre à une grande hauteur contre la tour, qui est assise
sur l'angle méridional. Cette tour se termine par une flèche
en charpente , octogone , avec lucarnes surmontées d'épis en
plomb dans le style de l'époque ( V. la page 807).
Le chœur, en retraite sur la nef, n'a que deux travées.
Ses fenêtres sont également flamboyantes. Dans la première
travée , toujours au nord , s'ouvrait une porte cintrée ,
garnie de moulures toriques , dont le tympan est couvert
d'une légère tracerie en creux. Deux petits pilastres , sur-
montés de pinacles , lui servent d'accompagnement.
L'intérieur offre un vaisseau large et élevé , mais un peu
froid comme c'est l'ordinaire dans l'architecture de cette
époque. Des plâtrages regrettables viennent, en outre, causer
une impression encore plus désagréable. Les voûtes étaient en
carène, avec douvettes en merrain et charpentes apparentes.
Le chœur a conservé un de ces magnifiques rétables ri-
chement taillés, sous le règne de Louis XIV, par les huchers
du Pays-d'Auge. Quatre colonnes torses à chapiteaux com-
posites , dont le fût est entouré de vignes au milieu des-
quelles jouent des petits anges ou des amours , portent un
entablement à fronton brisé en volute. Le centre est occupé
par un tableau enveloppé d'un cadre, circulaire dans sa partie
supérieure , sculpté de feuilles de chêne. Au-dessus est un
médaillon d'où sort un buste du Père-Éternel en haut relief.
A droite et à gauche, dans l'entrecolonnement , sont pra-
tiquées des niches, dont l'entourage consiste en paquets de
fleurs, et que surmontent deux médaillons, semblables au
précédent, occupés par un Christ et une Sainte-Vierge. Des
culs-de-lampe , formés de deux têtes de chérubins , portent
les statues : saint Martin et saint Maur.
806 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Sur les volutes de l'entablement sont assis deux anges tenant
les instruments de la Passion. Quatre beaux vases drapés for-
maient amortissement au-dessus des colonnes; deux ont
disparu.
L'attique offre une corniche à forts ressauts supportée par
deux anges caryatides. Dans la niche est le Christ, debout,
tenant la croix de Résurrection.
Le tabernacle a malheureusement été arraché et il gît
dans les greniers du clocher. C'est un demi-hexagone , garni
aux angles de colonnetles torses ornées de ceps de vigne. Sur
chaque face est une niche pour des statuettes. L'une est vide;
les deux autres abritent le Sauveur et un Évangéliste. Les
panneaux du second étage sont sculptés d'arabesques à jour.
Deux panneaux, formant contrelable , s'ajustaient au taber-
nacle. Sous leur petit fronton en trapèze, porté par des pilastres
et des anges caryatides, on avait peint des anges adorateurs.
Les deux petits autels n'offraient rien de particulier à
signaler. A l'un d'eux on voyait un parement brodé de soie
et de perles dans le goût du XVIIe siècle ; et une statue de
Vierge, probablement de la Renaissance. L'un de ces autels
a été remplacé depuis par un travail dans le style Louis XIV,
dû à M. Léonard , sculpteur à Lisicux.
La cuve baptismale, octogone, avec des arcatures des-
sinées au trait, doit être contemporaine de l'église.
L'une des deux cloches est ancienne. Comme elle ne porte
pas de nom de fondeur , il est à présumer qu'elle n'était pas
la plus grosse de la sonnerie. On lit, au pourtour :
f IAY ESTE BENITTE PAR Mrc THOMAS BOISSEL PBre CVRE DE CE LIEV
ET NOMMEE PAB LOVIS DV VAL Sr DV BESNERE ET ANNE BÏGNOVLT FEMME
DE 1EAN LE VAVASSEVR Sr DV BVISSON ECHEVIN DE LA CHAUITE LAN 1672.
flevren(t) LE BVGLE TRESOBIEB.
Château. — Le château de Bienfaite offre une grande façade
CANTON DORBEC.
807
sans ressauts , construite en briques avec chaînages de pierre
à refends et toits brisés à la Mansard, Cependant , à l'angle
sud-ouest se trouve une tour ronde, de diamètre moyen,
qui m'a paru , de loin , avoir les caractères du règne
808 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
d'Henri III. Ce serait donc le reste d'un édifice antérieur ,
construit au XVIe siècle, lorsque le château-fort fut défini-
tivement abandonné.
Motte de l'ancien château. — De ce château-fort , il reste
une motte assez élevée , de forme ovale irrégulière , dont
l'esplanade peut mesurer 50 pieds dans son grand diamètre.
Au-dessous paraît avoir été l'enceinte du château, à peu
près carrée. Ces vestiges occupent l'extrémité du cap formé
par le vallon de la Cressonnière, à sa jonction avec la vallée,
au sud de l'église ; ils ont été décrits dans mon Cours d'anti-
quités , Ve volume.
Les seigneurs de Bienfaite, qui assistèrent à la conquête de
l'Angleterre et à la croisade de Robert II, avaient pour auteur
Gilbert , comte d'Eu et de Brionne , fils de Geoffroy, enfant
naturel du duc Richard Ier de Normandie. Ils sont la souche de
la famille de Clare et contractèrent les plus belles alliances.
Versl/i50, Marie de Bienfaite porta cette terre dans la
famille d'Orbec, branche collatérale, issue aussi des comtes
de Brionne. Ce que l'on pourrait dire de cette maison se
rattache naturellement à l'histoire d'Orbec , dont Bienfaite
ne fut plus qu'un membre dépendant jusqu'à la Révolution.
Disons , toutefois , que le château de Bienfaite fut la ré-
sidence des seigneurs d'Orbec , et qu'un grand nombre de
leurs actes sont datés de ce château (1).
TORDOUET (2).
ïordouet, ecclesia de Torto-Ductu.
L'église de Tordouet , placée sous le vocable de saint
Michel, couronne le sommet d'un coteau au pied duquel
(1) Notes de M. Ch. Vasseur.,
(2) Notes de MM. Billon, Vasseur et Pannier.
CANTON D'ORBEC. 809
coule un ruisseau, ou douel , dont le cours sinueux (tortus
TOUR ROMANE DE TORDOUET.
ductus) a donné son nom à la paroisse. Sa belle tour ro-
810 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
mane, octogone, qui date du XI* siècle, domine d'une
manière pittoresque les maisons du village et tous les vallons,
d'alentour.
Le chœur et la nef ont été bâtis dans le style classique , il
y a environ quinze ans, l'ancienne église étant devenue ,
dit-on , insuffisante pour les besoins du culte. On remarque,
à l'entrée du chœur, six belles stalles, dans le style du
XVIIIe siècle, provenant du couvent des Mathurinsde Lisieux.
La nef est accompagnée de bas-côtés, à l'extrémité desquels
s'élèvent deux jolis autels avec rétable dans le style Louis XIV.
L'ancienne nef ne dépassait pas la chaire actuelle et mesurait
à peu près la longueur de l'ancien chœur.
L'ancien chœur roman , qui sert aujourd'hui de sacristie ,
est très-petit. Il offre une voûte d'arête sans nervures.
Celle du sanctuaire est en forme de cul de- four. A droite
est pratiquée une belle piscine ogivale, trilobée, à double
cuvette, qui date du XIIIe siècle. A l'extérieur, le chœur se
termine par trois pans coupés , autrefois percés de petites
fenêtres en forme de meurtrières , ayant environ 90 centi-
mètres de haut sur 16 de large. On voit encore, du côté
nord, l'une de ces fenêtres qui a conservé sa forme primitive.
La corniche, composée d'un gros tore, est supporlée par
des modillons en forme de consoles.
La tour, placée entre chœur et nef, offre deux étages
éclairés par de nombreuses baies. Carrée à sa base, elle
devient octogone dans la partie supérieure et se termine par
un toit en charpente recouvert en ardoise. Elle est sup-
portée par quatre arcades à plein-cintre, avec retraite, qui
reposent sur des colonnes dont les chapiteaux, grossièrement
sculptés , sont formés de larges feuilles recourbées en vo-
lutes. Sur l'un des claveaux de l'arcade qui sépare le chœur
du transept, est représenté un animal chimérique, ressem-
blant à un cheval.
CANTON D'ORBEC. 811
Le bas de la tour, autrefois flanqué de contreforts plats,
est éclairé, du côté du nord, par une fenêtre cintrée, mo-
derne. Au-dessus règne une arcature composée de deux
arcades simulées, reçues de chaque côté par une colon-
nette. La transition du carré à l'octogone est ménagée
par des trompes formant, à l'extérieur, une saillie trian-
gulaire et s'amortissant, à l'intérieur, de la tour en forme de
coquille dont le bord ou cintre externe est formé de cla-
veaux extradossés. Le milieu de l'arc, au lieu d'être fermé
par une clef, présente un joint rempli de mortier. Les deux
étages supérieurs de la tour offrent , sur chaque face , deux
baies étroites séparées par une colonnette et dans un grand
cintre dont l'archivolte repose , de chaque côté , sur une co-
lonnette (V. la page suivante). La base de ces colonnettesest
une base attique ; elle est composée de deux tores séparés par
une scotie garnie , de chaque côté, d'un petit listel. Il n'y
manque que le congé qui, ordinairement, réunit la base au
fût de la colonne. Les tailloirs forment damier. Le cintre qui
surmonte les baies du premier étage retombe, d'un côté,
sur une colonnette, et de l'autre sur le tailloir qui termine
les pieds-droits et relie les baies entre elles. L'archivolte des
fenêtres de l'étage supérieur repose , de chaque côté, sur une
colonnette dont les chapiteaux sont formés de feuilles re-
courbées en volute. La surface de plusieurs pierres, formant
les claveaux des fenêtres , est couverte de rosaces et de lo-
sanges de différentes grandeurs. Plusieurs pierres portent éga-
lement les marques de l'appareilleur.
La tour renferme deux cloches. La plus grosse, fondue
par M. Bollée, du Mans, a 1 mètre 23 centimètres de dia-
mètre; l'autre, fondue par Leinaire, a 1 mètre 07i centi-
mètres .
L'intérieur de l'église est décoré avec goût. Le maître-
autel , accompagné d'un grand rétable à colonnes torses ,
812 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
UNE DES FENÊTRES DE LA TOUR DE TORDOUET.
CANTON D'ORBEC. 815
dans le style Louis XIV, a été composé et habilement exécuté,
par M. Léonard, sculpteur à Lisieux.
Cette église a pour premier patron saint Michel. On a fait
la remarque que presque toutes les églises et chapelles dé-
diées à saint Michel , sont placées sur un monticule et do-
minent une certaine étendue de pays.
La commune de Tordouet , qui comptait autrefois 1 ,400
habitants, n'en n'a plus aujourd'hui que 900. Le nombre
des métiers à lisser s'élève à 1 50 environ.
Manoir. Le manoir se trouve au-dessous de l'église, à
l'extrême pointe du coteau. Bâti sur une motte importante ,
dont les fossés étaient alimentés par le petit ruisseau qui ser-
pente au fond du vallon, il a le caractère des constructions du
XVIe siècle : rez-de-chaussée en échiquier de pierre et de
silex taillé ; partie supérieure en bois. Les sablières des en-
corbellements sont moulurées; du reste, pas de sculptures.
Les combles sont d'une dimension exagérée. Au milieu du
paysage boisé qui l'environne , avec son pignon garni d'un
lierre vigoureux et l'eau qui baigne ses bases, ce manoir pro-
duit un effet pittoresque presque grandiose.
LE RONCERAY.
Le Ronceray , Ronchereyum , Roncherez , Les Roncerets,
Le Roncerey.
L'église du Ronceray, située sur uu plateau, entre les
deux vallées de la Touque et de l'Orbiquet , est des plus
insignifiantes. Composée, comme les autres églises de cam-
pagne , d'une simple nef et d'un chœur en retrait à chevet
droit , ses parties caractérisées ne remontent pas au-delà du
XVP siècle. Peut-être, cependant, sous les crépis, trop
8U STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
bien entretenus, du chœur et d'une partie de la nef, trou-
verait-on des traces d'une construction romane , que nul
indice ne révèle aujourd'hui.
Le portail , percé dans le pignon occidental construit en
grand appareil , date de la dernière période ogivale. La porte
cintrée a pour toute ornementation deux gros tores, qui
tombent sur des bases polygonales. Au-dessus , s'ouvre une
fenêtre ogivale , dont tout récemment on a fait disparaître les
meneaux et les traceries , qui obstruaient le passage de la
lumière. Cette mutilation et certaines autres modifications
très-regrettables, que je ne détaillerai pas, rentrent dans
l'ensemble d'un programme modernisateur, exécuté de 1843
à 1853 , dont le résultat a été de faire disparaître le peu de
cachet religieux que possédait cette église.
Toutes les ouvertures ont été , ou déformées ou refaites ,
soit à la fin du dernier siècle , soit récemment.
Le clocher est placé en avant du chœur , à l'extrémité
orientale de la nef; il date du XVIe siècle. C'est une svelte
pyramide à pans coupés , garnie de lucarnes dentelées sur
les faces , couverte d'essentes.
A l'intérieur , rien absolument qui puisse captiver l'atten-
tion. Les voûtes de bois ont été enduites , comme les
murs , d'une épaisse couche de mortier et de badigeon.
Les rétables des trois autels appartiennent au règne de
Louis XV.
Les seuls objets d'ameublement ancien , échappés à la
rage novatrice , sont un pied de lutrin de forme hexagonale
d'un vaste diamètre, à panneaux plissés ; les fonts baptismaux,
cuve cylindrique sans ornements , et un bénitier à cuvette
hémisphérique godronnée.
La cloche est moderne.
L'église du Ronceray est sous l'invocation de saint Cyr et
de saiule Julitte,
CANTON D'ORBEC. 815
Elle était comprise dans l'archidiaconé du Lieuvin ,
doyenné d'Orbec, comme au civil, dans l'élection de Lisieux,
sergenterie d'Orbec. Cette paroisse compte 345 habitants;
sa population n'a pas sensiblement diminué depuis cent ans.
Ce fait trouve peut-être son explication dans la nature des
occupations de ses habitants , la plupart tisserands.
La terre seigneuriale du Ronceray faisait partie du fief de
Tordouet , et fut possédée successivement , comme lui , par
les du Bysson , les de Saint-Ouen et les Chaumonl-Quitry.
Le 17 décembre 1774, Antoine-Anne-François de Chaumont,
comte de Quitry , mestre de camp de cavalerie , chevalier de
l'ordre royal de St-Louis , vendit la terre du Ronceray ,
moyennant 28,300* , à Jean Moulin, laboureur. Elle lui
était échue dans ies partages faits, le 15 mai 1770, entre lui
et son frère , le marquis de Quitry , seuls enfants mâles de
Jacques-Antoine de Chaumont , marquis de Quitry , et de
Mme Anonyme du Fay.
Cette vente fut résiliée l'année suivante par clameur féodale,
introduite au nom du marquis de Quitry, seigneur d'Orbec
et Bienfaite , dont relevait le fief de Tordouet.
LA CROUPTE.
La Croupte, Crupia, Croupta.
L'église de la Croupte est dédiée à saint Martin. On sait que
ce vocable remonte aux temps mérovingiens , et lorsqu'on a
parcouru la gorge étroite , enserrée de coteaux sauvages et
boisés , au milieu de laquelle elle s'élève , on est prédisposé
à rencontrer un édifice d'une haute antiquité et d'un grand
intérêt. La déception est grande : on se trouve en présence
d'une mauvaise bâtisse sillonnée de nombreuses lézardes ,
dont les parties les plus anciennes datent du dernier gothique :
816 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
murs en grand appareil avec contreforts en retraite. Toutes
les ouvertures ont été refaites au dernier siècle. Le clocher
est en charpente , carré, avec pyramide octogone , recouverte
d'essente. A l'intérieur, le chœur a subi une décoration
complète en plâtre , dont la date est donnée par l'inscription
suivante qui court sur la frise :
DOMINE. DILEXI. DECOREM DOMUS TVJR. F. LE FltONT. CURÉ DE LA
CROUPTE. 1786.
On a néanmoins conservé le rétable du maître-autel , qui
remonte au règne de Louis XIV. Il est porté par deux petites
colonnes torses, entourées de ceps de vigne. Au centre, un
cadre à angles rentrants, représentant un miracle de saint
Martin. Dans le fronton trapézoïdal , soutenu de caryatides ,
est une colombe sculptée en relief, sortant d'une guirlande
de feuilles de chêne.
Les deux petits autels de la nef sont insignifiants. Rien à
indiquer qu'une statue de saint Martin , qui peut remonter
au moyen -âge.
La voûte de la nef est en merrain et date du XVe siècle.
Sur deux des poutres qui supportent le clocher sont des
blasons, sculptés à plein bois, chargés de trois fasees ondées.
Ces pièces correspondent aux armoiries des Hautemer , sei-
gneurs de Fervaques. En effet, la paroisse de la Croupte était
comprise dans le plein-fief de haubert de Fervaques, membre
lui-même de la baronnie de Ferrières.
La Croupte n'a donc jamais eu de seigneur particulier , et
aucune Recherche de la noblesse ne mentionne de gentil-
homme y résidant. Toutefois, le pouillé du XIVe siècle in-
scrit comme patron Petvus Coquaigne que je n'ai point vu
figurer comme seigneur de Fervaques. Dans la suite, les pos-
sesseurs de la terre de Fervaques exercèrent les droits de
patronage.
CANTON D'ORBEC. 817
L'inscription de la cloche est intéressante, elle a été l'œuvre
d'un fondeur célèbre :
f M,re AVGVSTE • DE BVLLION • MARQ. DE BONNELLES • ET SEIGNr DR
FERVAQVES • LA CROVTTE ET AVTRES LIEVX • Me DE CAMP • DVN REG1. DE
DRAGONS * DE SON NOM • REPte PAR • NORLE • PERS ''*■ • IEAN • BAP-
TISTE • DE BONNE • CHOSE • CVRE • DE • CE • LIEV • ET • PAR •
NOBLE • DAME • MARIE • BARBE • BEGAV1) • EPOVSE • DE • Me CHARLES •
LEBAS • CONSer • DV ROY • RECEVEVR • DES • TAILLES • A LISIRVX •
ANT. BOVRG TRESORIER.
IEAN AUBERT.
Le cimetière est ombragé par un bel if.
La paroisse de la Croupte dépendait de l'élection de Lisieux,
sergenterie d'Orbec. Sa population était de 425 habitants
(85 feux) ; elle est réduite aujourd'hui à 210.
SAINT-PIERRE-DE-MA1LLOC.
St-Pierre-de-Mailloc, ecclesia sancti Pétri de Colle aux
XIVe , XVe et XVIe siècles ; St-Pierre-du-Tertre jusqu'en
1729.
L'église de St-Pierre-de-Mailloc occupe le sommet d'un
coteau qui domine la rive gauche de l'Orbiquet , et s'élève
au centre d'une place entourée de maisons basses formant le
village.
Le mur occidental de la nef, construit en blocage et sou-
tenu par deux larges contreforts très-peu saillants, est roman
et date du XIe ou du XIIe siècle. Il est précédé d'un porche
en maçonnerie et en bois , sans caractère , et surmonté d'un
clocher Couvert en essente, dont les quatre faces sont garnies
de plusieurs abat-sons ou évents. La pyramide, de forme
octogone , est également revêtue d'essente.
52
818 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Cette église possède une cloche , dont voici l'inscription :
j'Ai ÉTÉ BÉNITE PAR MAÎTRE JEAN MONTHOLIlË , CURÉ DR CE HEU, ET
NOMMÉE LOUISE PÉRINEL PAR TRES-HAUT ET TRES-PUISSANT SEIGNEUR
CÉSAR-LOUIS-MARIE-FRANÇOIS-ANGE DEHOUDBTOT, VICOMTE DE HOUDETOT ET
MARQUIS DE MAILLOC, SOI S-L1BUTENANT DES GENDARMES DE FLANDRE, ET
HAUTE ET PUISSANTE DAME LOUISE PÉRINEL DE FAUGNES, SON ÉPOUSE.
ALEXIS LAVILLETTE, DE LISIEUX , m'a FAITE EN 1775.
Diamètre : 91 centimètres.
Les murs latéraux , primitivement sans contreforts , sont
récrépis et datent de la même époque.
Le mur septentrional de la nef, soutenu par de larges
contreforts du XVIIe siècle , est percé de trois fenêtres cin-
trées, modernes. Des contreforts peu saillants s'élèvent vers
l'extrémité du mur.
Le mur méridional , également percé de trois fenêtres
semblables aux précédentes, offre vers l'extrémité orientale
deux contreforts plats, du XIe ou du XIIe siècle.
Le chœur est en retraite sur la nef. Dans le mur septen-
trional s'ouvre une large fenêtre cintrée , moderne , et une
fenêtre à arc surbaissé du XVIIIe siècle. La sacristie est
accolée à ce mur. Le chevet , sans ouvertures , porte la date
de 1769 , indiquant un allongement.
Trois fenêtres à arc surbaissé sont pratiquées dans le mur
du sud.
La croix du cimetière est en pierre. Une colonne dorique ,
cannelée , forme le fût. Ses croisillons sont terminés par des
fleurs de lis; sur l'une des faces, on lit : E. vesque m'a
faitte.
On remarque à l'intérieur un joli rétable, style Louis XIV,
décoré de deux colonnes torses. La partie inférieure du fût
est garnie d'un cep de vigne. L'entablement consiste en
un cintre brisé. De chaque côté du retable sont placés deux
CANTON D'OKBEC. 819
bons tableaux peints sur bois , représentant , l'un la Sainte-
Vierge, l'autre le Christ, dont la tête nous a paru belle. Ces
tableaux , quadrangulaires , sont entourés d'une riche bor-
dure , arlistemenl sculptée. Au-dessus de ces tableaux est
placé un panneau cintré , où sont peints deux vases d'une
forme gracieuse. Le tabernacle , à pans coupés , est décoré
sur les angles de colonnettes torses accouplées et surmonté
d'une petite galerie formée de balusires en fuseau. Les petits
vases qui surmontent la corniche sont également faits au tour.
Le tombeau en pseudo-gothique est moderne.
Le lutrin est en forme d'aigle.
L'un des autels de la nef est décoré de deux colonnes
torses corinthiennes garnies de roses. Cet autel était autrefois
dédié à la Sainte-Vierge. Le tableau représente le martyre de
saint Laurent. A l'un des angles est peint un écusson : De
gueules aux deux fasces d'or.
On remarque , dans la nef, une ancienne statue (XVe ou
XVIe siècle ) représentant saint Sanctin.
La voûte , aujourd'hui revêtue de plâtre , est en merrain.
Une porte carrée, surmontée d'un oculus, s'ouvre dans
le mur occidental. Le gable est couronné d'un campanille
circulaire , percé de trois baies cintrées reposant sur des
pieds-droits formant pilastres. La coupole qui supporte la
croix est couverte en ardoise.
A gauche , en entrant dans la chapelle , on lit l'inscription
suivante :
CEUX QUI ENTRERONT DANS CETTE CHAPELLE SONT INVITES D Y DIRE
UN AVE MARIA POUR LE SALUT DE Mmc LA MARQUISE DE PORTES QUI l'a
FAIT RÉTABLIR DANS CET ESPOIR EN 1814.
L'autel offre une niche cintrée qui renferme une statue en
bois du XVP siècle, peinte en blauc , autrefois ni inialurée,
820 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
représentant Notre-Dame de la Délivrance. Au-dessus, est un
tableau formant rétable, représentant le crucifiement.
De chaque côté du sanctuaire s'ouvre une fenêtre à ogive
très-aiguë, sans moulures.
La voûte de la chapelle est en lambris.
Château de Mailloc. — Le château de Mailloc , bâti au
fond de la vallée et à peu de distance de l'église, au midi ,
appartient à M. le marquis de Golbert-Chabannais , député
VUE DU CHATEAU DE MAILLOC.
de l'arrondissement de Lisieux au Corps législatif et membre
de l'Association normande.
Ce château, décrit par M. Raymond Bordeaux {Excursion
dans la vallée d'Orbec, 11 juin 1850), est « un édifice con-
« sidérable dans le style du XVIIe siècle. Flanqué de quatre
« grosses tours rondes, peut-être plus anciennes , que bai-
« gnaient autrefois des fossés , il est bâti en pierre de taille
« sans sculptures. <> L'intérieur offre de vastes pièces. Les
murs du grand salon sont revêtus de tapisseries à personnages
d'une belle conservation.
Les parties supérieures du château présentent un riche
pavage émaillé. Les carreaux sont variés de dessins et de
CANTON D'ORBEC 821
couleurs. M. Raymond Bordeaux a compté, dans une pièce,
dix variétés de ce curieux spécimen de l'art céramique dans
notre contrée.
« Mailloc était le chef-lieu d'un fief considérable, entouré
« des quatre paroisses de son nom : St-Martin, St-Denis,
« St-Julien et St-Pierre-de- Mailloc , à cause desquelles ,
« dit-on, on appelait Hôtel des quatre Maillots , l'habitation
v que le seigneur du fief possédai ta Rouen, rue des Maillots.
«. Trois maillets formaient les armes parlantes de cette an-
« cienne famille, dont le nom se prononce Maillo. »
L'antique demeure des Golbert , d'un aspect sévère et mo-
numental, a subi à l'intérieur une grande restauration qui
atteste le goût du propriétaire actuel. C'est aujourd'hui une
des habitations les plus luxueuses de la contrée.
Nous devons à l'obligeance de M. Charles Vasseur les notes
historiques qui suivent sur les anciens seigneurs de Mailloc :
« La famille des seigneurs de Mailloc remonte à la plus
« haute antiquité. Jean de Mailloc suivit le duc Robert de
« Normandie en Terre-Sainte. Les Rôles de l'Échiquier re-
« latent, à l'année 1l8u, le nom de Roger de Mailloc.
« Henri de Mailloc figure sur la liste des tenanciers des fiefs
« militaires du commencement du XIIIe siècle. Mais il est
a impossible d'établir une filiation entre ces divers persou-
« nages. On retrouve encore des descendants de cette famille
« pendant les XIVe , XVe et XVIe siècles. Il existe, aux Ar-
« chives du Calvados, un aveu rendu le 29 août 1551, par
« Jean de Mailloc au cardinal d'Annebautv évoque de Lisieux,
« pour la terre de Mailloc ayant titre de baronnie, et l'un
« des membres du comté de Lisieux. Nous transcrivons un
* droit curieux relaté dans cet aveu : Et lui appartient la
« haquence ou mule sur laquelle est monte ledit seigneur
« évêque le jour qu'il fait son entrée à Lisieux en lui ai-
« dant à descendre près la croix St-lhsin, à la sujétion de
822 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
« lut servir ledit jour d'ècuyer tranchant. Tenu ledit fief
« du comté de Lisieux à foy et hommage et relief, avec
« UO jours de garde à la porte d'Orbec aud. Lisieux en
a temps de guerre.
« La baronnie de Mailloc fut érigée en marquisat par
« lettres de 1693 , en faveur de Gabriel-René de Mailloc,
« fils de Gabriel de Mailloc et de Renée de Créquy. Le pre-
« mier marquis de Mailloc mourut sans postérité, le 11 oc-
« tobre 1724, et sa veuve, Claude-Lydie d'Harcourt (celle
« qui figure sur la cloche de St-Denis) , se fit adjuger le
« marquisat de Mailloc, qui passa plus tard au duc d'Har-
« court, son frère. Si nous en croyons les inscriptions des
« cloches de St-Martin et de St-Julien , ce serait ce duc
« d'Harcourt qui aurait vendu la terre de Mailloc à la famille
« d'Houdetot, qui a dû la posséder jusqu'à la Révolution.
« Le marquis de La Place, le fameux savant de l'Empire,
« posséda le château de Mailloc, et c'est de lui que l'acquit
« le marquis de Porte, beau-père de M. de Colbert qui l'ha-
« bite maintenant. »
St-Pierre-du -Tertre (aujourd'hui St-Pierre-de-Mailloc )
avait pour patron laïque, au XIVe siècle, Henri de Maillot;
aux XVIe et XVIIIe siècles, le seigneur du lieu.
Jean de Maillot , au XIVe siècle , était également seigneur
de St-Hippolyte-de-Canteloup ; Jean de Maillot , ou son fils,
fut du nombre des trois cents chevaliers auxquels le roi Jean
pardonna, le 22 décembre 1360 , d'avoir pris le parti du roi
de Navarre.
LA CHAPELLE- WON.
La Chapelle-Yvon, Capella-Yvonis.
Le seigneur qui a donné son nom à cette église, dont il fut
sans doute le constructeur , n'a pas trouvé place dans l'his-
toire.
C ANTON DORBtC,
8*23
p,W-DESCARTES-Sfr
A.THIOUET.
vue de l'église et db la roun de la chapelle a von.
824 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Il est probable que c'est son œuvre qui subsiste encore
aujourd'hui, car, dans son ensemble, l'église de la Chapelle-
Yvon appartient à la période romane.
Le pignon occidental montre , dans le plein des murs sou-
tenus par deux contreforts plats, l'appareil bien caractérisé
en feuilles de fougère. La porte a été percée seulement au
XVIe siècle. L'entrée primitive devait exister au centre du
mur méridional, où sont restés, au milieu des reprises posté-
rieures , quelques claveaux sculptés d'étoiles. Une partie du
mur avec un contrefort appartient aussi à l'époque romane.
On y voit des briques longues , semblables aux briques ro-
maines, mais plus grossièrement modelées. Le surplus, pa-
rementé en grand appareil , date seulement du XVIe siècle
avec les deux fenêtres cintrées qui y sont pratiquées. Les
deux autres ouvertures consistent en une grande baie moderne
et en une fenêtre ogivale à tracerie flamboyante. Le mur
latéral du nord, comme toujours, est resté mieux caractérisé.
Deux contreforts plats le soutiennent; mais les ouvertures
sont modernes.
Le chœur ne date que du XVe siècle, il est à chevet droit ;
une seule fenêtre mérite d'être signalée , c'est l'ogive subdi-
visée par un meneau qui s'ouvre dans le mur du sud.
De ce côté s'élève la tour , disposée entre chœur et nef et
faisant saillie de moitié environ de son diamètre. C'est une "
construction rectangulaire assez massive, composée d'un
blocage de silex non taillé et de grison. Deux contreforts
buttent le mur méridional ; un seul est apparent à l'ouest et
à l'est. La corniche se compose d'un quart de rond avec une
plate-bande. Un clocher en charpente du XVe siècle couronne
cette tour. Il est octogone, revêtu d'essente, avec des lucarnes
sur quatre des faces. La seule ouverture de la tour est une
fenêtre cintrée à deux rangs de claveaux de pierre blanche
extradossés. Une tête sculptée en haut-relief forme clef à la
CANTON D'ORBEC. 825
première rangée. Cette tour est , sans aucun doute , contem-
poraine de la nef.
L'intérieur , affligé d'un bain de badigeon criard , n'offre
rien de remarquable. Les voûtes sont en merrain avec char-
pentes apparentes. L'arc triomphal date du XVe siècle ; il
consiste en une ogive à moulures prismatiques soutenue par
deux piliers semi-cylindriques. Les trois autels sont insigni •
fiants. On voyait autrefois , au rétable de l'Épître , un ta-
bleau représentant saint Biaise , peut-être sans grand mé-
rite artistique ; mais, au bas, était un blason de donateur
qui lui donnait une valeur historique. Ce blason était de
gueules au chevron d'argent accompagné de 3 meriettes de
même. A la place , on a pendu une toile moderne , due à la
munificence du baron André Despériers.
Aux fenêtres ogivales restent quelques fragments de vitraux,
bordures de la Renaissance , t cartels entourés d'amours et
autres motifs, et un petit sujet fort décoloré qui représente le
martyre de saint Biaise.
Diverses statues méritent d'être signalées, surtout une
Vierge de la Renaissance avec l'Enfant-Jésus vêtu d'une
longue robe, pressant dans ses mains une colombe.
Le clocher renferme deux cloches anciennes : l'une vient
du Besnerey, et j'en réserve l'inscription pour l'article de
cette paroisse. L'autre porte les lignes suivantes :
f LAN 1788 IAI ETE BENIE PAR Me IOSEPH PHILIPPE LE MONNIER DE
LA HAITRÉE CURE DE CE LIEU ET NOMMEZ MAGDELEINE PAR TRES HAUT ET
TRES PUISSANT SEIGNEUR ANTOINE FRANÇOIS DE QUITRY BRIGADIER DES
ARMÉES DU ROY ET PAR TRES HAUTE ET TRES PUISSANTE DAME MAGDELEINE
CHARLOTTE DE RIQUEL DE CARAMAN EPOUSE DE TRES HAUT ET TRES PUIS-
SANT SEIGNEUR VICTOR IACQUF.S GUI GEORGE HENRI DE CHAUMONT MARQUIS
DE QUITRY.
LE ST PIERRE LECU1ER TRESORIER COMPTABLE. IEAN COPIE MA FAITE.
L'église de la Chapelle -Yvon est sous l'invocation de Notre-
826 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
Dame. Elle faisait partie du doyenné d'Orbec. Les pouillés
du XIVe siècle indiquent, comme patron, le seigneur du Bes-
nerey; ceux des siècles suivants portent simplement le sei-
gneur du lieu : dominus ioci.
La chapelle-Yvon était un plein fief de haubert. En 1562 ,
il appartenait à maistre Pierre des Hayes ; en 1581, à Jacques
des Hayes, sieur de Gassart. Au XVIIe siècle et jusqu'à la
Révolution, on le trouve en la possession des Chaumont de
Quitry, barons d'Orbec.
Le Besnerey. — La paroisse du Besnerey ( Besnereyum ,
Benereum) a été réunie à la Chapelle-Yvon. L'église est dé-
molie et le mobilier transporté dans l'église de la nouvelle
paroisse. La cloche mérite l'attention ; en voici l'in-
scription :
f IAY ETE BENIE PAR Mre LOV1S IARDIN CVRE DE CE LIEVX ET NOMMEE
ESTIENME PAR HAVT ET PT SGR Mre AMAND THOMAS HVE CHEer MRiS DE
MIROMESNIL SGR ET PON DES FSE DE TOVRV1LLE SVR ARQVES BEAVMET ET
AVTRES LIEVX CONer DV ROY EN TOVS SES Ceils Mre DES REQVESTES ORDre
DE LHOTEL DE SA MAIESTÉ ET PAR HTE ET PTE DAME MADAME ANONIME
DV FAY VEVVE DE HAVT ET PT SGR Mre IACQVES ANTOINE DE CHAVMONT
CHE*r MARQVIS DE GITRV BARON D'ORBEC ET DE BIENFAITE SGr ET PON
DES PSE DE TOnDOIS LE RONCERAY ET AVTRES LIEVX.
1737.
Cette église était dédiée à saint Etienne. Elle dépendait,
comme la Chapelle-Yvon, du doyenné d'Orbec. Le patronage
était laïque.
On trouve en possession du fief du Besnerey , en 1431 ,
Antoine de Castillon ; en 1469, Gueroudin de Franqueville ,
sieur de Collandon à Glos; en 1562, maistre Nicolas de La
Personne; en 1648, François de Moges, seigneur de Préaux;
CANTON d'okbec. 827
en 1677, René de Moges, son fils, conseiller au Grand-
Conseil.
Au XVIIIe siècle, les Trevet avaient succédé aux de Moges,
et au moment de la Révolution, les Despériers de Fresnes
possédaient cette terre, qui se trouve encore dans la même
famille.
La population des deux paroisses réunies de la Chapelle-
Yvon et du Besnerey est de 635 habitants. Au XVIIIe siècle,
on comptait à la Chapelle-Yvon 275 habitants (55 feux),
au Besnerey 200 (&0 feux). Cette augmentation notable tient
aux usines établies sur la rivière d'Orbec.
SAINT-JULIEi\-DE-MAILLOC.
St-Julien-de-Mailloc , Sanctus Julïanus de Maillot, de
Mailloco.
Cette église est assez vaste ; mais elle offre peu d'intérêt ,
par suite des transformations qu'elle a subies depuis trente
ans.
Rien, dans les parties anciennes, n'indique une construc-
tion antérieure au XVe siècle. Les contreforts et quelques
fenêtres, plus ou moins mutilées , qui subsistent encore, ont
tous les caractères du style ogival flamboyant. Le plan offre
une nef et un chœur qu'on vient de reconstruire , et il n'y a
aucune particularité à signaler.
Le clocher en charpente, de 100 pieds de hauteur,
appartient aussi au XVe siècle. Il était originairement assis
sur l'arc triomphal , en avant du chœur ; mais il a paru plus
conforme aux usages modernes de l'établir sur le pignon
occidental. Deux charpentiers du pays , nommés Nicole et
Lami, ont entrepris d'opérer ce transport sans démolition.
828 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
La distance à parcourir était de 65 pieds (1). Après réussite
complète, on leur a versé 250 francs seulement.
Rien, à l'intérieur, ne compense la triste idée conçue
dans l'inspection de l'extérieur : voûtes plâtrées, mobilier
insignifiant. Il faut pourtant signaler un tabernacle en bois
du XVe siècle , que M. le curé actuel a découvert dans les
greniers. Ces sortes de meubles sont rares dans leur inté-
grité. A l'article de Grengues ( tome IV) , on a figuré un
panneau qui appartient évidemment à un tabernacle. Celui-
ci est divisé en deux étages par une tablette posée à peu près
à moitié de la hauteur. Il est carré en plan et représente
assez bien une tour d'église de l'époque. Des pilastres for-
mant contreforts garnissent les quatre angles; un petit clo-
cheton orné de crochets leur sert d'amortissement. Les faces
sont composées de panneaux découpés à jour en arcatures,
doublées dans les vides d'un verre épais, incolore, qui per-
mettait de contempler l'intérieur. On distingue encore les
traces de peintures dont ce tabernacle était revêtu : rouge à
l'intérieur, vert à l'extérieur, sans aucun dessin. La porte
n'était point différente des autres faces ; elle occupait toute la
hauteur. Chacune de ces faces se termine par un triangle
garni de crossettes et percé d'un trèfle. Rien n'indique qu'une
pyramide ait complété le couronnement. La hauteur totale
de cette tour est de 2 pieds environ, et sa largeur de
7 pouces.
L'église de St-Julien-de-Mailloc dépendait du doyenné
d'Orbec. Le patronage était laïque.
Le clocher renferme deux cloches. La plus grosse est mo-
derne ; l'autre porte l'inscription suivante :
f IAY ETE BENIE PAR Mre FRANÇOIS MICHEL MBUSNIER CCRE DE CE LIEU
(1) Notes par M. Ch. Vasseur.
CANTON D ORBEC.
829
ET NOMMEE LODISE FRANÇOISE PAR CEZARD LOUIS FRANÇOIS MARIE ANGE
VICOMTE d'hOUDETOT ENFANT DE CLAUDE CONSTANCE CEZARD d'hOUDETOT
MARECHAL DKS CAMPS ET ARMÉES DU ROY MARQUIS DE MA1LLOC ET AUTRES
LIEUX IEAN FAILLET FILS PIERR(e) TRESORIER.
A LAVILLETTE DE LISIEUX MA Fle EN 177d.
Celte cloche a été publiée par M. le docteur Billon dans
ses Éludes èpigraphiques.
La paroisse de St- Julien était comprise dans la baronnie
de Mailloc, dont le chef est sur St-Pierre; elle n'a jamais eu
de seigneur particulier.
Chapelle de Mailloc. — La petite chapelle qu'on trouve
sur le bord de la route d'Orbec à Lisieux est sur le territoire
CHAPELLE DE MAILLOC.
de St-Julien. Sa construction , comme le lait voir le dessin
830 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
de M. Bouet, date tout au plus du XVP siècle. Le chevet
est à pans coupés sans ouvertures : deux baies ogivales
s'ouvrent symétriquement dans les murs latéraux pour
éclairer l'autel. La porte est au milieu du pignon de l'ouest
vers la route. Dans les vantaux , menuiserie en style Louis
XIV, ou a pratiqué un petit guichet pour permettre aux
pèlerins de voir l'intérieur. Un petit autel, fort simple, com-
pose tout l'ameublement. Il n'y point de voûte , mais un
simple plafond. Un petit clocheton en dôme, percé de quatre
arcades cintrées, contient la cloche.
Cette chapelle est dédiée à Notre-Dame : le patronage
appartenait au baron de Mailloc.
La fête patronale se célèbre le 8 septembre. C'est une
foire avec assemblée très-fréquentée, dont la principale mar-
chandise (après les liquides) consiste dans des melons dont
la culture se fait en grand dans les champs d'alentour. Je ne
sais pourquoi celte assemblée se nomme la Saint-Gourgon ,
ce saint n'étant l'objet d'aucun culte dans la contrée,
La population de St-Julien est de 555 habitants. Elle était,
au dernier siècle , de 415. C'est encore à l'industrie qu'est
duc cette augmentation.
Voie romaine. — La voie romaine de Lisieux et Condé-
sur-Iton montait sur le coteau près de la chapelle de Mailloc
pour se diriger ensuite , à peu près en ligne droite, vers
Broglie , La Barre et Condé. Je l'ai suivie de la chapelle de
Mailloc à St-Germain- la-Campagne. Elle laissait à gauche
l'église et le village du Besnerey, et à droite celui des Petits-
Périers. Elle passait à 500 mètres , au midi , de l'église de
St-Germain-la-Campagne. On la voit très-distiuctement ,
entre St-Germain et le Besnerey , et l'on trouve à 1 kilo-
mètre 1/2 de |St-Germam, vers le Besnerey, un carrefour
au milieu duquel existe aujourd'hui une croix entièrement
CANTON D'ORBEC. 831
en fer portant une inscription et les armoiries de la famille
qui l'a érigée ( V. la communication que j'ai faite il y a
quelques années à la Société française d'archéologie ). Cette
croix a très-probablement remplacé un monument romain,
soit une colonne milliaire, soit peut-être plutôt un autel
dédié à Mercure. Le piédestal de la statue de ce dieu ,
trouvé dans les fondations de l'église St- Germain quand on
l'a reconstruite, il y a quelques années, et qui a été transporté
à Évreux, pourrait bien avoir occupé cet emplacement dans
l'origine. C'est une conjecture, sans doute , mais ce marbre
ne devait pas avoir été apporté de bien loin quand on l'a
fait entrer dans les fondations de l'église.
Quoi qu'il en soit , ce chemin que l'on peut encore re-
connaître jusqu'à St -Germain, et qui se confond ensuite
avec la roule de ce lieu à Broglie , est évidemment celui
que l'Itinéraire d'Antonin mentionne : il est connu sous le
nom de chemin Perrey , et la tradition rapporte qu'il a
plus de 100 lieues de longueur. C'est à tort que le chemin
de Lisieux à Chambray par Courtonne-la-Ville , qui est pa-
rallèle au précédent , a été regardé par quelques personnes
comme la voie romaine de Lisieux à Dreux.
SA1NT-MART1N-DE-MA1LLOC.
St-Martin-de-Mailloc, S. M. de Valle Auribecci, S. Martin
du Val-d'Orbec (1).
Le nom de St- Martin- le- Vieux donné au moyen-âge à
cette paroisse , et son vocable seul , que M. Aug. Le Prévost
regardait comme datant des temps mérovingiens , dispose
l'archéologue qui gravit la colline sur laquelle est bâtie
4i Notes par M. Ch. Vasseur.
832 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
CANTON D'ORBEC. 83
l'église, à la rencontre d'un édifice intéressant La déception
est grande. On se trouve en face d'une construction pouvant
au plus remonter à la fin du XVe siècle , où rien ne mérite
fixer l'attention. Le chœur est tourné vers l'ouest, con-
trairement à l'usage : il date seulement du XVIIe siècle. La
nef, en grand appareil avec ses contreforts épais, a con-
servé trois fenêtres ogivales. On a bâti en 1862 en avant du
portail, une tour en briques de ce style pseudo-ogival ,
chinois , plus laid que le plus laid classique ; mais qui
seul a cours maintenant parmi nos architectes de campagne.
Cette addition achève de défigurer une église déjà nulle
en elle-même.
L'inventaire de l'intérieur est bien vite fait. La voûte du
chœur est plâtrée. Celle de la nef a conservé ses charpentes
apparentes, mais elle est en très-mauvais état.
Le maître-autel appartient au règne de Louis XV.
Les deux petits autels, presque identiques , sont du siècle
précédent. Rétable à fronton cintré , soutenu par deux co-
lonnes cannelées, dont le tiers inférieur est entouré de
feuillages. On doit remarquer dans la niche pratiquée près
de l'autel du nord , une Vierge en bois doré qui n'est pas
dépourvue de mérite. Plus loin est une statue de saint Loup,
qu'on peut attribuer au moyen-âge.
La croix du cimetière , en pierre avec fleurs de lis aux
extrémités , date du XVIII* siècle.
La cloche est ancienne. M. le docteur Billon en a publié
l'inscription dans son Épigraphie campanaire.
f LAN 1781 1AY RTE BENITE PAR Mr BELLAMY CURE DE CE LIEU
ANCIEN PROFESSEUR EN l' UNIVERSITE DE CAEN ET NOMMÉE LOUISE PAR
TRES HAUT KT TRES PUISSANT SEIGNEUR CLAUDE CONSTANCE CEZAR DE
HOUDETOT LIEUTENANT GENERAL DES ARMÉES DU ROY ASSISTÉ DE TRES
HAUTE ET TRES PUISSANTE DAME LOUISE PERRINET EPOUSE DE TRES
HAIT ET THES PUISSANT SEIGNEUR CfiZAfl tOflJS MARTF FRANÇOIS ANGE VI-
53
83/i STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
COMTE DE HOUDETOT MARQUIS DE MAILLOC MARECHAL GENERAL DES TROUPES
AL' DELA DU CAP PARRAIN ET MARRAINE REPRÉSENTÉS PAR MF.SSIRE GUIL-
LAUME IEAN DR CUEVECOEUR SEIGNEUR DE SOQUENCE. Mr MARIE VICAIRE DE
CETTE PAROISSE ET Me PIERRE TABARIE ET Mr 1ACQUES GALOPIN DEPUTES.
IEAN CHARLES CAV1L1ER.
Sur la panse , on voit un petit écusson surmonté d'une
couronne de marquis, et portant une bande chargée de trois
roues à six raies.
La paroisse de St-Martin faisait partie du doyenné
d'Orbec. Le patronage était laïque.
Le Bulletin monumental de 1864 (p. 558) a parlé d'une
découverte de sépultures, probablement mérovingiennes, faite
sur le territoire de cette paroisse.
La population de St-Martin-de-Mailloe est de 629 ha-
bitants. Au siècle dernier, elle était de 600 ( 120 feux).
SAINT-DENIS-DI — >l AS I I <><
St-Denis-de-Mailloc , Sanctus Dionisius de Maillot,
Sanctus Dionisius de Valle-Auribecci, St-Denis de Mailloc,
St- Denis du Val-d'Orbec.
St-Denis est réuni , pour le culte , à St-Julien de Mailloc.
Il dépendait aussi du doyenné d'Orbec. Le patronage appar-
tenait au seigneur du lieu.
L'église est conservée avec soin par les habitants. Elle est
assez petite. Le pignon de l'ouest, où s'ouvre le portail , date
du XVIe siècle dans la partie inférieure. Le haut a été
refait au XVIIIe. La porte est précédée d'un beau porche
en charpente vigoureusement taillé, qui a les caractères
de la fin du XVe siècle.
Les deux murs latéraux sont inégalement percés. Chacun
CANTON D ORBEC. 835
est flanqué par deux conlreforls placés aux extrémités , dont
les profils accusent le XVe ou le XVIe siècle. Les murs sont
romans , bien que les moellons dont ils se composent n'affec-
tent pas d'une manière bien distincte Vopus spicatum. Les
fenêtres datent en partie du XVIe siècle , en partie
du XVIIIe.
Le clocher est assis sur le pignon oriental de la nef; il
appartient au XVIe siècle : ses évents se composent d'une série
de trilobés. Du reste , il n'offre rien de remarquable.
Le chœur est petit et sa construction doit remonter à
l'époque romane , comme celle de la nef. Le chevet a été
reconstruit, probablement au XVIe siècle. Les ouvertures
sont encore plus modernes. Une petite sacristie cache en
partie le mur septentrional.
L'intérieur est assez obscur. Le maître-autel , dans le style
du règne de Louis XIV, se compose d'un entablement
soutenu par six colonnes corinthiennes, avec une niche
cylindrique au centre ; mais cet encadrement a dû renfermer
autrefois un tableau. Cet autel, comme le reste du mobilier,
a peu de valeur. Six belles torchères en bois tourné servent
de chandeliers. La voûte du chœur est plâtrée ; les enlraits
en ont été coupés, ce qui a fait pousser les murs au vide
et a occasionné une lézarde profonde dans le mur du chevet.
Au sous-faîte sont sculptés trois blasons : le premier du cha-
pitre de Lisieux, le second de France, et le troisième de
gueules à trois maillets d'or , 2 et 1 , qui est de Mailloc.
L'arc triomphal est à moulures prismatiques portées sur
deux piliers semi-cylindriques.
Les deux petits autels de la nef, du XVIIe siècle , comme
celui du chœur, sont sans intérêt artistique. L'autel du
nord est dédié à la Vierge , selon l'usage constant : l'autel
du sud a pour titulaire saint Hubert ; on trouve à côté
un Tableau des Fondations de La Confrairie de Si-Hubert,
836 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
érigée de temps immémorial en l'église de St- Denis de
Mailloc. Cette confrérie s'acquitte des mêmes devoirs que
les Charités instituées dans la plupart des paroisses de
l'évêché de Lisieux.
La base du clocher, comprise dans la clôture du chœur ,
qui n'a pas varié depuis la Révolution , a été disposée au
centre en une sorte de dôme pour ne point cacher la pointe
de l'arc triomphal. La voûte de la nef est en lambris ; elle
n'a point subi, comme celle du chœur, l'outrage d'un
horrible plâtrage. La charpente , indépendante des murs ,
porte sur des poteaux très-forts posés sur le sol. Elle n'est
aucunement ornementée , mais d'une conservation parfaite.
On retrouve dans le pavage quelques restes de carreaux
émaillés, et sur les murs des traces de peinture à l'ocre
rouge.
Plusieurs fenêtres possèdent encore quelques fragments
de vitraux du XVIe siècle. Il faut mentionner une Vierge
assise, ayant à ses pieds trois donateurs, deux hommes et une
femme. Cette Vierge est charmante, peinte en grisaille avec
les hachures les plus fines. Les draperies sont bien étudiées.
L'enfant Jésus , debout sur les genoux de sa mère , tend ses
bras vers les trois personnages agenouillés à ses pieds. Ces
donateurs n'ont point les costumes brillants de la noblesse ,
et il n'y aurait rien d'étonnant à ce que ce fussent des
paysans du lieu. L'un est vêtu d'un sarrau bleu , sem-
blable à la blouse portée encore de nos jours par les
cultivateurs normands ; le second est en brun. La femme
porte le bonnet pyramidal Lexovien, qui vient de disparaître
devant des modes parisiennes.
La cloche est ancienne , voici son inscription :
f L^N 17&8 IAY ESTE BENIE PAR Mfe IAGQVES VALLEE PBRE CVRE DE
CE LIEV ET NOMMEE C.f.AVDF. PAR Mre ABRAHAM DARCOVRT DOYEN DE
CANTON D'ORBEC 837
LEGLISK METROPOLITAINE DE PABIS ABBE COMMENDATA1BE DE S1GNY ET DE
SAINT-TAVBIN DEVRELX ET PAR TVISSANTE DAME CLAVDE LIDIE DARCOVRT
MARQVISE DE MAILLOC DAME DV CHAMP DE BATAILLE ET AVTRES LIEVX.
(Voyez Épigraphie campanairc , par M. le docteur Billon.)
Cassini indique, à St-Denis-de-Mailloc , un château dont
je n'ai pu découvrir le moindre vestige.
Le châtelain était tenu de faire UO jours de garde à la
porte d'Orbec, à Lisieux , en temps de guerre. On trouve
comme possesseurs de ce fief: en ikUl , Guillaume Fou-
quet , dont la fille et unique héritière épousa Gueroudin
de Franqueville , sieur de Collandon ; en 1532, Charles
de Mailloc qui, avec François de Fontenay , le seigneur
du Monl-à-la-Vigne et d'autres gentilshommes, maltraita
fort les bourgeois de Lisieux; en 1562, Jehan de IMailloc ;
enfin, en 1601, Hamon de Mailloc, l'un des plus tur-
bulents gentilshommes auxquels le roi Henri IV ait eu
atfaire, et qui, comme son ancêtre, ne se fit pas faute de
rançonner les habitants de Lisieux. Il épousa Madeleine de
Melun, qui lui donna une fille, mariée le 18 octobre 1618
à Charles-François de Lyée , seigneur de Tonnancourt.
Deux autres fiefs avaient leur manoir sur le territoire de
cette paroisse : la Masselinaye , appartenant au chapitre de
Lisieux , et le Hameau-Chouque.
La paroisse de St-Denis-de-Mailloc dépendait de l'élec-
tion de Lisieux, sergenterie d'Orbec. Elle comptait 67 feux,
environ 335 habitants. La population actuelle n'est plus
que de 207.
838 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
SAINT-PAUL-DE-COURTONNE.
St-Paul-de-Courtonne , Sanctus Paulus de Courthonna,
Cortonna villa.
St-Paul-de-Courtonne n'est, à proprement parler, qu'une
paroisse du bourg de Courtonne-la-Ville : les maisons bor-
dent la rue qui conduit d'une église à l'autre, sans solution
de continuité; seulement, tandis que l'église du bourg avait
pour patron l'abbé de Bernay , le patronage de St-Paul
était laïque. L'une , comme l'autre , était comprise dans le
doyenné de Moyaux.
Bien que les états de population dressés au dernier
siècle accordent à la paroisse St-Paul 15U feux, c'est-à-
dire plus de 750 habitants ( aujourd'hui 365 ) , l'église
était dans de petites proportions. La nef ne mesure que
ZU pieds de longueur sur 28 de largeur ; le chœur était
en rapport, et, par conséquent, fort restreint. L'ensemble,
au premier coup-d'œil , offrait tous les caractères du XVIIP
siècle, et, en effet, la nef date de cette époque; elle est
construite en pierres de craie de grand appareil, sans contre-
forts , avec pilastres peu saillants , une énorme corniche en
doucine, et fenêtres carrées. La porte s'ouvre dans Je pignon
de l'ouest, que surmonte le clocher en ardoise. Elle est
précédée d'un porche en bois assez large , clos du côté du
nord.
Le chœur , percé aussi de fenêtres carrées , avait pour-
tant conservé quelques parties bien caractérisées de l'époque
romane. On y voyait, au nord, un contrefort plat; et le
chevet tout entier appartenait à l'époque primitive. On avait
encastré dans son pignon un petit bas-relief en pierre , du
XVIe siècle, représentant l'Annonciation. Les figures sont
CANTON D'ORBEC. 839
délicates , le travail finement exécuté ; on ne voit pas de
traces de peintures.
Ce chœur a été détruit il y a cinq ans , et remplacé par
une bâtisse en briques fort laide , malgré sl'S prétentions go-
thiques, et hors de proportion avec la nef, qu'on démolira
sans doute, à son tour. Quand j'ai visité la localité en 1863,
j'ai trouvé le joli bas-relief jeté dans un coin du cimetière,
au milieu d'un tas de décombres et d'immondices. Je suis
sûr que l'auteur de ce méfait a la prétention d'être un
artiste !!!
Le château, tout moderne, est situé à une certaine
distance de l'église , sur le coteau , de l'autre côté du
chemin de fer. Il est habité par M. de Gassart. Les pouillés du
diocèse de Lisieux font mention de Henri de Courtonne, au
XIVe siècle. En 1463, Montfaut trouva à St-Paul, Thomas
Euslache ; mais il est probable que la famille de Belleau
possédait déjà la terre , car les montres de la noblesse du
bailliage d'Évreux de 1469, six ans plus tard, font mention de
Jean de Belleau , escuyer, seigneur du lieu et de Courtonne.
Toutes les recherches subséquentes fournissent des noms de
seigneurs de la même famille , laquelle ne s'est éteinte qu'en
1834 dans la personne de M. Charles-Prudence de Belleau,
dont on voit le tombeau dans le cimetière.
On trouve aussi, de l'autre côté de l'église, les sépultures de
madame Marie Claude de Vauquelin , baronne de Cauvigny ,
décédée à St-Paul le 26 octobre 1838, et de Élisabeth-Cons-
tance-Stéphanie-Louise de Belleau, décédée le 26 juin 1850.
Il y avait à St-Paul-de-Courlonne un moulin de la Motte ,
qui appartenait en 1342 à Jehan d'Orbec ; et une maladrerie,
nommée St-Clair-des-Bois, réunie, le 13 juillet IC96 , a
l'hôpital d'Orbec.
On y a trouvé aussi des vestiges de constructions romaines,
en 1841 et 1849.
8M) STATISTIQUE MONUMENTALE Dl; CALVADOS.
St-Paul-de-Courlonne faisait partie de l'élection de Lisieux,
sergenterie d'Orbec.
COURTONNE-LA-VILLU.
Courlonne-la- Ville , Cowthona abbatis , Cwtona , Cor-
tona villa.
De l'élection de Lisieux, sergenterie de Moyaux, Gour-
tonne-la-Ville comptait , il y a cent ans, plus de 1,000 habi-
tants ; la population est réduite aujourd'hui à 76fr.
Bien que le patronage appartînt à l'abbaye de Bernay ,
l'église est médiocre. Le chevet remonte à l'époque
romane : il est bien caractérisé ; deux contreforts plats con-
struits, partie en travertin, partie en grison , soutiennent un
blocage en arêtes de poisson. On distingue encore la trace
de deux petites fenêtres cintrées, bouchées probablement
au XVIIIe siècle. Le mur latéral du nord est caché par la
sacristie ; celui du sud a été refait au XVIIIe siècle ; les deux
fenêtres en briques datent de cette époque. Deux chapelles,
probablement aussi du dernier siècle , forment transept en
avant du chœur. Le clocher , octogone , peu élevé , mais assez
élégant, est assis à l'intersection de ces chapelles et de la nef.
La nef offre en grande partie les caractères du XVe ou
XVIe siècle, dans les contreforts et les fenêtres ; mais le gros-
œuvre remonte à l'époque romane comme le chevet ; on
constate notamment au sud des parties de blocage ancien , et
au-dessus de la porte à anse de panier , percée au XVIe siècle
dans le pignon occidental , on trouve deux fenêtres cintrées ,
évidemment romanes.
L'intérieur est aussi peu intéressant que l'extérieur. Les
voûtes du chœur et des chapelles sont plâtrées. Celle de la
CANTON D'ORBIïC. 8M
nef a conservé les douvettes ornées de son berceau ; mais on a
coupé les entraits de la charpente, suivant la mode adoptée
par le clergé de la contrée. Aussi les murs sont-ils lézardés et
poussent-ils au vide.
Le maître-autel date du règne de Louis XIV : il est petit et
bien inférieur, comme exécution , à la plupart de ceux que
nous avons rencontrés.
Dans la chapelle de la Vierge est une statue en bois de
sainte Anne, d'un assez bon travail.
Les fonts baptismaux , en pierre , probablement du XVI0
siècle , sont mutilés. Une fenêtre de la nef a conservé quelques
fragments de vitraux de la Renaissance, parmi lesquels se
trouve une tête nimbée délicatement dessinée.
Au mur est appendue une vieille bannière paroissiale en
soie rouge avec broderies de fil d'or et d'argent mélangé de
soie. Ces broderies , assez grotesques, figurent, d'un côté,
Si-Martin à cheval partageant son manteau; de l'autre, une
Vierge posée sur un sol semé de fleurs de lis.
Cette église , dédiée à saint Martin , était comprise dans le
doyenné de Moyaux.
En même temps que le patronage , les moines de Bernay
possédaient « la seigneurie ou baronnie de Courthonne,
Sainct Mards de Fresnes et le Planquey , » qui avait des
extensions jusque sur la Chapelle-Hareng. Aussi trouve-t-on
peu de gentilshommes résidant sur celte paroisse , et je ne
connais aucun manoir qui mérite être signalé.
CORDEBUGLE.
Cordebugle , Ecclesia de Cornu Bubali (1).
Avant la Révolution , la paroisse de Cordebugle portait
(1) Notes par M. Pannier.
862 STATISTIQUE MONUMENTALE DU CALVADOS.
le nom de St-Pierre-des-Bois. Le territoire de cette commune
est très-accidenté et coupé par de nombreux vallons.
L'église est sous l'invocation de saint Pierre et de saint Paul.
La partie la plus ancienne est la tour, placée au midi,
entre le chœur et la nef: elle remonte au XIIe siècle. Cette
tour, construite en poudingue, est terminée par une pyra-
mide en ardoise , du XVIe siècle.
Le chœur est de la fin du XIIe siècle. Le mur septen-
trional est percé de jolies fenêtres en lancettes, entourées
d'un tore. Au midi, le mur est flanqué d'un large contrefort
qui présente peu de saillie. Les fenêtres, de ce côté, sont mo-
dernes et attestent le mauvais goût de la fabrique. Du même
côté et près de la tour , se trouve une petite porte ogivale
entourée d'un tore et sur le tympan de laquelle est figurée
une croix de consécration, Le mur du chevet est percé d'une
large fenêtre trilobée , en partie masquée par la sacristie.
La nef et le portail appartiennent à la dernière période du
style ogival. Les fenêtres de la nef ont conservé leurs ar-
matures. Une seule de ces fenêtres, au nord, a été refaite.
Les contreforts de la nef et ceux du chœur, à l'exception
de celui que nous avons signalé , ont été reconstruits en
brique.
Le portail offre une jolie porte à linteau encadrée dans
une grande ogive en accolade, dont les rampants sont
décorés de larges feuilles de chou frisé. Elle est flanquée
de deux contreforts prismatiques surmontés de clochetons.
Le portail est précédé d'un porche du même style. Sur un
des piliers sont sculptées les armoiries de l'évêque de Li-
sieux.
A l'intérieur, le maître-autel, dans le style Louis XIV,
avec un beau rétable, est décoré de quatre colonnes
rudentées , d'ordre composite. Le tombeau est carré , avec
un parement en perles longues, en verre, diversement
CANTON D'ORBEC. 8^3
coloriées. Le fond est en perles blanches. Au milieu est un
médaillon de forme elliptique dont les bords sont ornés de
perles blanches et de perles jaune-or , alternant entre elles.
Au centre du médaillon est représenté un cœur enflammé en
perles jaune-or, avec une bordure de perles rose-carmin.
Nous avons déjà signalé un autel orné de perles, à Ammeville,
canton de St-Pierre-sur-Dive ; celui de Cordebugle est loin
d'offrir autant d'intérêt.
Cordebugle avait pour patron le seigneur du Gange et dé-
pendait du doyenné de IVloyaux.
Avant la Révolution, cette paroisse faisait partie de l'élec-
tion de Lisieux et comptait 28 feux. Son revenu était de
700*.
Par ordonnance du 31 mars 1825, Courtonnel , dont
l'église a été démolie, a été réuni à Cordebugle.
Ici finit notre revue de l'arrondissement de Lisieux et
le cinquième et dernier volume de notre Statistique monu-
mentale du Calvados ; travail intéressant, mais ingrat, fati-
gant , pour lequel il a fallu un certain courage. Sans
doute , il existe bien des omissions dans cette revue de plus
de 700 communes; mais je n'ai jamais eu la prétention de
tout voir ni de tout dire.
Il faut qu'une Stalistique monumentale, qui ne laisse de côté
aucune paroisse, qui les examine toutes l'une après l'autre,
ne soit pas chose facile, car depuis vingt ans que j'ai donné des
spécimens de celle-ci , et que j'ai invité les archéologues
français à entreprendre de semblables travaux , la Statistique
monumentale du Calvados est la seule encore qui ait paru.
Shf4 STATISTIQUE MOlNUMEN J ALt DU CALVADOS.
Je sais bien que plusieurs ouvrages descriptifs ont pris le
titre de Statistique monumentale, mais ils se bornent à
décrire une partie des monuments de la contrée qu'ils par-
courent : ce ne sont pas là des Statistiques monumentales
complètes.
Il faut du temps et du courage surtout pour faire la
Statistique monumentale d'un département tout entier. Je re-
mercie de nouveau MM. Bouet, Ch. Vasseur, Pannier et tous
ceux qui m'ont si bien secondé dans cette entreprise longue ,
fatigante et ingrate.
DE CAUMONT.
TABLE DES MATIERES
Pages.
CANTON DE LISIEUX
(lre section).
Ouillie-le-Vicomte. . . 2
Bouttcniont 10
Kocques 16
Fauguernon il\
Hermival 41
Les Vaux 52
Le Pin-en-Lieuvin. . . 55
Moyaux 65
Furaichon 73
Ouillie -du-Houllcy. . . 77
St-Lcger-d'Ouillie. . . 90
Fii fol 91
Couitonne-la-Meuidrac. io5
St-Hippolyte-de-Cante-
loup .116
St-Pierie-de-Canteloup. 118
L'Hôlellerie. ..... 122
Pages.
Marolles 1 33
Cii fontaine i45
Villers-sur-Glos .... i5o
Mesnil-Gnillaume. . . . i55
Glos 162
Beuvillers 175
CANTON DE LISIEUX.
(2e SECTION).
Lisieux 182
La Pommeraye 3o5
St Marlin-dela-Lieue. . 3oq
Sl-Hippolyle -du-Bout -
des-Prés 5 12
St-Jean de-Livet . . . . 517
St-Gennain-de-Livet. . 32o
Piêtreville 54 1
Le Mesnil-Eudes. . . . 3/J9
Lessard-le-Chêne. . . . 354
St-Pierre-des-Ifs. . . . 36o
8^6 TABLE DES MATIÈRES.
Le Prédauge 565 Le Mesnil-Mauger . . . 4^»
La Boissière 38o Percy 49°
La Houblonnière. . . . 082 Sta-Marie-aux- Anglais., 492
La Molte-en-Augc . . . 388 Doux-Marais 5o2
Les Monceaux 589 Grandchamp 5o5
Le Mesnil-Simon. . . . 5g2 St-Julien-le-Faucon .. . 5o8
Cou pesa r te 5io
CANTON DE MÉZIDON. Castillon 5l5
Lécaude 598
St-Crespio 4°4
Cerqueux 4°5
Mouleilles Id.
Livaye 4()9
St-Aubin-sur-Algot. . . 411
St-Pait-du-Mont . . . . /^i5
St-Loup-de-Fribois et
Crèvecœur 4 ' 7
Biéville ^i5
Querville 42^
Quetiéville ^26
Magny-le-FreuIe. . . . ^18
Bissières 454
Méry-Corbon 455
Croissan ville 444
Canon-aux-Vignes . . . /±5i
St-Pierre-du-Breuil. . . 4^9
Mézidon (chef-lieu). . . 4^4
Ecajeul 4^7
Plainville 47^
St-Maclou 477
Mirebelle 47^
Soquence 4^°
CANTON DE ST-PIERRESURD1VE
Vieux-Pont 5i5
Ouville-la-bien-Tournée 522
Thiéville 527
Bretteville-sur-Dive. . . 55o
Donville 55 1
Carel 532
St-Pierre-sur-Dive (chef
lieu) 554
Hiéville 569
Beiville 070
Mithois 575
Escots 58o
Lieurey 584
Tôles \ . . 588
Va u déloges 589
Réveillon 592
Amraeville 695
Abbeville 595
Grandmesnil 596
Garnetot 597
Notre-Dame-de- Fresuay 599
St-Martin-de-Fresnay. . 600
TABLE DES
St-Georges-en-Auge. . . 601
Le Tilleul 602
Montpinçon .. 6o5
Montviette 6o5
Les Autels 607
LaGravelle Id.
Boissey 609
St-Margueriie-de- Vielle . 610
CANTON DE LIVAROT.
St-Martin-des-Noyer». . 61 5
St-Michel-de-Livet. . .617
Le Mesuil-Bacley. . . . 622
Heurlevent 627
Toi lisambei t 63 1
St-Basile 654
La Chapelle-Haute-Grue 638
Ste - Foix de- Monlgorn-
mery 640
St- Germain -de- Monl -
gommer y 649
Lisores 654
Sl-Ouen-le-Hoult. . . . 609
La Brevière 663
Li va roi (chef-lieu) . . . 668
Sl'-Marguerite-des- Loges 6^6
Mesoil-Durand 693
Le Mesnil-Germain. . . 697
Auquainville 701
Si- A ubin-d' Auquainville 708
Fer vaques 710
Chefl'revillc 720
MATIÈRES. 8^7
Tonancourl 72 1
Belloti 724
Bellouel 726
Courson 73o
Les Mouliers-Huberl . . 740
CANTON D'ORBEC.
Préaux 44?
Meulles 750
Familly 754
La Halboudière 760
Li Follelière-Abenon. . 764
Abenou 767
Friardel 768
La Vespière 777
Cerqueux 779
Orbcc (chef-lieu). ... 781
La Cressonnière 796
Cerna y 801
Bien (ai te 804
Toidouel 808
Le Ronceray 8i3
La Croupte 8» 5
St-Pierre-de-Mailloc. . . 817
La Chapelle-Yvon . . . 822
St-Julien-de-Mailloc. . . 827
St-Mari.n-dc-Mailloc. . 83 1
St-Dcnis-de-Mailloo. . . 834
St-Puul-de-Coui tonne. . 858
Courtonoe la -Ville.. . . 840
Cordebugle 84 1
Caen, typ. F. Le Blanc-Hardel,
,*4i
La Bibliothèque
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Echéance
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Date Due
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CE DC 0611
.C167C3 1846
COU CAUMUNT,
ACC# 1326457
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